PRISE EN CHARGE DU DIABÉTIQUE NON INSULINODÉPENDANT (TYPE 2) Michel Carles, Livu Dimache, Marc Raucoules-Aimé Département d’Anesthésie-Réanimation du CHU de Nice, Hôpital l’Archet 2, 151 Route Saint Antoine Ginestière, 06202, Nice Cedex 3, France. E-mail : [email protected] INTRODUCTION Le diabète de type 2 est une maladie lourde de conséquences par ses complications. Il constitue un problème de santé publique dont le poids humain et économique va croissant. Ses complications en font une maladie dont la morbidité et mortalité sont fortement accrues par rapport à la population générale. Pour les complications cardio-vasculaires, le risque est multiplié par un facteur de 2 à 3. Le diabète de type 2 est la première cause de mise en dialyse en France, et le risque d’amputation de membre est multiplié par 10. Enfin, les complications oculaires en font une des premières causes de cécité ou d’altération de l’acuité visuelle. On estime à environ 7 ans le retard au diagnostic dans cette affection. Aux Etats-Unis, des études longitudinales de suivi de sujets ayant été diagnostiqués comme diabétiques sur un test d’hyperglycémie provoquée orale (HGPO) pathologique, ont montré que le délai moyen entre la découverte biologique et le diagnostic clinique de diabète de type 2 est de 10 ans. Dans ces conditions, les complications micro et macrovasculaires commencent à se développer avant que le diagnostic de diabète de type 2 n’ait été porté, expliquant en grande partie la morbidité importante de cette affection. Ainsi, au moment du diagnostic clinique du diabète, la rétinopathie est présente chez 10 à 29 % des patients et la protéinurie est détectée chez 10 à 37 % des sujets. Quant aux complications macrovasculaires (coronaropathie, artériopathie périphérique), elles débutent encore plus précocement dès le stade de l’intolérance au glucose. Cette affection s’associe fréquemment à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire : parmi les adultes porteurs d’un diabète de type 2 non diagnostiqué, 61 % déjà sont hypertendus, 50 % hypercholestérolémiques, 30 % hypertriglycéridémiques. Une fois le diabète diagnostiqué, 50 % à 74 % sont hypertendus et 38 % à 60 % selon les pays sont porteurs d’une dyslipidémie [1]. Ces données expliquent pourquoi les critères diagnostiques de diabète (Tableau I) ayant prévalu jusqu’alors (glycémie > 1,4 g.l-1) ont dû être révisés à la baisse car ils ont contribué au retard de prise en charge de cette affection (cf. chapitre suivant). 384 MAPAR 2006 TABLEAU I Critères diagnostiques du diabète Les anciens critères diagnostiques (OMS, Technical report 1980) Était considéré comme diabétique, un sujet présentant à deux reprises : • une glycémie à jeun supérieure à 7,8 mmol.l-1 (1,40 g.l-1) • ou une glycémie deux heures après la prise orale (charge) de 75 g de glucose, supérieure à 11 mmol.l-1. Les nouveaux critères proposés par l’American Diabetic Association (ADA, 1997) et l’ANAES (1998) Est considéré comme diabétique, un sujet présentant à deux reprises : • une glycémie à jeun (au moins 8 heures de jeûne) > 7 mmol.l-1 (> 1,26 g.l-1) Est considéré comme normal : • un sujet ayant une glycémie à jeun < 6,1 mmol.l-1 (< 1,10 g.l-1) Sont considérés comme ayant une glycorégulation anormale : • les sujets ayant une hyperglycémie modérée à jeun : glycémie > 6,1 mmol. l-1 et < 7 mmol.l-1 (>1,10 g.l-1 et < 1,26 g.l-1) • les sujets ayant une intolérance au glucose: glycémie à jeun < 7 mmol.l-1 (< 1,26 g.l-1) et glycémie deux heures après la prise de 75 g de glucose > 7,6 mmol.l-1 (> 1,40 g.l-1) et < 11,1 mmol.l-1 (< 2 g.l-1). Cette modification des critères diagnostiques conduit aussi à une révision de la classification des diabètes et à une réévaluation des données épidémiologiques. La précocité du diagnostic et de la prise en charge ainsi que la globalité des actions thérapeutiques conditionnent à l’avenir le pronostic de ces patients. Quant au risque opératoire, il est essentiellement lié aux complications dégénératives du diabète en particulier cardio-vasculaires ou affectant le système nerveux autonome. Dans ce contexte l’évaluation préopératoire est fondamentale. Par ailleurs, la place de l’anesthésie locorégionale est aujourd’hui réhabilitée et les niveaux du contrôle glycémique en per et postopératoire sont maintenant aussi bien définis. 1. DIAGNOSTIC, CLASSIFICATION ET ÉPIDÉMIOLOGIE DU DIABÈTE Le diabète est une affection métabolique caractérisée par la présence d’une hyperglycémie chronique résultant d’une déficience de sécrétion d’insuline, d’anomalies de l’action de l’insuline sur les tissus cibles, ou de l’association des deux. Le diagnostic du diabète repose donc sur la mesure de la glycémie réalisée soit à jeun, soit deux heures après ingestion de 75 grammes de glucose (test d’hyperglycémie provoquée orale : HGPO). En l’absence de symptômes cliniques, le diagnostic de diabète, avant d’être retenu, doit être confirmé par une deuxième mesure montrant un nouveau résultat anormal. La classification du diabète comporte schématiquement deux formes : le diabète de type 1 anciennement appelé diabète insulinodépendant ou diabète juvénile, qui représente environ 10 % des cas (150 000 personnes en France) et débute habituellement avant 30 ans, et le diabète de type 2 anciennement dénommé diabète non insulinodépendant ou diabète de la maturité qui représente environ 90 % des cas (1 300 000 personnes en France). Questions pour un champion en anesthésie 385 La prévalence du diabète de type 2 diagnostiqué est proche de 3 % dans la population française. La population à risque de diabète de type 2 correspond essentiellement à la population des obèses. La prévalence de l’obésité (indice de masse corporelle > 30 kg.m-²) dans la population adulte française est estimée à plus de 10 %. Si le diabète de type 1 est habituellement reconnu devant des symptômes (amaigrissement, polyurie, polydypsie) le diabète de type 2 est le plus souvent asymptomatique et diagnostiqué fortuitement, à l’occasion d’une prise de sang lors d’un bilan systématique en particulier avant un acte chirurgical. Le nombre de diabétiques méconnus ne dépasse probablement pas 500 000. 2. LES LÉSIONS DÉGÉNÉRATIVES ET L’ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE 2.1. L’ATTEINTE CARDIO-VASCULAIRE L’atteinte cardio-vasculaire fait toute la gravité et la difficulté de prise en charge péri-opératoire du patient diabétique. 2.1.1. L’ATTEINTE CORONARIENNE L’étude Framingham a montré que le risque de maladie coronaire est multiplié par deux chez les diabétiques de sexe masculin, comparés à une population non diabétique de même âge [2]. Le risque est multiplié par trois, chez les femmes diabétiques après la ménopause. Cette étude a, pour la première fois, souligné la fréquence des morts subites et le caractère volontiers atypique de la sémiologie de l’ischémie myocardique chez les diabétiques. Au cours des 20 dernières années, d’innombrables études épidémiologiques ou d’interventions thérapeutiques portant sur de grandes cohortes de diabétiques ont confirmé le risque coronarien. En 1993, l’étude MRFIT a montré que sur une période de suivi de 12 ans, l’incidence de la maladie coronaire était multipliée par 3,2 chez des hommes diabétiques comparés à des hommes non diabétiques, strictement appariés. Cette étude a également démontré que le diabète de type 2 était un facteur de risque coronarien majeur et indépendant [3]. Plus récemment dans l’étude épidémiologique UKPDS, chez des diabétiques de type 2 récemment diagnostiqués et des deux sexes, la maladie coronaire a été identifiée comme la cause principale de décès [4]. La fréquence et le mauvais pronostic de la maladie coronarienne sont donc augmentés chez les patients diabétiques qui viennent à la chirurgie et ceci d’autant plus qu’ils sont âgés. Trois points concernant leur prise en charge en périopératoire sont à souligner. Le premier porte sur le dépistage en préopératoire de l’ischémie myocardique silencieuse (IMS), le second sur la place de l’angioplastie dans le traitement des lésions coronaires, le troisième concerne la place des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) après infarctus du myocarde. Le diagnostic d’IMS doit être porté chez un malade ayant des lésions significatives, alors que le malade n’a aucun symptôme clinique thoracique, au repos, à l’effort, ou au froid, qu’il n’a pas de cardiomyopathie ou de valvulopathie [5]. Son ECG de repos est soit normal, soit le siège d’anomalies évocatrices d’une ischémie myocardique. Les malades diabétiques qui se plaignent à l’effort, au froid, d’une dyspnée invalidante, de palpitations, d’une gêne thoracique, même si celle-ci n’a pas les caractéristiques habituelles de la douleur angineuse, ne rentrent pas dans le cadre du dépistage de l’IMS. Ils sont d’emblée suspects d’une maladie coronaire à confirmer ou à infirmer par un enregistrement électrocardiographique au cours d’une épreuve d’effort. 