Lambert Arsac CRCG L’adhérence des décimaux inversibles Une preuve On se propose d’énoncer puis de démonter le résultat suivant. Théorème 1 L’ensemble des nombres décimaux inversibles est dense dans l’ensemble des nombres réels : D× = R. Pour cela, commençons par rappeler ce qu’est un nombre décimal. Définition 1 Un nombre réel d est appelé nombre décimal s’il existe n ∈ N tel que 10n d ∈ Z. On note D l’ensemble des nombre décimaux, et D× l’ensemble des nombres décimaux inversibles dans D. Essayons maintenant de caractériser les décimaux inversibles. Proposition 1 D× = {ε2α 5β , (ε,α,β) ∈ {−1,1} × Z2 }. Preuve. Notons E := {ε2α 5β , (ε,α,β) ∈ {−1,1} × Z2 }. Soit d1 ∈ D× . Il existe donc d2 ∈ D tel que d1 d2 = 1 Par définition d’un nombre décimal, il existe donc (k1 ,k2 ) ∈ Z2 tel que 10ki di ∈ Z pour i = 1,2. Même mieux, on peut choisir εi ∈ {−1,1} tel que ni := εi 10ki di ∈ N pour i = 1,2. On a donc n1 n2 = ε1 ε2 10k1 +k2 = ε1 ε2 2k1 +k2 5k1 +k2 ∈ N, et d’après le théorème fondamental de l’arithmétique, il existe donc (ε,α,β) ∈ {−1,1} × Z2 tel que n1 = ε2α 5β . Donc n1 d1 = ε k1 = ε2α 5β 10−k1 = ε2α−k1 5β−k1 ∈ E. 10 Donc D× ⊂ E. 1 Lambert Arsac CRCG Réciproquement, soit (ε,α,β) ∈ {−1,1} × Z2 . On a 1 =ε ε 1 5α = 2α 10α β 1 = 2 5β 10β , donc 1 = ε2β 5α 10−α−β . α β ε2 5 Donc 10α+β (ε2α 5β )−1 ∈ Z, ce qui donne bien que ε2α 5β ∈ D× . Finalement, D× = E. Approchons maintenant de la preuve du théorème principal, pour cela choisissons x ∈ R, et essayons de construire une suite (δn )n∈N d’éléments de D× telle que δn ∈ D× −−−−→ x ∈ R. n→+∞ Pour cela, construisons par récurrence une suite (δn )n∈N telle que ∀n ∈ N |x − δn | 6 10−n . On pose δ0 := bxc ∈ Z ⊂ D× , on a bien |x − δ0 | 6 10−0 = 1. Soit n ∈ N>1 tel qu’il existe (δk )06k6n−1 vérifiant les propriétés énoncées. On a x ∈ R, donc il existe ε ∈ {−1,1}, m ∈ Z, (xi )i∈[[1,m]] tels que x=ε m X xi 10i . i=−∞ Nous allons avoir besoin de petits lemmes que nous énonçons et démontrons (ce qui est fait n’est plus à faire). Lemme 1 Soit H un sous-groupe de (R,+). L’ensemble H est soit monogène, soit dense dans R. Preuve. Soit H un sous-groupe additif de R. On a clairement H ∩ R+ 6= ∅. Posons η := inf{h ∈ H ∩ R+ }. Distinguons deux cas. 2 Lambert Arsac CRCG ? Si η > 0. Soit h ∈ H, et k ∈ Z tel que kη 6 |h| < (k + 1)η. On a |h| − kη ∈ H, et 0 6 |h| − kη < (k + 1)η − kη = η. Donc pas définition de η, |h| − kη = 0, donc h = ±kη. Donc H = [η], et donc en particulier H est monogène. ? Si η = 0. Soit r ∈ R, ε > 0. Comme η = 0, il existe h ∈]0,ε] ∩ H. On considère r > 0, le cas r négatif se traitant exactement de la même façon. Soit k ∈ N tel que kh 6 r < (k + 1). On a bien kh ∈ H, et de plus 0 6 r − kh 6 (k + 1)h − kh =h 6ε Donc |r − kh| 6 ε, ce qui montre que H est dense dans R. Lemme 2 L’ensemble G := {α ln(2) + β ln(10), (α,β) ∈ Z2 } est dense dans R. Preuve. On a clairement que G est un sous-groupe additif de R. Or d’après le lemme 1, G est soit monogène, soit dense dans R. Il suffit donc de montrer que G n’est pas monogène. Supposons par l’absurde qu’il existe γ ∈ R tel que G = [γ]. On a (ln(2), ln(10)) ∈ G2 , donc il existe (a,b) ∈ Z2 tel que ( ln(2) = aγ , ln(10) = bγ donc b ln(2) = a ln(10), ce qui revient à dire que 2b = 10a . D’après le théorème fondamental de l’arithmétique, on a donc a = b = 0, ce qui est absurde. L’ensemble G est donc dense dans R. 3 Lambert Arsac CRCG Revenons à la construction de notre suite. Posons Nn := m+n X xi 10i . i=0 On veut trouver (α,β) ∈ N2 tel que Nn 10β 6 2α < (Nn + 1)10β . (1) En passant au logarithme, cela revient à vouloir ln(Nn ) + β ln(10) 6 α ln(2) < ln(Nn + 1) + β ln(10), soit ln(Nn ) 6 α ln(2) − β ln(10) < ln(Nn + 1). Or |ln(Nn + 1) − ln(Nn )| > 0. Donc d’après le lemme 2, un tel couple (α,β) existe. Ce couple vérifie alors l’équation (1). On a donc Nn 6 2α 10−β < Nn + 1. Posons δn := ε2α 10−β 10−n = ε2α−β−n 5−β−n . D’après la proposition 1, nous avons bien δn ∈ D× . De plus, |x − δn | = 6 m X i=−∞ m X −n −β xi 10i − ε 2| α 10 {z } 10 >Nn xi 10i − εNn 10−n i=−∞ = = m X i=−∞ m X xi 10i − ε ! xi 10i i=0 xi 10i − ε i=−∞ X m X i=−n −(n+1) = m+n X xi 10i i=−∞ −n 6 10 4 xi 10i 10−n Lambert Arsac CRCG Ainsi, nous avons bien construit une suite (δn )n∈N telle que ∀n ∈ N δn ∈ D× et |x − δn | 6 10−n −−−−→ 0. n→+∞ Donc D× = R, ce qui conclut la preuve du théorème. La résolution d’une conjecture en appelant une autre, voici ce que nous proposons. Nous savons déjà que D 6 Q 6 A 6 R, (ce sont tous des sous-anneaux de (R, + ,×)) et comme D× ⊂ D, nous avons aussi montré la densité des tous ces sous-ensembles de R. Cependant. Existe-t-il E D un sous-anneau de (R, + ,×) tel que E× = R ? 5