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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
VOLUME 1 - N°1 - JANVIER/FÉVRIER 2010 - 35 €
Recherche fondamentale
• Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas mourir ?
Santé publique
• L’évaluation économique en oncogériatrie
Cas clinique
• Quand l’équipe gériatrique restaure la confiance de l’équipe médico-chirurgicale
Article original
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• Impact de l’évaluation gériatrique standardisée en oncologie : analyse rétrospective
monocentrique chez 59 patients âgés atteints de cancer
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Actualités
(1) RCP Avastin®
• L’image du JOG - Une cascade dans la plèvre !
• Congrès - 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG),
Berlin, 15-17 octobre 2009
«
(1)
solution injectable de chlorure de sodium à 9 mg/ml (0,9%). D’un point
de vue microbiologique, une utilisation immédiate est recommandée. Si
le produit n’est pas utilisé immédiatement après reconstitution, les délais
et conditions de conservation relèvent de la responsabilité de l’utilisateur
et ne devraient normalement pas excéder 24 heures entre 2°C et 8°C, sauf
si la dilution a été effectuée dans des conditions d’asepsie contrôlées.
À conserver au réfrigérateur (entre 2$C et 8$C). Ne pas congeler.
A conserver dans l’emballage extérieur à l’abri de la lumière.
PRECAUTIONS PARTICULIERES D’ELIMINATION ET
MANIPULATION*. CONDITIONS DE DELIVRANCE : Liste
I. Médicament réservé à l’usage hospitalier. Prescription réservée aux
médecins spécialistes ou compétents en oncologie ou en cancérologie.
Agréé aux collectivités à l’exception de l’association au docetaxel dans
le CSm. Inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus de la
T2A. NUMÉRO AU REGISTRE COMMUNAUTAIRE DES
MÉDICAMENTS : Avastin 25 mg/ml, solution à diluer pour perfusion,
1 flacon (verre) de 4 ml : EU/1/04/300/001, CIP 34009566 20074 - 1 flacon
(verre) de 16 ml : EU/1/04/300/002, CIP 34009566 20135. TITULAIRE
DE L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ :
Roche Registration Limited – 6 Falcon Way – Shire Park - Welwyn Garden
City AL7 1TW - Royaume-Uni. REPRESENTANT LOCAL : ROCHE
52, Boulevard du Parc - 92521 Neuilly sur Seine Cedex - Tél. 01 46 40 50 00.
DATE D’APPROBATION/REVISION : Décembre 2009.
V12/09.
*Pour une information complète, consulter le RCP disponible
sur le site de l’AFSSAPS (www.afssaps.fr) ou à défaut sur le site
de ROCHE (www.roche.fr).
Le fichier utilisé pour vous communiquer le présent document est déclaré
auprès de la CNIL. Roche est responsable de ce fichier qui a pour finalité le
suivi de nos relations clients. Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification
et d’opposition aux données recueillies à votre sujet auprès du Service
Juridique de Roche, tél. du standard 01 46 40 50 00.
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
en perfusion intraveineuse. Populations particulières : voir RCP.
Mode d’administration : La dose initiale doit être administrée par une
perfusion intraveineuse de 90 minutes. Si la première perfusion est bien
tolérée, la deuxième perfusion peut être administrée en 60 minutes. Si la
perfusion administrée en 60 minutes est bien tolérée, toutes les perfusions
ultérieures pourront être administrées en 30 minutes. Ne pas administrer
par voie I.V. rapide ou en bolus. Les instructions pour la préparation
des perfusions de Avastin sont décrites dans la rubrique Précautions
particulières d’élimination et manipulation. Les perfusions de Avastin ne
doivent pas être administrées, ou mélangées, avec des solutions de glucose.
Ce médicament ne doit pas être mélangé à d’autres médicaments excepté
ceux mentionnés dans la rubrique Précautions particulières d’élimination
et manipulation. CONTRE-INDICATIONS : Hypersensibilité
à la substance active ou à l’un des excipients. Hypersensibilité aux
produits des cellules ovariennes de hamster Chinois ou à d’autres
anticorps recombinants humains ou humanisés. Grossesse (voir
Grossesse et allaitement). MISES EN GARDE SPÉCIALES ET
PRÉCAUTIONS D’EMPLOI* : Perforations gastro-intestinales.
Fistule. Complications de la cicatrisation des plaies. Hypertension artérielle.
Syndrome de leucoencéphalopathie postérieure réversible. Protéinurie.
Thromboembolies artérielles. Thromboembolies veineuses. Hémorragies.
Hémorragies pulmonaires/hémoptysies. Insuffisance cardiaque
congestive. Neutropénies. INTERACTIONS*. GROSSESSE ET
ALLAITEMENT* : Avastin est contre-indiqué chez la femme enceinte.
Les femmes en âge de procréer doivent utiliser des mesures contraceptives
efficaces au cours du traitement et pendant les 6 mois qui suivent son arrêt.
Les femmes doivent interrompre l’allaitement pendant le traitement et
ne doivent pas allaiter pendant au moins 6 mois après l’administration
de la dernière dose. EFFETS SUR L’APTITUDE À CONDUIRE
DES VÉHICULES ET À UTILISER DES MACHINES*.
EFFETS INDÉSIRABLES* : Perforations gastro-intestinales.
Fistule. Cicatrisation des plaies. Hypertension artérielle. Protéinurie.
Hémorragies. Hémorragies associées à la tumeur. Thromboembolies
(artérielles et veineuses). Insuffisance cardiaque congestive.
Patients âgés. Anomalies des paramètres biologiques. Expérience
depuis la commercialisation. SURDOSAGE*. PROPRIÉTÉS
PHARMACODYNAMIQUES* : anticorps monoclonal ; L01XC07.
PROPRIÉTÉS PHARMACOCINÉTIQUES*. DONNÉES DE
SÉCURITÉ PRÉCLINIQUES*. INCOMPATIBILITÉS* : glucose.
CONSERVATION* : 2 ans. La stabilité chimique et physique en cours
d’utilisation a été démontrée pendant 48 heures entre 2°C et 30°C dans une
86028373 Etabli le 17/09/2009 H.RibonCom
AVASTINº 25 mg/ml, solution à diluer pour perfusion.
COMPOSITION* : 100 mg de bevacizumab dans 4 ml et 400 mg
dans 16 ml de solution à diluer pour perfusion. INDICATIONS
THÉRAPEUTIQUES : Avastin (bevacizumab) en association à une
chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, est indiqué chez les patients
atteints de cancer colorectal métastatique. Avastin en association au
paclitaxel ou au docetaxel ,est indiqué en traitement de première ligne,
chez les patients atteints de cancer du sein métastatique. Pour une
information complémentaire concernant le statut HER2, référez-vous
à la rubrique Propriétés Pharmacodynamiques. Avastin, en association
à une chimiothérapie à base de sels de platine, est indiqué en traitement
de première ligne chez les patients atteints de cancer bronchique non
à petites cellules, avancé et non opérable, métastatique ou en rechute,
dès lors que l’histologie n’est pas à prédominance épidermoïde. Avastin,
en association à l’interféron alfa-2a, est indiqué en traitement de
première ligne, chez les patients atteints de cancer du rein avancé et/ou
métastatique. POSOLOGIE ET MODE D’ADMINISTRATION* :
Il est recommandé de poursuivre le traitement jusqu’à la progression de la
maladie sous-jacente. Une réduction de dose n’est pas recommandée en
cas de survenue d’effet indésirable. Si nécessaire, le traitement doit être soit
arrêté de façon définitive, soit suspendu de façon temporaire, comme décrit
en rubrique Mises en garde et Précautions d’emploi. Cancer colorectal
métastasique : Avastin est recommandé soit à la posologie de 5 mg/kg
ou 10 mg/kg de poids corporel administré une fois toutes les 2 semaines,
soit à la posologie de 7,5 mg/kg ou 15 mg/kg administré une fois toutes les
3 semaines, en perfusion IV. Une réduction de dose n’est pas recommandée
en cas de survenue d’effet indésirable. Dans ce cas, le traitement doit être
soit suspendu de façon temporaire, soit arrêté de façon définitive. Pour
plus de détails, voir Vidal. Cancer du sein métastatique : Avastin est
recommandé à la posologie de 10 mg/kg de poids corporel, administré
une fois toutes les 2 semaines ou à la posologie de 15 mg/kg de poids
corporel administré une fois toutes les 3 semaines, en perfusion IV. Cancer
bronchique non à petites cellules (CBNPC) : Avastin est administré en
association à une chimiothérapie à base de sels de platine jusqu’à 6 cycles
de traitement, suivis de Avastin en monothérapie jusqu’à progression de la
maladie. Avastin est recommandé à la posologie de 7,5 mg/kg ou 15 mg/
kg une fois toutes les 3 semaines, en perfusion IV. Le bénéfice clinique chez
les patients atteints de CBNPC a été démontré aux posologies de 7,5 mg/
kg et 15 mg/kg. Pour plus de détails, voir Vidal. Cancer du rein avancé
et/ou métastatique (CRm) : Avastin est recommandé à la posologie de
10 mg/kg de poids corporel, administré une fois toutes les 2 semaines,
• Intérêt des cancérologues européens pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans et
plus au moment du diagnostic : analyse de la situation et mesures d’amélioration
Billet d’humeur
• Éthique et OncoGériatrie
Dossier thématique
• Le cancer du sein de la femme âgée
JOG
»
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Avant-propos
L
e futur de l’Oncologie impliquera de plus en plus la prise en compte des personnes âgées.
Le cancer est une maladie de l’âge. Il n’est pas surprenant que plus de 50 % des nouveaux cancers surviennent chez
les plus de 65 ans. En 2030, 70 % de tous les cancers seront retrouvés chez les personnes âgées.
Paradoxalement, nous ne possédons que peu d’informations sur le management des cancers dans cette population.
Nous savons que le pronostic d’une « leucémie myéloïde aiguë » se dégrade avec l’âge mais nous n’avons pas encore
trouvé une voie pour inverser cet état de fait. Nous ne savons pas quelles chimiothérapies adjuvantes pour les cancers
du sein, colorectal, et poumon sont efficaces chez les plus de 70 ans.
Nous ne possédons pas les bons paramètres pour mesurer les aspects physiologiques plutôt que l’âge chronologique.
Ce manque d’information est décourageant, mais ce journal qui fera la lumière sur cette problématique est une raison
majeure d’espérer. Cette « revue » est le fruit d’un effort de plusieurs années des oncologues et gériatres français à travailler ensemble à la prise en charge de la personne âgée atteinte de cancer.
Cette coopération, unique au monde, a généré un formidable réseau d’investigateurs sur l’ensemble du territoire qui a
permis d’implémenter des protocoles de recherches cliniques spécifiques chez les personnes âgées.
Avec un peu de chance, ce journal conduira les investigateurs à travers le monde à faire encore plus attention et ne pas
négliger ces populations atteintes de cancers.
Étant le fer de lance et quelque peu seul dans le management des cancers de la personne âgée dans les années 90,
je ne peux qu’enregistrer ma satisfaction pour ce remarquable accomplissement, congratuler l’équipe éditoriale et souhaiter à ses membres le succès immédiat qu’ils méritent.
Je prédis que cet effort aura autant d’impact chez les patients âgés atteints de cancers que le Trastuzumab a fait pour
le cancer du sein chez les patientes exprimant HER2neu.
Je souhaite à cette occasion remercier l’INCA et en particulier Claude Jasmin et Marie-Hélène Rodde-Dunet de m’avoir
permis de participer à la réflexion oncogériatrique.
/
/
Depuis plusieurs mois déjà, Luca Balducci, mon premier petit-fils, est né à la Nouvelle-Orléans, faisant la joie et la fierté
de Claudia et moi-même. Dans le même temps, la naissance de ce journal me permet une excitation double avec le fait
d’être grand-père.
Lodovico Balducci
Professor of Oncology and Medicine, University of South Florida College of Medicine, Director, Division for
Geriatric Oncology, Moffitt Cancer Center and Research Institute, Tampa, Florida
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L’
Oncogériatrie est née en France d’une initiative de l’Institut National du Cancer (INCa) en 2005 : doter la France
d’un réseau de structures qui permet d’optimiser la prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer.
Cela a été l’origine de la création des Unités Pilotes d’Oncogériatrie. Elles ont une mission de soins, de recherche,
de formation et d’information. Pourtant les précurseurs de l’Oncogériatrie ont été le groupe de Tampa (Lodovico Balducci
et Martine Extermann) et les groupes italiens, en particulier Silvio Monfardini. La diffusion de l’information et de la recherche
doit se faire par des publications. Il en est d’excellentes en anglais. Jusqu’à présent il n’en existait pas en français. Un
journal français d’Oncogériatrie est le bienvenu. Son rôle doit être de permettre de diffuser des articles relevant de la formation des médecins et des personnels paramédicaux, de la mise au point de l’état de l’art, de débats sur les mécanismes de prise en charge. Un tel journal doit aussi servir de base à l’enseignement théorique (des revues générales) et
pratique (des cas cliniques commentés). Il doit aussi permettre la communication entre les acteurs de l’Oncogériatrie,
aussi bien professionnels que représentants des usagers. Il s’agit ici d’une expérience passionnante qui complètera l’action des sociétés qui font la promotion de l’Oncogériatrie au plan national (le GEPO-G) et international (la SIOG) et viendra renforcer la diffusion de la littérature internationale sur le sujet.
Jean-Pierre Droz
Professeur émérite d’Oncologie Médicale, Université Claude-Bernard-Lyon-1, Consultant, Centre Léon-Bérard
28 rue Laënnec, 69008, Lyon, France - [email protected]
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Sommaire
Rédacteurs en chef
V. Girre (Paris)
O. Guerin (Nice)
Rédacteur en chef technique
1
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
Avant-propos Foreword
L. Balducci, J.-P. Droz
7
Éditorial Editorial
T. Marquet (Paris)
V. Girre, O. Guérin
Advisory board
Recherche fondamentale Fundamental research
Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas mourir ?
Senescence and cancer : do we have to age in order to avoid death?
L. Balducci (Tampa - Floride)
J.-P. Droz (Lyon)
8
Chefs de rubrique
Recherche fondamentale : G. Zulian (Genève - Suisse)
Santé publique : T. Cudennec (Boulogne-Billancourt)
Cas clinique : F. Retornaz (Marseille)
Article original : C. Terret (Lyon)
Comité éditorial
G. Albrand (Lyon) - E.-C. Antoine (Neuilly-sur-Seine) T. Aparicio (Bobigny) - A. Astier (Créteil) - R. Audisio
(Londres - UK) - D. Azria (Montpellier) - S. Baffert (Paris)
- L. Balardy (Toulouse) - S. Bonnin-Guillaume (Marseille)
- C. Boulenc (Paris) - E. Brain (Saint-Cloud) - E. Carola
(Senlis) - P. Chaibi (Paris) - A. Charrasse (Monaco) P. Chassagne (Rouen) - S. Delaloge (Villejuif) M. Extermann (Tampa - USA) - E. François (Nice) P. Follana (Nice) - J.-M. Hannoun-Levi (Nice) - Y. Kirova
(Paris) - C. Leger-Falandry (Lyon) - F. Lokiec (SaintCloud) - Y. Menu (Paris) - L. Mourey (Toulouse) - M. Paccalin
(Poitiers) - M. Puts (Toronto - Canada) - L. Ribière
(Versailles) - L. Rotenberg (Neuilly-sur-Seine) - F. Rousseau
(Marseille) - S. Schneider (Nice) - F. Scotté (Paris) L. Sifer-Rivière (Paris) - P. Soubeyran (Bordeaux) J.-P. Spano (Paris) - L. Teillet (Paris)
Comité scientifique
M. Arcand (Sherbrooke - Canada) - J.-P. Aquino (Paris)
- B. Asselain (Paris) - D. Benchimol (Nice) - H. Bergmann
(Montréal - Canada) - G. Berrut (Nantes) - F. Blanchard
(Reims) - M. Bonnefoy (Lyon) - H. Curé (Reims) T. De Baere (Paris) - M. Debled (Bordeaux) - L. Escalup
(Paris) - M. Ferry (Valence) - G. Freyer (Lyon) J.-P. Gérard (Nice) - E. Gilson (Nice) - X. Hebuterne (Nice)
- M. Hery (Monaco) - C. Jeandel (Montpellier) - P. Kerbrat
(Rennes) - D. Khayat (Paris) - J. Latreille (Montréal - Canada)
- J.-P. Lotz (Paris) - L. Mignot (Paris) - E. Mitry (BoulogneBillancourt) - F. Mornex (Lyon) - M. Namer (Nice) F. Nourhashemi (Toulouse) - A. Pesce (Monaco) - J.-Y. Pierga
(Paris) - F. Piette (Ivry-sur-Seine) - F. Puisieux (Lille) M. Rainfray (Bordeaux) - G. Ruault (Paris) - O. Saint-Jean
(Paris) - M. Schneider (Nice) - C. Thieblemont (Paris) A. Thyss (Nice) - A. Toledano (Neuilly-sur-Seine) J.-M. Vannetzel (Neuilly-sur-Seine) - U. Wedding (Berlin
- Allemagne) - H. Wildiers (Louvain - Belgique)
Comité de lecture
C. Falandry, F. Magdinier, E. Gilson
15
S. Baffert, A. Livartowski, I. Borget
21
22
26
33
Imprimeur
Cas clinique Clinical case study
Quand l’équipe gériatrique restaure la confiance de l’équipe médico-chirurgicale
When the geriatric team restores the surgical team’s confidence
F. Retornaz, I. Potard, C. Molines, V. Grisoni, F. Rousseau
37
Article original Original article
Intérêt des cancérologues européens pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans
et plus au moment du diagnostic : analyse de la situation et mesures d’amélioration
Assessment of European oncologists’ interest in the development of a geriatric approach
for cancer patients aged 75 and older: situation analysis and improvement program
P. Anhoury, T. Perache
41
22, rue Chanez
75016 Paris - France
[email protected]
www.le-jog.com
Au support
Radiothérapie du cancer du sein chez la femme âgée
Breast cancer radiotherapy in elderly women
Y. Kirova, B. Cutuli
Kephren Publishing
Maquette
Faut-il traiter toutes les patientes porteuses d’un cancer du sein après 70 ans ?
Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70?
V. Girre, E. Brain
30
Editeur
D. Verza
Dossier thématique Review
Le cancer du sein de la femme âgée
Breast cancer in older women
Évaluation du patient en oncogériatrie : cas du cancer du sein
Geriatric assessment in oncology practice: breast cancer in the elderly
M. Gisselbrecht, A. Minard
Liste communiquée en fin d’année
Directeur de la publication
Santé publique Public health
L’évaluation économique en oncogériatrie
Economic evaluation in oncogeriatrics
Impact de l’évaluation gériatrique standardisée en oncologie : analyse rétrospective
monocentrique chez 59 patients âgés atteints de cancer
Impact of a comprehensive geriatric assessment (CGA) in oncology. A monocentric
retrospective analysis of 59 cancer patients
R. Boulahssass, E. Chamore, I. Bereder, V. Mari V, H. Jaoua, AL. Couderc, E. François, P. Pras,
P. Brocker, A. Thyss, O. Guérin
49
Actualités News
L’image du JOG - Une cascade dans la plèvre !
Y. Menu, F. Al Freijat
51
S.P.E.I. Imprimeur, Pulnoy
Congrès - 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG),
Berlin, 15-17 octobre 2009
Relations commerciales
V. Girre, O. Guérin
I. Chartrain - [email protected]
Billet d’humeur Personal view
Éthique et OncoGériatrie
Abonnements
[email protected]
N° CPPAP : en cours
N° ISSN : en cours
Dépôt légal : à parution
54
Interview du Professeur François Blanchard par Dimitri Verza
55
55
Petites annonces Job ads
Agenda Calendar
Les articles publiés dans le Journal d’OncoGériatrie le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
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Éditorial Editorial
JOG n1:Mise en page 1
Éditorial
Chère consœur, cher confrère,
« Le cancer sera une maladie de l’âge ! » annonçait dans les années 90 le Pr Lodovico Balducci, un des pionniers du
concept de l’oncogériatrie.
Or, aujourd’hui en 2010, 50 % des nouveaux cancers surviennent chez les patients de plus de 65 ans, et nous ne possédons que peu d’informations et de données sur la prise en charge spécifique de ces cancers.
C’est pourquoi, en ce début d’année 2010, nous sommes heureux de vous présenter le 1er numéro du JOG, le Journal
d’OncoGériatrie, 1ère revue d’expertise scientifique francophone destinée à l’ensemble des acteurs de la prise en charge
des cancers de la personne âgée.
Le JOG, Journal d’OncoGériatrie sera une revue d’information et de formation scientifique au service de l’ensemble des
professionnels de santé.
Il paraîtra de manière bimestrielle au travers de cinq grandes rubriques : Recherche/Santé Publique/Cas clinique/Article
original/Actualités.
Un dossier de type FMC traitant d’une thématique particulière viendra compléter chaque numéro.
Nous avons souhaité que nos différents comités soient à l’image de la réflexion oncogériatrique, à savoir pluridisciplinaires.
Nous remercions chaleureusement l’ensemble de nos confrères qui ont accepté de nous rejoindre et de participer à
cette nouvelle aventure.
Une revue scientifique est un organe de communication vivant. Comme toute nouvelle revue scientifique, il n’acquerra
ses lettres de noblesse qu’au travers des travaux scientifiques qu’il publiera. Aussi, nous comptons sur vous afin de nous
soumettre vos travaux pour qu’ils figurent dans cette revue, qui se veut notre revue à toutes et à tous.
Enfin, la pérennité du JOG se réalisera au travers de son nombre d’abonnés. Nous souhaitons donc que vous preniez
autant de plaisir à lire ce premier numéro que nous en avons eu à le construire, et comptons sur votre soutien en vous
abonnant à cette revue scientifique originale.
Bonne lecture !
Olivier Guérin
Gériatre – CHU de Nice
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Véronique Girre
Oncologue médical – Institut Curie, Paris
7
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
Recherche fondamentale Fundamental research
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Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas
mourir ?
Senescence and cancer : do we have to age in order to avoid death?
C. Falandrya, F. Magdinierb, E. Gilsonc
a. Service d’Oncologie Médicale, Centre Hospitalier Lyon Sud, Hospices Civils de Lyon, 69310 Pierre-Bénite, France ;
Université de Lyon, 69622 Lyon, France ; Université Lyon 1, UMR5239, Faculté de Médecine Lyon Sud, 69600
Oullins, France
b. Laboratoire de Biologie Moléculaire de la Cellule, CNRS UMR5239, Ecole Normale Supérieure de Lyon, UCBL1,
IFR128, 46 allée d’Italie, 69364 Lyon Cedex 07, France ; Laboratoire de Génétique Médicale et Génomique
Fonctionnelle, INSERM UMRS910, Faculté de médecine de la Timone, 27 boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille
cedex 5, France
c. Laboratoire de Biologie et Pathologie des Génomes, UMR CNRS INSERM University of Nice Sophia-Antipolis,
Faculty of Medecine, France ; Department of Medical Genetics, Archet 2 Hospital, CHU of Nice, France
Résumé
Nous avons récemment appris que la régulation de la sénescence des cellules est impliquée dans la suppression
tumorale et le vieillissement de certains tissus. Il se pourrait donc que le vieillissement soit la contrepartie de mécanismes de suppression tumorale. Dans cette hypothèse, il peut paraître paradoxal que l’incidence des cancers augmente avec l’âge. Nous discutons ici l’idée que le vieillissement est une tentative des organismes à échapper au
cancer mais qui s’avère vaine du fait de l’accumulation de dommages cellulaires avec le temps. Il émerge donc que
la sénescence des cellules peut à la fois nous empêcher de mourir jeune du cancer et nous amener à vieillir, ce qui
en retour augmente les probabilités de transformation tumorale.