386 MAPAR 2006 Le dépistage de l’IMS, doit être effectué pour les hommes, chez les diabétiques de type 2, âgés de plus de 60 ans, artéritiques, ou ayant fait un AVC ayant laissé peu de séquelles. Chez ces patients, une maladie coronaire est diagnostiquée dans 50 % des cas ; les diabétiques micro albuminuriques ou protéinuriques dont le risque coronarien est multiplié par 2 à 3 sur une période de 10 ans par rapport à des diabétiques de type 2 normo-albuminuriques appariés ; enfin, les sujets cumulant tabagisme, HTA et hyperlipidémie. Pour les femmes âgées de plus de 65 ans, le dépistage de l’IMS doit être pratiqué chez les femmes ayant eu une ménopause précoce, non substituée ; artéritiques, ou ayant fait un AVC ; protéinuriques avec ou sans insuffisance rénale. Pour dépister l’ischémie myocardique silencieuse, on dispose de quatre méthodes d’investigation non invasives. Ces examens ne doivent être prescrits que si le malade a préalablement accepté que soit réalisée une coronarographie et éventuellement un geste de revascularisation, au décours d’un test indiscutablement positif. L’enregistrement Holter des 24 heures possède une bonne spécificité mais une sensibilité très faible pour le diagnostic de maladie coronaire ; il est de peu d’intérêt. L’échocardiographie de stress est un examen séduisant, mais sa spécificité et sa sensibilité n’ont pas été évaluées chez les patients diabétiques. L’enregistrement électrocardiographique au cours d’une épreuve d’effort est un examen facilement réalisable et d’un coût raisonnable. A la condition qu’elle soit maximale et qu’elle soit réalisée après l’arrêt des anti-ischémiques, en particulier les bêta-bloquants, depuis au moins 48 heures, elle possède une excellente valeur prédictive négative de l’ordre de 85 %. Une épreuve d’effort maximale négative dans les conditions précitées, permet en pratique d’éliminer le diagnostic de maladie coronaire. La scintigraphie myocardique n’est réalisable que dans les centres de médecine nucléaire. Ses performances sont légèrement supérieures à celle de l’épreuve d’effort. En pratique, elle doit être réservée aux diabétiques dont l’épreuve d’effort sera impossible ou ininterprétable. La coronarographie n’est pas un examen de dépistage de l’IMS, mais elle est indispensable pour préciser le siège, le degré et l’étendue des sténoses coronaires lorsque l’épreuve d’effort et/ou la scintigraphie myocardique ont suggéré une ischémie myocardique. Cet examen est nécessaire pour dépister les faux positifs des scintigraphies myocardiques dont le pourcentage est directement corrélé avec l’expérience de l’équipe ayant réalisé l’épreuve. La coronarographie est également indispensable pour poser les indications d’une revascularisation myocardique. La coronarographie justifie des précautions d’emploi, tant en ce qui concerne la prévention des épisodes d’insuffisance rénale aiguë iatrogénique, que l’utilisation des antidiabétiques oraux. Concernant la place respective de l’angioplastie et du pontage aorto-coronarien, en termes de réduction de mortalité, il semble que globalement les diabétiques tirent le même bénéfice que les non diabétiques des pontages aorto-coronariens (en particulier les greffons artériels) et des dilatations endoluminales avec pose de stents (réduction de la mortalité de 44 % après pontage aorto-coronarien) [6, 7]. Les résultats préliminaires obtenus avec les stents actifs dans la population diabétique sont prometteurs. Cependant une étude a Questions pour un champion en anesthésie 387 comparé l’angioplastie au pontage aorto-coronarien chez 2600 diabétiques qui présentaient une atteinte pluritronculaire [8]. Cette étude confirme la mortalité élevée péri-opératoire après pontage (5 %) mais montre aussi que, chez les diabétiques traités par insuline, la survie à 5 ans et 10 ans est meilleure après pontage qu’après dilatation. Cependant dans la plupart des études sur le diabète et la chirurgie coronarienne, d’importants facteurs additionnels n’ont pas été pris en compte. Par exemple l’incidence et le degré d’hypertension artérielle, la présence d’une dysfonction ventriculaire, ou encore la sévérité des lésions coronariennes. Il convient d’être prudent sur le pronostic d’un pontage coronarien chez le diabétique ayant une mauvaise fonction ventriculaire, puisque la mortalité, dans certaines études, atteint 10 à 15 %. Les données de l’étude GISI-3 sur la capacité des IEC (lisinopril) de réduire la mortalité dans le post infarctus du myocarde apparaissent transposables au diabétique [9]. L’étude du sous-groupe des 2790 diabétiques dont 2294 de type 2, montre une réduction de la mortalité à 6 mois de 3,2 % par rapport au groupe placebo. Les résultats de l’étude EUROPA suggèrent aussi un bénéfice de l’utilisation des IEC (périndopril) chez le patient diabétique coronarien stable en termes de diminution des événements cardio-vasculaires majeurs [10]. 2.1.2. L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE L’hypertension artérielle (définie par une pression artérielle ≥ 140/90 mmHg à au moins trois consultations) est d’une grande fréquence au cours du diabète de type 2 affectant 40 à 60 % des patients. A côté d’un lien génétique fort entre diabète de type 2 et hypertension artérielle, un certain nombre de facteurs ou de causes peuvent rendre compte de la survenue ou de l’aggravation d’une hypertension artérielle chez un diabétique : obésité, hypersécrétion freinable de catécholamines, néphropathies (notamment vasculaires), syndrome d’apnée du sommeil, tabagisme, alcoolisme [11]. Elles représentent un facteur de risque majeur de survenue d’une atteinte coronaire et un facteur aggravant de la néphropathie, de la rétinopathie et de la cardiopathie diabétiques. L’étude UKPDS a montré que le niveau tensionnel optimal pour prévenir les complications micro ou macroangiopathiques ou éviter leur progression était une pression artérielle inférieure à 139/81 mmHg [12]. Nous pouvons raisonnablement nous fixer le respect de cet objectif en péri-opératoire. Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’un abaissement de la pression artérielle systolique en dessous de 140 mmHg peut être difficile à obtenir, notamment chez le sujet âgé. Quoi qu’il en soit le contrôle de cette hypertension artérielle est indispensable en préopératoire pour éviter, en association avec une neuropathie dysautonomique, une instabilité hémodynamique peropératoire et des complications coronariennes et rénales. Le traitement en première intention de l’hypertension artérielle du diabète de type 2 repose sur l’un des médicaments suivants : bêta-bloquant cardiosélectif, diurétique thiazidique, IEC, inhibiteur calcique, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II. Une association d’antihypertenseurs est le plus souvent nécessaire et tout médicament antihypertenseur efficace et bien toléré peut être utilisé chez l’hypertendu diabétique. Il est recommandé d’inclure un diurétique thiazidique dans les associations [1]. Il n’y a pas d’effet délétère des diurétiques thiazidiques chez les diabétiques de type 2. L’administration de faibles doses d’aspirine 388 MAPAR 2006 (75 mg.j-1) est recommandée chez le diabétique de type 2 hypertendu en prévention cardio-vasculaire primaire [1]. 