s`agit-il de la même entité clinique

publicité
Les Séminaires Ophtalmologiques d’IPSEN, tome 10
« Vision, génome et cerveau »
Y. Christen, M. Doly, M.-T. Droy-Lefaix, eds
© 1999, Irvinn, Paris
A propos de quatre cas
associant amblyopie, dyschromatopsie
et atteinte de l’ERG :
s’agit-il de la même entité clinique ? Laquelle ?
Samuel Majzoub, Marie-Paule Delplace, Florence Bourcier
Service d’Explorations Fonctionnelles Ophtalmologiques, CHU Bretonneau
2 boulevard Tonnelé, 37044 Tours Cedex, France
RÉSUMÉ – Nous rapportons quatre observations pour lesquelles nous n’avons pas actuellement
le diagnostic de certitude, mais elles présentent des similitudes qui incitent à évoquer un cadre
nosologique commun. Elles intéressent des garçons âgés de 8 à 10 ans, adressés par leur ophtalmologiste pour une mauvaise acuité visuelle de loin (autour de 4/10), dont le caractère acquis est
difficile à confirmer avec conservation de la vision de près. Le bilan a constamment retrouvé : une
altération de la vision des couleurs ; une baisse de la sensibilité du champ visuel central, sans déficit localisé ; une atteinte de l’électrorétinogramme touchant l’ensemble des réponses photopiques
et les réponses scotopiques aux stimulations aux grandes longueurs d’ondes ; une absence d’anomalie angiofluorographique. Plusieurs hypothèses sont évoquées : une pathologie congénitale non
évolutive de type achromatopsie incomplète ; une pathologie acquise débutante : dystrophie progressive des cônes ou dystrophie mixte des cônes et des bâtonnets prédominant sur les premiers ;
ou s’agit-il d’une entité clinique peu connue et plus rare ? Seul le suivi à long terme et la confrontation de leur évolution apporteront probablement la réponse.
ERG, Dyschromatopsie, Amblyopie
Introduction
Nous rapportons quatre observations pour lesquelles nous n’avons pas actuellement de
diagnostic de certitude, mais elles présentent des similitudes qui incitent à évoquer un
cadre nosologique commun. Nous développerons ces différentes situations cliniques et
nous discuterons les hypothèses envisageables.
152
S Majzoub et coll.
Matériel et méthode
Ces observations intéressent des garçons âgés de 8 à 10 ans, adressés par leur ophtalmologiste pour une mauvaise acuité visuelle de loin, autour de 4/10, dont le caractère
acquis est difficile à confirmer avec conservation de la vision de près.
Le bilan réalisé a comporté chaque fois un examen clinique, un champ visuel statique
central complété éventuellement par un champ visuel Goldmann, une étude de la vision
des couleurs au 15 hue désaturé et au test d’Ishihara, un électrorétinogramme et un
électro-oculogramme sensoriel, une angiofluorographie rétinienne et un examen neuroradiologique.
Patient no 1
Il s’agit d’un garçon âgé de 9 ans sans antécédents familiaux. L’interrogatoire ne retrouve
pas de signes fonctionnels tels que photophobie ou héméralopie. L’examen clinique ne
met pas évidence de nystagmus. L’acuité visuelle avec correction est de 3/10 P2 à l’œil
droit et à l’œil gauche. Le champ visuel montre une diminution de la sensibilité centrale
sans déficit localisé. L’étude de la vision des couleurs réalisée au test de 15 hue désaturé et au test d’Ishihara met en évidence quelques erreurs non systématisées.
L’électrorétinogramme est anormal avec absence de toute onde b scotopique ou photopique en réponse aux stimulations de grandes longueurs d’ondes. L’atteinte des composantes photopiques est plus marquée avec absence de toute réponse au flicker 30 Hz.
L’électro-oculogramme sensoriel présente un rapport d’Arden réduit à 131 et 143 %.