Mots clés : Sénescence, cancer, oncogériatrie, télomère, longévité, vieillissement.
Abstract
We recently learned that regulation of cell senescence is a factor in both tissue ageing and tumor suppression. We
can thus postulate that ageing is a counterpart of tumor suppression mechanisms. On this assumption, it may seem
paradoxical that the incidence of cancer increases with age. In this review, we discuss the idea that ageing is an
attempt to prevent cancer development but is in vain because of time-dependent cumulative DNA damage. It thus
emerges that cell senescence can both prevent us from dying early of cancer and cause ageing, which in turn increases
the probability of tumoral transformation.
Keywords : Senescence, cancer, oncogeriatrics, telomere, longevity, ageing.
Introduction
par une espérance de vie résiduelle très variable, par l’apparition ou non de pathologies dégénératives dont notamment les pathologies cardio-vasculaires, neurologiques, ostéoarticulaires, diabétiques, mais aussi néoplasiques, pathologies
pour lesquelles sont retrouvés, comme pour le vieillissement, des déterminants constitutionnels et d’autres extérieurs.
Différent du concept de vieillissement d’un organisme,
le concept de vieillissement cellulaire est observé lors de
la mise en culture de cellules somatiques primaires 1. Il se
caractérise après un certain nombre de divisions par l’arrêt permanent du cycle cellulaire et l’apparition d’un phénotype sénescent impliquant d’importants remaniements
À l’analyse de données épidémiologiques et physiopathologiques, le vieillissement est généralement perçu
comme la résultante de l’influence croisée d’éléments
constitutionnels, dits « génétiques », d’éléments liés au mode
de vie et d’évènements extérieurs.
La discipline gériatrique et la géronto-biologie s’intéressent aux aspects spécifiques, médicaux et biologiques,
résultant du vieillissement à l’échelle de l’organisme humain
et ont développé des concepts tels que le vieillissement
« harmonieux », la « fragilité », l’état « hypercatabolique »,
qui illustrent le caractère hautement hétérogène du vieillissement. Cette hétérogénéité s’illustre, à un âge donné,
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ?
cellulaires et une modification du programme d’expression génétique. Cette sénescence dite réplicative est causée par le raccourcissement inexorable de l’ADN formant
l’extrémité des chromosomes (ou télomères) à chaque division cellulaire. Cette érosion télomérique rythmée par le
cycle cellulaire peut donc être considérée comme un
mécanisme d’« horloge mitotique », une façon pour la cellule de compter le nombre de divisions et non le temps
chronologique. La dérégulation de ce mécanisme de
comptage, par l’intermédiaire d’une activation de la transcriptase inverse télomérase, capable de compenser le
raccourcissement de l’ADN télomérique, ou de mécanismes alternatifs de recombinaison allongeant l’ADN télomérique (mécanisme appelé ALT), aboutit à l’immortalisation, retrouvée dans la grande majorité des cancers. Il
faut noter que la découverte de cette enzyme a valu le prix
Nobel de Médecine 2009 à Elisabeth Blackburn, Carole
Greider et Jack Scoztack, traduisant une prise de conscience
de l’ensemble de la communauté scientifique et médicale
de l’importance de ces phénomènes.
Plus généralement, le destin d’une cellule au sein d’un
organisme eucaryote obéit à des règles d’homéostasie précisément régulées au cours de la prolifération, de la différenciation, ou lors de l’apoptose et de la sénescence.
Or, l’ensemble des facteurs nécessaires à la régulation de
chacune de ces étapes est codé par un matériel génétique identique dans chaque cellule, et reproduit à l’identique à l’issue de chaque division cellulaire, d’où la nécessité de mécanismes de maintenance de l’intégrité du
génome (appelé « réponse aux dommages de l’ADN » ou
« DNA damage response », DDR en anglais) et de régulation fine de la structuration de l’ADN. Cette structure, la
chromatine, permet d’assurer des programmes d’expression génétique spécifiques à chaque étape du cycle et à
chaque état cellulaire. Les mécanismes impliqués sont fréquemment appelés « épigénétiques » bien qu’ils n’impliquent pas toujours une héritabilité de l’état chromatinien.
L’étude des réponses aux dommages de l’ADN et de la
chromatine constitue actuellement des voies de recherche
extrêmement prometteuses en terme de biologie du vieillissement car le temps, mais aussi certains facteurs constitutionnels et environnementaux, ont une influence directe
sur l’intégrité de l’ADN des chromosomes (mutation) et
de leur organisation en chromatine (épimutation). Il est probable que l’hétérogénéité caractéristique du vieillissement
à l’échelle d’un organisme est directement liée à certains
mécanismes de régulation de la chromatine et de nombreuses pathologies dégénératives sont largement influencées voire directement causées par des dysfonctions
génétiques et épigénétiques.
Parmi ces pathologies, la transformation cancéreuse est
elle aussi hétérogène, et constitue une des conséquences
les mieux connues des dérégulations de la prolifération,
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de la différenciation, de l’apoptose et de la sénescence.
De manière surprenante, la sénescence protège les cellules contre la transformation maligne, conduisant à la
question, « Faut-il vieillir pour ne pas mourir de cancer ? ».
Mais, en accord avec l’augmentation de l’incidence de cancer avec l’âge, la sénescence cellulaire peut aussi faciliter la survenue des cancers, rendant plus complexe encore
la relation entre vieillissement et cancer.
Origines et définition de la sénescence
cellulaire
Le phénomène de sénescence cellulaire a initialement
été identifié comme un ensemble de modifications phénotypiques consécutives à un maintien prolongé de cellules en culture 1. Ces modifications phénotypiques comprennent un accroissement de la taille cellulaire, un
changement du profil d’expression génique et notamment de la matrice extra-cellulaire, dont l’expression de
la β-galactosidase est l’un des stigmates. Mais de façon
plus caractéristique les cellules sont bloquées dans le
cycle cellulaire, généralement en G1 mais parfois aussi en
G2, et réfractaires à l’apoptose, pouvant être maintenues
au long cours avec un métabolisme basal conservé. La
sénescence cellulaire apparaît lorsque les capacités cellulaires de réponse aux stress sont dépassées, par trois
phénomènes distincts : l’autophagie, la sénescence réplicative et la sénescence prématurée. L’autophagie fait
intervenir l’accumulation d’autophagolysosomes contenant
des métabolites en excès au sein du réticulum endoplasmique. Les deux autres voies font intervenir les voies de
réponses aux dommages de l’ADN passant par l’induction de p53, la déphosphorylation de pRB et la surexpression d’inhibiteurs des kinases du cycle cellulaires (par
exemple, p15, p16, p21 et p27) suite à la reconnaissance
des lésions à l’ADN par les kinases de la famille des PIKKs
(Phosphatidyl inositol 3-OH Kinase-like Kinases) ATM,
DNA-PK et ATR.
Initialement observées en laboratoire, les cellules sénescentes ont maintenant été décrites dans des tissus où leur
nombre semble augmenter avec l’âge, ce qui pose la
question de savoir si la sénescence cellulaire contribue au
vieillissement des organismes.
Théoriser le vieillissement,
un bref aperçu historique
En 1952, Medawar a conceptualisé le vieillissement
comme une accumulation aléatoire d’évènements délétères, chacun étant de faible amplitude 2. Cette théorie,
dite de « l’accumulation des mutations » ou du « fardeau
mutationnel » est en accord, au même moment, avec les
réflexions de Comfort qui amènent l’idée que les mécanismes de vieillissement échappent au programme de
développement gouverné par la sélection naturelle 3, 4.
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La formulation par Williams en 1957 de la théorie de la
pléïotropie antagoniste, qui prédit que des programmes
entraînant un avantage en survie à un âge précoce deviendraient néfastes au cours du temps, suggère que le vieillissement peut résulter à la fois d’une accumulation de mutations et de l’effet délétère à long terme de certains gènes
5. Enfin, la théorie plus récente de Thomas Kirkwood du
soma jetable postule que la maintenance de la lignée germinale se fait au détriment de la maintenance du soma 6.
Nous allons examiner dans les paragraphes suivants ce
qu’il faut penser de ces théories du vieillissement à la
lumière des données expérimentales et de nos connaissances sur la sénescence cellulaire. Nous verrons combien il est étonnant que ces théories « pré-moléculaires »
aient trouvé un écho dans les études les plus récentes de
la biologie moderne, permettant d’envisager un modèle
intégré des mécanismes du vieillissement normal et pathologique.
aussi modulées par une régulation fine de la structure
chromatinienne et des modifications épigénétiques.
Selon les cas, les conséquences de ces dommages à
l’ADN sont mutagènes, et conduisent préférentiellement
à la transformation cellulaire, ou alors cytotoxiques ou cytostatiques, et induisent par apoptose et sénescence à un vieillissement prématuré. Chez les patients porteurs de mutations congénitales de gènes impliqués dans la réponse
aux dommages à l’ADN, le phénotype se caractérise par
une augmentation du risque de cancers, lors notamment
de la mutation des gènes XPA à XPG dans le cas de
Xeroderma pigmentosum, par l’apparition d’un vieillissement prématuré comme dans les syndromes progéroïdes
de Cockayne, lié aux mutations de CSA ou CSB, ou par
l’association des deux, comme dans le syndrome de
Werner, lié à la mutation de l’hélicase WRN. Ces différences phénotypiques dépendent de l’implication de voies
de réparation de l’ADN différentes d’un cas à l’autre. La
mutagenèse est au premier plan lors des défauts de réparation dépendants de l’excision de nucléotides (NER,
nucleotide excision repair), tandis qu’un vieillissement
prématuré accompagne les mécanismes de réparation
associés à la transcription. Dans ces cas, le blocage prolongé de la transcription induit l’apoptose et/ou la sénescence de la cellule.
Dans le contexte plus général des phénomènes tissulaires liés au vieillissement, il reste cependant à déterminer la part relative de l’entrée en sénescence ou apoptose et des mutations en elles-mêmes.
Le stress génotoxique,
une cause très probable du vieillissement
Dans une étude complexe de populations de drosophiles, Hughes et coll. ont montré le rôle majeur des évènements mutagènes dans le vieillissement, favorisant la
théorie de l’accumulation de mutations 7. Selon ce modèle,
l’âge résulterait de la balance entre les stress génotoxiques
et les mécanismes mis en jeu par la cellule pour sa protection contre ces évènements mutagènes.
Plus que les stress environnementaux (rayonnements γ,
UV, X…), la principale source de stress génotoxique est
le métabolisme cellulaire lui-même, à l’origine de l’hydrolyse et de la formation de dérivés oxydés et de radicaux
libres pouvant endommager les macromolécules cellulaires
dont l’ADN. La cellule accumule au cours du temps les
stigmates de ce métabolisme. Chez la levure en cours de
division, Aguilianu et coll. ont montré une répartition non
aléatoire des dérivés oxydés de certaines protéines de la
chromatine, se concentrant dans l’une des cellules filles
(nommée alors « cellule mère »), alors que l’autre en est
quasiment dépourvue 8. De plus, de nombreuses analyses
transcriptomiques ont montré le rôle prépondérant des gènes
régulateurs du métabolisme oxydatif, notamment mitochondrial, au cours du vieillissement 9-12. Par ailleurs, l’équilibre entre oxydation et réduction fait intervenir des éléments
constitutionnels, génétiques notamment, mais aussi exogènes comme le mode de vie 13, le régime alimentaire (restriction calorique chez la levure 14, les vitamines « antioxydantes ») ou l’âge chronologique 15, 16. Les gènes impliqués
dans la réponse aux dommages de l’ADN sont ainsi les
principaux déterminants génétiques de cette réponse cellulaire aux stress génotoxiques, et donc de l’inégalité face
au vieillissement et au risque de cancer. De plus, l’expression de ces gènes et la régulation globale du génome sont
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L’érosion des télomères, une explication
moléculaire du soma jetable ?
Les télomères assurent la stabilité des extrémités chromosomiques. Ces extrémités composées des répétitions
de la séquence TTAGGG n’adoptent pas une structure chromatinienne classique mais forment des complexes nucléoprotéiques spécifiques impliquant des protéines affines de
l’ADN télomérique (TRF1, TRF2 et Pot1) mais aussi de nombreuses protéines impliquées dans la réparation des dommages à l’ADN comme ATM, MRE11/RAD50/NBS1 et Ku.
Ces complexes peuvent entraîner la formation d’une boucle ou lasso, appelée boucle-T, qui pourrait contribuer à
la stabilité des extrémités naturelles des chromosomes.
La principale cause de réarrangement télomérique est
la division cellulaire elle-même, qui s’accompagne physiologiquement de la perte de motifs TTAGGG, lors du fonctionnement normal de la machinerie de réplication. Dans
certains types cellulaires, l’activation d’une télomérase
compense cette perte physiologique par l’élongation de
nouvelles répétitions sur l’extrémité 3’ de l’ADN chromosomique. Si cette activité permet le maintien de la taille
des télomères dans la plupart des cellules germinales et
intervient dans l’étape d’immortalisation au cours de la can10
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cérogenèse, elle est insuffisante pour reconstituer le stock
d’ADN télomérique dans la plupart des cellules somatiques.
De ce fait, la division des cellules somatiques entraîne de
manière inexorable une diminution de la taille des télomères.
Ainsi, les cellules ayant effectué un grand nombre de divisions possèdent des télomères extrêmement raccourcis,
ce qui déclenche l’entrée en sénescence dite réplicative.
Il est étonnant de constater que cette dynamique télomérique donne un support moléculaire à la théorie du soma
jetable. En effet, comme le montrent maintenant de nombreux modèles de souris dépourvus de télomérase, une
perte télomérique trop importante est une cause du vieillissement de certains tissus, notamment ceux soumis à un renouvellement fréquent (épithélia, cellules hématopoïétiques…).
De plus, il a été montré chez la levure que des cellules qui
échappent à la sénescence réplicative en circularisant leurs
chromosomes sont capables de se diviser à l’état végétatif
mais ont perdu leurs capacités d’effectuer une division méiotique normale, prévenant ainsi toute production de gamète.
Il semble donc que, du fait de la linéarité de nos chromosomes, le prix à payer à la reproduction sexuée soit le vieillissement des tissus somatiques.
Les relations entre p53 et télomérase jouent certainement
un rôle majeur dans la sénescence et l’apparition de
tumeurs. Contrairement à p53, dont l’expression est invalidée dans près de 50 % des cancers, la télomérase est
surexprimée dans près de 90 % des cancers. En effet, la
surexpression de la télomérase est nécessaire à la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse 31
et des souris dépourvues de télomérase sont plus résistantes à la formation de cancers tandis que les même souris ayant perdu l’un des allèles de p53 présentent un nombre plus élevé de tumeur avec l’âge que les souris contrôles
hétérozygotes pour p53 et sauvage pour la télomérase.
La télomérase constitue donc une cible attractive pour
le traitement des cancers. Son action pourrait être purement catalytique en allongeant l’ADN télomérique, empêchant ainsi l’apparition de télomères trop courts et l’activation de p53 32, 33. Toutefois, de manière intéressante,
la télomérase semble également jouer d’autres rôles au
cours du développement et dans le fonctionnement des
cellules souches. Ces fonctions, non directement télomériques, peuvent contribuer à la transformation maligne.
Ainsi, la surexpression de la télomérase diminue la dépendance pour les facteurs de croissance 33, augmente le
taux de prolifération 34 et favorise l’induction d’événements
tumorigènes 35-37, atténue la réponse dépendante de
p53 38, 39 tandis que l’abolition de la télomérase entraîne
des transformations homéotiques en interférant avec la
voie Wnt 40.
La protéine p53, un acteur de la pléiotropie
antagoniste ?
La protéine p53 est une protéine dont les multiples fonctions comprennent, à l’échelle cellulaire, la protection du
génome contre l’ensemble des stress environnementaux,
la régulation de l’homéostasie, le contrôle de la réplication, de la ségrégation mitotique et de la division cellulaire.
En outre, elle participe à la régulation de la matrice extracellulaire, l’angiogenèse et la communication inter-cellulaire (pour revue : 17). Enfin, p53 constitue un acteur clef
des mécanismes du vieillissement relevant de la pléïotropie antagoniste 18-20. Elle joue un rôle central de suppression dans l’apparition de tumeur et d’induction de la sénescence cellulaire en réponse à un grand nombre de stress
21, 22. Selon le degré d’activation de la protéine, un phénotype variable est induit, pro-apoptotique en conditions
d’activation importante, anti-apoptotique induisant l’arrêt
du cycle lorsque son activation est faible. En fait, elle agit
comme un senseur permanent des stress environnementaux ou associés à l’âge. L’activation de p53 est induite
par les sirtuines 23, impliquées dans la réponse aux stress
oxydatifs mais aussi par des oncogènes induisant la sénescence tels que Ras 24-26, l’interféron β impliqué dans la
réponse antivirale 27, mais aussi le TGF-β ou STAT5, par
exemple.
En l’absence de ces stress, p53 est activé en réponse
à des télomères excessivement raccourcis 28. Ce mécanisme pourrait expliquer le phénotype suppresseur de
tumeur observé chez des souris dépourvues de télomérase 29, 30.
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D’autres voies de sénescences indépendantes
de p53
Une autre voie de régulation de la sénescence a été
identifiée du fait de la persistance d’un phénotype sénescent dans certains types cellulaires, malgré l’inhibition de
la voie dépendante de p53 41-43, ou avant l’induction d’une
sénescence réplicative 24. Cette voie dépend de l’association des protéines RB et p16/INK4A 22, 44-47.
La protéine RB est au carrefour des voies de signalisation de la réplication, de la mitose et de l’organisation épigénétique. Cette pléïotropie s’explique car (1) sa forme non
phosphorylée inhibe la transcription dépendante de E2F
par le recrutement de protéines de remodelage de la chromatine (HDACs 48, SWI/SNF), (2) elle intervient dans la répression par silencing de certains promoteurs notamment au
cours de la différenciation, (3) elle contribue à l’instauration et au maintien de marques hétérochromatiques 49,
notamment au niveau de territoires spécialisés tels que les
centromères, les péri-centromères et les télomères 50 et
(4) au remodelage de la chromatine au cours de la sénescence 44.
Lors de la mise en culture prolongée de cellules, une activation de p16/INK4A a été mise en évidence in vivo 51 et
in vitro 51. De plus, p16/INK4A est transactivé au cours
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Vieillir, une tentative pour ne pas mourir ?
de la sénescence réplicative 52-54. Enfin, l’activation de
p16/INK4A peut être induite par une diminution des taux
de EZH2 (Enhancer of Zeste Homolog 2), en réponse aux
dommages à l’ADN. Le locus INK4A-ARF est fréquemment altéré dans les cancers et l’hyperméthylation du promoteur du gène p16/INK4A, induisant une répression
constitutive de l’expression du gène est observée dans la
plupart des cancers 55 . Plus généralement, la voie
p16/INK4A est fréquemment altérée au cours des cancers, un argument supplémentaire en faveur de l’antagonisme entre sénescence et oncogenèse.
Selon la théorie du vieillissement défini comme une accumulation de mutations, les dommages à l’ADN interviendraient comme nous venons de le voir comme un moteur
du vieillissement. Ce concept est étayé par des données
expérimentales d’accélération du vieillissement en condition d’augmentation du métabolisme oxydatif 59. Le vieillissement s’associe aussi à une augmentation du risque
de cancers, probablement dû en majorité à l’apparition
de mutations oncogéniques et à une diminution de l’immunité et des mécanismes de défenses de l’organisme.
A l’inverse, on peut considérer que le vieillissement est
le prix à payer pour échapper au cancer lorsque nous sommes
jeunes, c’est-à-dire en pleine possession de nos pouvoirs
reproductifs. Cette vision amène l’idée, en apparence
paradoxale, que le vieillissement est en fait un phénomène biologique qui augmente la longévité (Figure 1).
Ainsi, il a été récemment montré qu’au cours du vieillissement, qu’il soit normal ou pathologique, le gène du
récepteur d’IGF-1 et les voies de signalisation des axes
somato-, thyréo- et lactotrope sont inhibés. Cette inhibition, retrouvée chez des souris naines (par déficit en hormone de croissance) ou reproduite expérimentalement lors
d’une restriction calorique, interviendrait comme facteur
Des foyers d’hétérochromatine associés à la
sénescence, les SAHF
La sénescence s’accompagne d’une ré-organisation
globale de la chromatine, dépendante de RB 44. Elle est
marquée d’un point de vue morphologique par l’apparition de foyers d’hétérochromatine spécifiques nommés SAHF
(Senescence Associated Heterochromatic Foci) dont le nombre s’accroît avec le temps. Ces foyers sont caractérisés
par la tri-méthylation intense de l’histone H3 dépendante
de Suv39H1, l’accumulation de protéines de l’hétérochromatine: HP1 et MacroH2A 46 notamment. Paradoxalement
l’histone H1, normalement associée à l’hétérochromatine, est exclue 56, mais remplacée par la protéine HMGA Figure 1 : Le vieillissement, un phénomène biologique qui augmente la longévité.
(High Mobility Group A) 57 .
La mise en jeu de phénomènes de sénescence en réponse aux dommages à l’ADN apparaît comme
L’accumulation de ces foyers
un premier niveau de protection de l’espèce, favorisant les individus jeunes en âge de procréer
semble être la conséquence de
aux dépends des plus âgés (théories de l’accumulation de mutations et de la pléïotropie antagol’inactivation des gènes de proniste) et les cellules germinales aux dépends des cellules somatiques (théorie du soma jetable).
lifération contrôlés par le facteur
Le vieillissement apparaît comme un phénomène biologique qui induit à la fois des mécanismes
de transcription E2F 44, selon un
de défense (restriction calorique, diminution du métabolisme) à l’origine d’une augmentation de la
mécanisme dépendant du type
longévité et d’une protection contre les cancers et une augmentation du stress génotoxique qui
cellulaire 47. Ces foyers, dont
augmente les probabilités d’une mutation abolissant la voie p53 et ouvrant la voie au développel’ARN polymérase II est exclue,
ment d’un cancer. La balance entre ces deux conséquences du vieillissement va déterminer la sussont réfractaires à la transcripceptibilité de survenue d’un cancer.
tion et semblent être constitués
uniquement d’hétérochromatine
facultative. En revanche, les
séquences d’hétérochormatine
consitutive (centromères, péricentromères et télomères) sont
condensées à la périphérie
nucléaire 56, 58. Dans les cellules
sénescentes, les gènes activés
sont regroupés le long des chromosomes 47. Les relations entre
organisation spatiale, interaction
à distance de séquences au sein
de la chromatine, sénescence
et cancer constituent certainement des pistes de travail particulièrement prometteuses.