2.1.3. LA PATHOLOGIE MYOCARDIQUE ET L’INSUFFISANCE CARDIAQUE 2.1.3.1. La cardiomyopathie diabétique Il est décrit, en peropératoire, des tableaux de défaillance cardiaque gauche avec troubles du rythme en l’absence de toute cardiopathie hypertensive ou ischémique. La diminution de la performance du ventricule gauche est davantage secondaire à un défaut de remplissage ventriculaire gauche qu’à une diminution de la contractilité ou à une augmentation de la post charge. L’importance des anomalies de la performance du ventricule gauche est corrélée à la sévérité de la microangiopathie au niveau de la rétine du patient ainsi qu’à la qualité de l’équilibre glycémique [13]. Des lésions importantes au fond d’œil imposent donc la réalisation d’une échocardiographie doppler avant une chirurgie majeure ou potentiellement hémorragique. Une fraction d’éjection au repos < 35 % représente un facteur de risque opératoire majeur. 2.1.3.2. L’insuffisance cardiaque congestive Elle est deux fois plus fréquente chez le diabétique de sexe masculin et cinq fois plus fréquente chez la femme diabétique comparativement à la population non diabétique d’où la nécessité d’une évaluation cardiologique soigneuse en préopératoire à la recherche notamment d’une pathologie coronaire associée. Les IEC sont les premières molécules ayant démontré dans des essais contrôlés leur capacité à réduire la mortalité globale cardio-vasculaire et le risque d’apparition de récidive d’une insuffisance cardiaque sévère dans la population générale des insuffisants cardiaques. L’analyse par sous-groupes a montré leur aptitude à améliorer les paramètres cliniques et hémodynamiques chez les diabétiques avec dysfonction systolique mais aussi diastolique isolée ou faisant suite à un infarctus du myocarde [14]. L’étude DIG a montré, dans la population générale des insuffisants cardiaques, une diminution des poussées d’insuffisance cardiaque chronique chez les patients traités par digoxine quelle que soit l’étiologie de la cardiopathie, que les patients soient en rythme sinusal ou aient une fibrillation auriculaire [15]. Malgré l’absence d’essai contrôlé dans l’insuffisance cardiaque, les diurétiques sont utilisés dans les poussées congestives comme dans les phases stables de l’insuffisance cardiaque chronique. Les diurétiques de l’anse sont les plus utilisés. En phase chronique stable, la dose utile la plus faible devra être recherchée. L’ajout d’anti-aldostérone vient d’être montrée efficace dans cette pathologie dans la population générale mais nécessite une grande prudence lors d’association aux IEC. Deux études récentes ont montré une réduction de la mortalité de 65 % avec des doses croissantes initialement faibles de bêta-bloquants. 2.2. LA NEUROPATHIE SENSITIVOMOTRICE Les neuropathies périphériques (mono ou polynévrites) sont fréquentes puisqu’elles sont observées chez environ 50 % des patients diabétiques après 15 ans d’évolution. La plupart des atteintes neuropathiques du diabète restent asymptomatiques et sont simplement découvertes par examen systématique. La neuropathie diabétique, qui prédomine habituellement aux membres inférieurs, peut entraîner des douleurs nocturnes invalidantes, mais surtout, la neuropathie diabétique prédispose aux plaies du pied. Les ulcères du pied font courir un Questions pour un champion en anesthésie 389 risque important d’amputations, surtout si le sujet est de plus atteint d’artérite des membres inférieurs, qui sont des causes majeures d’incapacité et d’hospitalisation. Chez le patient diabétique, le risque d’amputations est multiplié par 10 à 15. Le dépistage en préopératoire de cette neuropathie périphérique est important en raison des implications possibles avec l’anesthésie locorégionale (cf. chapitre 4.3). 2.3. LA FONCTION RÉNALE L’évolution de la néphropathie diabétique se fait en quelques années vers l’insuffisance rénale chronique, et le diabète représente environs 15 % des mises en hémodialyse en France. Les mécanismes de la néphropathie du diabète de type 2 apparaissent plus complexes que ceux du diabète de type 1. La néphropathie du diabète de type 2 associe à des degrés divers : • Des lésions de micro-angiopathie diabétique de mêmes mécanismes que dans la forme insulinodépendante. • Une hyperfiltration rénale liée à l’obésité. • Un athérome rénal favorisé par la dyslipidémie, l’hypertension artérielle et le tabagisme. • Une atteinte interstitielle, fréquemment séquellaire d’infections urinaires hautes parfois latentes. La vitesse d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale est identique quel que soit le type de diabète [16]. Par contre, le tabagisme a été identifié comme un facteur favorisant la survenue de la néphropathie car il aggrave la microangiopathie rénale. L’hypertension artérielle accompagne et aggrave la néphropathie diabétique dont le tournant évolutif est marqué par l’apparition d’une microalbuminurie (> 20-200 µg.min-1) [1]. Chez ces patients les IEC sont habituellement prescrits, seul ou en association à un traitement antihypertenseur même si celui-ci était déjà efficace. Les IEC, probablement par un effet de réduction de la pression intraglomérulaire, permettent de diminuer la microalbuminurie, de stabiliser voire d’améliorer la fonction rénale. Les sartans (ARA II) font l’objet d’études prospectives récentes. L’irbesartan à la dose de 300 mg réduit significativement le risque de survenue d’une néphropathie [17]. Ce bénéfice paraît indépendant de l’effet antihypertenseur. 2.4. LA RECHERCHE D’UNE INTUBATION DIFFICILE Il est classique de dire que l’intubation trachéale est 10 fois plus difficile chez le patient diabétique. Ces difficultés d’intubation sont liées à une glycosylation protéique non enzymatique, l’hyperglycémie favorisant la constitution d’un réseau de collagène anormalement résistant au niveau articulaire. La raideur articulaire débute et prédomine aux mains. Elle touche en premier, symétriquement, les métacarpophalangiennes et les interphalangiennes proximales des cinquièmes doigts, puis s’étend aux autres doigts. Elle se traduit par l’impossibilité d’affronter les faces palmaires des mains et des articulations interphalangiennes, réalisant le signe de la prière. Ce signe doit être considéré comme prédictif d’intubation difficile. Au niveau du rachis cervical, il existe une fixation de l’articulation atlantooccipitale et un défaut d’extension et de flexion de la tête sur les premières vertèbres cervicales, rendant difficile voire impossible l’intubation. Toute tentative pour mettre la tête en hyperextension entraîne une voussure antérieure de la colonne cervicale, et un déplacement dans le même sens du larynx, diminuant 390 MAPAR 2006 l’exposition des cordes vocales. Une altération des fibres de collagène au niveau du larynx participerait aussi aux difficultés d’intubation. Toutefois les études qui rapportent une incidence élevée d’intubation difficile sont anciennes. Warmer et al dans une étude prospective récente incluant 725 patients diabétiques bénéficiant d’une intubation pour transplantations rénale ou pancréatique ne retrouvent qu’une incidence de 2,1 % de laryngoscopie difficile [18]. Le plus important est probablement de rechercher les signes prédictifs d’intubation difficile spécifiques aux patients diabétiques, comme le signe de la prière ou le palm print. Si ceux-ci sont présents, le risque d’intubation difficile est réel. Si l’examen est négatif le meilleur rapport sensibilité/spécificité est l’ancienneté du diabète. Au delà de 10 ans, le risque d’intubation difficile est accru [18]. 