L’angiofluorographie de la rétine ne montre qu’une simple atrophie diffuse de l’épithélium pigmentaire. Le scanner cérébro-orbitaire a éliminé toute cause intra-crânienne à
l’origine de cette amblyopie.
Patient no 2
Il s’agit d’un garçon âgé de 8 ans sans antécédents familiaux. L’interrogatoire ne retrouve
pas de signes fonctionnels tels que photophobie ou héméralopie. L’examen clinique ne
met pas en évidence de nystagmus. L’acuité visuelle avec correction est de 5/10 P2 à
l’œil droit et à l’œil gauche. Le champ visuel montre un écrêtage maculaire à 27 db.
L’étude de la vision des couleurs au test 15 hue désaturé met en évidence une dyschromatopsie d’axe tritan ; le test d’Ishihara n’a pas été réalisé. L’électrorétinogramme est
anormal pour l’ensemble des composantes photopiques, alors que les réponses des bâtonnets sont présentes sauf en rouge. Les potentiels oscillatoires sont altérés. Le rapport
d’Arden à l’électro-oculogramme est subnormal à 170 et 175 %. L’angiofluorographie
rétinienne est normale. Le bilan neuroradiologique comportant un scanner et une IRM
cérébro-orbitaires est resté normal.
Nous avons revu cet enfant à quatre ans d’intervalle : l’ensemble du bilan est resté parfaitement stable en dehors d’une aggravation du score du test 15 hue désaturé.
Patient no 3
Il s’agit d’un garçon âgé de 10 ans sans antécédents familiaux. L’interrogatoire ne
retrouve pas de signes fonctionnels tels que photophobie ou héméralopie. L’examen cli-
Posters
153
nique ne met pas en évidence de nystagmus. L’acuité visuelle avec correction est de 3/10
P2 à l’œil droit et à l’œil gauche. Le champ visuel montre une diminution de la sensibilité centrale avec écrêtage maculaire. L’étude de la vision des couleurs met en évidence au test 15 hue désaturé des erreurs sans axe alors qu’au test d’Ishihara il existe
une dyschromatopsie type Rouge-Vert. L’électrorétinogramme est anormal pour l’ensemble des réponses des cônes, alors que les composantes liées aux bâtonnets sont
normales sauf au rouge. L’angiofluorographie rétinienne est sans particularité. L’IRM
cérébro-orbitaire est normale.
Patient no 4
Il s’agit d’un garçon âgé de 9 ans sans antécédents familiaux. L’interrogatoire ne retrouve
pas de signes fonctionnels tels que photophobie ou héméralopie. L’examen clinique ne
met pas en évidence de nystagmus. L’acuité visuelle avec correction est de 9/10 P2 à
l’œil droit et 5/10 P4 à l’œil gauche. Le champ visuel est normal. L’étude de la vision
des couleurs met en évidence un axe deutan au test 15 hue désaturé et une dyschromatopsie de type Rouge-Vert au test d’Ishihara. L’électrorétinogramme est anormal pour
l’ensemble des réponses des cônes, alors que les réponses liées aux bâtonnets sont normales sauf pour le rouge. Le rapport d’Arden est normal à l’électro-oculogramme.
L’angiofluorographie rétinienne est normale. Le scanner cérébro-orbitaire est normal.
Résultats
Ils sont résumés dans le tableau I et les tracés des différents patients (figs. 1-4).
Le bilan a constamment retrouvé : une altération de la vision des couleurs, une baisse
de la sensibilité du champ visuel central, sans déficit localisé, une atteinte de l’électrorétinogramme touchant l’ensemble des réponses photopiques et les réponses scotopiques
aux stimulations aux grandes longueurs d’ondes, une absence d’anomalie angiofluorographique.
Tableau I – Anomalies de l’ERG et de la vision des couleurs.