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d’augmentation de la longévité et de suppression des
cancers. La restriction calorique est en effet connue pour
entraîner une augmentation de la durée de vie, un phénomène initialement découvert chez la levure. Chez la
levure, ce phénomène s’explique par la diminution du
métabolisme oxydatif. Chez les eucaryotes supérieurs, la
mise en évidence d’une réponse endocrinienne souligne
donc l’existence de mécanismes adaptatifs complexes induits
par le vieillissement, cette réponse permettant peut-être
de « vieillir pour ne pas mourir ».
pléïotropie antagoniste, car augmenter la réponse cellulaire anti-tumorale conduit à un vieillissement prématuré,
observé lors de la surexpression de p53. A l’échelle de
l’organisme, l’inhibition des voies dépendantes d’IGF-1 et
de la GH induit une réduction du métabolisme cellulaire
mais aussi une protection contre les stress oxydatifs, le
vieillissement et le développement de cancers.
Ces interconnexions multiples mises en évidence expérimentalement ont des implications en oncologie et en gériatrie : faut-il, dans une approche du cancer chez un sujet
âgé, désolidariser la prise en charge de ce cancer de certains éléments cliniques associés, comme l’existence par
exemple d’une cachexie, connue pour être fréquemment
la conséquence d’une augmentation d’IGF1 ? Au contraire,
la survenue de certains types de cancers doit-elle profondément modifier la prise en charge de certains sujets
âgés, pour lesquels le cancer ne semble « qu’une pathologie parmi d’autres ». Ces questions théoriques et pratiques représentent l’un des fondements de l’approche oncogériatrique. ■
Conclusions et perspectives
Comme dans l’ensemble des mécanismes physiologiques d’homéostasie, la régulation de la balance entre
vieillissement et cancer chez les eucaryotes supérieurs,
et chez l’homme notamment, est extrêmement complexe.
A l’échelle de la cellule, l’accumulation de dommages de
l’ADN apparaît comme une cause commune du vieillissement et du développement de cancers, mais la réponse
adaptative dépendante de p53 illustre le phénomène de
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18 Kirkwood TB, Austad SN. Why do we age ? Nature 2000 ; 408 (6809) : 233-8.
19 Campisi J. Aging, tumor suppression and cancer : high wire-act ! Mech Ageing Dev
2005 ; 126 (1) : 51-8.
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Recherche fondamentale Fundamental research
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Recherche fondamentale Fundamental research
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Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ?
34 Smith LL, Coller HA, Roberts JM. Telomerase modulates expression of growth-controlling genes and enhances cell proliferation. Nat Cell Biol 2003 ; 5 (5) : 474-9.
35 Xiang H, Wang J, Mao Y, Liu M, Reddy VN, Li DW. Human telomerase accelerates
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36 Stewart SA, Hahn WC, O’Connor BF, Banner EN, Lundberg AS, Modha P, et al. Telomerase
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44 Narita M, Nunez S, Heard E, Lin AW, Hearn SA, Spector DL, et al. Rb-mediated heterochromatin formation and silencing of E2F target genes during cellular senescence.
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45 Jacobs JJ, Kieboom K, Marino S, DePinho RA, van Lohuizen M. The oncogene and
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ink4a locus. Nature 1999 ; 397 (6715) : 164-8.
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46 Zhang R, Poustovoitov MV, Ye X, Santos HA, Chen W, Daganzo SM, et al. Formation
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49 Gonzalo S, Garcia-Cao M, Fraga MF, Schotta G, Peters AH, Cotter SE, et al. Role of
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50 Gonzalo S, Blasco MA. Role of Rb family in the epigenetic definition of chromatin.
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51 Krishnamurthy J, Torrice C, Ramsey MR, Kovalev GI, Al-Regaiey K, Su L, et al. Ink4a/Arf
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52 Hara E, Smith R, Parry D, Tahara H, Stone S, Peters G. Regulation of p16CDKN2
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53 Alcorta DA, Xiong Y, Phelps D, Hannon G, Beach D, Barrett JC. Involvement of the
cyclin-dependent kinase inhibitor p16 (INK4a) in replicative senescence of normal human
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54 Palmero I, McConnell B, Parry D, Brookes S, Hara E, Bates S, et al. Accumulation
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57 Adams PD. Remodeling of chromatin structure in senescent cells and its potential
impact on tumor suppression and aging. Gene 2007 ; 397 (1-2) : 84-93.
58 Zhang R, Chen W, Adams PD. Molecular dissection of formation of senescenceassociated heterochromatin foci. Mol Cell Biol 2007 ; 27 (6) : 2343-58.
59 Wu LP, Wang X, Li L, Zhao Y, Lu S, Yu Y, et al. Histone deacetylase inhibitor depsipeptide activates silenced genes through decreasing both CpG and H3K9 methylation
on the promoter. Mol Cell Biol 2008 ; 28 (10) : 3219-35.
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L’évaluation économique en oncogériatrie
Economic evaluation in oncogeriatrics
S. Bafferta, A. Livartowskia, I. Borgetb
a. Service d’Information Médicale, Institut Curie, Paris
b. Service de Biostatistique et d’Epidémiologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif, France
Remerciements à I. Durand-Zaleskic
c. Recherche Clinique & Santé Publique, Groupe hospitalier Albert Chenevier Henri Mondor, AP-HP, Créteil, France
Résumé
L’objectif de cet article est de décrire les méthodes et outils d’évaluation économique, en étudiant leur application
aux stratégies de soins utilisées en oncogériatrie. En effet, l’oncogériatrie du fait de ses spécificités (quantité limitée de données issues des essais cliniques, hétérogénéité des situations, nécessité de prendre en compte les coûts
indirects et intangibles, choix de la perspective…) est moins adaptée que la population générale aux méthodes et
outils couramment utilisés dans les évaluations économiques.
Mots clés : Évaluation économique, personnes âgées, cancer.
Abstract
This article describes the methods and tools used for economic evaluation of health care strategies and to discuss
their application to oncogeriatrics. Indeed, because of its specificities (lack of clinical trial data, heterogeneity of
situations, need to take indirect and intangible costs into account, choice of prospects…), oncogeriatrics is less
appropriate than the general population to the methods and tools usually used in economic evaluation.
Keywords : Economic evaluation, elderly, cancer.
Introduction
(montant estimé d’après les données du programme national Medicare) 6.
Les effets conjugués de l’augmentation de la fréquence
des tumeurs, de l’augmentation du coût des prestations
médicales (liés aux progrès diagnostiques et thérapeutiques
et à la mise sur le marché des thérapies ciblées) ainsi que
les spécificités des populations âgées atteintes de cancers (population sous représentée dans les essais cliniques, population poly-pathologique avec de fréquentes
comorbidités, insuffisance de dépistage, retard de prise
en charge, …) nécessitent des réflexions économiques.
Ces réflexions sont d’autant plus nécessaires qu’elles
sont menées dans un domaine qui souffre de l’absence
de données cliniques et économiques.
L’analyse économique appliquée à l’oncogériatrie peut
être utilisée au gré des besoins du secteur sanitaire selon
différentes approches qui répondent à des préoccupations
différentes et complémentaires : celle du coût de la maladie, celle de l’évaluation économique et celle de l’analyse
d’impact budgétaire. Le coût de la maladie (cost of illness)
donne une traduction économique du fardeau de la maladie et de ses traitements ; ces études sont utilisées comme
outils d’aide à l’organisation des soins et des politiques
de santé. L’évaluation économique (economic evaluation)
compare l’efficience de stratégies alternatives ; ces études
Les cancers sont des pathologies du sujet âgé. En 2008,
on estime que près de 60 % des cancers ont été diagnostiqués chez les patients de plus de 65 ans et 31 %
chez les plus de 75 ans, représentant 55 700 cancers
chez les hommes et 41 200 cancers chez les femmes 1, 2.
Environ 100 000 personnes âgées de plus de 65 ans meurent chaque année de cancer ; la mortalité par cancer
représentant 50 % des décès dans cette tranche d’âge 3.
Les cancers sont ainsi responsables de 500 000 années
de vie perdues par an chez les personnes de plus de
75 ans 4. Le coût des soins du cancer pour l’assurance
maladie a été estimé par l’INCa à environ 11 milliards
d’euros en 2004 5. L’impact économique des pertes de
production liées aux arrêts maladie et à la mortalité par
cancer est quant à elle estimée à 17 milliards d’euros, dont
9 milliards liés à la valorisation des activités non rémunérées, issues de la sphère domestique 5. A notre connaissance, il n’existe pas de données en France isolant la part
de ce coût global attribuable aux patients de plus de
65 ans. Cependant, étant donné la forte prévalence du
cancer chez les sujets âgés, l’impact économique apparaît majeur. Aux Etats-Unis, le National Cancer Institute a
estimé que le coût de la prise en charge du cancer des
sujets âgés s’élève à 21,1 milliards de dollars pour 5 ans
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L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer
Dans les études de type coût-efficacité, l’efficacité est
mesurée par un indicateur de résultat clinique objectif
d’état de santé, tels que le nombre d’années de vie
gagnées mesurée d’après la survie globale, le nombre d’années de vie sans progression ou le nombre de récidives
évitées. En oncogériatrie, l’utilisation du nombre d’années
de vie gagnées comme indicateur de résultats peut s’avérer inadapté voire pénalisant (le rapport entre dépenses
engagées et années de vie gagnées étant désavantagé
par sa place au dénominateur) étant donné l’espérance
de vie des patients âgés. De ce fait, pour ces populations,
des critères intermédiaires d’efficacité, tels que la réduction de la durée de l’infection, le nombre de jours sans douleur ont été privilégiés 12.
permettent d’identifier les stratégies optimales de traitement, constituant des outils d’aide à la décision face aux
contraintes budgétaires. Enfin, l’analyse d’impact budgétaire (budget impact analysis) permet de prévoir les conséquences financières de la mise en œuvre d’une stratégie
pour une population cible.
L’analyse économique en oncogériatrie ne doit pas se
limiter à la question : « quel surcoût la collectivité et
l’Assurance maladie peuvent-elle consentir pour améliorer la prise en charge des sujets âgés atteints de cancer ? »
7, 8, 9. La question de l’analyse économique en oncogériatrie nécessite de développer des outils méthodologiques. En effet, les méthodes et outils habituellement utilisés ne s’avèrent pas adaptés à l’oncogériatrie, car ils ne
prennent pas en compte les spécificités et les attentes des
patients âgés (préférence entre la quantité de vie versus
la qualité de la vie, évaluation des coûts de dépendance,
implication de la famille dans la prise en charge de la
maladie…). L’oncogériatrie constitue donc un domaine propice au développement de nouveaux outils, tels que des
indicateurs objectifs permettant de mesurer les capacités
fonctionnelles ou l’invalidité des personnes âgées, ou le
calcul de coût complet dans cette pathologie, incluant les
coûts indirects, les coûts intangibles et les coûts sociaux.
Les grands principes méthodologiques de l’évaluation
économique seront revus dans cet article de façon générale 10, 11 et plus spécifiquement dans le cas des cancers du sujet âgé.
Cependant, ces indicateurs sont parfois trop spécifiques
de l’évolution du cancer, alors qu’ils devraient pouvoir
prendre en compte l’état de santé global du patient, y compris ses comorbidités et les modifications induites par le
cancer sur l’état général du patient. Dans ce contexte, des
évaluations gériatriques multidimensionnelles ont été développées en oncologie médicale. Elles permettent l’identification des problèmes dans les principaux domaines
gériatriques : santé physique et mentale, situation sociale,
environnementale et économique et état fonctionnel. Des
critères composites agrégeant la mortalité et l’incapacité
ont ainsi été utilisés dans des évaluations économiques
à l’étranger. Ainsi, Desch propose d’utiliser l’espérance de
vie sans incapacité (ESVI) plutôt que la survie globale
comme indicateur d’efficacité pour évaluer l’impact de la
chimiothérapie chez les femmes âgées présentant un cancer du sein 13.
Dans les études de type coût-utilité, l’efficacité est pondérée par la satisfaction (ou l’amélioration de qualité de vie)
que tire le patient d’une amélioration de son état de santé.
La technique la plus utilisée consiste à pondérer le nombre
d’années de vie gagnées par un coefficient compris entre
zéro et un, appelé utilité, qui traduit la qualité de vie des patients
au cours de ces années. On parle alors d’années de vie
corrigées par la qualité de vie (QALY), mesure synthétique,
unidimensionnelle, universelle de l’état de santé. L’agrégation
des QALYs individuels pour obtenir une mesure collective
dans des groupes de populations soulève cependant des
problèmes d’équité. En effet, nous ne sommes pas égaux
dans notre capacité à produire des QALYs. Les patients âgés
ont notamment une plus faible capacité à produire des
QALYs que les patients plus jeunes, car le principe de non
pondération les discrimine. Le « fair innings » d’équité entre
générations est difficile à respecter. Par ailleurs, le QALY présuppose de façon discutable qu’une intervention médicale
n’a d’influence que sur l’état de santé stricto-sensu, et n’affecte en rien les autres éléments qui font qu’un temps de
vie apporte de l’utilité à l’individu.
La mesure de l’efficacité
en oncogériatrie : les conséquences
L’évaluation économique est une analyse comparative de
différentes stratégies en santé sur la base de leurs coûts
et de leurs conséquences. Après avoir identifié les stratégies médicales à comparer et défini la population cible, il
convient de définir un indicateur pertinent de mesure des
résultats de santé des stratégies comparées. Le choix de
cet indicateur dépend du contexte dans lequel l’évaluation
économique est menée, c’est-à-dire son objectif, le type
d’acteurs concernés, la dimension que l’on souhaite privilégier (clinique, psychologique, économique ou sociale)
et le temps imparti pour l’évaluation. On distingue quatre
types d’évaluation économique en fonction des mesures
des conséquences : l’analyse de minimisation des coûts,
pertinente dans le cas ou les options comparées sont
strictement identiques du point de vue des conséquences,
y compris en termes d’événements indésirables, l’analyse
coût-efficacité pour laquelle les résultats sont mesurés en
unité naturelle (morbidité, mortalité), l’analyse coût-utilité pour
laquelle les résultats sont mesurés en termes de bien-être
(quality adjusted life years ou QALYs) et l’analyse coût-bénéfice pour laquelle les résultats sont mesurés en termes monétaires (coûts économisés, autres bénéfices).
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L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer
miques du sujet âgé atteint de cancers se limite aux seuls
coûts médicaux directs, comme cela est aussi le cas pour
les autres pathologies 16. Or, les coûts indirects et les coûts
intangibles sont prépondérants en oncogériatrie et devraient
faire l’objet d’une évaluation spécifique adaptée. Il conviendrait de considérer le coût du temps perdu par le sujet
âgé du fait de sa maladie, les coûts non médicaux et
notamment ceux à la charge de l’entourage ou de la
famille du patient 16, 6 et le retentissement de la maladie
en termes d’organisation, de bien-être physique et moral
sur la vie des aidants.
L’ampleur des coûts dépend de la perspective adoptée
dans l’étude. Les différentes perspectives possibles sont
le patient, le financeur ou l’Assurance maladie, l’hôpital et
la société. Il n’y a pas de perspective idéale, mais les
coûts pris en compte dépendent de celle retenue. Ainsi,
le patient considèrera les soins et services qui ne lui sont
pas remboursés (appareillage, aménagement du domicile,
transports non pris en charge par l’assurance maladie).
L’hôpital inclus les coûts hospitaliers et exclus les coûts
ambulatoires. La société considère les ressources utilisées
pour traiter le patient, mais aussi le manque à gagner du
fait de l’hospitalisation et de la maladie.
Une étude du coût de la maladie vise à établir les dépenses
engendrées par une pathologie Deux méthodes permettent d’évaluer le coût de la maladie. La méthode de prévalence estime le coût total d’une maladie sur une année
pour tous les patients atteints : à partir des dépenses
totales de santé, il s’agit de réduire progressivement le périmètre des coûts pertinents en ne retenant que celui des
maladies concernées (méthode descendante). La méthode
de l’incidence appréhende tous les coûts des nouveaux
cas d’une année sur la vie entière de ses patients. Elle exige
des données sur la progression de la maladie et ses traitements associés (méthode ascendante).
Les déterminants du coût du cancer du sujet âgé sont
différents de ceux de la population générale 17. Les sujets
âgés étant à la retraite, l’impact de la maladie sur les arrêts
de travail et sur la production des biens et des services
au niveau national est quasiment nul, sauf pour les aidants.
Le poids économique des pertes de production liées aux
arrêts de travail dans cette population est plus faible que
dans la population générale. En revanche, l’augmentation
des besoins de services liés à la sphère domestique est
importante dans cette catégorie de la population. L’estimation
des pertes de production issues de la sphère domestique
augmente considérablement le coût du cancer du sujet
âgé. De plus, ceci suppose des implications morales et
éthiques importantes. Le fait de ne pas prendre en compte
les coûts indirects peut signifier ne pas estimer la contribution des personnes âgées à la production nationale. Pour
éviter les conséquences morales et éthiques des pertes
de production après 65 ans, l’estimation des pertes de
La mesure de la qualité de vie chez le sujet âgé présente
quelques spécificités. Par rapport aux autres groupes de
patients, la qualité de vie de ces patients présente une forte
variabilité, reflet des souhaits et des préférences de ces
patients, de leur parcours de vie et leurs conditions d’existence au moment de la maladie, mais aussi de la diversité des états de santé, des probabilités individuelles de
survie et des niveaux de ressources fonctionnelles et
sociales. Par ailleurs, les échelles classiquement utilisées
chez l’adulte en oncologie (SF-36, QLQ, HUI) peuvent
s’avérer insuffisantes voire inadaptées pour la mesure de
la qualité de vie chez les patients âgés. En effet, ces questionnaires évaluent insuffisamment l’impact des déficiences,
de l’incapacité, de la perte d’autonomie ou de la dépendance sur la qualité de vie de ces patients et reflètent mal
l’état de ces patients et leurs attentes en termes d’amélioration de la qualité de vie. Une étude danoise a montré
que la qualité de vie des patients en phase métastatiques
de 18 à 82 ans pouvait être perçue comme moins importante que la survie. Elle montrait également que les patients
les plus âgés étaient moins enclins à préférer des traitements agressifs que les patients plus jeunes et que les
patients préféraient éviter de se confronter à la réalité et
laissaient leurs médecins prendre les décisions médicales 14, 15.
Coûts et évaluations économiques
des stratégies en oncogériatrie
Pour les économistes, la notion de coût d’une stratégie
est celle du coût d’opportunité. Il s’agit de la valeur des
résultats auxquels on renonce lorsque les ressources ne
sont pas utilisées dans leur meilleur emploi possible. Ce
principe s’applique aux biens ou soins médicaux ou encore
à la ressource temps (qui peut se traduire par des années
de vie perdues ou du temps passé à l’accompagnement
des malades). L’évaluation des coûts et l’approche du coût
de la maladie seront explicités avant d’envisager l’évaluation économique qui met en regard, dans une même analyse, les conséquences et les coûts des stratégies.
Plusieurs types de coûts, générés ou évités, sont habituellement distingués. Les coûts directs sont ceux directement liés aux traitements de la maladie et de ses conséquences (médicaments, hospitalisation, transports, maintien
et/ou aménagement du domicile, nutrition, appareillage…).
Les coûts indirects correspondent aux pertes de production et de productivité des individus (temps de loisir réduit,
productivités réduites pour le patient, mais aussi pour les
familles et les proches qui assurent leur prise en charge…).
Il s’agit de coûts liés aux richesses non créées, et donc
plus difficiles à estimer. Les coûts intangibles représentent les pertes de bien-être liées à la maladie (douleur, souffrance, réduction de la qualité de vie). L’évaluation des coûts
dans les publications économiques ou médico-éconoLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer
production domestique, à partir de la valorisation ds différentes activités domestiques, est proposée par l’INCa 5.
Lorsqu’ils sont présents, d’autres déterminants majorent
le coût pour la société : la dépendance, le coût pour les
proches et la fin de vie. En revanche, des études américaines ont montré que le coût du cancer pouvait diminuer
avec l’âge. Dans le cancer colorectal 18, 19 et le cancer
du sein 20, ce phénomène s’explique par une réduction
de la durée et de l’intensité des traitements médicaux liée
à une espérance de vie plus faible de ces patients. Ces
résultats concordent avec ceux observés en France, dans
le cancer du colon 21. De plus, le coût de la dernière année
de vie (habituellement très élevée) diminue avec l’âge 22.
Dans l’exemple d’un programme de dépistage, le coût du
cancer dépisté (rapport du nombre de cas dépistés sur
le coût total du programme) varie selon les classes d’âges
de la population concernée. Ce critère est en effet directement sensible au risque de cancer dans la population.
Appliqué au cancer du colon dont le taux d’incidence
annuel est de 52.3/100 000 pour la classe d’âge 50-55 ans
et de 476.6/100 000 pour la classe d’âge 80-85 ans, l’estimation du coût du cancer dépisté serait neuf fois moins
élevé dans cette classe d’âge, en comparaison à la classe
d’âge 50-55 ans 4.
Si le poids économique des cancers du sujet âgé est élevé,
est-ce parce qu’on y consacre beaucoup de ressources
ou est-ce parce que l’utilisation de ces ressources n’est
pas optimisée ? Seule l’évaluation économique, qui considère simultanément les coûts et les résultats de santé, mesure
l’efficience économique de stratégies. Les résultats sont
présentés sous la forme d’un ratio différentiel coût-efficacité (ou utilité) traduisant le coût supplémentaire d’une stratégie par rapport à une autre en regard des conséquences
supplémentaires. On peut aussi l’interpréter comme le
surcoût d’une efficacité supplémentaire avec la stratégie
la plus efficace. Les données de coûts ou d’efficacité peuvent comporter une certaine marge d’erreur liée aux incertitudes de mesures ou d’échantillonnage. Une analyse de
sensibilité doit être mise en œuvre dans toute évaluation
et permet de tenir compte des incertitudes et d’étudier la
robustesse des résultats.
En oncogériatrie, très peu d’évaluations économiques existent 23. Parmi les exemples publiés, le traitement par chimiothérapie chez les femmes âgées de 60 à 80 ans
atteintes d’un cancer du sein a été estimé entre 28 000 et
57 000 US$ par QALY 13. Dans le cancer du poumon, le
rapport coût-efficacité de la prise en charge du cancer du
poumon (tout traitement médical) chez les plus de 65 ans
a été estimé à 403 000 US$ par année de vie gagnée 24.
Ces résultats posent la question du seuil pour définir des
stratégies acceptables. Quel montant la collectivité estelle prête à consentir pour la prise en charge de sujets âgés
atteints de cancer ? Quels choix pour notre avenir ? Quels
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progrès accepter de financer dans notre société ? Quelle
est l’utilité des soins fournis ?