3. LES COMPLICATIONS DÉGÉNÉRATIVES ET LE RISQUE OPÉRATOIRE 3.1. LE RISQUE INFECTIEUX Chez le diabétique, les infections représentent les deux tiers des complications postopératoires et 20 % des décès en péri-opératoire [19]. Les données expérimentales suggèrent une origine multifactorielle dans la survenue de ces infections. De nombreuses altérations de la fonction leucocytaire ont été montrées chez les diabétiques hyperglycémiques, parmi lesquelles une diminution du chimiotactisme, une altération de la phagocytose et une diminution de la capacité intracellulaire à lyser les staphylocoques et les pneumocoques. Lorsque l’on traite les diabétiques de façon à maintenir une glycémie en dessous de 13,7 mmol.l-1 (2,5 g.l-1), la fonction phagocytaire des polynucléaires est améliorée et la destruction intracellulaire des bactéries est restaurée à un niveau pratiquement normal. En chirurgie propre, il a été longtemps affirmé que les patients diabétiques étaient plus sujets aux infections (x 5). Cependant, lorsque l’on tient compte de l’âge et des atteintes dégénératives préexistantes, il n’existe plus de différence. Récemment en chirurgie cardiaque après sternotomie le taux d’infection de la paroi a été retrouvé plus élevé chez les patients diabétiques, mais l’incidence de l’infection a été réduite par un contrôle strict de la glycémie [20]. Un apport continu d’insuline à la pompe semblait plus efficace qu’un apport discontinu. L’infection urinaire étant l’infection la plus fréquemment retrouvée, la prescription d’une CBU en préopératoire doit être large, et même obligatoire en présence d’une vessie dysautonomique. Le sondage urinaire doit toujours être réfléchi, la recherche d’un globe doit être systématique en postopératoire. Aucune antibioprophylaxie en péri-opératoire n’est à prévoir du seul fait du diabète en dehors des indications reconnues et le taux d’infections nosocomiales doit pouvoir être diminué grâce à un développement plus large de l’anesthésie ambulatoire chez les patients diabétiques [21]. 3.2. LE RISQUE RESPIRATOIRE POSTOPÉRATOIRE Le diabète est un facteur de risque de survenue de complications respiratoires en postopératoire immédiat. Il semble que certains diabétiques dysautonomiques, aient une diminution de leur réponse ventilatoire à l’hypoxie et à l’hypercapnie. Il est par ailleurs noté une diminution, voire une absence de réactivité bronchique et du réflexe de toux lors de l’instillation trachéale d’acide Questions pour un champion en anesthésie 391 citrique chez ces mêmes patients. Un certain nombre des morts subites d’origine hypoxique périodiquement rapportées dans la littérature sont donc probablement en rapport avec les effets respiratoires résiduels de l’anesthésie ou avec des régurgitations passées inaperçues en raison de l’atteinte du réflexe de toux chez ces patients. Ceci doit rendre prudente l’utilisation des analgésiques morphiniques en postopératoire pour les patients dysautonomiques et impose de prévoir une surveillance stricte lors du réveil. En dehors de la dysautonomie, il a été décrit chez des patients diabétiques de type 1 et 2, une perte des propriétés élastiques du poumon. Il s’agit essentiellement d’une altération de la mécanique ventilatoire avec une diminution de la capacité vitale, du volume expiratoire maximum seconde ainsi qu’un trouble de la diffusion du CO. Ces altérations débutent très précocement dans la maladie diabétique, voire dès l’apparition des troubles de la tolérance glycémique et leur évolution est parallèle à la qualité de l’équilibre glycémique [22]. Habituellement ces altérations n’ont qu’un retentissement clinique mineur, tout au moins dans la mesure ou elles ne sont pas associées à d’autres facteurs de risque. Il n’est donc pas exclu qu’en postopératoire immédiat, ces altérations associées aux effets résiduels de l’anesthésie et au retentissement respiratoire d’une chirurgie abdominale ou thoracique puissent expliquer une fréquence plus élevée de complications respiratoires chez les patients diabétiques. 3.3. LE RISQUE LIÉ À LA NEUROPATHIE DYSAUTONOMIQUE 3.3.1. LA DYSAUTONOMIE CARDIAQUE La neuropathie diabétique dysautonomique est retrouvée chez 20 à 50 % des patients diabétiques hospitalisés [23]. Cette fréquence est encore plus élevée chez les diabétiques hypertendus (50 %). Une étude s’est intéressée à la morbidité et la mortalité chez des patients diabétiques et des patients hypertendus qui n’étaient pas diabétiques en chirurgie programmée (hors chirurgie cardiaque). Les patients diabétiques dysautonomiques n’ont pas présenté, en peropératoire, plus d’épisodes d’hypotension artérielle ou n’ont pas bénéficié plus fréquemment de vasopresseurs que les non diabétiques ou les diabétiques sans neuropathie dysautonomique. Cependant, 5 patients sur les 74 (7 %) ont présenté un arrêt cardiorespiratoire et/ou sont décédés en postopératoire. Tous ces patients avaient au moins deux tests explorant le système nerveux autonome anormaux et des antécédents d’infarctus du myocarde ou une cardiomégalie. Les causes de morts subites péri-opératoires sont bien connues chez ce type de patients. En dehors des problèmes respiratoires décrits au chapitre précédent, les diabétiques dysautonomiques sont exposés à la survenue d’infarctus du myocarde indolore et de troubles du rythme, en particulier de fibrillations ventriculaires. Ces anomalies du rythme sont liées à un déséquilibre entre le système vagal, dont l’activité est réduite, et le système sympathique dont l’activité est maintenue. Ce déséquilibre peut être mis en évidence par une diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque. L’intervalle QT, sous contrôle du système nerveux autonome, semble aussi un marqueur prédictif de l’instabilité myocardique péri-opératoire [24]. Plus récemment il a été montré que la variabilité de la longueur du QT (dispersion du QT) est aussi corrélée au risque d’arythmie ventriculaire [25] et qu’il existe une relation directe entre l’importance de la dispersion des valeurs du QT et la survenue d’une mort subite. Cette dispersion est le reflet des modifications du tonus autonome. Elle affecte particulièrement les patients 392 MAPAR 2006 diabétiques insuffisants rénaux et dysautonomiques [25]. Si l’on veut réduire la fréquence des morts subites péri-opératoires, la recherche d’une neuropathie dysautonomique doit être systématique, de même qu’une intensification du monitorage et une surveillance postopératoire accrue. Par ailleurs certaines études ont montré que les patients diabétiques dysautonomiques étaient exposés à un risque accru d’instabilité tensionnelle péri-opératoire [26, 27]. Ces modifications traduiraient la difficulté d’adaptation hémodynamique du patient dysautonomique soit à l’hypovolémie, soit à l’administration de produits vasoplégiants ou modifiant le baroréflexe. Ces perturbations s’associent à une absence de variations des taux circulants de noradrénaline. Cependant l’étude récente de Keyl et al se veut rassurante [28]. Chez des patients diabétiques, coronariens bêta-bloqués et dysautonomiques, ces auteurs ne retrouvent pas d’instabilité hémodynamique en peropératoire. Il faut cependant noter que ces patients avaient par ailleurs une bonne fonction ventriculaire gauche, ne présentaient pas d’hypovolémie et étaient endormis avec de l’étomidate. Plus récemment, il a été montré que la dysautonomie cardiaque exposait au risque d’hypothermie en peropératoire [29]. L’hypothermie s’installe pour des durées d’anesthésie supérieures à 2 h et serait en rapport avec des altérations de la vasoconstriction périphérique. 3.3.2. LA GASTROPARÉSIE DIABÉTIQUE L’atteinte dysautonomique gastrique, souvent associée à des altérations de la motricité œsophagienne avec diminution du tonus du sphincter inférieur de l’œsophage, augmenterait le risque potentiel de régurgitation à l’induction et en postopératoire. Le diagnostic est essentiellement clinique et doit être suspecté devant des douleurs postprandiales, des nausées ou des vomissements, une distension épigastrique, ... La physiopathologie de la gastroparésie est complexe. Elle est certes due à une atteinte du parasympathique, et les manifestations cliniques sont assez semblables à celles observées après vagotomie, mais les modifications des hormones comme la motiline interviennent aussi. L’érythromycine, qui possède un effet agoniste de la motiline, permet de restaurer une activité motrice gastrique et de vider ces gros estomacs dysautonomiques en 2 heures (200 mg IV, deux heures avant l’induction anesthésique). 