Patient
15 hue
désaturé
Ishihara
ERG cônes
ERG bâtonnets
Potentiels
oscillatoires
no 1
erreurs
erreurs
sans axe non systématisées
anormal
anormal pour les
grandes longueurs
d’ondes
altérés
no 2
axe tritan
-
anormal
normal
sauf en rouge
altérés
no 3
erreurs
sans axe
dyschromatopsie
R-V
anormal
normal
sauf en rouge
altérés
axe deutan dyschromatopsie
R-V
anormal
normal
sauf en rouge
altérés
no 4
Fig. 1 – Patient no 1.
154
S Majzoub et coll.
Fig. 2 – Patient no 2.
Posters
155
Fig. 3 – Patient no 3.
156
S Majzoub et coll.
Fig. 4 – Patient no 4.
Posters
157
158
S Majzoub et coll.
Discussion
A côté des caractéristiques communes déjà signalées et qui occupent le premier plan de
ces observations, permettant légitimement de les rapprocher, quelques données les distinguent et suscitent à évoquer plusieurs diagnostics :
– Une pathologie congénitale non évolutive de type achromatopsie incomplète (1, 3) :
ce diagnostic semble vraisemblable chez le patient no 2, le recul de plus de 4 ans avec
une stabilité des troubles est en faveur de cette pathologie congénitale. Bien qu’il s’agisse
d’un garçon, l’existence d’un axe tritan à la vision des couleurs est contre le diagnostic
d’un monochromatisme au bleu (5).
– Une pathologie acquise débutante : dystrophie progressive des cônes (2, 4) ou dystrophie mixte des cônes et des bâtonnets prédominant sur les premiers. Vu le niveau
d’acuité visuelle, une dystrophie des cônes (4, 6) aurait déjà une répercussion angiofluorographique, ce qui n’est le cas chez aucun des quatre patients. Le diagnostic de dystrophie mixte nous paraît tout à fait envisageable chez le patient no 1 : l’atteinte non
négligeable des composantes scotopiques associée à l’atteinte prédominante des composantes photopiques de l’électrorétinogramme et la réduction nette du rapport d’Arden
sont en faveur de cette hypothèse. Enfin en faveur d’une pathologie acquise et évolutive, on peut retenir la forte asymétrie de l’atteinte actuelle entre les deux yeux chez le
patient no 4.
– Ou s’agit-il d’une entité clinique peu connue et plus rare ? car en effet dans l’état
actuel, aucun diagnostic ne peut être porté avec certitude et, malgré les différences que
nous venons d’aborder, des similitudes troublantes persistent entre ces observations.
Conclusion
Nous nous proposons de revoir régulièrement ces patients car il nous semble que seuls
leur suivi à long terme et la confrontation de leur évolution apporteront probablement la
réponse.
Références
1. Andreasson S, Tornquist K (1991) Electroretinograms in patients with achromatopsia. Acta
Ophthalmol (Copenh) 69 (6), 711-716.
2. Carr RE, Siegel IM (1990) Disorders of the Cone System. In : Electrodiagnostic Testing of the
Visual System, A Clinical Guide (Carr RE, Siegel IM, eds), FA Davis Company, Philadelphia,
125-130.
3. François J, Derouck A, Cambie E, Zanen A (1974) Anomalies fonctionnelles congénitales :
monochromatisme et dyschromatopsies congénitales. In : L’électrodiagnostic des affections rétiniennes (François J, Derouck A, Cambie E, Zanen A, eds), Masson, Paris, 205-215.
4. Heckenlively JR (1991) Cone dystrophies and dysfunction. In : Principles and Practice of
Clinical Electrophysiology of Vision (Heckenlively JR, ed.), Mosby YearBook Inc., St Louis,
537-543.
5. Jimenez-Sierra JM, Ogden TE, Van Boemel GB (1989) Inherited Retinal Diseases : A diagnostic
Guide. Mosby Company, St Louis.
6. Kellner U, Kleine-Hartlage P, Foerster MH (1992) Cone dystrophies : clinical and electrophysiological findings. Ger J Ophthalmol 1 (2), 105-109.
Téléchargement