Ce seuil dépend des arbitrages collectifs puisqu’une
grande part des dépenses de santé est financée sur des
prélèvements obligatoires. En Europe, le seuil d’acceptabilité des stratégies se situe autour de 50 000 euros par
QALY ou par année de vie gagnée. Une des voies du
NICE, agence d’évaluation du National Health Service
(NHS), organisme de remboursement Britannique est de
statuer du remboursement ou non de technologies ou programmes de santé à partir du rapport coût-utilité fondé
sur un critère QALY. Récemment, au sujet de la prise en
charge des patients en fin de vie ayant un cancer du rein
et des anti-angiogéniques, le NICE a recommandé que le
seuil habituel de décision soit relevé dans certains cas. Ces
cas concernent les patients en fin de vie, dont l’espérance
de vie est inférieure à 24 mois et pour lesquels aucun traitement alternatif n’est disponible. Chaque mois compterait double et ce concept du « mois compte double »
s’appliquerait, non seulement aux populations jeunes,
mais aussi aux sujets âgés. La société serait ainsi prête à
payer plus, tout en concevant le même critère d’efficacité
dans des cas spécifiques (qui concernent une faible population).
Conclusion
Face aux contraintes budgétaires limitées, le rôle de
l’évaluation économique est d’éclairer les choix de société
qui deviennent délicats en matière d’allocation des ressources. Il s’agit en permanence d’un arbitrage entre efficience (réduire la mortalité, la morbidité et augmenter le
bien-être sous contrainte des ressources disponibles) et
équité (mesurer des différences dans la répartition du
bien-être et porter un jugement social sur ces différences).
C’est en s’appuyant sur ce type d’information que des décisions objectives pourront être prises en terme de stratégies et programmes de santé en oncogériatrie.
Si la principale mesure de l’efficacité d’un programme
de santé reste le gain de survie globale ou survie sans progression, les éléments présentés dans cet article soulignent
à quel point il est nécessaire de développer, en oncogériatrie, des indicateurs de mesure des conséquences qui
intègrent les dimensions en terme de résultats de santé,
de qualité de vie et de préférences des patients et de décision partagée. Il pourrait s’agir d’un critère composite
multidimensionnel sous la forme d’une équation comportant au numérateur, les coûts (coûts des facteurs productifs du système de soins mobilisés par le programme étudié, coûts directement supportés par les patients et coûts
supportés par les autres secteurs d’activité) et au dénominateur, les conséquences, intégrant des critères d’efficacité directs ou intermédiaires, des critères de qualité de
vie et de préférence individuelle. Ces différents critères pour18
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L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer
raient être pondérés afin de tenir compte de leurs importances respectives pour chaque sujet.
L’économie ne peut cependant à elle seule trancher sur
les questions qui lui sont posées et la réalisation d’études
économiques ne dispense pas d’une interrogation sur les
enjeux moraux et éthiques des choix futurs. ■
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Santé publique Public health
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Dossier thématique
• Le cancer du sein de la femme âgée
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• Breast cancer in older women
»
Evaluation du patient en oncogériatrie : cas du cancer du sein
Geriatric assessment in oncology practice: breast cancer in the elderly
M. Gisselbrecht, A. Minard
Faut-il traiter toutes les patientes porteuses d’un cancer du sein après 70 ans ?
Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70?
V. Girre, E. Brain
Radiothérapie du cancer du sein chez la femme âgée
Breast cancer radiotherapy in elderly women
Y. Kirova, B. Cutuli
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
Évaluation du patient en oncogériatrie :
cas du cancer du sein
Geriatric assessment in oncology practice : breast cancer in the elderly
M. Gisselbrecht, A. Minard
Service de gériatrie, hôpital Européen Georges Pompidou, 20-40 rue Leblanc, 75015 Paris, France
Correspondance : [email protected]
Résumé
Environ un tiers des cancers du sein surviennent chez les femmes de plus de 70 ans. Pourtant à l’heure actuelle
il n’existe aucun consensus de prise de charge chez les patientes âgées en partie du fait de la grande hétérogénéité de cette population. La réflexion oncogériatrique repose sur l’idée qu’une intervention gériatrique va,
chez certains malades âgés, améliorer l’efficience du traitement oncologique et par tant le pronostic des
malades. Cette intervention concerne des malades dits « fragiles », chez qui les facteurs, sur lesquels une intervention serait pertinente, sont révélés par une évaluation clinique spécifique, l’évaluation gériatrique multidimensionnelle. Une approche multidisciplinaire avec une collaboration étroite entre oncologues et gériatres est
indispensable pour permettre une prise en charge la plus optimale possible de ces patientes âgées atteintes
de cancer du sein et avancer dans l’élaboration d’essais cliniques spécifiques.
Mots clés : Sujet âgé cancer du sein, oncogériatrie, évaluation gériatrique multidimensionnelle.
Abstract
Approximately one third of breast cancers occur in women over 70 years old. However, there is no current no
care consensus for elderly patients, partly due to the great heterogeneity of this population. Oncogeriatric thinking is based on the idea that in some elderly patients, geriatric intervention will improve the efficacy of oncological treatment and therefore the patient’s prognosis. This intervention concerns so-called “frail” patients, for
whom the pertinent factors for intervention are determinedby a specific clinical assessment: the comprehensive geriatric assessment. A multidisciplinary approach with close collaboration between oncologists and
geriatricians is essential to provide optimal care for these elderly patients suffering from breast cancer, and
make progress in designing specific clinical trials.
Keywords : Elderly patient, breast cancer, oncogeriatrics, comprehensive geriatric assessment,
geriatric oncology
Introduction
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez
la femme. En France 30 % de ces cancers concernent
des femmes de plus de 70 ans. En 2005, un cancer
sur 5 est diagnostiqué chez une femme de 75 ans ou
plus. Les progrès de la prise en charge avec d’une part
un dépistage plus précoce et donc la découverte de
tumeur de petite taille, et, d’autre part des traitements
plus efficaces, ont permis d’améliorer son pronostic au
cours des décennies. La mortalité en France, reste
stable depuis les années quatre-vingt mais le cancer
du sein reste la première cause de décès par cancer
chez la femme 1. Cette mortalité est directement liée
au stade de la tumeur, à la prise en charge thérapeuVOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
tique, à l’âge de la patiente et aux co-morbidités.
Paradoxalement alors que les cancers du sein chez la
femme âgée sont diagnostiqués à un stade plus avancé
avec trois fois plus de formes métastatiques d’emblée
que chez la femme jeune, la mortalité spécifique diminue. Néanmoins le traitement standard est moins souvent proposé aux patientes et la tendance au sous traitement a des effets négatifs sur la survie ; par ailleurs
les patientes âgées restent sous-représentées dans les
essais cliniques même si la tendance actuelle est de
proposer quelques essais spécifiques 2. L’intervention
du gériatre est primordiale pour essayer de comprendre et résoudre le problème de la prise en charge des
patientes âgées atteintes de cancer du sein, du dépis22
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
tage par le médecin traitant, au diagnostic et à l’adressage à l’oncologue ou dans le cadre d’une collaboration plus formelle avec les oncologues.
Par analogie à d’autres situations morbides des sujets
âgés 3,4, il est fait l’hypothèse qu’une prise en charge
gériatrique est susceptible d’améliorer le pronostic des
cancéreux âgés, par une meilleure prise en compte des
comorbidités et problématiques psycho-sociales des
malades et par une aide au choix de la meilleure stratégie thérapeutique oncologique initiale.
Dossier thématique Review
Le concept de fragilité des sujets âgés
L’âge chronologique n’est pas suffisant pour apprécier l’état de santé d’une personne âgée, c’est pourquoi la littérature gérontologique préfère les classer en
trois catégories :
• Fit (que l’on pourrait traduire par « robustes »)
• Frail (« fragiles »)
• Too sick (« trop malades » pour recevoir un traitement lourd, notamment à visée curative)
Les définitions opérationnelles ou les repérages cliniques
sont aisés pour la troisième catégorie, représentant les
malades âgés polypathologiques, en perte d’autonomie,
notamment sur les activités de la vie quotidienne (ADL).
Ces malades sont facilement identifiés par les médecins,
quelle que soit leur formation. Plus difficile à résoudre est
la différenciation entre patient robuste et patient fragile.
Malgré une abondante littérature, aucune définition
précise de la fragilité et de ses marqueurs, cliniques ou
biologiques, n’existe 5,6. La notion de fragilité en tant
que réduction des réserves bio-psycho-sociales est à
l’origine du concept d’évaluation gériatrique multidimensionnelle (EGM).
L’EGM permet d’identifier les problèmes d’un malade
et en accord avec les bonnes pratiques cliniques de définir des stratégies thérapeutiques multidimensionnelles
qui touchent au médical, au psycho-cognitif et au social.
Jusqu’à présent aucun outil simple n’a pu résumer le
concept de fragilité, même si le regard clinique d’un gériatre expérimenté est performant 7.
L’intervention du gériatre dans le cas de la
pathologie cancéreuse mammaire peut se
situer à différents niveaux
1. Au moment du diagnostic, avant toute décision
thérapeutique, lorsque la maladie est localisée.
L’idée est de faire une évaluation globale de la patiente
et d’assurer un suivi conjoint avec l’oncologue le cas
échéant. Pour les tumeurs localisées pour lesquelles une
chirurgie curatrice est envisageable le choix du traitement appartient évidemment au chirurgien et à l’anesthésiste en sachant qu’il faut savoir prendre son temps
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
23
pour expliquer le bénéfice d’une intervention parfois
mutilante et souvent mal vécue par la patiente âgée. En
l’absence de démence à un stade sévère, l’existence
de troubles cognitifs même modérés n’est pas une
contre-indication à un traitement chirurgical s’il est pertinent. L’intervention du gériatre peut alors être nécessaire en post-opératoire. Si une chimiothérapie adjuvante
est décidée, l’évaluation gériatrique peut aider à apprécier le bénéfice escompté et anticiper certaines complications.
2. A un stade métastatique. Il s’agit alors d’une situation où la maladie n’est pas curable et où le bénéfice
du traitement ne se mesurera pas seulement en gain
de survie mais plutôt en terme de qualité de vie et
d’amélioration des symptômes. La collaboration oncologue-gériatre prend alors tout son sens pour une évaluation la plus pertinente possible des bénéfices attendus des traitements eu égard aux effets secondaires
potentiels.
3. Pour apprécier l’intérêt d’un dépistage individuel
par la mammographie au-delà de 75 ans.
Evaluation Gériatrique
Multidimensionnelle (tableau I)
Cette évaluation gériatrique multidimensionnelle n’est
malheureusement pas consensuelle, elle est très longue
et difficilement applicable à tous les patients. Différents
outils sont à la disposition du clinicien. Leur utilisation
dépend des habitudes de chacun, du temps disponible et des objectifs.
• Concernant l’autonomie, pour les activités de la vie
quotidienne on utilise l’échelle ADL (Activities of Daily
Living) de Katz 8 qui évalue les transferts, la toilette, l’élimination, l’habillage et les repas et pour les activités insTableau I : Évaluation Gériatrique
Multidimensionnelle
Paramètre évalué
Comorbidités
Autonomie fonctionnelle
Marche et équilibre
Dépression
Troubles cognitifs
Etat nutritionnel
Déficience sensorielle
Traitements
Conditions socio-familiales
Évaluation
Échelle CIRS-G
Performance Status, ADL, IADL
Nombre de chutes < 3 mois
Appui monopodal
Test de marche
Timed get up and go
GDS, miniGDS
MMSE, test de l’horloge, BREF
Perte de poids involontaire,
BMI, Albumine, MNA
Acuité visuelle et auditive,
appareillage éventuel
Liste des médicaments
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
trumentales de la vie quotidienne l’échelle IADL (Instrumental
Activities of Daily Living) de Lawton 9 qui évalue la capacité de prendre les transports en commun, de gérer la
prise médicamenteuse, de faire le ménage, de préparer à manger, d’utiliser le téléphone et de gérer son
budget. Il existe plusieurs versions de ces tests avec
des cotations différentes. La perte d’autonomie pour l’une
de ces activités est associée à une augmentation de la
mortalité à 2 ans 10. La compensation par des professionnels d’une incapacité et le signalement aux structures de soins et d’aides communautaires pour une
aide en urgence [Centre Local d’Information et de
Coordination gérontologiques (CLIC) et service de soins
infirmiers à domicile (SSIAD)] peut s’avérer nécessaire.
• Les comorbidités sont associées à une réduction de
l’espérance de vie et peuvent induire une moins bonne
tolérance des traitements anticancéreux. Il existe plusieurs échelles évaluant l’impact sur la survie selon le
nombre et la sévérité des comorbidités. L’échelle
CIRS-G (Cumulative Index Rating Scale-Geriatric) a été
validée en gériatrie et a l’avantage de s’adapter à la sévérité de la pathologie 11.
• La polymédication, fréquente chez les sujets âgés,
est souvent associée au nombre de comorbidités et peut
interagir avec le traitement. Lister l’ensemble des traitements permet souvent l’identification d’une ordonnance
inappropriée et la modification de celle-ci selon les
recommandations de Beers 12,13.
• L’existence ou non d’une dépression, dont la sémiologie peut être trompeuse chez la personne âgée, doit
être recherchée par l’interrogatoire en s’aidant éventuellement d’échelles validées comme la GDS (Geriatric
Depression Scale) ou la mini-GDS qui reprend 4 des items
principaux. Le cas échéant on propose une prise en charge,
pharmacologique ou non.
• La dénutrition est fréquente chez la personne âgée
et concerne un quart des patients atteints de cancer. Sa
détection précoce est fondamentale car en dehors du
retentissement sur l’état général il existe un risque de majoration des toxicités des traitements. La courbe de poids
et le suivi des marqueurs biologiques (albumine, pré-albumine) sont utiles mais parfois insuffisants. Le recours à
une évaluation plus fine peut s’avérer nécessaire, le MNA
(Mini Nutritional Assessement) étant l’outil le plus utilisé,
avec mise en place de mesures diététique (recours à une
diététicienne ou prescription de surveillance biologique
ou de suppléments nutritionnels).
• La détection de troubles cognitifs est indispensable,
en effet la présence d’une détérioration cognitive diminue en elle-même l’espérance de vie et peut compliquer
la prise en charge en raison de troubles du comportement ou de la compréhension. Ces troubles cognitifs peuvent être détectés par le Mini Mental Status Examination
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(MMSE), le test de l’horloge, la Batterie Rapide d’Efficience
Frontale. La réalisation d’un bilan plus complet peut être
prescrite (évaluation neuropsychologique, imagerie cérébrale) suivi de recommandations de prise en charge
(traitement médicamenteux, rééducation orthophonique)
en accord avec les bonnes pratiques cliniques.
• Parmi les autres syndromes gériatriques, on s’intéresse aux troubles de la marche et de l’équilibre : par
l’interrogatoire on évalue le nombre de chutes dans les
3 mois précédents, on s’aide de l’examen clinique, du
test de marche 5 m, de l’appui unipodal, du timed get
up and go pour les plus fréquents. Le test de Tinetti plus
approfondi est en général fait par les kinésithérapeutes.
Certaines actions correctrices comme la rééducation d’un
trouble de la statique, le port de chaussures adaptées,
l’intervention d’un ergothérapeute à domicile peuvent
être bénéfiques.
• Pour la détection des déficiences sensorielles : un
questionnement simple de perception de difficulté, malgré un appareillage éventuel peut être suffisant en première intention.
• Concernant les difficultés sociales éventuelles, on s’intéressera plutôt à l’isolement, variable plus prédictive de
la capacité à rester à domicile et à optimiser le recours à
l’hôpital. En gérontologie l’importance de la possibilité de
mobilisation d’un proche dans l’urgence pour fournir une
aide domestique et une présence est soulignée.
Le « Screening » du patient
Cette évaluation gériatrique étant difficilement applicable à tous les patients, la tendance est de demander aux
oncologues de réaliser une mini-évaluation gériatrique
pour un adressage plus pertinent au gériatre 14-18. Une
étude nationale française est actuellement en cours pour
valider un outil de dépistage gériatrique en oncologie :
ONCODAGE, dont les résultats seront disponibles dans
quelques mois.
Conclusion
Actuellement la politique du Plan Cancer en France,
impulsée par l’Institut National du Cancer, est d’améliorer la prise en charge des cancéreux âgés par une
intervention gériatrique à bon escient. On peut considérer que la proposition d’une intervention dans un axe
de fragilité légitime l’adressage au gériatre. Cette coopération respectant les spécificités et compétences de
chacun devrait permettre d’adapter au mieux les traitements, sans oublier que la collaboration oncologue –
gériatre doit aussi s’inscrire dans le suivi. La nécessité
d’une réévaluation régulière de la pertinence de la décision initiale est indispensable de même que le suivi de
recommandations éventuelles. ■
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
Dossier thématique Review
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
Faut-il traiter toutes les patientes porteuses
d’un cancer du sein après 70 ans ?
Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70?
V. Girrea, E. Brainb
a. Institut Curie, Département d’Oncologie Médicale ; Unité Pilote d’Onco-Gériatrie de l’Ouest Parisien
(POGOP), Paris, France
b. Centre René Huguenin, Département d’Oncologie Médicale – Paris, France
Correspondance : [email protected]
Résumé
Le cancer du sein touche principalement les femmes âgées et son traitement nécessite une prise en charge
adaptée. La collaboration entre oncologues et gériatres se développe et permet de développer et d’améliorer
les soins. Cependant le diagnostic reste souvent tardif et de nombreuses questions se posent encore sur le
meilleur traitement adjuvant à proposer. La chirurgie doit rester un des piliers de cette prise en charge, souvent associée à une radiothérapie et à un traitement médical. L’hormonothérapie demeure le traitement de
choix dans la majorité des cas, mais ses effets secondaires doivent être connus et anticipés. La question de
chimiothérapie doit être posée lors de tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux et le développement des thérapies ciblées modifie également l’éventail thérapeutique dans cette population spécifique.
Mots clés : Cancer du sein, patients âgés, traitement adjuvant, chimiothérapie, hormonothérapie, thérapie ciblée.
Abstract
Breast cancer affects mainly older women and its treatment requires appropriate procedures. Co-operation
between oncologists and geriatricians is growing and leading to improved medical care. However diagnosis is
often late and there are still many questions concerning the most appropriate adjuvant treatment to propose.
Surgery must remain one of main aspects of treatment for women in reasonable health, often combined with
radiotherapy and medical treatment. Hormone therapy should still be the treatment of choice in most cases
for women with oestrogen-receptor positive tumours but side effects must be known and anticipated. The use
of chemotherapy should be considered in hormone-receptor negative tumours and the development of targeted treatments also improves the range of treatments available to this specific population.
Keywords : Breast cancer, elderly patients, adjuvant treatment, chemotherapy, hormone therapy, targeted
treatments.
L’
incidence du cancer du sein augmente de façon
importante et constante depuis 25 ans : le taux
d’incidence standardisé a presque doublé, passant de 56,8 en 1980 à 101,5 en 2005. Le taux d’évolution, en moyenne de 2,4 % par an entre 1980 et 2005,
est cependant légèrement moins important sur la
période entre 2000 et 2005 (+ 2,1 % par an). Des données récentes de l’Assurance Maladie 1 laissent présager une diminution de l’incidence chez les femmes
de 55 ans et plus dans les années 2005-2006 qui
pourrait être en partie due à la diminution massive de
prescriptions des traitements substitutifs de la ménopause à partir de l’année 2000. Les estimations pour
l’année 2008 publiées dans le rapport de l’Institut
National du Cancer (P. Groslande et al. 2009.
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
www.e-cancer.fr) retrouvent que 21 % des cancers du
sein surviennent entre 65 et 74 ans, 15 % entre 75 et
84 ans et 5,4 % après 85 ans.
Le cancer du sein se situe au 1er rang des décès par
cancer chez la femme avec plus de 11 000 décès par
an, soit 7,7 % de l’ensemble des décès par cancer. Le
cancer du sein est lui-même responsable de 73 % des
décès chez les patientes de 50 à 54 ans, mais ce taux
de mortalité spécifique chute à 29 % après 85 ans 2.
Dans certains centres la mortalité spécifique des patientes
de plus de 70 ans présentant un cancer du sein opérable est de 49 % 3 d’où l’importance de l’évaluation oncogériatrique pour étudier les différents facteurs de risque
ou comorbidités qui peuvent avoir un pronostic plus
péjoratif que le cancer en lui-même. La mortalité, qui était
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
restée stable depuis 1980, amorce une décroissance depuis
2000 : le taux d’évolution annuel de la mortalité était de
-0,4 % en moyenne sur l’ensemble de la période 19802005 alors qu’il affiche -1,3 % sur la dernière période 20002005. Presque 19 % des décès par cancer du sein surviennent entre 65 et 74 ans, 25 % entre 75 et 84 ans et
19 % après 85 ans (www.e-cancer.fr).
Les études épidémiologiques ont montré l’importance
du diagnostic précoce : lorsque la taille de la tumeur est
inférieure à 1 cm, sans envahissement ganglionnaire,
les chances de survie à 5 ans sont d’au moins 90 %
alors qu’elles sont de l’ordre de 55 % en cas d’atteinte.
Or le dépistage systématique par mammographie ne
concerne pas les femmes de 75 ans et plus. Ce dépistage
de masse permet une diminution de la mortalité par cancer du sein d’environ 30 % mais s’arrête à 74 ans. Une
étude publiée en 2008 4 concernant le nombre de mammographies réalisées par les patientes de plus de 80 ans
dans les années précédant le diagnostic de cancer du sein
a permis de montrer que la survie spécifique à 5 ans était
de 82 % chez les patientes n’ayant pas réalisé de mammographies régulières, de 88 % chez les utilisatrices irrégulières et de 94 % chez les patientes ayant fait régulièrement des mammographies. Cependant la mortalité non
spécifique était également corrélée à la fréquence des
mammographies, ce qui est en faveur d’un biais de sélection: les femmes réalisant régulièrement des mammographies sont les femmes en bon état général, sans trop de
comorbidités associées. La conclusion de cette étude était
en faveur d’un dépistage au cas par cas. On sait en effet
que le taux de mortalité non spécifique lors des cancers du
sein est 20 fois plus élevé en cas de comordités supérieures
ou égales à 3 5, ce qui peut expliquer l’absence de bénéfice du dépistage organisé dans la population très âgée (après
80 ans), population encore plus touchée par les comorbidités multiples, mais il demeure capital de diagnostiquer précocement des petites tumeurs, de meilleur pronostic, chez
les patientes âgées en bon état général.
Tous ces chiffres prouvent l’importance de la prise en
charge globale du patient. Une évaluation onco-gériatrique (cf. article du même dossier de M. Gisselbrecht),
réalisée à la phase initiale de la prise en charge aidera
à la mise en évidence des différentes comorbidités ou
des éventuels troubles cognitifs qui peuvent influencer
péjorativement le pronostic. La collaboration entre gériatre et oncologue est une aide à la détermination du bénéfice-risque des traitements et au suivi des patients, en
relation avec le médecin traitant. Cette collaboration peut
changer ou moduler l’indication thérapeutique 6.