3.4. LE RISQUE RÉNAL PÉRI-OPÉRATOIRE Le diabétique est particulièrement sensible au risque d’insuffisance rénale aiguë (IRA) dans la période opératoire. Ceci est observé par exemple après chirurgie valvulaire ou pontage aortocoronarien [30]. Cette IRA, peut aussi compliquer une hyperglycémie dans le contexte d’une chirurgie majeure, responsable d’une hypovolémie par diurèse osmotique ou l’administration d’iode dans le cadre d’un bilan artériographique en préopératoire. Quant aux patients diabétiques bénéficiant d’une transplantation rénale le pronostic postopératoire immédiat n’est pas différent de celui des patients non diabétiques, qu’il s’agisse du pourcentage de complications, de décès ou de rejet du greffon. Par contre, à distance, la mortalité, essentiellement cardiovasculaire, est plus élevée [31]. Questions pour un champion en anesthésie 393 3.5. LE RISQUE NEUROLOGIQUE 3.5.1. ISCHÉMIE CÉRÉBRALE ET GLYCÉMIE L’hyperglycémie aggrave le pronostic neurologique et diminue les possibilités de récupération des patients ayant eu une ischémie cérébrale. L’hypothèse selon laquelle le taux de glycémie est déterminant pour le pronostic neurologique d’une ischémie est confirmée par la plupart des études chez l’animal après une ischémie cérébrale globale et une partie des études sur l’ischémie localisée. Une méta analyse récente a confirmé que l’hyperglycémie était un facteur de mauvais pronostic après accident vasculaire cérébral ischémique : une glycémie comprise entre 6,1 et 7 mmol.l-1 multiplie par 3 le risque de décès à court terme ; une glycémie comprise entre 6,7 et 8 mmol.l-1 est associée à une plus mauvaise récupération fonctionnelle [32]. Plusieurs hypothèses sont avancées : une toxicité directe de l’hyperglycémie sur les lésions ischémiques (l’acidose intracellulaire par le métabolisme anaérobie conduirait à la formation de radicaux libres et à une dysfonction mitochondriale), un effet fragilisant de l’hyperglycémie sur la barrière hémato-encéphalique facilitant l’infarcissement hémorragique. Ainsi, l’hyperglycémie pourrait majorer les lésions neuronales survenant au cours de l’ischémie, et pourrait s’associer à une diminution du débit sanguin cérébral, ainsi qu’à une augmentation de l’œdème et de la taille de l’infarctus cérébral. En pratique, la recherche de l’euglycémie semble souhaitable chez le patient diabétique soumis à une chirurgie à risque d’ischémie cérébrale. 3.5.2. ISCHÉMIE NEUROLOGIQUE PÉRIPHÉRIQUE ET GLYCÉMIE Le diabète est identifié comme facteur de risque de survenue d’une neuropathie postopératoire indépendamment de la chirurgie ou de la technique anesthésique [33]. L’hyperglycémie péri-opératoire serait l’un des facteurs en cause. Il est démontré que l’hyperglycémie aiguë diminue la conduction nerveuse périphérique alors que l’hyperglycémie chronique s’associe à une perte en fibres myélinisées et non myélinisées. L’atteinte des fibres nerveuses étant précoce au cours de la maladie diabétique, il est possible que l’hyperglycémie aiguë observée en péri-opératoire démasque et aggrave une atteinte nerveuse sensitive infraclinique préexistante. Ceci est important à savoir de façon à ne pas faussement incriminer l’apparition de lésions neurologiques sensitives à une malposition ou à une compression en peropératoire. Néanmoins, ceci souligne l’importance de la protection des points d’appui. 3.6. LE RISQUE LIÉ À L’ATTEINTE VASCULAIRE PÉRIPHÉRIQUE Les patients diabétiques avec sténose carotidienne asymptomatique ont spontanément un risque élevé d’infarctus du myocarde ou de mort subite, y compris en dehors de tout antécédent de coronaropathie. Au cours de la chirurgie vasculaire périphérique, les patients qu’ils soient ou non diabétiques, sont à risque élevé de complications qui sont pour 30 à 40 % des cas d’origine cardiovasculaire. Cependant dans l’étude de Sprung et al menée après chirurgie majeure (6948 patients) le diabète n’est pas identifié comme un facteur de risque [34]. De même le diabète n’est pas identifié comme un facteur de risque d’accident vasculaire péri-opératoire après endartériectomie carotidienne. L’étude suédoise, qui a recensé en prospectif (2622 patients) les complications postopératoires après endartériectomie sur 10 ans, montre une mortalité plus élevée chez les diabétiques à J 30 et à 1 an (3,2 % vs 1,4 %). Par contre la morbidité péri- 394 MAPAR 2006 opératoire neurologique et cardiaque n’est pas augmentée. Enfin sur 10 ans et malgré les progrès médicaux réalisés, aucune réduction de la mortalité n’est observée chez les diabétiques contrairement à la population de patients non diabétiques pour laquelle la mortalité a baissé de 50 % [35]. 3.7. LES DÉFAUTS DE CICATRISATION Depuis longtemps il est démontré que la présence d’une polynévrite, d’athérosclérose et la micro-angiopathie peuvent contribuer à une mauvaise cicatrisation. Des études expérimentales suggèrent que l’hyperglycémie en elle-même pourrait aussi provoquer une mauvaise cicatrisation. Chez l’animal diabétique, la cicatrisation est retardée, avec une diminution de la synthèse de collagène et en corollaire une mauvaise résistance de la cicatrice. Ces anomalies sont corrigées par l’administration d’insuline. Goodson et Hunt ont montré que l’obésité, l’insulinorésistance, la dépression de la fonction granulocytaire, mais aussi l’hyperglycémie, pouvaient interférer dans la synthèse du collagène et dans la cicatrisation. Il a été observé un ralentissement de l’afflux des granulocytes et un retard de croissance des néocapillaires. Par ailleurs la synthèse du collagène et du procollagène est diminuée au niveau des plaies chez les animaux diabétiques. L’administration d’insuline est cruciale pour le développement du granulome inflammatoire et secondairement pour la croissance des fibroblastes et la synthèse du collagène. Cependant si l’insuline est nécessaire dans les phases précoces de la réaction inflammatoire, elle ne semble plus avoir d’effet après les dix premiers jours. Dans les plaies de cornée, des taux de cicatrisation comparables ont été rapportés que les patients soient ou non diabétiques. En fait, la cicatrisation des plaies épithéliales n’entraîne pas d’afflux leucocytaire contrairement aux plaies profondes et la récupération de l’intégrité tissulaire ne repose pas sur la synthèse de collagène. La réparation épithéliale n’est donc pas altérée chez le diabétique, alors que la cicatrisation des plaies profondes l’est, en raison des problèmes de synthèse de collagène et de défense vis-à-vis de l’infection. En ce qui concerne les fractures de cheville déplacées, la fréquence de complications est élevée (> 40 %) [36] chez les diabétiques (nécrose cutanée, défaut de cicatrisation et de consolidation, infection ostéocutanée, voire nécessité d’amputation). Ces complications sont significativement plus fréquentes après traitement chirurgical et doit faire discuter la place de l’abstention chirurgicale chez les diabétiques âgés ou dans les diabètes évolués. 3.8. LES RISQUES PARTICULIERS DE LA CEC CHEZ LES PATIENTS DIABÉTIQUES L’hypothermie et les réactions au stress augmentent l’insulinorésistance et entraînent une hyperglycémie. Ceci est exacerbé chez le diabétique et l’administration d’insuline est peu efficace avant le réchauffement complet. Il a été rapporté quelques observations où les agents inotropes positifs étaient inefficaces, malgré des pressions de remplissage correctes, un rythme sinusal, des gaz du sang et un ionogramme normaux. Dans tous les cas, la glycémie était élevée et, après administration d’insuline, on récupérait une contraction myocardique efficace, autorisant une remise en charge du cœur. Après la phase de CEC, les diabétiques nécessitent le recours aux inotropes positifs ou à la contre pulsion aortique 5 fois plus souvent que chez les Questions pour un champion en anesthésie 395 patients qui ne sont pas diabétiques [37]. Il y a là plusieurs raisons : les angineux diabétiques ont des lésions coronariennes plus étendues ; ils sont plus exposés à l’hypertension artérielle ; ils présentent plus volontiers une cardiomégalie, une hypokinésie globale et des antécédents d’infarctus du myocarde. Les patients insulinodépendants ayant une atteinte coronarienne et une dysautonomie, ont une compliance ventriculaire diminuée et une pression télédiastolique du ventricule gauche augmentée par rapport aux sujets contrôles appariés. 4. LA PLACE DE L’ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE Le choix du type d’anesthésie, locorégionale ou générale, est encore largement débattu. Les données actuelles sont en faveur de l’anesthésie locorégionale. Les raisons sont un risque accru avec l’anesthésie générale et l’obtention d’un meilleur équilibre métabolique péri-opératoire chez les patients diabétiques ayant bénéficié d’une anesthésie locorégionale. 