Séance 2_Le Pouvoir et ses ressources.2012

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J. Bouju / Eth.F12 Anthropologie politique : séances 2
02/02/12
ETH F02
anthropologie politique
Séance 2
Le politique implique le pouvoir, mais tout pouvoir n’est pas politique !
Qu’appelle-t-on le pouvoir ?
Le pouvoir est une relation réciproque et inégalitaire entre deux individus ou deux groupes
(classes ; catégories sociales) par le truchement d’une capacité à mener des actions efficaces ou à
produire des effets recherchés sur les choses ou sur les individus grâce à la maîtrise d’une
ressource.
La maîtrise des ressources et de leur mise en œuvre est au fondement du pouvoir :
•
•
•
Capital social: maîtrise des règles du jeu social et politique local ;
Capital économique, technique : détention un savoir ou savoir-faire;
Capital culturel : contrôle de la communication et des flux d’information, maîtrise des
savoirs ;
La maîtrise des ressources est soit un attribut d’acteur ou de position sociale (assigné), soit un
rapport qui se construit dans l’interaction (acquis). Elle est relative à un champ social, à une
sphère d’activité.
Avoir du pouvoir » signifie donc être capable d’acquérir, d’accumuler, de distribuer ou de dilapider
des ressources : bénéfices, des privilèges ou des avantages.
A.
L’exercice du pouvoir
« avoir du pouvoir sur »
Dire que B a du pouvoir sur A c’est dire que dans son rapport à l’autre B a la capacité d’obtenir que
les termes de l’échange lui soient favorables !
On distingue
Le pouvoir d’injonction (commander, décider) qui est assorti de sanctions punitives, et le pouvoir
d’influence capable de suggérer un comportement gratifié de contreparties symboliques (l’estime
répondant à la déférence) ou de rémunérations matérielles (fief, pourboire, salaire). Mais
l’obéissance, le consentement, l’acquiescement peut provenir aussi de la séduction qu’exercent le
leader et ses idées.
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Une position de pouvoir est une position dominante dans laquelle l’acteur détient une fraction plus
importante de ressources spécifiques qui sont à la fois le moyen et le but ultime de la compétition
dans le champ d’activité et à la valeur duquel tout le monde est attaché.
A l’intérieur des contraintes imposées par les dominants (qui détiennent les ressources les plus
valorisées), les dominés développent des « zones d’incertitude » qui sont sources de pouvoir. La
zone d’incertitude est construite à partir de la maîtrise exclusive d’une ressource.
Biblio.
Michel Crozier & Erhard Friedberg, 1977, l’acteur et le système, Paris : Seuil
Erhard Friedberg, 1993, Le pouvoir et la règle, Paris : Seuil (réédition 1997)
Les acteurs pour fonctionner ensemble doivent croire à la valeur de ce qu’il sont (identité, statut)
et de ce qu’il font (rôle dans la production des ressources) ; c’est-à-dire croire à la valeur éminente
de la ressource par et pour laquelle ils s’affrontent. La domination pose alors moins de problèmes
parce qu’elle est fondamentalement justifiée par le fait même que le dominant occupe une position
forte.
B.
Les ressources
Les ressources répondent aux besoins, culturellement définis, des hommes en société et c’est
pourquoi, dans un champ donné, les agents sociaux cherchent à se les approprier. Elles sont
toujours et partout nécessaires, mais dans les différentes sociétés elles n’induisent pas les mêmes
contraintes.
IB1.
•
Les ressources économiques Cf les notions de “ressources” (économie primitive), de “richesse” ou de “patrimoine”
dans l’économie domaniale de redistribution et de “bien” dans l’économie marchande.
Les ressources économiques sont les matières premières, les techniques, les savoir faire, le travail,
l’espace, les biens (les semences, le bétail) enfin et surtout, la monnaie qui occupe une place
prééminente puisqu’elle permet, presque, de se procurer toutes les autres. L’activité économique
produit, répartit et consomme les ressources matérielles qui sont hautement valorisées par une
société à tout moment de son développement.
Source de ressources, dans toutes les civilisations, la richesse confère du prestige !
•
Dans notre société, l’accumulation des biens et la propriété des moyens de production
facilitent l’accès au pouvoir politique (K. Marx, Wright Mills)
Exemple : Aux îles Trobriand de Mélanésie ou en Afrique, la dépense ostentatoire et la simple
extériorisation des signes de richesse contribuent à acquérir du prestige (crédit) et à nourrir le
renom du chef. La valeur des personnes est directement liée à leur richesse. Mais la consommation
ostentatoire empêche toute inégalité de richesse qui finirait par se produire si toutes les richesses
se capitalisaient : le riche, le candidat à la puissance tient son prestige de sa prodigalité.