D’un point de vue histologique, le cancer du sein de la
femme âgée diffère peu de celui de la femme plus jeune :
il s’agit dans la majorité des cas d’adénocarcinomes canaLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
27
laires infiltrants. Les cancers lobulaires et mucineux
seraient plus fréquents 7. La différence majeure est l’expression des récepteurs hormonaux (RH) qui augmentent en fonction de l’âge, avec environ 80 % d’expression des récepteurs aux œstrogènes après 70 ans 3, 8.
Dans le cancer du sein localisé, l’indication chirurgicale,
sous réserve de l’absence de contre-indication anesthésique, est la même que chez les patients plus jeunes et
est aussi bien supportée 9, avec un taux de mortalité très
faible < 0.3 % 10. Le développement de la technique du
ganglion sentinelle, diminuant le nombre de curage axillaire, est applicable à cette population âgée et permet de
diminuer la morbidité chirurgicale 11, 12. La chirurgie reste
une étape capitale dans le traitement d’un cancer mammaire et l’hormonothérapie seule ne doit pas être considérée comme un traitement suffisant dans cette population, exposant les patientes à un sous-traitement 13, 14.
En ce qui concerne la radiothérapie, un hypo-fractionnement peut être proposé : il s’agit d’utiliser des doses
par séance plus élevées qu’en étalement fractionnement
dit « conventionnel ». L’intérêt est de diminuer le nombre
de séances (exemple: 7 fractions de 6,5 Gy avec une séance
par semaine au lieu des 32 fractions de 2 Gy avec un étalement de 5 séances par semaine) et donc diminuer les
trajets domicile-hôpital, responsables d’une grande fatigue
(cf. article du même dossier de Y. Kirova et B. Cutuli). D’autres
types de radiothérapie se développent également dans
cette indication comme la curiethérapie interstitielle, développée dans une phase II (Étude GERICO 3 de la Fédération
Nationale des Centres de Lutte contre le Cancer).
En ce qui concerne le traitement médical, lorsque la
tumeur exprime des récepteurs hormonaux (RH), récepteurs aux œstrogènes (RO ou RE) et récepteurs à la progestérone (RP), un traitement hormonal par anti-aromatase (Fémara® = létrozole, Arimidex® = anastrozole) pour
une durée de 5 ans est justifié et efficace. En revanche
les effets secondaires de ces traitements, généralement bien tolérés, ne doivent pas être négligés, en particulier le risque ostéoporotique avec augmentation du
risque fracturaire et les éventuels troubles cognitifs 15.
Une supplémentation en calcium et vitamine D doit être
instaurée 16, une ostéoporose recherchée et traitée par
bisphosphonates, tout en restant vigilant sur les limites
de ce traitement et en s’aidant des recommandations
de la SIOG (Société Internationale d’Onco-Gériatrie) 17.
Ces effets secondaires peuvent engendrer une moindre observance des traitements et l’indication des antiaromatases doit toujours être discutée et comparée à
l’utilisation du tamoxifène qui a toujours sa place dans
le traitement adjuvant, même si l’impact sur le taux réciVOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
Dossier thématique Review
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
dive est moins important 18, 19 (différence de 3 %), ce
d’autant plus que dans les études avec les anti-aromatases, l’âge médian est souvent inférieur à 65 ans. Cinq
ans de tamoxifène réduit le risque de récidive de 41 %
et la mortalité par cancer du sein de 34 % 20, mais augmente le risque thrombo-embolique, ce qui peut avoir
un retentissement important chez des patientes à faible mobilité. Muss et collaborateurs 21 se sont intéressés à l’efficacité, la toxicité mais aussi à la qualité de vie
des patientes âgées traitées par létrozole ou placebo
après 5 ans de tamoxifène, dans le cadre de l’étude MA
17 : le bénéfice en survie sans récidive de l’ajout du létrozole n’est statistiquement significatif que pour les
patientes de moins de 60 ans, en revanche il n’y a pas
d’interaction entre l’âge et le traitement.
Le choix du traitement par anti-œstrogènes et les antiaromatases dépendra donc de l’évaluation initiale et des
différentes comorbidités ou fragilités décelées.
La chimiothérapie adjuvante pose également de très
nombreuses questions. L’indication se discute en cas
de tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux.
En effet une analyse rétrospective américaine 22 menée
sur plus de 40 000 dossiers de patients de plus de
65 ans a montré que la chimiothérapie n’est pas associée à une augmentation de la survie en cas de tumeurs
RE +, quel que soit l’envahissement ganglionnaire associé, mais qu’elle est associée à une diminution de la mortalité (mortalité spécifique) en cas de tumeur non hormono-sensible (RE-) avec envahissement ganglionnaire
axillaire, et ce même après 70 ans. Mais le choix de la
chimiothérapie reste à définir. Les nombreuses études
menées chez le patient plus jeune ont permis de définir
une des références actuelles qui est de 3 cures de FEC
(5 Fluoro-uracile, Epirubicine, Cyclophosphamide) suivies de 3 cures de Taxane. Mais aucune étude ne permet de définir le traitement de référence chez les patientes
de plus de 65 ans. Une étude française publiée en
2004 23 a validé la faisabilité des anthracyclines chez le
sujet âgé et l’essai GERICO 6 (Groupe GERICO de la
Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le
Cancer) a confirmé l’intérêt des anthracyclines en adjuvant, sans retentissement néfaste sur le statut fonctionnel des patientes (publication en cours). Se pose en
effet la question du retentissement de ces traitements
en terme de toxicité, de qualité de vie chez ces patientes
souvent plus vulnérables. Une étude de Hurria réalisée
chez 50 patientes de plus de 65 ans recevant une chimiothérapie adjuvante (anthracycline ou protocole CMF :
Cyclophosphamide, Méthotrexate et 5 Fluoro-uracile),
a montré que malgré une toxicité importante (grade 34) chez 53 % des patientes, la qualité de vie et le statut
fonctionnel (Activités de la Vie Quotidienne) n’étaient
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
pas modifiés de façon significative 24. Il faut donc garder en tête l’objectif de ces traitements, « primum non
nocere », tout en essayant de ne pas sous-traiter ces
patients. Muss et collaborateurs 25 viennent de publier
dans ce sens une étude de non infériorité, comparant
la capecitabine avec un traitement « standard » de type
CMF (Cyclophosphamide, Methotrexate, 5 Fluoro-uracile) ou AC (Adriamycine – Cyclophosphamide) en adjuvant chez les patientes de plus de 65 ans. L’objectif principal est la survie sans récidive (SSR) : à 3 ans, la SSR
sous capecitabine est de 68 % versus 85 % dans le bras
chimiothérapie « standard » et le taux de survie globale
respectivement de 86 % versus 91 %.
En ce qui concerne les thérapies ciblées, en particulier
le trastuzumab (Herceptin®) pour les patientes surexprimant HER2, il n’existe pas d’étude spécifique aux sujets
âgés. Dans 2 des principales études ayant validé l’utilisation de trastuzumab en adjuvant 26, 27, 16 % des patientes
avaient plus de 65 ans. La troisième étude (FinHer 28) se
limitait quant à elle aux patientes de moins de 66 ans. De
plus dans l’étude Hera, le bénéfice de trastuzumab semble plus limité après 65 ans (intervalle de confiance plus
lâche). Exceptée la toxicité cardiaque majorée dans la
population âgée, le trastuzumab ne présente pas de
contre-indication liée à l’âge 29. Une autre molécule ciblant
HER2 mais aussi l’EGFR (Epidermal Growth Factor
Receptor), le lapatinib (Tyverb®) a l’AMM dans les cancers
du sein métastatiques, associé à la capecitabine 30, mais
sans donnée d’efficacité ni de tolérance dans la population âgée. Une étude de phase II, spécifique à cette population va débuter début 2010 dans le cadre du PAC
GERICO (Programme Action Concertée) de la Fédération
des Centres de Lutte contre le Cancer.
Le bevacizumab (Avastin®), traitement anti-angiogénique,
ciblant le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) est
validé en phase métastatique en association avec les
taxanes 31 (docetaxel ou paclitaxel), mais les données
spécifiques aux patientes âgées de plus de 70 ans
manquent. Récemment, Xavier Pivot a rapporté au
congrès de l’ASCO 2009 les résultats d’une analyse rétrospective des données de l’étude AVADO, analysant le
bénéfice clinique de l’Avastin® associé au Taxotère®
chez les patientes de plus de 65 ans. Dans cette étude
rétrospective l’ajout d’Avastin® a généralement été bien
toléré chez les patientes de plus de 65 ans présentant
un cancer du sein métastatique. L’amplitude du bénéfice clinique chez les patientes âgées de plus de 65 ans
était similaire à celui de la population globale sans atteindre de différence significative, probablement du à la
petite taille de l’échantillon [J Clin Oncol 27 : 15s, 2009
(suppl ; abstr 1094)]. Des études complémentaires sont
nécessaires afin de connaître la véritable place de ce
traitement en phase métastatique chez les patientes âgées.
28
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
Dossier thématique Review
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
En conclusion, les études portant sur la prise en
charge des patientes âgées se multiplient mais demeurent en nombre insuffisant pour définir de véritables référentiels de traitements. La Société Internationale d’OncoGériatrie (SIOG) a publié des recommandations dans
Lancet Oncology en 2007 permettant d’aider à la décision thérapeutique 32.
Il est certain qu’un traitement sub-optimal est néfaste
en terme de survie 33, mais que la qualité de vie doit
rester un objectif important dans cette population âgée
Dossier thématique Review
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
29
et que le choix des patientes reste primordial. Une
étude franco-américaine a montré que les patients
âgés souhaitent dans environ 70 % des cas être traités même si le traitement doit comporter une chimiothérapie aux effets secondaires importants 34, il est donc
justifié de proposer aux patients âgés un avis spécialisé. Le développement d’essais thérapeutiques spécifiques à cette population et incluant des critères
« gériatriques » permettra de poser de bonnes indications et d’améliorer la prise en charge des patients. ■
20 Effects of chemotherapy and hormonal therapy for early breast cancer on recurrence and 15-year survival : an overview of the randomised trials. Lancet. 2005 May
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VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
Radiothérapie du cancer du sein
chez la femme âgée
Breast cancer radiotherapy in elderly women
Y. Kirovaa, B. Cutulib
a. Departement d’Oncologie Radiothérapie, Institut Curie, 26 Rue d’Ulm, 75005 Paris, France
b. Service de Radiothérapie, Oncologie, Polyclinique de Courlancy, 38 Rue de Courlancy, 51100 Reims, France
Correspondance : [email protected], [email protected]
Résumé
Globalement, la radiothérapie (RT) permet une réduction de 60 à 70 % des récidives locorégionales mais également une augmentation de la survie à long terme de 8-9 %. Après chirurgie conservatrice, la RT permet de
réduire les taux de rechute locale à 10 ans de 20-25 % à 5-8 %. Divers essais randomisés et la méta-analyse
l’ont confirmé. Le remplacement de la RT par l’hormonothérapie aboutit à des taux de récidives locales significativement plus élevés.
Afin de faciliter l’irradiation des personnes âgées, en particulier en cas de comorbidités associées, des schémas de RT hypo-fractionnée peuvent être utilisés.
Les protocoles thérapeutiques des cancers du sein (CS) chez la femme âgée s’écartent souvent des protocoles habituels sans raisons valables. L’âge physiologique doit être pris en considération. Si l’âge physiologique est satisfaisant, les schémas thérapeutiques doivent être les mêmes que chez la femme plus jeune. Sinon,
techniques et doses adaptées peuvent être proposées.
Mots clés : Cancer du sein, femme âgée, radiothérapie, hypo-fractionnement.
Abstract
Globally, RT reduces local recurrence rates (LRR) rates by 60-70% and also increases long-term survival rates
by 8-9%. After breast conserving surgery, several randomised trials and a meta-analysis confirmed that RT
decreases 10-year local recurrence rates from 20-25% to 5-8%. RT replacement by hormonal treatment leads
to significantly higher LRR rates.
To facilitate irradiation in elderly women, particularly where there are comorbidities, hypo fractionated RT schemes
could be used.
Treatment protocols for breast cancer in elderly women often differ from standard protocols for no valid reason. Physiological age must be taken into consideration. If the physiological age is satisfactory, treatment schemes
must be the same as those used for younger women, otherwise appropriate techniques and doses may be
proposed.
Keywords : Breast cancer, elderly woman, radiotherapy, hypo fractionation.
Introduction
La radiothérapie du sein diminue le risque de récidive
locale de plus de 60 % après chirurgie conservatrice ou
après mastectomie. Dans les formes à haut risque de
récidive, cette action locorégionale de la radiothérapie
se traduit par un bénéfice de survie à long terme 1-3.
La définition de « femme âgée » varie selon les études
et le « cut off » est souvent de 65 ans outre Atlantique
et de 70 ans en Europe 4. L’âge médian de survenue
des CS aux États-Unis (EU) est désormais de 61 ans
d’après les dernières données des registres SEER
(Surveillance Epidemiology and End Results) qui représentent environ 15 % de la population américaine. En
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
2000, il y avait 35 millions de femmes de 65 ans et plus
aux EU et, compte tenu de l’augmentation progressive
de l’espérance de vie (actuellement de 81 ans), ce chiffre doublera en 2030 4. On prévoit donc que parmi les
nouveaux cancers du sein diagnostiqués, la proportion
de femmes de 65 ans va passer de 34 % en 2000 à
70 % en 2030. Dans les pays occidentaux, environ
20 % de la population est âgée de 70 ans et plus. Dans
trois études de cohortes 5 réalisées en 2001-2002 et
2007-2008 (en France et en Italie) les pourcentages de
CS diagnostiqués chez des patientes de 70 ans et plus
étaient de 20 %, 18.5 % et 22.4 % parmi 1 159, 3 532
et 1 647 patientes respectivement.
30
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
Dossier thématique Review
Radiothérapie après
mastectomie
Tabelau 1 : Essais randomisés comparant, après chirurgie conservatrice (CC),
Tamoxifène (TAM) ou Anastrozole (ANA) et Radiothérapie (RT)
Dans les trois études précédemSuivi
Groupes
Age
Récidives
ment citées, les taux de mas- Auteurs/Période
Références
(Mois)
(Années)
Locales
(%)
tectomie pour l’ensemble de la
Potter
et
al.
(18)
54
CC
+
TAM/ANA
:
414
>
50
5.1
population étaient de 23 % en
CC + RT + TAM/ANA : 417
0.4
France et 37.8 % en Italie res- (1996-2004)
Fyles
et
al.
(16)
66
CC
+
TAM
:
383
>
50
7.7
pectivement. Pour les femmes
(1992-2000)
CC
+
RT
+
TAM
:
386
0.6
de 70 ans et plus, ces pourHughes
et
al.
(17)
60
CC
+
TAM
:
319
>
70
5
centages étaient de 37 % et
(1994-1999)
CC
+
RT
+
TAM
:
317
0.6
48 % dans les deux cohortes française et italienne de 2001-2002 5,
mais avaient diminué à 28.2 % dans la cohorte française
(ou l’anastrozole) à la radiothérapie 16-18. Les résultats
de 2007-2008, et cela grâce à la généralisation du dépisen termes de récidives loco régionales sont montrés dans
tage au plan national depuis 2003-2004, qui a permis
le tableau 1 et sont hautement significatives en faveur
de découvrir plus de 50 % de lésions infracliniques parmi
de la radiothérapie.
les patientes de 50 à 74 ans. L’efficacité de la radiothéDans une grande étude multicentrique franco-italienne
rapie (RT) locorégionale après mastectomie est connue
ayant inclus 910 patientes (927 cancers T1T2 traités
et conseillée en cas de N + (envahissement ganglionentre 1983 et 2000), les taux de RL et ganglionnaires
naire) 1, 6, 7.
ont été de 3 % et 0.7 % respectivement avec 65 mois
Ce bénéfice a été longtemps difficile à mettre en évidence,
de recul. Les RL ont été de 2.7 % et 3.7 % (p = NS)
car les « anciennes » techniques d’irradiation par photons
parmi les 794 cas (87 %) traités en fractionnement classeuls de larges volumes ont entraîné des toxicités imporsique (50 Gy/25 fr. avec une surimpression de 10 Gy
tantes pour les organes à risque et en particulier le cœur,
dans 65 % des cas) et les 133 (13 %) ayant reçu un
avec une surmortalité par maladie coronarienne, réduisant
schéma hypo fractionné de 32.5 Gy en 5 fractions (6.5
de façon importante le bénéfice apporté par l’irradiation 8.
Gy/1 fois/semaine). Aucun facteur de risque significaDes nouvelles techniques peu toxiques sont actuellement
tif de RL n’a pu être mis en évidence dans cette étude 19.
proposées pour cette population de patientes 9. En cas
Le risque métastatique est par contre corrélé significade besoin d’irradiation ganglionnaire, une définition stricte
tivement à l’envahissement ganglionnaire (pN0 : 6 %,
de volumes d’irradiation est nécessaire pour protéger au
pN1-3 : 9.5 % et pN > 3 : 34.7 % p < 0.0001), à la taille
maximum les tissus sains 9-12.
tumorale (pT1 : 7 % versus pT2 : 13.6 % p = 0.0002)
mais également à la survenue d’une récidive locale
Radiothérapie après chirurgie
(29.2 % versus 8.2 % ; p = 0.002).
conservatrice
Une étude de l’Institut Curie, incluant 367 patientes
Plusieurs essais randomisés et méta analyses ont
de 70 ans et plus traitées entre 1995 et 1999 a retrouvé
confirmé une réduction très significative des rechutes
également avec un recul de 93 mois, des résultats comlocales avec l’adjonction de la radiothérapie après la chiparables en terme de contrôle locorégional (93 % et 87 %)
dans le groupe de traitement classique (317 cas) et celui
rurgie conservatrice 1, 6. Chez les patientes de 70 ans
d’une irradiation hypo fractionnée (50 cas). Aucune difet plus, l’association le traitement par chirurgie conserférence n’a été observée en termes de survie spécifique,
vatrice et radiothérapie permet à 5 ans un contrôle local
de survie sans récidive et de survie sans métastase 20.
de l’ordre de 95 %. Dans deux séries anciennes n’ayant
pas utilisé de RT 13,14, les taux de récidives locales (RL)
Dans cette étude, les facteurs de risque de rechute métastaà 47 et 51 mois étaient de 20 % et 38 % parmi 88 et
tique étaient la taille (T2 versus T1 : RR = 3 ; p = 0.019),
58 patientes (de 70 ans et plus) respectivement. Toutefois
le N clinique (N1b versus N0-N1a : RR = 4.2 ; p = 0.0017)
ce taux est seulement de 5,4 % dans une série autriet le statut des récepteurs œstrogéniques (RE + verchienne plus récente ayant inclus 183 patientes de
sus RE- : 4.5). L’équipe de Nice a rapporté d’excellents
60 ans et plus 15. Plusieurs essais ont posé la quesrésultats suite à l’utilisation de la RT hypo-fractiontion sur la possibilité d’éviter l’irradiation chez les pernée 21. La possibilité de diminuer le nombre de fracsonnes « âgées » de plus de 50 ans et « de remplacer »
tions pour adapter le traitement à l’âge de la patiente
la radiothérapie par une hormonothérapie chez les
et son état général est une possibilité d’améliorer la quapatientes RH +. Trois essais randomisés ont comparé,
lité de vie de la personne âgée.
de façon similaire après chirurgie conservatrice et pour
Une autre préoccupation de l’oncologue radiothérapeute
des tumeurs à bas risque (T1N0 RE +), le tamoxifène
est de diminuer la toxicité de l’irradiation et proposer des
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Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women
techniques alternatives à la radiothérapie classique pour
éviter l’irradiation des organes critiques comme le cœur
et les poumons 22. A l’Institut Curie l’alternative à l’irradiation du sein en DD est proposée : l’irradiation en décubitus latéral isocentrique (DLI) 22. Elle est basée sur le
principe de détacher la glande de la paroi thoracique afin
de réduire ou d’éliminer l’irradiation du poumon et du
cœur (Figure 1). Elle s’adresse aux patientes qui ont des
seins volumineux, mais également à celles dont le sein
se détache facilement de la paroi thoracique. Elle épargne
totalement le poumon et le cœur.
En conclusion, les protocoles thérapeutiques des
cancers du sein chez la femme âgée s’écartent souvent
des protocoles habituels sans raisons valables. L’âge physiologique doit être pris en considération. Si l’âge physiologique est satisfaisant, les schémas thérapeutiques
doivent être les mêmes que chez la femme plus jeune.
Sinon, techniques et doses adaptées peuvent être
proposées. ■
Figure 1 : Technique d’irradiation en DLI
(décubitus latéral isocentrique)
A. Position de la patiente
B : Étude dosimétrique
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Bibliographie :
1 Clarke M, Collins R, Darby S, et al : Effects of radiotherapy and of differences in
the extent of surgery for early breast cancer on local recurrence and 15-year survival : an overview of the randomised trials.