4.1. L’ANESTHÉSIE GÉNÉRALE EXPOSE AU RISQUE DE COMPRESSIONS CUTANÉE ET NERVEUSE EN PER ET POSTOPÉRATOIRE IMMÉDIAT Comme nous l’avons vu précédemment, en péri-opératoire, le diabétique a un risque plus élevé de lésions nerveuses en rapport avec l’atteinte microvasculaire et l’hypoxie nerveuse chronique. Le nerf cubital au niveau du coude, le nerf médian au niveau du canal carpien, et le sciatique poplité externe sont les plus exposés [33]. Une étude réalisée à partir des plaintes reçues pour déficit neurologique lié à l’anesthésie montre que la compression du nerf cubital est associée dans 85 % des cas à une anesthésie générale [38]. Ces données sont confirmées par l’étude de Warner et al sur les atteintes du nerf cubital après chirurgie et menée sur plus de 1 000 000 de patients anesthésiés [33]. Les auteurs retrouvent une fréquence du diabète quatre fois plus élevée que chez les témoins. L’anesthésie générale et la sédation au réveil seraient des facteurs favorisants car retardant le diagnostic. Quoi qu’il en soit, pour une anesthésie générale ou locorégionale, un soin tout particulier sera apporté durant la période opératoire à la protection des points d’appui. 4.2. SOUS ALR, L’ÉQUILIBRE MÉTABOLIQUE PÉRI-OPÉRATOIRE EST PLUS FACILE À OBTENIR L’acte chirurgical constitue pour l’organisme une situation d’agression. A ce stress chirurgical correspond une réponse neuroendocrinienne. L’équilibre glycémique et métabolique péri-opératoire dépend en grande partie de cette réponse. La réaction endocrinométabolique du diabétique à la chirurgie est encore mal documentée. Les auteurs retrouvent une réponse hormonale d’intensité accrue chez le diabétique soumis à un effort physique très intense comparable à un stress chirurgical. Par ailleurs, la réaction métabolique aux hormones de contre régulation est augmentée. Les diabétiques développent une hyperglycémie 5 à 7 fois supérieure à celle des sujets non diabétiques après administration de quantités identiques de cortisol et d’adrénaline. Or, les techniques d’anesthésie locorégionale médullaire ou par bloc nerveux périphérique peuvent moduler la réponse hormonale et la sécrétion résiduelle d’insuline. En cas d’anesthésie péridurale, et pour une chirurgie sous ombilicale, le blocage de la conduction des diverses afférences nerveuses nociceptives inhibe la sécrétion de la plupart des 396 MAPAR 2006 hormones liées au stress chirurgical. Enquist et al ont montré que la sécrétion des catécholamines per et postopératoires est entièrement inhibée dès que l’anesthésie péridurale atteint un niveau T4. Pour Bromage et al la réponse corticosurrénalienne est partiellement inhibée sous anesthésie péridurale lorsque la chirurgie est sus-ombilicale. Sur le plan métabolique, l’avantage d’une anesthésie péridurale est de bloquer la sécrétion de catécholamines, blocage dont l’intensité est proportionnelle à la hauteur du niveau de l’anesthésie périmédullaire. Ces avantages perdurent pendant la période postopératoire où la poursuite d’une analgésie périmédullaire permet là aussi de diminuer la réaction neuroendocrinienne facilitant l’équilibre glycémique et un moindre catabolisme protéique. En ce qui concerne l’anesthésie locorégionale tronculaire, son avantage par rapport à une anesthésie générale a été démontré en chirurgie de la cataracte chez des diabétiques de type 2. Il existe un bénéfice concernant une reprise plus précoce de l’alimentation en postopératoire permettant ainsi un meilleur équilibre métabolique et hormonal durant cette période [3]). Nous avons observé les mêmes effets bénéfiques chez des patients diabétiques de type 2 bénéficiant d’une rachianesthésie pour une résection endoscopique de prostate (données personnelles). 4.3. RISQUE PARTICULIER LIÉ À L’UTILISATION D’UNE TECHNIQUE D’ALR Il n’existe pas de travaux ayant démontré l’existence d’un risque particulier lié à l’utilisation d’une technique d’ALR chez le patient diabétique Certaines précautions doivent être prises, en particulier vis-à-vis d’une neuropathie sensitivomotrice préexistante et de la dysautonomie diabétique. Dans le cadre d’une chirurgie des extrémités effectuée sous bloc plexique ou tronculaire, une altération neurologique préexistante doit être recherchée impérativement (parésies, paresthésies douloureuses, fonte musculaire) voire dans certains cas investiguée (EMG). En effet, quelques cas rapportés de complications neurologiques posent la question de l’utilisation d’un bloc périphérique en présence d’une neuropathie périphérique et de sa contribution aux lésions postopératoires [40]. Des données obtenues in vitro suggèrent que chez l’animal diabétique, le risque de neurotoxicité des anesthésiques locaux est augmenté et nécessite de ce fait l’utilisation de doses inférieures à celles généralement utilisées. Cependant tout et son contraire ont été dits concernant la sensibilité des nerfs diabétiques à la neurotoxicité des AL et il est difficile d’imputer les altérations neurologiques postopératoires à la technique anesthésique utilisée plutôt qu’à une cause positionnelle, ischémique (garrot pneumatique), inflammatoire, ou à l’exacerbation d’une neuropathie préexistante. Par contre la présence d’une neuropathie périphérique peut retarder le diagnostic de complication nerveuse en particulier lors d’une infusion continue par un cathéter péridural ou par un cathéter périphérique. Une complication neurologique à type de déficit sensitivomoteur récidivant a déjà été rapportée chez le diabétique. L’existence d’une neuropathie après une ALR représente donc une contre-indication à une nouvelle anesthésie locorégionale. Enfin, devant un déficit neurologique postopératoire il est impératif de réaliser rapidement un bilan électromyographique à la recherche d’une neuropathie préexistante. Questions pour un champion en anesthésie 397 Bien que les répercussions hémodynamiques aient été rapportées uniquement lors de l’anesthésie générale, l’indication d’une anesthésie médullaire chez les patients dysautonomiques présentant une atteinte cardio-vasculaire importante doit être discutée. Un des problèmes majeurs du bloc médullaire est l’hypotension artérielle liée à la sympathectomie. Cette hypotension est la résultante d’une veinodilatation avec baisse du retour veineux et d’une vasodilatation artérielle avec la chute des résistances périphériques. Les mécanismes de compensation font intervenir la sécrétion de catécholamines et une activation des efférences sympathiques au-dessus du niveau du bloc induit afin de réaliser une vasoconstriction. Or le système nerveux autonome est altéré de façon diffuse dans la dysautonomie diabétique. La conjonction d’une cardiomyopathie et d’une dysautonomie avec un bloc sympathique médullaire peut contribuer à aggraver une instabilité hémodynamique, provoquer une ischémie (souvent silencieuse) ainsi que des troubles du rythme. 