L’histoire montre, à l’évidence, que le contrôle des ressources assure la prospérité et le pouvoir
donc l’indépendance et la puissance de la société face à la nature et aux autres sociétés.
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Les ressources religieuses Générateur d’un système de valeur particulier, le religieux est en rapport étroit avec le politique : il
le justifie par des mythes d’origine, il le revivifie par la ritualisation de la vie collective, en
sacralisant un homme (ancêtre fondateur) ou une hiérarchie (varna en Inde traditionnelle). En le
contestant aussi : mouvements messianiques chrétiens, intégrismes musulmans. L’idéologie
religieuse peut servir d’instrument privilégié du pouvoir étatique en attribuant une cohérence à
l’armature sociale.
•
IB3.
Dans certains systèmes de croyance Le « chef » est censé pouvoir capter la « force
supérieure » que lui confèrent les puissances mystiques. L’aîné du clan qui tient son
pouvoir des ancêtres est l’acteur principal des rites qui sont censés communiquer la vitalité
et la prospérité à son groupe familial.
Les ressources sociales La solidarité est la principale ressource sociale qui est faite des appuis et aides divers dont on ne
peut disposer que par l’intermédiaire d’un réseau de relations sociales dans lequel on est inséré et
auquel on participe. Les diverses formes de solidarité ont une incidence sur les capacités de
mobilisation des acteurs.
•
Ainsi au Mali, c’est l’entregent mogotigiya « capital social » lié à la position de parenté
assignée à la naissance puis aux positions acquises ultérieurement (réseaux, filières
d’acteurs) qui confère solidarité, soutien matériel, affectif et moral.
Un acteur social n’est riche que de ses liens d’alliances, de ses appartenances et de son identité. On
peut considérer les différents collectifs sociaux d’appartenance (famille, voisins, cercle d’amis,
coreligionnaires, association sportive, culturelle, syndicale, politique) comme autant de réseaux
d’échange et de circulation de biens et de services dont chaque acteur du réseau tire un profit (une
rétribution) proportionné à sa propre contribution au réseau.
La solidarité peut être instrumentalisée dans les rapports de clientèle. On a ainsi des relations en
réseau de clientèles entre des acteurs sociaux eux-mêmes détenteurs de certains pouvoirs et
disposés à mettre leur pouvoir au service de l’acteur qui les sollicite et qui peut à son tour être
appelé à « rendre service pour service ».
Le clientélisme peut être vu comme une stratégie de sécurisation de l’accès aux ressources
économiques et culturelles par le truchement des ressources sociales. Le clientélisme conduit à des
arrangements institutionnels favorisant la poursuite d’objectifs individuels.
C.
Les ressources comme enjeu politique
Ainsi, toute participation à un champ social suppose un enjeu, un droit d’entrée: un investissement
social, un coût plus ou moins élevé (en argent, diplôme, titre, etc.) qui qualifie l’acteur pour
occuper une position précise dans un champ donné. (La qualification est la reconnaissance sociale
d’une compétence).
Un enjeu : C’est ce qui est « mis en jeu » par un acteur social : un capital, une ressource qu’il
détient par sa position ou son activité et qu’il peut gagner ou perdre dans l’accomplissement des
processus sociaux, économiques ou politiques, au-delà des objectifs de l’action.
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La mise en jeu des ressources est la condition de la participation au jeu politique. Dans notre
société, la richesse économique constitue un enjeu (à gagner) mais aussi une des conditions
d’entrée dans le champ du pouvoir politique. Une fois entré dans le champ politique, l’enjeu
majeur consiste à la préservation ou à la modification des positions de pouvoir dominantes.
•
Un enjeu de pouvoir banal consiste à tenter d’accumuler personnellement du capital
symbolique (gagner l’estime des autres, prestige,...) à l’occasion d’une action collective.
La participation à l’échange social par la mise en jeu des ressources individuelles fait l’objet de
conduites d’anticipation (stratégiques) ou de réaction (tactiques) de la part des acteurs impliqués
car elle est, simultanément, la condition du jeu social et l’objet de la rivalité sociale.
L’enjeu devient ainsi condition de la rivalité (qui différencie) et de la solidarité (qui unit). La
manière de partager est significative de l’identité des groupes. La reconnaissance collective est en
jeu et avec elle la capacité des acteurs à s’inscrire dans les rapports de pouvoirs et d’alliances
(matrimoniales, religieuses et politiques) et à assumer leur place dans les forums locaux.
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