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2 Clemons M, Danson S, Hamilton T, et al : Locoregionally recurrent breast cancer : incidence risk factors and survival. Cancer Treat Reviews 2001, 27 : 67-82
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distant progression in breast cancer. Int J Rad Oncol Biol Phys 2003,55 : 1186-95
4 Albrand G, Terret C : Early breast cancer in the elderly. Assessment and management considerations. Drugs Aging 2008, 25 : 35-48
5 Cutuli B, Cottu PH, Guastalla JP, et al : A French national survey of infiltrating
breast cancer : analysis of clinico-pathological features and treatment modalities
in 1159 patients. Breast Cancer Res Treat 2006, 95 : 55-64
6 Early Breast Cancer Trialists’Collaborative Group (EBCTCG) : Favourable and unfavourable effects on long-term survival of radiotherapy for early breast cancer : an
overview of the randomised trials. Lancet 2000, 355 : 1757-70
7 Fourquet A, Cutuli B, Luporsi E, et al : Standards, Options et Recommandations
2001 pour la radiothérapie des patientes atteintes d’un cancer du sein infiltrant
non métastatique. Cancer Radiother 2002, 6:1-2
8 Darby S, Gale P, Taylor CW : Long term mortality from heart disease and lung
cancer after radiotherapy for early breast cancer : prospective cohort study of about
300 000 women in US SEER cancer registries. Lancet Oncol 2005, 6 : 557-65
9 Fournier-Bidoz N, Kirova Y, Campana F, et al. : Technique alternatives for breast
radiation oncology : conventional radiation therapy to Tomotherapy. Journal of
Medical Physics 2009 ; 34 : 149-152
10 Kirova YM, Campana F, Fournier-Bidoz N, et al. : Postmastectomy electron beam
chest wall irradiation in women with breast cancer : a clinical step towards conformal electron therapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2007 ; 69 : 1137-44
11 Kirova Y, Servois V, Campana F, et al. : CT- scan based localization of the internal mammary chain and supra clavicular nodes for breast cancer radiation therapy planninig. Radiother Oncol 2006 ; 79 : 310-15
12 Castro Pena P, Kirova YM, Campana F, et al : Anatomical, clinical and radiological delineation of target volumes in breast cancer radiotherapy planning : individual variability, questions and answers. Br J Radiol. 2009 ; 82 : 595-9
13 Kantorowitz DA, Poulter CA, Sischy B, et al : Treatment of breast cancer among
elderly women with segmental mastectomy or segmental mastectomy plus postoperative radiotherapy. Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys., 1988, 15, 263-270
14 Reed MW, Morrison JM : Wide local excision as the sole primary treatment in
the elderly patients with carcinoma of the breast. Br. J. Surg., 1989, 76, 898-900
15 Gruenberger T, Gorlitze M, Soliman T, et al. : It is possible to omit postoperative irradiation in a highly selected group of elderly breast cancer patients. Breast
Cancer Res Treat 1998, 50 : 37-46
16 Fyles AW, MC Cready DR, Manchul LA, et al. Tamoxifen with or without breast
irradiation in women 50 years of age or older with early breast cancer. N Engl J
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17 Hughes KS, Schnaper LA, Berry D, et al. Lumpectomy plus tamoxifen with or
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Engl J Med 2004, 351 : 971-977
18 Potter R, Gnant M, Kwansky W, et al. Lumpectomy plus tamoxifen or Anastrozole
with or without whole breast irradiation in women with favorable early breast cancer. Int J Rad Oncol Biol Phys 2007, 68 : 334-40
19 Cutuli B, De Lafontan B, Vitali E, et al : Breast Conserving treatment (BCT) for
stage I-II breast cancer in elderly women : analysis of 927 cases ; Crit Rev Oncol
Hematol 2009, 71 : 79-88
20 Kirova YM, Campana F, Savignoni A, Laki F, Muresan M, Dendale R, Bollet MA,
Salmon RJ, Fourquet A:.Breast conserving treatment in the elderly: long-term results
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Biol Phys 2009 ; 75 : 76-81
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Radiat Oncol Biol Phys 2005, 61 : 154-62
22 Campana F, Kirova YM, Rosenwald JC, Dendale R, Vilcoq JR, Dreyfus H, Fourquet
A : Breast radiotherapy in the lateral decubitus position – a technique to prevent
lung and heart irradiation. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005 ; 61 : 1348-54
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Quand l’équipe gériatrique restaure la
confiance de l’équipe médico-chirurgicale
When the geriatric team restores the surgical team’s confidence
F. Retornaza,b, I. Potarda, C. Molinesa, V. Grisonib, F. Rousseauc
a. Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard
Rougier, 13012 Marseille, France
b. Hôpital Ambroise Paré, 1 rue d’Eylau, 13006 Marseille, France
c. Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Institut Paoli Calmettes, 232 boulevard Sainte
Marguerite, 13273 Marseille cedex 9, France
Correspondance : F. Retornaz, Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre Gérontologique
Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France
Tél. : 04 91 12 75 49, Fax : 04 91 12 75 52, e-mail : [email protected]
Résumé
Ce cas clinique illustre l’intérêt de la collaboration oncologue – gériatre pour optimiser la prise en charge d’un cancer urologique chez une patiente âgée initialement considérée comme inopérable en raison d’une démence et d’un
syndrome confusionnel. Pour cette patiente, le rapport bénéfice/risque a été finalement en faveur d’une approche
qui paraissait a priori trop agressive initialement. La prévention et la gestion du syndrome confusionnel sont détaillées dans cette observation.
Mots clés : Évaluation gériatrique, cancer du rein, démence, confusion mentale.
Abstract
This case report describes the usefulness of geriatrician and oncologist’s collaboration in managing a urologic cancer in an older woman initially considered to be inoperable because of dementia and confusional syndrome. For this
patient, the risk/benefit ratio finally favoured an approach initially considered to be too aggressive. Prevention and
management of confusional syndrome are detailed in this case.
Key words : Geriatric assessment, kidney neoplasm, dementia, mental confusion.
L’histoire clinique
s’alimente plus (perte de 4 kg en 10 jours) et hurle en permanence. À la vue de la situation et après information de
la famille de l’existence d’une tumeur de la voie excrétrice,
la patiente retourne à domicile au 5ème jour post opératoire.
L’état confusionnel s’améliore progressivement et lorsqu’elle
revoit le chirurgien en consultation un mois après elle est
parfaitement calme. Seule persiste une hématurie macroscopique.
Au total, cette patiente pose le problème d’une volumineuse tumeur de la voie excrétrice nécessitant une néphrouréterectomie gauche à visée curative, chez une patiente
avec des troubles cognitifs et ayant présenté un syndrome
confusionnel (SC) lors d’un premier geste opératoire. Ce
geste chirurgical est remis en cause par la réunion de concertation pluridisciplinaire compte tenu des complications
survenues lors de la première hospitalisation, l’alternative
étant un traitement palliatif (transfusions itératives, supplémentation ferrique, antalgiques). Sans geste curatif, le
Une femme de 77 ans, est hospitalisée en urologie pour
une pyélonéphrite compliquée d’une hématurie macroscopique. Dans ses antécédents, on note une HTA, deux épisodes d’accidents vasculaires cérébraux (sans séquelle
fonctionnelle), un syndrome dépressif et une démence
non étiquetée. Son traitement comprend : Clopidogrel
75 mg/j, Venlafaxine 50 mg/j, Galantamine 8 mg/j,
Dihydroergocristine 3/j, Losartan 50 mg/j. L’ECBU retrouve
un E. Coli. L’échographie rénale et l’uroscanner mettent
en évidence une hydronéphrose au niveau du rein gauche
en rapport avec une tumeur papillaire de 8 cm. Une sonde
en double J est posée dans les 24 heures. Au réveil de
l’anesthésie générale, la patiente est confuse (désorientation temporo-spatiale, agitation majeure, inversion du rythme
nycthéméral…). Elle s’arrache la perfusion ainsi que la
sonde urinaire et fugue de l’hôpital. Elle est alors contentionnée au lit et son état neurologique s’aggrave. Elle ne
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risque évolutif de cette tumeur est d’une part la progression du cancer (douleurs, carcinose peritonéale, métastases…) et d’autre part la nécessité de transfusions itératives, du traitement de nouvelles complications infectieuses,
du changement semestriel de l’endoprothèse urétérale et
donc d’hospitalisations répétées. Elle est adressée en
consultation d’oncogériatrie pour évaluation du risque
opératoire.
L’Evaluation gériatrique est résumée dans le tableau 1.
La patiente vit au domicile d’une de ses 2 filles. Elle est
dépendante pour les activités de la vie domestiques et instrumentales. Elle a une dénutrition avec une perte de poids
(au moins 4 kg en un mois) et une perte de l’appétit, des
troubles de la mobilité, une désorientation temporo-spatiale. Le stade de démence est modérément sévère. Il n’y
a pas de douleur, de symptôme dépressif ni de déficit neurosensoriel. L’espérance de vie est évaluée à 3 ans environ 1, 2.
Tableau 1 : Synthèse de l’évaluation gériatrique
Paramètres
Score OMS (/4)
Habitus
Entourage familial
Nombre de Comorbidités
Médicaments :
Nombre
Type de médicaments
Cardio-vasculaires
Anticholinestérasiques
Psychotropes
Autres
Statut fonctionnel
Score ADL (/6)
Score IADL (/14)
Nutrition
Perte de poids > 4 kg en 1 an
Perte d’appétit dans les 3 derniers mois
Mobilité
Appui unipodal < 5 secondes
Dépression (GDS 4 items)
Déficit neuro-sensoriel
Déficit auditif
Déficit Visuel
Cognition
Score MMSE
Répétition des 3 mots (/3)
Douleurs
Discussion
À l’issue de l’évaluation gériatrique, les questions suivantes
ont été abordées :
• La patiente risquait de mourir de son cancer et elle était
déjà symptomatique. Le saignement chronique allait nécessiter rapidement une prise en charge même à titre palliatif. Sa qualité de vie serait altérée si la tumeur évoluait sur
le plan local ou général ou si l’hématurie se compliquait
d’un caillotage (colique néphrétique, rétention aiguë d’urine).
• Des facteurs sous jacents interféraient avec la prise en
charge dont le principal était le SC avec une démence modérément sévère.
La démence est une des causes majeures de sous-traitement chez les patients âgés atteints de cancer 3. La forte
prévalence du SC lors de tout geste curatif invasif entraîne
des réticences de la part des équipes soignantes le plus
souvent en raison d’expériences antérieures malheureuses. SC et démence sont associés puisque 2/3 des
SC surviennent chez des patients déments. Le SC (appelé
delirium par les Anglo-Saxons) a des conséquences
majeures en terme de perte d’autonomie et de morbi-mortalité 4. Un tiers des patients décèdent dans l’année qui
suit. Le SC est fréquent (20 % des hospitalisations chez
les patients de plus de 65 ans) et sa prévalence augmente de 15 à 53 % en post-opératoire chez les patients
âgés. En termes de coûts (aux USA), cela correspond à
6,9 milliards de dollars/an hors frais d’institutionnalisation,
de soins de suite et d’aide à domicile.
Le diagnostic du SC est clinique : tableau d’installation
brutale, troubles de la vigilance responsable du tableau d’obnubilation et entraînant des troubles de l’attention, inversion du rythme nycthéméral, fluctuation du tableau clinique au cours de la journée (phases stuporeuses alternées
avec des phases d’agitation psychomotrice et des périodes
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Score
1
Domicile
Oui
3
5
2
1
1
1
3
1
Oui
Oui
Oui
Non
Non
Non
12/30
0
Non
de lucidité), syndrome hallucinatoire (plus souvent visuel qu’auditif). Lorsqu’il est « hyperactif » (agitation, cris…) il est souvent évoqué et improprement nommé démence aiguë.
Plus fréquent chez le sujet âgé (c’est une spécificité par
rapport au sujet plus jeune) et plus grave car souvent
méconnu et donc non pris en charge, le syndrome confusionnel « hypoactif » ou le patient est prostré mais « sage ».
Les causes du SC sont multifactorielles. Il se développe
chez un patient déjà vulnérable sur lequel s’ajoute un certain nombre de facteurs précipitants. Ainsi, chez les patients
très fragiles (démence sous jacente par exemple), un seul
facteur précipitant parfois mineur (une dose de médicament hypnotique par exemple) peut déclencher un syndrome confusionnel. La prévention du SC est la meilleure
stratégie pour réduire sa fréquence et ses complications 4.
Plusieurs études ont montré qu’il pouvait être prévenu par
des interventions multidimensionnelles 5. La figure 1 propose une synthèse de ces mesures préventives adaptées
à l’oncologie.
Quand le SC est installé, ces mesures essayent de limiter sa durée. Elles associent le traitement symptomatique
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Pourquoi l’opérer, elle est démente ! • Why operate on her? She suffers from dementia!
à la gestion des troubles du comportement et la prévenrecommandations de la figure 1. La famille a été présente
tion des complications (prévention de la déshydratation,
24h/24. Les voies veineuses ont été mises en place unide la dénutrition, des escarres, des thromboses veineuses
quement la nuit, la sonde urinaire a été retirée précoceprofondes). Les approches non pharmacologiques sont
ment, la mobilisation a été immédiate, la patiente est
indispensables (figure 1). Les médicaments doivent être
retournée à domicile à J5 avec un suivi médical et infirréservés pour les patients dont le SC peut menacer leur
mier rapproché. Un an après, elle est en vie, asymptomavie ou leur sécurité (notamment en post opératoire) ou celle
tique et vit toujours au domicile de sa fille.
des autres patients.
Dans notre observation, la
démence était le principal facteur Figure 1 : Prévention du syndrome confusionnel
de risque et plusieurs facteurs (adapté de 4 et expériences personnelles)
précipitants ont été identifiés: hosFacteurs favorisants +/- facteurs précipitants
pitalisation, procédure invasive
avec anesthésie générale, immobilisation (par les voies veineuses
Risque de syndrome confusionnel
et la sonde urinaire), syndrome
infectieux, malnutrition, et déshydratation. En accord avec le chiPrévention du syndrome confusionnel
Evaluation : réévaluation régulière des facteurs de risques
rurgien, l’intervention chirurgicale
Orientation : permettre au patient de s’orienter lors de son hospitalisation
a été programmée après un mois
présence familière (famille, amis, voisins), objet familiers de la maison (photos, calende reconditionnement à domicile :
driers, horloge dans la chambre)
communication régulière par l’équipe soignante (explications régulières et répétées),
support nutritionnel, restauration
éviter les changements de chambres et d’équipe soignante,
du sommeil, reprise d’une actiadministrer les médicaments à des heures non dérangeantes pour le patient,
vité physique, suppression des
utilisation systématique des prothèses auditives et lunettes du patient.
Mobilisation : Encourager la mobilisation précoce
médicaments non indispensables
Prévention : prévenir la déshydratation
pour limiter le risque iatrogénique.
Maintien du Rythme nycthéméral
Une voie d’abord cœlioscopique
éviter de réveiller le patient la nuit
prises des constantes vitales diurnes
a été préférée pour limiter les doustimulation diurne
leurs post opératoire et la durée
Médicaments :
de l’hospitalisation. La prévention
éviter les médicaments psychotropes
éviter l’utilisation des médicaments à effets anticholinergiques notamment en anesdu SC a été assurée suivant les
thésie ou en post-opératoire (ex : Acupan®, antiémétiques neuroleptiques, Atarax®…)
Oui
Identifier et
corriger les
facteurs
précipitants
Apparition d’un syndrome confusionnel
Prévention des complications
Déshydratation,
Dénutrition,
Escarres,
Thromboses veineuses profondes,
Pneumopathie d’inhalation
Non
Pour tous les patients
Continuer les mesures de prévention
Maintien d’un environnement calme et rassurant,
éviter le bruit, l’agitation, la panique,
impliquer l’entourage (ou des sitters),
expliquer la situation
Ne pas attacher
Limiter les contraintes physiques liées
au cathéters veineux ou urinaires
Utiliser les approches non pharmacologiques :
musique, massage, relaxation
Si agitation sévère
1ère intention :
Antipsychotiques : Haldol®, Risperdal®, Zyprexa®
2ème intention :
Benzodiazépines type Tranxène®
Règles de prescriptions :
Monothérapie en 1ère intention
Commencer par des petites posologies :
50% de la dose totale doit être administrée le soir car
majoration des troubles la nuit
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Pourquoi l’opérer, elle est démente ! • Why operate on her? She suffers from dementia!
Conclusion
Bibliographie :
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3 Raji M, Kuo Y, Freeman J, Goodwin J. Effect of a dementia diagnosis on survival of
older patients after a diagnosis of breast, colon, or prostate cancer : implications for
cancer care. Arch Intern Med. 2008 ; 168 (18) : 2033-40
4 Inouye S, Delirium in Older Persons, N Engl J Med 2006 ; 354 : 1157-65
5 Inouye S, Bogardus S, Charpentier P, Leo-Summers L, Acampora D, Holford T et al.
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Engl J Med. 1999 ; 340 (9) : 669-76.
Ce cas illustre l’intérêt de la collaboration gériatre – oncologue. L’indication chirurgicale a été retenue après évaluation des caractéristiques du cancer (tumeur non métastatique potentiellement curable, qualité de vie altérée si
évolution tumorale spontanée) et proposition de prise en
charge gériatrique globale et coordonnée (incluant la
famille) avant pendant et après l’hospitalisation. Au total,
pour cette patiente un rapport toxicité/efficacité en faveur
d’une approche chirurgicale qui paraissait impossible et
pour la communauté, une hospitalisation de durée réduite
et un « coût » global de prise en charge optimal. ■
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Intérêt des cancérologues européens pour
l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans
et plus au moment du diagnostic : analyse de la
situation et mesures d’amélioration
Assessment of European oncologists’ interest in the development of a geriatric approach
for cancer patients aged 75 and older: situation analysis and improvement program
P. Anhoury, T. Perache
Équipe MattsonJack-KantarHealth, Paris Biotech, Faculté de médecine Cochin, Port Royal,
24 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France
Correspondance : [email protected]
Résumé
En 2009, 37% des cancers diagnostiqués l’ont été chez des patients âgés de plus de 75 ans. Nous nous sommes
intéressés au comportement des oncologues médicaux des principaux pays d’Europe afin d’apprécier certaines particularités de leur prise en charge.
Les résultats de notre enquête auprès de 150 d’entre eux montrent de grandes disparités. Ils nous conduisent à
proposer cinq mesures permettant d’améliorer sensiblement la qualité et la sécurité de la prise en charge.
Mots clés : Oncogériatrie, Europe, pluridisciplinarité, formation médicale, qualité des soins.
Abstract
In 2009, 37% of all cancers diagnosed in Europe, concerned patients aged over 75. We questioned 150 oncologists from the main European countries to understand some aspects of their practice with the older cancer population. The results show an important diversity. We suggest five initiatives which can improve the quality and security
of care for older cancer patients.
Key words : Oncogeriatrics, Europe, pluridiciplinarity, medical training, quality of care.
Introduction
viennent le plus fréquemment chez les plus de 75 ans sont
dans l’ordre décroissant : les cancers colorectaux, de la
prostate, pulmonaires, du sein et de la vessie. Les plus
de 75 ans représentent près de 37 % du total des nouveaux cancers diagnostiqués pour ces localisations tumorales au sein des cinq pays européens étudiés (Tableau 2).
L’équipe MattsonJack, basée au sein de l’incubateur ParisBiotech sur le campus de Cochin-Port Royal, analyse pour
la troisième année consécutive, l’épidémiologie des cancers
en Europe et les conditions de prise en charge des patients
dans chacun des cinq plus grands pays d’Europe : France,
Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne. Cette année,
nous avons complété notre enquête auprès des oncologues par une série de questions relatives à l’intérêt des
professionnels pour l’approche gériatrique du patient âgé
de 75 ans et plus au moment du diagnostic.
Méthode
Au cours des mois de juin et juillet 2009, nous avons interrogé un large panel de médecins qualifiés en oncologie
médicale. Chaque médecin a reçu un dossier par Internet
comprenant une série de questions sur leurs pratiques médicales au cours de la prise en charge des malades. Ce questionnaire reprend l’essentiel des points sur lesquels nous
travaillons depuis trois ans. Cette année, pour la première
fois, nous avons enrichi le questionnaire et abordé les
thèmes suivants, relatifs au patient âgé de plus de 75 ans :
• Avez-vous une approche particulière lors de l’évalua-
Les cinq pays que nous avons étudiés hébergent déjà
aujourd’hui plus de 27 millions d’habitants âgés de plus
de 75 ans, soit 8,8 % des populations de ces cinq états
(Tableau 1).
L’analyse de nos bases de données épidémiologiques,
montre qu’en termes d’incidence, les cinq cancers qui surLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics
tion, du diagnostic et du pro- Tableau 1 : Part des 75 ans et plus dans la population générale des 5 grands pays
jet thérapeutique des patients d’Europe
âgés de plus de 75 ans ?
France
Allemagne
Italie
Espagne Angleterre
TOTAL
• Réalisez-vous une recherche
75
+
5
500
000
7
200
000
6
000
000
3
900
000
4
800
000
27
400 000
systématique des comorbidiPopulation
tés habituelles chez les patients
62 300 600 82 100 000 59 800 000 44 900 000 61 600 000 310 700 000
de cet âge (insuffisance rénale, totale
hépatique, troubles cardio- % de 75 ans et plus 8,87 %
8,76 %
9,98 %
8,62 %
7,84 %
8,81 %
vasculaires, troubles neuroSource : CancerMpact database, MattsonJack
psychiatriques, …) ?
• Lors du choix d’un traitement médical, dans quelle mesure l’âge du patient entre
Résultats
en compte dans la prescription d’une thérapie coûteuse ?
Les oncologues interrogés nous apprennent qu’un tiers
• Avez-vous mis en place une méthode spécifique visant
de leurs patients ont plus de 75 ans. Si seulement la moià rechercher les toxicités des produits administrés et les
tié des praticiens déclarent avoir une approche spécifique
interactions médicamenteuses ?
en termes d’évaluation et de protocole thérapeutique,
• Quelle est la part des patients pour lesquels le projet
presque tous prennent en compte l’existence de comorthérapeutique est à visée curative ?
bidités avérées.
• Dans votre pratique, quelle est la part des patients
âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui
Les capacités du patient sont le plus souvent appréciées
auront à faire face à un effet secondaire majeur ?
par l’échelle de Karnofsky, l’alternative étant l’approche
• Dans votre pratique, quelle est la part des patients
évaluative de l’EORTC (QLQ-C30) (Tableau 3). L’espérance
âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui
de vie est une information considérée dans la décision thévont vivre une modification de traitement (réduction de dose
rapeutique 7 fois sur 10.
ou interruption) ?
• Dans votre pratique, quelle est la part des patients
Le dialogue entre les praticiens, à travers les réunions
âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui
de concertation pluridisciplinaires (RCP), en vue de prenvont vivre un deuxième effet secondaire majeur malgré le
dre des décisions thérapeutiques est développé chez à
changement de traitement ?
peine un tiers des praticiens européens interrogés. La
• Dans quelle mesure prenez-vous en compte l’espérance
France se distingue avec 58 % des oncologues interrode vie de ces patients dans les choix thérapeutiques que
gés impliqués dans des RCP.
vous opérez ?
• Avez-vous un gériatre impliqué ou partenaire de votre
Finalement, lorsque le diagnostic est établi à plus de 75 ans,
le projet est curatif moins d’une fois sur deux (45 %). Les
équipe ?
praticiens interrogés nous expliquent qu’il est palliatif le plus
• Avez-vous l’intention d’intégrer un gériatre à temps
souvent, sauf pour les oncologues italiens dont les trois
plein au sein de votre équipe dans les deux prochaines
quarts affirment s’inscrire dans une démarche curative.
années ?
Enfin, la prescription de chimiothérapies fait l’objet d’un
contrôle informatique (conformités, interactions médicamenteuses) dans moins de la moitié des établissements
où travaillent nos oncologues, sauf en France où les logiciels de prescription sont opérationnels pour 70 % des
professionnels interrogés.
Nous avons déterminé 30 réponses utilisables et représentatives par pays, ce qui représente l’interview de 150
oncologues au total. La représentativité s’appuie sur la géographie, la diversité des cancers traités, la pratique publique
et privée, …
Tableau 2 : Incidence et prévalence des 5 cancers les plus fréquents chez
les 75 ans et plus des 5 grands pays d’Europe
Incidence
Prévalence
(cohorte de 10 ans)
Sein
52 790
Colorectal
104 086
Prostate
96 085
Poumon
57 596
Vessie
46 684
414 957
590 672
753 258
171 778
459 729
Source : CancerMpact, Module PatientMetrics, MattsonJack
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Nous avons cherché à savoir dans quelle
mesure un âge élevé pouvait freiner la
prescription de médicaments chers. En
Grande-Bretagne, 97 % des oncologues
interrogés nous disent que le coût des
traitements est un élément qui influence
directement leur décision, alors qu’en
France on observe ce phénomène chez
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Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics
Tableau 3 : Score d’évaluation des performances des patients utilisés en Europe
Score utilisé
Karnofsky
EORTC QLQ C30
Autre
TOTAL
68 %
17 %
15 %
Allemagne Angleterre
85 %
37 %
4%
33 %
11 %
30 %
Espagne
90 %
7%
3%
France
56 %
22 %
22 %
Italie
71 %
18 %
11 %
Source : Enquête OMA EU de Juin et juillet 2009 auprès de 150 oncologues Européens
d’un gériatre, au sein de
l’équipe d’oncologie médicale, dans les deux prochaines
années. La réponse est clairement négative, partout sauf
en France où 14 % des répondants disent avoir prévu ce
recrutement.