5. COMMENT CONTRÔLER LA GLYCÉMIE ET QUEL DOIT ÊTRE LE NIVEAU OPTIMAL DE LA GLYCÉMIE EN PÉRI-OPÉRATOIRE ? Plusieurs études expérimentales montrent que le métabolisme du glucose peut conduire à la production de radicaux libres de type espèces réactives oxygénées à partir de la chaîne respiratoire mitochondriale. Il a été montré que des monocytes soumis à une hyperglycémie augmentent leur production de radicaux libres et que celle–ci s’accompagne d’une élévation du TNF alpha. Ces effets sont en partie inhibés par l’administration d’antioxydants. L’hyperglycémie augmente l’agrégation plaquettaire via une production d’anions hyperoxydes. Une glycémie basse est associée à une réduction de la mortalité et de la morbidité, tandis que des besoins insuliniques élevés sont associés à un mauvais pronostic [41]. Malmberg a montré l’intérêt d’une insulinothérapie intensive pour contrôler la glycémie à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde chez les patients diabétiques [42]. L’insulinothérapie intensive a permis une réduction de 11 % de la mortalité à 1 an. Les effets bénéfiques de l’administration du mélange glucoseinsuline-potassium (GIK) sont connus depuis longtemps puisque les premières études ont été publiées il y a 40 ans. Ces résultats ont été confirmés dans une méta analyse où il était observé, avant l’aire de la thrombolyse, une réduction de la mortalité hospitalière de 28 % dans le groupe GIK. Diaz et al dans une étude prospective randomisée ont confirmé le rôle bénéfique du GIK à fortes doses associé à la thrombolyse. Pour les fortes doses, les auteurs mettent en évidence une baisse de plus de 60% de la mortalité hospitalière, associée à une réduction de la morbidité (insuffisance cardiaque, troubles du rythme) [43]. Le rôle protecteur du GIK en chirurgie des coronaires a aussi été retrouvé. Dans l’étude de Lazar et al, les patients diabétiques soumis à un pontage coronarien bénéficient du mélange GIK en termes de fonction cardiaque postopératoire et de durée d’hospitalisation [44]. Ceci pourrait s’expliquer par un effet protecteur du GIK en situation d’ischémie-reperfusion au niveau myocardique où le glucose est le substrat préférentiellement métabolisé par les voies de la glycolyse. L’apport d’une insuline intraveineuse d’action rapide et brève en continu et à faible dose est la technique de choix. L’insulinothérapie sera associée à un apport continu et contrôlé de glucose, dans la mesure où les variations des apports glucidiques sont une source importante de déséquilibre glycémique. 398 MAPAR 2006 En péri-opératoire, la clonidine donnée en prémédication à la dose de 4 mg.kg-1 a montré son efficacité pour améliorer l’équilibre glycémique tout en réduisant les besoins insuliniques [45]. Le niveau optimum de glycémie en péri-opératoire et en réanimation dépend probablement de la pathologie concernée. Pour des patients diabétiques sans antécédent particulier et pour une chirurgie non à risque, le maintien d’une glycémie inférieure à 2 g.l-1 est un objectif suffisant. Par contre pour les patients diabétiques hospitalisés en réanimation ou soumis à des chirurgies à risque (chirurgie cardiaque, neurochirurgie) et des patients à risque (présence d’une neuropathie périphérique ou d’une insuffisance rénale modérée chez un diabétique par exemple), la recherche de l’euglycémie semble améliorer le pronostic. Les risques de la recherche à tout prix de l’euglycémie reste cependant à évaluer en termes d’hypoglycémie. Dans l’étude de Van Den Berghe et al, les hypoglycémies sont 6 fois plus fréquentes [41]. Le monitorage continu sous-cutané a été proposé pour ajuster au mieux le débit d’insuline et réduire la fréquence des épisodes d’hypoglycémie. 6. LES NOUVEAUX TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX DU DIABÈTE Les nouvelles molécules concernent essentiellement le traitement du diabète de type 2 [1]. 6.1. LES GLINIDES : RÉPAGLINIDE ET NATÉGLINIDE Le répaglinide est un dérivé de l’acide carbamoylméthylbenzoïque. Il stimule la sécrétion d’insuline en fermant les canaux potassiques ATP-dépendants de la membrane de la cellule bêta pancréatique. Il agit sur un récepteur spécifique différent de celui des sulfamides hypoglycémiants et son efficacité semble comparable. Sa demi-vie d’élimination est courte (1 heure) et le pic d’action est atteint dans l’heure qui suit la prise. Il est métabolisé par le foie et éliminé dans la bile. Sa pharmacocinétique est peu modifiée par l’insuffisance rénale minime ou modérée. Par contre, sa demi-vie d’élimination plasmatique est doublée dans l’insuffisance rénale sévère. Cependant le répaglinide n’est pas contre-indiqué au cours de l’insuffisance rénale. Les effets indésirables observés ont été les troubles gastro-intestinaux, les réactions cutanées et les hypoglycémies. Le natéglinide est un dérivé de la phénylalanine. Il stimule la sécrétion d’insuline en fermant les canaux potassiques ATP-dépendants de la membrane de la cellule bêta pancréatique. Il agit sur le récepteur des sulfamides hypoglycémiants. Il est rapidement absorbé et sa concentration plasmatique maximale est atteinte en une heure. Sa demi-vie d’élimination est de une heure et demi. Le natéglinide est métabolisé par le foie et sa pharmacocinétique est peu modifiée dans l’insuffisance rénale. Il expose, lui aussi, au risque d’hypoglycémie. 6.2. LES INHIBITEURS DES ALPHAGLUCOSIDASES INTESTINALES : ACARBOSE ET MIGLITOL Il s’agit de pseudo-tétrasaccharides d’origine bactérienne. Ces analogues structuraux des oligosaccharides alimentaires inhibent de façon compétitive et réversible les alphaglucosidases de la bordure en brosse de l’intestin grêle. L’absorption du glucose après le repas est ainsi retardée dans le temps. Ils n’induisent pas d’hypoglycémie lorsqu’ils sont utilisés seuls. Questions pour un champion en anesthésie 399 6.3. LES THIAZOLIDINEDIONES La première thiazolidinedione a été retirée du marché à cause de sa toxicité hépatique. Deux autres molécules ont été mises sur le marché en France, la rosiglitazone et la pioglitazone. Ces molécules potentialisent l’action de l’insuline sans en stimuler la sécrétion. Elles diminuent l’insulinorésistance au niveau du foie, du muscle squelettique et du tissu adipeux. Elles n’entraînent pas d’hypoglycémies, mais potentialisent l’effet hypoglycémiant des sulfamides. Elles favorisent la rétention hydrosodée et peuvent aggraver ou déclancher une insuffisance cardiaque. Enfin quelques cas d’atteintes hépatiques ont été récemment publiés. 6.4. L’INSULINOTHÉRAPIE 6.4.1. LES INSULINES DISPONIBLES Deux types d’insuline sont actuellement disponibles en France. Les insulines dites humaines (en fait de séquence humaine car obtenues par génie génétique) et les analogues de l’insuline dont la séquence d’acides aminés est modifiée par rapport à l’insuline ; on distingue les analogues rapides (lispro, aspart) et les analogues lents (glargine et détémir). • Les insulines humaines : dans le traitement du diabète, on est amené à utiliser les insulines rapides, les insulines semi-lentes (ou NPH), les mélanges de rapides et de semi-lentes dans des proportions variables (le nombre figurant à la fin du nom de spécialité est le pourcentage d’insuline rapide du mélange). • Les analogues de l’insuline : les analogues rapides (lispro et aspart) ont des délais (15 à 30 min) et des durées d’action (3 à 4 h) plus courts que les insulines rapides. Les analogues lents ont pour différence pharmacocinétique avec la NPH une courbe d’insulinémie plus plate. La durée d’action de la glargine est d’environ 24 heures et celle de la détémir d’environ 12 heures. Il existe des mélanges d’analogue rapide et de semi-lente (le nombre figurant à la fin du nom de spécialité est le pourcentage d’analogue rapide). Les insulines semi lentes (NPH) (seules ou mélangées avec une insuline rapide ou ultrarapide) se présentent sous forme de suspension. Les stylos injecteurs doivent donc être remués avant injection afin d’homogénéiser la suspension et ainsi réduire le risque de variabilité pharmacocinétique. 6.4.2. LES INDICATIONS DE L’INSULINE DANS LE DIABÈTE DE TYPE 2 Chaque année, 5 à 10 % des diabétiques de type 2 deviennent insulinorequérants. L’insulinothérapie est justifée devant un échec du régime diététique associé à l’exercice physique et au traitement anti-diabétique maximal par voie orale. En dehors de l’insulinorequérance, les mises à l’insuline se font dans un contexte d’urgence immédiate ou à très court terme. La nécessité de cette insulinothérapie doit être réévaluée après l’épisode aigu. Les indications indiscutables sont : la cétose, le coma hyperosmolaire et la grossesse, si le bon contrôle glycémique n’est pas obtenu par la diététique seule. Les autres situations nécessitant une insulinothérapie à court terme sont regroupées dans le tableau suivant. 400 • • • • • • MAPAR 2006 Tableau II Situations nécessitant une insulinothérapie transitoire dans le diabète de type 2 Les infections sévères. L’existence d’une neuropathie et/ou d’une artériopathie compliquée avec déséquilibre glycémique. Les interventions chirurgicales. Les contre-indications transitoires à la metformine : explorations radiologiques utilisant un produit de contraste iodé La mise en route d’une corticothérapie. Les complications aiguës vasculaires qui nécessitent un bon contrôle du diabète et qui contre-indiquent les traitements oraux (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, artérite sévère en poussée). 6.4.3. LA PLACE DES ASSOCIATIONS INSULINE-ANTIDIABÉTIQUES ORAUX Il est recommandé actuellement d’utiliser des associations d’insuline et d’antidiabétiques oraux dont les mécanismes d’action sont différents, afin d’obtenir un équilibre glycémique dans des conditions de sécurité maximale. L’effet favorable de l’association insuline-sulfamides hypoglycémiants semble surtout lié à la stimulation de la sécrétion endogène d’insuline : les meilleures réponses semblent obtenues chez les patients qui ont une sécrétion endogène conservée. L’effet de l’’association insuline-metformine reste encore à évaluer. L’assocation insuline-thiazolidinedione est contre-indiquée en raison du risque accru d’insuffisance cardiaque. 7. LA PRISE EN CHARGE DANS CERTAINES CIRCONSTANCES PARTICULIÈRES 7.1. LE DIABÉTIQUE EN AMBULATOIRE Dès lors que le diabète est bien équilibré, et dans le respect des impératifs habituels de l’anesthésie ambulatoire, la réalisation d’interventions en ambulatoire est possible [21]. L’injection d’insuline ou la prise du sulfamide hypoglycémiant se fera le matin de l’intervention, suivant l’horaire habituel, le petit déjeuner étant remplacé par un apport glucidique IV de substitution (soluté glucosé à 5 %, 125 ml.h-1), jusqu’à la reprise de l’alimentation. Chez le diabétique de type 2 bien équilibré un protocole no insulin no glucose est possible. Les biguanides seront arrêtés au moins 48 h avant l’acte en ambulatoire. La réalisation de l’intervention en début de programme opératoire doit permettre la prise d’une collation à l’heure du déjeuner et la sortie du patient en fin d’après-midi, après un ultime contrôle glycémique. L’existence de vomissements ou d’une hyperglycémie importante contre-indique le retour au domicile. 7.2. L’ ANESTHÉSIE DU DIABÉTIQUE EN URGENCE En urgence, l’obtention d’un contrôle glycémique vraiment satisfaisant est illusoire tant que l’origine de l’état motivant l’intervention n’aura pas été traitée. On s’efforcera cependant de réduire l’hyperglycémie avant l’induction de l’anesthésie par l’administration IV de bolus d’insuline (5 à 10 U), afin d’amener la glycémie en dessous de 12 mmol.l-1. L’insuline est ensuite délivrée par perfusion continue à la seringue automatique, couplée à la perfusion continue de glucose, avec un contrôle glycémique toutes les 30 minutes. En parallèle, on commencera Questions pour un champion en anesthésie 401 aussi à corriger une éventuelle déshydratation, une hyperosmolarité, voire une acidocétose. A la surveillance régulière de la glycémie, s’ajoutera le contrôle de l’osmolarité, de la natrémie et de la kaliémie, de la créatininémie, des lactates, la recherche d’une élévation du trou anionique et la détermination des gaz du sang. Si le patient était traité par metformine, et/ou si une réduction du débit circulatoire ou une hypoxie sont constatées en per ou en postopératoire, des dosages répétés de la concentration en bicarbonates, en lactates artériels et la mesure des gaz du sang s’avéreront nécessaires. 7.3. LES EXAMENS RADIOLOGIQUES AVEC PRODUITS DE CONTRASTE IODÉS Toute injection de produit de contraste radiologique iodé est, chez le diabétique, une situation à risque de survenue d’insuffisance rénale aiguë iatrogénique [1]. La prévention repose sur • La limitation aux seuls examens strictement nécessaires. • Une hydratation adéquate. • L’utilisation élective de produits de contraste non ioniques, non osmotiques. Un contrôle de la créatinémie à la recherche d’une altération de la fonction rénale est recommandé, après la réalisation de l’examen. Cette insuffisance rénale aiguë risque d’entraîner chez les patients traités par metformine une acidose lactique, dont le pronostic est gravissime. Plusieurs observations documentées dans la littérature et des relevés de pharmacovigilance ont montré la réalité de cette succession d’événements indésirables. La metformine sera donc arrêtée au moins 48 h avant l’examen. Sa réintroduction ne se fera qu’après vérification de la normalité de la fonction rénale à la 72ème heure (tableau III). De même, une altération transitoire de la fonction rénale peut entraîner une hypoglycémie iatrogène prolongée liée à la prise des sulfamides hypoglycémiants. Ce risque peut être prévenu par l’arrêt temporaire, le jour de l’examen, de la prise de ces médicaments et la surveillance rapprochée de la glycémie. Tableau III Appréciation de la valeur du débit de filtration glomérulaire selon la formule de Cockcroft et Gault Chez l'homme Pour une créatininémie exprimée en µmol.l-1 : DFG* (ml.min-1) = 140 - âge (année) X poids (kg) ---------------------------------------------créatininémie (µmol.l-1) X 0,81 Pour une créatinémie exprimée en mg.l-1 : DFG* (ml.min-1) = 140 - âge (année) X poids (kg) -------------------------------------------créatininémie (mg.l-1) X 7,2 * DFG : débit de filtration glomérulaire Chez la femme Retirer 10 à 15 % de la valeur obtenue ou utiliser 0,85 à la place de 0,81 dans la formule en mol. 7.4. LES PRÉCAUTIONS À PRENDRE LORS D’UNE CORTICOTHÉRAPIE Les corticoïdes ont un effet hyperglycémiant dose-dépendant, réversible et transitoire, qu’ils soient administrés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire ou intraarticulaire [1]. La conduite à tenir dépend du risque de déséquilibre glycémique apprécié par la dose, la durée, le type de corticoïde et la voie d’ad- 402 MAPAR 2006 ministration. Dans tous les cas, le renforcement de la surveillance de la glycémie capillaire est indispensable à la mise en route de la corticothérapie. Corticothérapie par voie orale : chez les patients traités par antidiabétiques oraux, une insulinothérapie temporaire pourra être mise en route, en fonction des glycémies capillaires. L’insuline est habituellement nécessaire en cas de doses élevées (≥ 1 mg.kg-1 de prednisone ou prednisolone). Chez les patients déjà sous insuline, les doses devront être adaptées et habituellement majorées. Dans tous les cas, il faudra tenir compte du fait que ce sont les glycémies de fin d’après-midi et de début de soirée qui s’élèvent le plus (pour une prise matinale unique) alors que la glycémie au réveil est peu modifée. La corticothérapie par voie intraveineuse, induit un déséquilibre glycémique rapide et important ; aussi une insulinothérapie fractionnée et souvent par voie intraveineuse doit être mise en route. En cas d’administration de corticoïdes par voie intramusculaire ou intraarticulaire, le déséquilibre glycémique est prolongé jusqu’à 6 à 9 semaines. CONCLUSION Les principaux facteurs de risque opératoire des diabétiques devant subir une chirurgie sont ceux des maladies associées au diabète : insuffisances coronaire ou cardiaque, rénale, altération du tissu conjonctif et du collagène, dysfonction granulocytaire et neuropathies. Il est absolument nécessaire d’évaluer et si possible d’améliorer ou de corriger ces facteurs en préopératoire. Les relations éventuelles entre hyperglycémie et complications postopératoires restent débattues mais il semblerait qu’une normoglycémie améliore le pronostic postopératoire. Une surveillance glycémique étroite est utile chez les diabétiques subissant une CEC ou au cours d’une ischémie cérébrale. Le bénéfice est moins évident pour les autres groupes de diabétiques. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Agence du médicament. Traitements médicamenteux du diabète de type 2. Recommandations de Bonnes Pratiques, 2003. [2] Kannel W, Mcgee DL. Diabetes and cardio-vascular disease. The framingham study. JAMA 1979;241:2035-8 [3] Stamler J, Vaccaro O, Neaton JD et al. Diabetes, other risk factors and 12 year cardio-vascular mortality for men screened in the multiple risk factor intervention trial. Diabetes Care 1993;16:434-44 [4] Turner RC, Millns H, Haw N et al. Risk factors for coronary artery disease in non-insulin dependant diabetes mellitus. United Kingdom prospective diabetes study. Br Med J 1998;316:823-8 [5] Passa P. Le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse chez le diabétique. Rev Franç Endocrinol Clin 1999;40:3-5 [6] Barzilay J, Kronmal R, Bittner V. 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