Discussion
moins de 40 % des répondants. Près de la moitié des oncologues anglais nous disent ne pas utiliser certains traitements, spécifiquement à cause de leur coût. A l’opposé,
ce phénomène se retrouve chez moins de 20 % des oncologues français. Les oncologues anglais sont directement
influencés par les décisions du NICE (National Institute for
Health and Clinical Excellence : agence publique d’évaluation des technologies et produits de santé qui éclaire
les choix du National Health System pour la mise sur le
marché des médicaments).
La population âgée de plus de 75 ans occupe une place
importante dans la pratique des oncologues médicaux.
Les prises en charge varient considérablement d’un pays
à l’autre avec des tendances appuyées. La France apparaît comme le pays le plus structuré. Parmi les cinq pays
étudiés, c’est le seul à avoir été doté d’un Plan Cancer
mené jusqu’à son terme de 2003 à 2008 : les réunions de
concertation pluridisciplinaires sont plus systématiques,
les oncologues prescrivent librement les protocoles admis,
sans frein particulier lié au coût des nouvelles molécules,
même quand le malade est plus âgé. Le second Plan Cancer
devrait renforcer ces points. Toutefois, la prise de conscience
économique est bien présente et peut conduire partout à
des changements de protocole.
Quand on évoque le suivi des malades de plus de 75 ans
traités, les oncologues affirment qu’un patient sur quatre
va présenter un effet secondaire majeur. De plus, plus du
tiers des malades traités va vivre un changement de traitement ou un arrêt anticipé d’un des médicaments du protocole. Après la modification du traitement, encore un sur
cinq va revivre un deuxième effet secondaire majeur.
L’approche globale de la personne âgée porteuse d’un
cancer reste encore trop souvent comparable à celle des
patients plus jeunes. La « culture gériatrique » est peu présente chez les oncologues et la collaboration avec les gériatres reste embryonnaire. L’évaluation des performances
du patient est peu pratiquée, les protocoles prescrits ne
prennent pas toujours en compte les comorbidités, et les
arrêts ou modifications de traitement sont beaucoup trop
fréquents.
Les nouveaux traitements offrent de plus en plus la possibilité d’une administration orale. Les oncologues interrogés sont très favorables (79 % d’avis positifs dans les
cinq pays d’Europe) sauf en Allemagne où les deux tiers
des oncologues adhèrent moins à la voie orale à cause
d’un intéressement financier directement lié à l’administration intraveineuse.
Conclusion
Après avoir parcouru ces questions relatives à la prise
Ces constats nous conduisent à proposer cinq mesures
en charge et au suivi thérapeutique, nous avons aussi intersusceptibles de faire évoluer la situation chaque fois qu’un
rogé les oncologues sur leurs habitudes de travail avec
diagnostic de cancer est porté chez un malade de plus
les gériatres, lorsqu’ils abordent les patients âgés de plus
de 75 ans :
de 75 ans. La plupart des oncologues interrogés disent
• instaurer deux réunions de concertation : la première
ne JAMAIS impliquer de gériatre dans la vie de leur équipe,
est réservée à l’évaluation gériatrique globale du patient
avec une revue des comorbidités, une appréciation des
sauf en France où seulement 9 % des interrogés se situent
dans cette habitude. Certains
travaillent avec un gériatre à
temps partiel et, le plus sou- Tableau 4 : Implication des gériatres dans les équipes d’oncologie médicale
vent, ils le sollicitent dès qu’ils
TOTAL
Allemagne Angleterre Espagne
France
Italie
pensent avoir besoin de lui Jamais
54 %
67 %
73 %
80 %
9%
42 %
(Tableau 4).
Temps plein
8%
0%
7%
0%
18 %
16 %
Temps Partiel
8%
7%
13 %
0%
18 %
3%
Nous avons conclu notre A l’appel
30 %
26 %
7%
20 %
55 %
39 %
entretien par une question
Source : Enquête OMA EU de Juin et juillet 2009 auprès de 150 oncologues Européens
sur l’embauche éventuelle
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Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics
capacités du patient à supporter une chirurgie, une radiothérapie et des chimiothérapies ou des biothérapies, une
écoute du malade et de son entourage sur ses conditions
de vie et sur ses projets. Les résultats de la première réunion de concertation servent d’introduction à la deuxième
classique RCP, dédiée aux choix thérapeutiques à proposer au patient ;
• dans la mesure du possible, signer un accord ferme
de collaboration avec un gériatre référent situé sur le même
campus ou dans la même agglomération. Cette mesure
doit permettre de l’anticipation et une intervention moins
opportuniste et plus structurée ;
• informer les malades et leurs familles, ainsi que les
associations de cette approche spécifique du sujet âgé.
Bien des facteurs entrent en compte avant l’âge chronologique du patient. La notion de projet curatif doit trouver
sa place, chaque fois que cela est possible, malgré l’âge
avancé du malade. ■
• engager un programme de formation des oncologues,
sous forme d’un module de gériatrie, faisant intégralement
partie de la formation (DES ou DESC). La généralisation
d’un DU d’oncogériatrie ouvert aussi aux infirmières référentes est un élément facilitant une meilleure homogénéité
au sein des équipes ;
• multiplier les essais cliniques ouverts aux patients de plus
de 75 ans. Comme on l’a vu, un tiers des patients entrent
dans cette tranche d’âge au moment du diagnostic ;
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Impact de l’évaluation gériatrique standardisée
en oncologie : analyse rétrospective
monocentrique chez 59 patients âgés atteints
de cancer
Impact of a comprehensive geriatric assessment (CGA) in oncology. A monocentric
retrospective analysis of 59 cancer patients
R. Boulahssassa, E. Chamoreyb, I. Beredera, V. Marib, H. Jaouaa, A.L. Couderca, E. Françoisb, P. Prasa, P. Brockera,
A. Thyssa, O. Guerina
a. Pôle de gérontologie CHU de Nice, France ; b. Centre Antoine Lacassagne, Nice, France
Résumé
Introduction : L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) est un outil fiable et reproductible permettant d’individualiser des groupes homogènes de patients. La classification selon Balducci nous permet d’individualiser 3 groupes
selon différents niveaux de fragilité. Objectif Principal : Déterminer si l’EGS préalable est intégrée dans les critères
décisionnels pour la stratégie thérapeutique en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).
Matériel et méthode : Analyse rétrospective des dossiers de 59 patients successifs âgés de plus de 65 ans atteints
de cancers en phase métastatique ou non ayant bénéficié d’une EGS entre janvier 2005 et mai 2008.
Résultats : Les patients dont l’âge moyen était de 81 ans, présentaient pour 66 % une néoplasie d’origine digestive dont 50 % de cancers recto-coliques et pour 20 % d’origine mammaire. Dans 92 % des cas la décision de la
RCP et l’avis du gériatre étaient convergents. Dans 80 % des cas, les oncologues mentionnaient la classification
selon Balducci et/ou des données de l’EGS lors de la prise de décision (RCP ou consultations). Dans 90 % des cas,
les propositions du gériatre étaient suivies concernant la prise en charge globale hors cancer. A 6 mois, les taux de
survie globale selon les groupes classés I, II, III selon Balducci étaient respectivement de 86 %, 84 % et 54 %. La
réalisation d’une chimiothérapie était corrélée de façon significative (p < 0.0001) avec la classification de Balducci.
Conclusion : Cette analyse suggère que l’avis du gériatre semble être une aide comme critère décisionnel dans la
prise en charge thérapeutique.
Mots clés : Cancer, personne âgée, évaluation gériatrique, décision thérapeutique.
Abstract
The CGA is a reliable and reproducible tool used to discriminate between different groups of patients with different frailty levels (Balducci’s classification). Principal objective: The purpose of this study is to determine whether a
prior CGA should be one of the decision-making criteria used when determining therapeutic strategy at multidisciplinary consensus meetings (MCM).
Materials and Methods: Retrospective analaysis of data from 59 successive patients aged over 65, suffering from
metastatic cancer or who did not have aCGA between June 2005 and November 2008.
Results: The patients’ mean age was 81, 66% of them had digestive cancer (colorectal cancers: 50 %) and 20%
breast cancer. In 92% of cases, the MCM’s decision for treatment agreed with the geriatrician’s opinion. In 80% of
cases, the oncologists mentioned Balducci’s classification and/or the CGA data when taking the decision (MCM or
consultations) After 6 months of follow up, global survival rates in groups I, II and III according to Balducci classification, were 86%, 84% and 54% respectively. For 80% of the patients the staff used the CGA orBalducci classification to justify the decision for treatment. The decision to provide chemotherapy was significantly correlated with
the Balducci classification (p<0.0001).
Conclusions: Our data suggest that the geriatrician’s opinion is a useful tool in clinical practice for deciding on the
cancer treatment to be prescribed for elderly patients.
Keywords : Cancer, elderly, geriatric assessment, therapeutic decision.
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Introduction
identifier les patients pouvant bénéficier d’un traitement à
risque de complications ou de toxicité 8,19. En France et
en Europe, l’Oncogériatrie s’organise sur ce mode multidisciplinaire 20.
Depuis maintenant cinq ans le pôle de gérontologie du
CHU de Nice et le Centre Antoine Lacassagne ont permis du fait de cette collaboration d’avancer dans une
réflexion commune concernant les patients âgés cancéreux.
L’objectif principal de ce travail était de déterminer si l’EGS
préalable était intégrée dans les critères décisionnels de
la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). De plus
des données observationnelles ont été collectées concernant la survie globale dans les groupes selon la classification de Balducci ainsi que l’analyse des causes d’arrêts de la chimiothérapie.
En France, le cancer connaît une incidence et une mortalité qui croissent avec l’âge. Ainsi 50 % des cancers surviennent chez les plus de 70 ans 1. Des progrès majeurs
ont été observés en oncologie gériatrique en termes de
tolérance des traitements, de survie et de qualité de vie
2. Un diagnostic tardif et de fréquentes comorbidités expliquent souvent une prise en charge suboptimale 3. La difficulté en oncologie gériatrique réside en pratique dans la
décision thérapeutique et ceci est expliqué en partie par
une grande hétérogénéité de cette population 4, 5, 6.
L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) est un outil fiable et reproductible permettant d’individualiser des groupes
relativement homogènes de patients afin de permettre
d’adapter au mieux leurs prises en charge 7. Ainsi on individualise 3 groupes de patients, selon le modèle réalisé
par L. Balbucci : un premier groupe de patients autonomes sans critères de fragilité qui pourraient recevoir un
traitement identique aux patients plus jeunes, un second
groupe de patients vulnérables présentant une dépendance
identifiée concernant les activités instrumentales (IADL) et/ou
avec une ou deux comorbidités et enfin un troisième
groupe de patients fragiles avec au moins une dépendance
au niveau des activités de la vie quotidienne (ADL) associée à la présence d’au moins trois comorbidités ou la présence d’un des grands syndromes gériatriques (troubles
de la marche, démence, confusion mentale, incontinence
et dénutrition) ou age supérieur ou égal à 85 ans 8, 9, 10.
L’EGS est composée d’échelles fiables et validées dans
la population âgée. Elle permet de reconnaître les syndromes
de fragilités gériatriques, d’évaluer les comorbidités, d’estimer les problèmes psychologiques et sociaux pouvant
interférer avec le traitement du cancer, d’évaluer la nécessité de mise en place de soins de support et surtout d’estimer l’espérance de vie en fonction de l’état de base (état
de santé hors cancer) 10, 11,12. Elle nécessite d’évaluer
l’impact de la polymédication notamment des thérapeutiques pouvant interférer avec les traitements anticancéreux. Cette évaluation porte aussi sur l’état cognitif du patient,
facteur déterminant permettant le consentement éclairé
aux soins et la bonne gestion des effets indésirables du
traitement mais aussi la mise en place de structures d’aide
permettant la réalisation de ce dernier. Le dépistage de la
dépression est systématique ainsi que l’évaluation de l’autonomie 13,14. L’examen clinique permet de dépister les
comorbidités évolutives et d’agir si possible sur la réversibilité de ces pathologies.
En oncologie, l’EGS nécessite une démarche multidimensionnelle et pluridisciplinaire lors d’une collaboration étroite
entre gériatres, oncologues, chirurgiens et radiothérapeutes, afin de pouvoir proposer à ces patients une prise
en charge adaptée 15,16,17,18. De plus cette évaluation
gériatrique est actuellement largement recommandée pour
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Matériel et méthode
Dans cette étude de cohorte l’analyse a été rétrospective, descriptive à partir de dossiers de 59 patients âgés
de plus de 65 ans et atteints de cancer. Tous les patients
ont bénéficié d’une EGS réalisée par un opérateur unique
dans le centre anticancéreux de Nice (Centre Antoine
Lacassagne) entre janvier 2005 et mai 2008. Cette évaluation était réalisée avant la prise de décision thérapeutique. Les données collectées comprenaient 221 variables,
dont les données démographiques, la localisation du cancer, le caractère métastatique ou non de la tumeur et les
données de l’EGS.
Les données de l’EGS recueillies étaient :
• Une évaluation de l’autonomie par les échelles d’Activités
de la Vie Quotidienne (ADL) et d’Activités Instrumentales
de la Vie Quotidienne (IADL) 21, 22.
• Un dépistage des troubles cognitifs : Mini Mental State
Examination (MMSE) et un Test de l’Horloge 23.
• Une échelle d’évaluation nutritionnelle : Mini Nutritional
Assessment (MNA) 24.
• Une réévaluation de l’ordonnance avec la recherche de
iatrogénie et évaluation du nombre de médicaments.
• Une évaluation de l’environnement social avec la
recherche de la notion d’isolement.
• Un dépistage de la dépression avec la Geriatric Depression
Scale 15 (GDS 15) 25 et un entretien clinique.
• Le nombre de pathologies associées évolutives.
• Une évaluation de la marche par le Get up and Go test 26.
• Une évaluation de la douleur par Échelle Visuelle
Analogique (EVA).
Enfin, le gériatre a classé le patient selon la classification
de Balducci 7 et proposé un avis concernant le traitement
éventuel envisagé.
Puis il a été recherché les éléments suivants dans le suivi
des patients :
• La décision de la RCP.
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Tableau 1 : Caractéristiques des patients
Sexe
Masculin
Féminin
Localisation
Recto-Colique
Digestif autres
Sein
Autres
Présence de Métastase
Dépendance IADL
Dépendance ADL
MMS médian
Balducci I
Balducci II
Balducci III
MNA median
Balducci I
Balducci II
Balducci III
Dépistage dépression + (score GDS15≥5)
Balducci I
Balducci II
Balducci III
Nombre de Médicaments
<3
3-6
>6
Nombre de pathologies associées évolutives
1
2
3
4 et +
Isolement social
Douleur non contrôlées
Classification Balducci
I
II
III
Traitement
Chimiothérapie
Radiothérapie
Chirurgie
Chimiothérapie
Schéma modifié
Arrêt
Toxicité grade III ou IV
Nombre d’hospitalisations
0
1
2
3
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
• La référence ou non à l’avis du gériatre dans le compte
rendu de la RCP et/ou de la consultation de l’oncologue.
• Le type de traitement réalisé,
• Les causes d’arrêt du traitement par chimiothérapie dans
le suivi.
• La survenue de toxicité de grade III/IV (toxicités sévères).
• La modification du schéma thérapeutique par rapport
au traitement de référence.
• La survie globale.
• Le nombre d’hospitalisations pour événements intercurrents.
N (%)
30 (51 %)
29 (49 %)
29 (50 %)
10 (16 %)
12 (20 %)
8 (14 %)
27 (45 %)
35 (60 %)
24 (40 %)
Méthode statistique
Les comparaisons ont été effectuées par un test du chi2
et test exact de Fisher pour les petits effectifs. La classification de Balducci a été corrélée au traitement par radiothérapie, chimiothérapie et chirurgie par la méthode de corrélation de Spearman.
30
29
28
20
19
16
Résultats
L’âge moyen des patients était de 81 ans. Plus de la moitié des cancers (66 %) étaient d’origine digestive dont 50 %
d’origine recto-colique, 20 % d’origine mammaire. Le
tableau 1 résume les principales variables qualitatives. Le
suivi des patients a été de 2 ans et la médiane de suivi de
10 mois. Un patient sur deux était en situation métastatique au moment de la consultation d’évaluation initiale.
Seulement un quart des patients avait une ordonnance
comportant moins de 3 spécialités médicamenteuses. Un
tiers des patients déclarait avoir des douleurs non contrôlées et 20 % d’entre eux étaient isolés socialement.
Un patient sur deux a reçu un traitement par chimiothérapie et pour la moitié d’entre eux il a été nécessaire de
modifier le schéma thérapeutique par rapport au traitement de référence soit par une diminution de dosage, soit
par un changement de la chimothérapie. Au final, un
patient traité sur deux a du stopper son traitement du fait
d’une mauvaise tolérance.
Les patients ont été classés dans les groupes I pour 27 %,
II pour 33 % et III pour 40 % selon la classification de Balducci.
On ne retrouvait pas de différence significative entre les
trois groupes en ce qui concerne le MMSE (Graphique 1),
le MNA (Graphique 2), ou la dépression (p = 0,93). Le MMSE
moyen était de 27 sur l’effectif total, le MMSE médian était
de 30 dans le groupe I, 29 dans le groupe II et de 28 dans
le groupe III, donc des patients présentant pour la plupart
des fonctions cognitives conservées, quel que soit le
groupe.
La dépendance aux ADL, aux IADL, le caractère métastatique de la tumeur, l’âge, la polymédication, le MMSE et
le MNA étaient corrélés de façon significative à la classification de Balducci (p < 0,05). L’autonomie pour les soins
de base (ADL) était l’élément le plus déterminant pour être
5 (30 %)
6 (35 %)
6 (35 %)
14 (25 %)
35 (57 %)
10 (18 %)
11 (35 %)
13 (19 %)
10 (22 %)
4 (17 %)
12 (20 %)
20 (34 %)
16 (27 %)
20 (33 %)
23 (40 %)
29 (52 %)
14 (25 %)
26 (46 %)
16 (55 %)
13 (45 %)
13 (45 %)
28 (50 %)
13 (23 %)
12 (22 %)
3 (5 %)
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Graphique 1 : Représentation des scores
MMSE en fonction de la classification de
Balducci
Graphique 2 : Représentation des scores
MNA en fonction de la classification de
Balducci
Score MNA
Score MMSE
I
II
III
I
II
BALDUCCI
III
BALDUCCI
Graphique 3 : Corrélations entre les variables
individuelles et la classification de Balducci
Tableau 2 : Corrélation entre la réalisation d’un
traitement spécifique et la classification de Balducci
Corrélation avec la
valeur de p
rho
classification de Balducci
Chimiothérapie
1,59 10-09*
-0,70*
Radiothérapie
0,1455
-0,20
Chirurgie
<0,005*
0,39*
r=0
doul
Factors : 1,2
r=0,4
r=0,6
mmse
cancer
r=0,8
* Résultats significatifs entre les différents groupes
nbhos
adl
classé en groupe III dans cette série de patients (Graphique 3).
La réalisation d’une chimiothérapie était corrélée de façon
très significative (p < 0.0001) avec la classification de
Balducci. Il en était de même pour la chirurgie (p = 0,005)
mais pas pour la radiothérapie (p = 0,14) (Tableau 2). Ainsi
moins le patient était jugé fragile par le gériatre plus il était
traité. Dans 92 % des cas, la décision de la RCP et l’avis
du gériatre étaient convergents. Dans 80 % des cas, les
oncologues mentionnaient la classification selon Balducci
et/ou des données de l’EGS lors de la prise de décision
(RCP ou consultations).
Dans 90 % des cas, les propositions du gériatre étaient
suivies concernant la prise en charge globale hors cancer (traitement antidépresseur, interventions nutritionnelles,
adaptations thérapeutiques diverses, mise en place d’aides
au domicile).
Les taux de survie globale à 6 mois selon les groupes classés I, II, III selon Balducci étaient respectivement de 86 %,
84 % et 54 % et à 9 mois respectivement de 86 %, 84 %
et 28 %. Il existait une différence significative de survie entre
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
balducci
sexe
age
meta
med
iadl
mna
isol
ads
• Les variables dans le cercle rouge sont corrélées de manière
significative à la classification de Balducci p<0.05.
• Les variables en vert sont positivement corrélées.
• Les variables en jaunes sont corrélées de façon négative.
les groupes 1,2 versus le groupe 3 (Graphique 4). Si le patient
était jugé fragile (groupe III), le pronostic était mauvais et
ceci indépendamment du fait qu’un traitement soit entrepris ou non. Les patients traités par chimiothérapie malgré l’avis défavorable du gériatre ont présenté pour les ¾
44
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Tableau 3 : Analyse des causes d’arrêt de la chimiothérapie
Variables
Pas d’arrêt Arrêt chimiothérapie p-Fisher
sexe
0.14364
masculin
5 (31.25 %)
8 (61.54 %)
féminin
11 (68.75 %)
5 (38.46 %)
Extension
0.46568
Cancer localisé 11 (68.75 %)
7 (53.85 %)
Métastastique
5 (31.25 %)
6 (46.15 %)
Dépendance IADL
0.27418
non
11 (68.75 %)
6 (46.15 %)
oui
5 (31.25 %)
7 (53.85 %)
Dépendance ADL
0.57307
non
15 (93.75 %)
11 (84.62 %)
oui
1 (6.25 %)
2 (15.38 %)
Isolement social
1
non
13 (81.25 %)
10 (76.92 %)
oui
3 (18.75 %)
3 (23.08 %)
Douleur
0.46568
Non algique
11 (68.75 %)
7 (53.85 %)
Algique
5 (31.25 %)
6 (46.15 %)
Classification de Balducci
0.02763*
I
11 (68.75 %)
3 (23.08 %)
II
4 (25 %)
9 (69.23 %)
III
1 (6.25 %)
1 (7.69 %)
Dépression
1
non
10 (62.5 %)
9 (69.23 %)
oui
6 (37.5 %)
4 (30.77 %)
Modification de dose ou de type
de chimiothérapie
1
non
7 (43.75 %)
6 (46.15 %)
oui
9 (56.25 %)
7 (53.85 %)
Refus patient
0.57307
non
15 (93.75 %)
11 (84.62 %)
oui
1 (6.25 %)
2 (15.38 %)
Toxicité de grade III/IV
0.00286**
non
13 (81.25 %)
3 (23.08 %)
oui
3 (18.75 %)
10 (76.92 %)
Nombre d’hospitalisations
0.2273
0
10 (62.5 %)
4 (30.77 %)
1
3 (18.75 %)
3 (23.08 %)
2
3 (18.75 %)
4 (30.77 %)
3
0 (0 %)
2 (15.38 %)
-
p-chi2
0,2923
reçues le patient âgé ne
refusait pas le traitement
par chimiothérapie quand
celui-ci lui est proposé
(Tableau 3).
0,6615
Discussion
0,3955
0,84911
Impact de
l’évaluation sur
le traitement et
la prise en charge
globale
Dans cette série de
59 patients âgés atteints
de cancer, les oncologues
0,86122
demandent une évaluation aux gériatres et tiennent compte des résul0,6615
tats de cette dernière
comme critère d’aide à la
décision thérapeutique
0,4391*
dans 80 % des cas. Des
résultats comparables préliminaires ont été présentés par une équipe fran0,9891
çaise dans une étude
rétrospective mesurant
l’impact de l’EGS sur la
prise en charge thérapeu0,8057
tique des oncologues chez
161 patients de plus de 75
ans atteints de cancer. Il
0,8491
existait un impact dans
82 % des cas sur la décision thérapeutique 27.
0,0058
L’évaluation gériatrique
apporte une meilleure
connaissance du patient
0,2166
âgé et semble être intégrée
comme un critère supplémentaire dans la décision.
De plus les conseils de
prise en charge proposés
par le gériatre sont éga* Résultats significativement différents pour tous les groupes
** Résultats significativement différents
lement largement suivis.
Certaines études ont évalué l’impact de l’EGS en oncologie gériatrique au niveau
une mauvaise tolérance ayant entraîné l’arrêt de cette derde la prise en charge globale. L’étude de Mc Corkle et colnière précocement.
laborateurs est une étude randomisée chez 375 patients
Plus le patient était jugé fragile selon la classification
âgés de 62 à 92 ans qui a montré un bénéfice en faveur
de Balducci plus il y avait de risque de stopper la chide l’EGS en post opératoire en terme d’amélioration de
miothérapie (p = 0,027). Il en était de même pour la toxila survie chez les patients atteints de cancers à un stade
cité de grade III/IV qui était corrélée avec l’arrêt du traiavancé 28.
tement (p = 0,002). Contrairement à certaines idées
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Article original Original article
JOG n1:Mise en page 1
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Une fragilité spécifique identifiée par l’EGS :
l’isolement social
Graphique 4 : Survie globale en fonction de
la classification de Balducci
Survie globale
60
BALDUCCI I
Dans cette série, l’EGS a permis d’individualiser un
groupe de patients fragiles (groupe III) dans lequel le taux
de survie globale était de 54 % à 6 mois, de seulement
28 % à 9 mois et ceci indépendamment de la réalisation
ou non d’une thérapeutique spécifique. Pour ces patients
dont la survie est faible il est déjà bien recommandé qu’un
traitement palliatif et symptomatique soit proposé 33.
L’EGS trouve donc toute son utilité dans le dépistage de
ce groupe de patients.
Au niveau de la survie globale, on observe que dans le
groupe I et II les survies sont comparables. Deux axes de
réflexions sont possibles : il semble alors impératif de traiter ces patients en groupes II puisqu’ils ont une survie comparable aux patients du groupe I. Mais il est aussi à souligner que ce qui différencie essentiellement les deux
groupes dans cette série de patients est le nombre de comorbidités évolutives. Du fait de l’analyse rétrospective, nous
n’avons pas gradé la sévérité de ces comorbidités à l’aide
de la CIRS-G (grille que nous utilisons désormais en routine). Ceci aurait pu nous aider dans la compréhension de
ces survies quasi comparables en décrivant la sévérité des
pathologies observées. D’autant plus que la présence de
pathologies évolutives multiples est un facteur de risque
associé à la diminution de la survie 10, 34. Des résultats
comparables ont été observés dans l’étude de Arnoldi et
al chez 153 patients âgés atteints de cancers. Il n’y avait
pas de différence significative en terme de survie entre les
patients du groupe I et II et les auteurs insistaient sur l’utilité de l’EGS pour dépister les patients fragiles du groupe
III dont la survie était plus faible de façon significative 35.
Cependant, un enjeu majeur est aussi de dépister chez
un sujet qui semble peu fragile des éléments de vulnérabilité afin d’alerter l’oncologue et de mettre en place des
stratégies de prévention des décompensations.
40
BALDUCCI II
20
% de survivants
80
100
On observe que le traitement en ambulatoire chez des
patients isolés est possible et que l’isolement social de
ces patients ne favorise pas l’arrêt précoce des thérapeutiques. Ceci est probablement du à la qualité d’organisation des soins des centres anticancéreux.
I
II
III
BALDUCCI III
p=0,0025 (Logrank Test) groupes I, II versus III
0
Article original Original article
JOG n1:Mise en page 1
Mois
D’autres équipes ont utilisé les données de l’EGS afin
d’adapter au mieux le traitement proposé. Une étude
de Bernardi et collaborateurs a permis de proposer un
traitement avec des réductions de dose chez des
patients atteints de lymphomes âgés de plus de 80 ans
et/ou dépendant (ADL et IADL) avec une meilleure tolérance observée et globalement une réponse identique
en comparaison avec des patients plus jeunes et non
dépendants, recevant un schéma classique de chimiothérapie 29. L’équipe du Moffit Cancer Center de Tampa
en Floride a également expérimenté un programme
d’intervention en fonction des problématiques dépistées par l’EGS avec un impact bénéfique sur la prise
en charge thérapeutique oncologique et la prise en
charge globale 30. Il faut cependant noter que la plupart de ces études d’intervention portent le plus souvent sur un nombre limité de patients du fait des difficultés d’inclusion.
Dans notre étude, la chimiothérapie et la chirurgie sont
corrélées significativement à la classification de Balducci
mais pas la radiothérapie, ce qui est bien le reflet de
l’expérience clinique concernant cette dernière. En
effet, en pratique courante la radiothérapie est souvent utilisée en oncologie chez le sujet âgé, elle est
plutôt bien tolérée que ce soit en curatif, palliatif et/ou
à visée antalgique 31. La modification du schéma thérapeutique concernant la chimiothérapie est fréquente,
une meilleure connaissance du sujet âgé et des changements physiologiques liés à l’âge permet d’ajuster
les doses et en complément l’EGS aide à la prise de
décision 32.
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
Dépistage
Une étude de Wedding et al sur une série de 200 patients
âgés avec cancer, a démontré que l’impression clinique globale du médecin est moins sensible que l’EGS dans le dépistage de la fragilité, ceci étant confirmé par des données
récentes (étude de Tucci et al) 36, 37. De nombreux auteurs
ont proposés des échelles de dépistage 9, 38, 39. L’EGS
étant chronophage et la demande de consultation gériatrique en oncologie étant croissante, il est important de pou46
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
Limites de l’étude
voir avoir un outil sensible et pratique à l’usage des oncologues. Des auto-questionnaires peuvent être aussi proposés mais ne sont pas applicables à tous les patients âgés
du fait de la prévalence des troubles cognitifs en gériatrie 40.
Le projet Oncodage permettra probablement de valider un
outil simple et rapide et d’inclure la pratique du dépistage
en routine dans la consultation des oncologues 41.
Dans notre travail, il faut insister sur le fait que seuls les
oncologues, les chirurgiens et les radiothérapeutes convaincus de l’intérêt de cette démarche ont adressé leurs
patients aux gériatres. Il existait donc un biais de recrutement évident. Il semble également qu’une sélection ait été
opérée par les oncologues au vu du profil des patients adressés aux gériatres : les patients étaient pour la plupart en
intention d’être traités, on observait un statut cognitif
conservé et un profil homogène du statut nutritionnel et
de la dépression.
Cependant à l’issue de l’évaluation, 40 % des patients
sont classés en groupe III selon la classification de Balducci
et il leur est proposé pour la plupart d’entre eux des soins
de supports ou des soins palliatifs.
Tolérance
Un patient sur deux a dû stopper le traitement par chimiothérapie pour cause de mauvaise tolérance. Il est difficile en gériatrie de prédire la tolérance aux thérapeutiques
proposées. Des travaux ont permis d’individualiser des facteurs de risque associés de mauvaise tolérance comme
la poly médication, l’HTA, l’augmentation de LDH, un IMC
élevé ou des chimiothérapies de seconde ligne 42. Une
étude française prospective incluant des patientes atteintes
de cancer des ovaires a retrouvé d’autres facteurs prédictifs de toxicité : la dépression, le performance status et
la dépendance 43. Il n’est pas encore possible de prédire
la tolérance mais l’EGS incluant différents paramètres biologiques comme le taux d’hémoglobine et la fonction
rénale permet d’adapter au mieux la thérapeutique. Un traitement préventif de certains effets indésirables doit être
systématique et non plus être proposé chez le sujet âgé
« si besoin ».
Conclusion
L’EGS permet d’estimer la survie, d’identifier des problèmes non dépistés et d’aider à la mise en place d’un
plan de soin multidimensionnel. Les données de L’EGS
semblent être une aide à la décision thérapeutique pour
les oncologues. Des travaux prospectifs incluant un nombre plus important de patients et évaluant leur qualité de
vie sont indispensables. Le travail de collaboration entre
les gériatres et les oncologues est en marche avec une
réflexion commune actuelle sur la faisabilité des thérapeutiques mais qui devrait se porter également sur l’analyse
des facteurs prédictifs de mauvaise tolérance de la chimiothérapie chez le sujet âgé. ■
Douleur
1/3 des patients déclarait avoir des douleurs non contrôlées. Ceci met en exergue la difficulté d’évaluation de la
douleur chez des sujets âgés dont les différentes composantes peuvent être complexes 44, 45.
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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
47
VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010
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JOG n1:Mise en page 1
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Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology
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5/01/10
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Actualités News
JOG n1:Mise en page 1
L’image du JOG
Une cascade dans la plèvre !
Y. Menua, F. Al Freijatb
a. Service de Radiologie, Hôpital Saint Antoine, Paris, France
b. Service de Pneumologie, Centre Hospitalier de Belfort-Montbéliard, site de Belfort, France
U
n homme de 75 ans est examiné à la demande de son épouse qui se plaint d’entendre des gargouillements dans
le thorax de son mari lorsqu’il se couche le soir. Le patient lui-même ne se plaint pas de signes particuliers mais
signale peut-être qu’il a une dyspnée d’effort plus prononcée qu’auparavant.
L’examen clinique révèle effectivement des anomalies complexes à l’auscultation et à la percussion du thorax. Un scanner est pratiqué. Deux images sont proposées. Il s’agit d’une image après injection intra veineuse de produit de contraste
iodé, en fenêtre « médiastinale » et de la même coupe en fenêtre « parenchymateuse ».
Quels sont les signes observés ?
Quelles sont les hypothèses diagnostiques ?
Réponses page suivante
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Actualités News
JOG n1:Mise en page 1
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L’image du JOG • Réponses
Cavitation et rupture pleurale d’un carcinome
épidermoïde du poumon
• Le cancer bronchique peut donner lieu à des cavités pulmonaires de deux façons. La première est de se
compliquer d’un abcès en amont d’un obstacle bronchique, comme dans le cas précédent. Dans ce cas, la
rupture dans la plèvre expose au risque d’empyème. La
seconde façon est la cavitation tumorale, spontanée ou
induite par le traitement. Celle-ci est beaucoup plus fréquente en cas de carcinome épidermoïde. Dans ce cas,
la symptomatologie est variée, mais peut être discrète comme
chez ce patient. Le risque est évidemment un envahissement direct de la cavité pleurale, qui change sensiblement
le stade de la maladie, mais n’est pas systématique.
Quels sont les signes observés ?
L’image est celle d’un hydropneumothorax droit. La
cause de cet épanchement est la présence d’une cavité
pulmonaire qui est rompue dans la plèvre. On voit d’ailleurs bien une « chute d’eau » entre la cavité pulmonaire
et la cavité pleurale (flèche). La cavité a des parois épaisses,
avec un bord externe assez net, probablement lié à une
atélectasie du parenchyme avoisinant. Le bord interne est
légèrement anfractueux.
Il n’y avait pas d’autre anomalie sur l’examen.
Quelles sont les hypothèses
diagnostiques ?
Dans les deux cas, le bilan immédiat comprend une
endoscopie bronchique. Dans ce cas, l’endoscopie a
démontré qu’il existait une tumeur épidermoïde de la
bronche lobaire inférieure droite. Le reste du bilan n’a pas
montré d’envahissement à distance, mais la biopsie pleurale a confirmé l’existence d’une atteinte tumorale de la
plèvre. Une alternative à la biopsie pleurale est la TEP dont
les performances sont intéressantes pour la détection de
l’atteinte pleurale, alors que le scanner, qui peut parfois
l’affirmer devant la présence de gros nodules indiscutable, est en difficulté lorsqu’il s’agit de détecter les atteintes
micro-nodulaires diffuses.
Deux hypothèses diagnostiques doivent être envisagées :
• un abcès pulmonaire, quelle que soit sa cause. Les
abcès pulmonaires sont dans la moitié des cas primitifs,
probablement liés à l’évolution défavorable d’une infection pulmonaire. Dans ce cas ; une infection dentaire, une
immunodéficience sont souvent associées. Dans l’autre
moitié des cas, l’abcès pulmonaire s’inscrit dans un
contexte de comorbité, avec d’autres localisations septiques, ou une cause broncho-pulmonaire favorisante
comme une dilatation des bronches ou une tumeur bronchique. Dans la grande majorité des cas, les abcès pulmonaires sont symptomatiques avec des signes d’infection plus ou moins sévères, et notamment de la fièvre.
Pour cette raison le patient a reçu une chimiothérapie
première. ■
Rappel des clichés scanographiques de la page 49
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Congrès
Le 10ème congrès de la Société Internationale
d’Oncologie Gériatrique (SIOG) : « Geriatric
Oncology : Cancer in Senior Adults » s’est tenu à
Berlin du 15 au 17 octobre dernier, sous la
présidence de Martine Extermann
V. Girrea, O. Guérinb
a. Département d’oncologie médicale, Institut Curie, 26 rue d’Ulm, 75005 Paris, France
b. Pôle de gérontologie, Hôpital de Cimiez, CHU de Nice, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice, France
Mots clés : Sénescence cellulaire, cancer, thérapies ciblées, programme oncogériatrique, aidants.
C
ligne que les gènes qui causent le vieillissement ne sont
pas soumis à la pression de sélection de l’évolution des
espèces non seulement parce que leurs effets délétères
se manifestent après la période de reproduction, mais
aussi parce que les gérontogènes (gènes du vieillissement) ont souvent un rôle bénéfique avant la reproduction. Les gérontogènes sont donc pléiotropes : ils induisent un bénéfice précoce et un effet néfaste tardif.
Plusieurs mécanismes biologiques et moléculaires émergent comme facteurs favorisant la cancérogénèse au
cours du vieillissement : les altérations de l’ADN, les dysfonctionnements mitochondriaux, les voies de l’IGF1, du
FOXO, de la P53 et de la P16INKA, le rôle du raccourcissement télomérique et l’action de la télomérase, ainsi que
des modifications de l’immunité (IL6, Peroxisome Proliferation
Activated Receptors) 2,3,4,5,6.
ette 10ème édition a remis au cœur des débats le
problème multidimensionnel et multidisciplinaire
que pose la prise en charge du cancer de la personne âgée, et les challenges que nous allons tous être
amenés à relever compte tenu du vieillissement inéluctable de la population.
Plus d’une centaine d’abstracts et de nombreuses communications orales ont fait le point concernant spécifiquement la recherche en Oncogériatrie.
L’incidence mondiale du cancer a plus que doublé en 30
ans. En 2008 dans le monde, plus de 12 millions de cas
ont été déclarés, et 7 millions de décès. On estime à 25 millions le nombre de patients qui vivent avec un cancer.
D’après l’OMS, ces chiffres continueront d’augmenter dans
le futur. En 2030, les prévisions tablent sur 75 millions de
personnes malades 1. Les personnes âgées paieront un
très lourd tribut face à ce fléau : elles représenteront 70 %
des personnes atteintes, l’âge étant un facteur de risque
pour la très grande majorité des cancers.
Concernant la sphère des thérapeutiques liées à
l’Oncogériatrie, les progrès en termes de publication sont
considérables. Plusieurs résultats significatifs ont été présentés en session. Kabbinavar et al, J Clin Oncol 2009 a
analysé rétrospectivement le rôle du bevacizumab dans
2 études et conclut que ce traitement améliore, quel que
soit l’âge (moins ou plus de 65 ans), la survie sans progression et globale des patients atteints de cancer colorectal métastatique 7. Il en est de même dans le cancer
du rein avancé en seconde ligne thérapeutique où le sorafenib améliore la survie sans progression des patients 8.
Chez des patientes de plus de 65 ans atteintes de cancer du sein non métastasé, Muss et Al, N Eng J Med 2009
Concernant la recherche de nouvelles cibles pour le
développement de futures thérapeutiques, le Dr Harvey
Cohen (Université de Duke, USA) souligne l’importance
de travailler sur 2 axes en parallèle ; d’une part la recherche
oncologique et d’autre part la recherche sur le vieillissement (extension de la longévité, prévention du déclin fonctionnel, prévention et amélioration des maladies liées à l’âge).
Harvey Cohen expose notamment la théorie du biologiste américain George C. Williams (New York) qui souLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
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ont démontré que le traitement par chimiothérapie standard (AC ou CMF) était associé à un bénéfice versus traitement adjuvant par capecitabine 9.
Pour le myélome multiple, Hulin et al, JCO 2009 ont
démontré dans une étude randomisée chez des patients
de 75 ans et nouvellement diagnostiqués une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale
par addition de Thalidomide au Melphalan Prednisone
classique.
Chez des patients de plus de 65 ans avec une leucémie
aiguë myéloblastique (LAM), Löwenberg et Al, N Eng J Med
2009 a montré qu’une dose plus importante de daunorubicine administrée lors du traitement de première induction était associée à un meilleur taux de réponse qu’une
dose conventionnelle de daunorubicine.
mesurer des modifications de la qualité de vie au sein de
2 groupes de patients : d’un côté 1 422 patients de plus
de 65 ans atteints de cancer de tous types et de l’autre
7 160 patients non atteints de cancer.
Les données étaient collectées dans le registre « SEER :
The Surveillance, Epidemiology, and End Results cancer
registry » qui étaient reliés au « MHOS : Medicare Health
Outcome Survey data ». Les données ont été collectées
entre 1998 et 2003.
L’outil de mesure était l’échelle SF-36 (Medical Outcomes
Study Short Form-36 survey) qui évalue 2 catégories, les
aspects physiques et les aspects psychologiques.
Les résultats montrent que quel que soit le type de cancer (hors mélanome et cancer endométrial), il existe une
détérioration du score statistiquement représentative chez
les patients atteints de cancer versus les patients non
atteints 11.
Dans le même registre, Mohile et al, J Nat Cancer Inst
2009 ont évalué une population de 12 480 personnes
âgées vivant à domicile et bénéficiant du Medicare, séparée en 2 groupes : avec un cancer diagnostiqué et sans
cancer.
L’évaluation comportait 4 champs : l’état fonctionnel
(échelle ADL ou IADL), les syndromes gériatriques (démences,
perte de mémoire, dépression, désorientation, chute,
incontinence, ostéoporose), la vulnérabilité (VES-13) et la
fragilité (critères de Balducci).
Les résultats concluent que les patients dont un cancer
a été diagnostiqué sont statistiquement plus vulnérables
et fragiles que les autres, la prévalence étant plus importante quels que soient les items sélectionnés 12.
Enfin, Morey et al, JAMA 2009 ont démontré les effets
bénéfiques d’une activité physique et d’un régime alimentaire adapté chez les patients de plus de 65 ans en surpoids (IMC ≥ 25 et ≤ 40). Deux groupes de respectivement 319 et 322 patients ont été comparés.
Le 1er groupe (n = 319) a bénéficié d’un programme spécifique : conseil téléphonique, cahier d’exercices personnalisés avec un suivi d’un an.
Le 2ème groupe n’a bénéficié d’aucune intervention. Les
outils de mesure étaient : le SF-36 (qualité de vie, aspects
physiques et psychologiques), la perte de poids et l’indice
de masse corporelle.
À un an, il existe un changement significatif (p = 0,03)
dans l’évaluation des fonctions physiques et de qualité de
vie dans le groupe ayant bénéficié du programme 13.
D’un point de vue gériatrique, le Dr Marie-Claire Van Nes
(Liège, Belgique) a rappelé que la coordination et la communication sont les mots clés des perspectives oncogériatriques au cours de sa présentation du programme
belge ONCOSENIOR qui raisonne avec une approche à
2 étages. Tout d’abord, un screening avec ONCODAGE
si le score est inférieur ou égal à 14, l’équipe faisant ensuite
Concernant le cancer colorectal et thérapies ciblées, le
Dr Gunnar Folprecht a discuté de l’utilisation de celles-ci
chez les personnes âgées et leur éventuel intérêt. Les
données cliniques des essais Folfox et Folfiri dans les cancers métastatiques ont montré un bénéfice dans les sousgroupes des patients âgés avec une surveillance particulière de la toxicité.
Le cetuximab en monothérapie a montré un bénéfice
chez les patients atteints de tumeur ne présentant pas de
mutation de K-Ras. De nouveaux résultats dans les chimiothérapies combinées chez les personnes âgées devraient
permettre de déterminer le meilleur ratio bénéfice/toxicité.
En synthèse, il n’existe que peu de données sur l’efficacité et la tolérance de thérapies combinées avec des
agents ciblés chez les personnes âgées.
Le traitement combiné 5FU et bevacizumab semble présenter un bénéfice chez des patients âgés avec peu de
comorbidités (population non vulnérable).
Le 5FU plus cetuximumab est limité aux tumeurs non KRas mutées et sera testé plus largement dans une étude
randomisée conduite par l’EORTC chez les patients âgés
en 1ère ligne métastatique chez les malades dont les besoins
médicaux ne sont pas satisfaits.
L’étude de Tucci et al, Cancer 2009 compare quant à
elle le jugement clinique à l’évaluation gériatrique chez 85
patients consécutifs de plus de 65 ans atteints de lymphomes à grandes cellules. La conclusion de l’étude montre qu’une évaluation gériatrique standardisée (Comprehensive
Geriatric Assessment) est un outil indispensable et plus
efficace que le seul jugement clinique pour cibler les
patients à traiter 10.
Enfin, concernant le thème « qualité de vie et cancer »,
2 études ont été présentées.
L’étude de Reeve et al, 2009, avait pour objectif de
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Le 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG)
Bibliographie :
passer une évaluation gérontologique standardisée.
Enfin, concernant la radiothérapie, le Dr Anna-Maria
Cerotta a précisé que pour les patients âgés, l’efficacité
et la tolérance immédiate sont comparables ; mais les
effets secondaires tardifs peuvent être amplifiés du fait de
comorbidités. Pour pallier ces risques la dosimétrie conformationnelle et la modulation d’intensité peuvent améliorer la prise en charge. La curiethérapie peut également
avoir un rôle à jouer dans certaines localisations et enfin
la radiothérapie hypofractionnée reste à réserver aux
patients fragiles peu mobiles. ■
Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie
1 OMS World Cancer Report 2008.
2 Pawelec G et al. Are Cancer and aging different sides of the same coins ?
EMBO reports 9 : 234-238, 2008.
3 Schumacher B et al. Age to survive : DNA damage & aging, Trends in Genetics 24 :
77-85, 2008.
4 Hoye AT et al. Targeting mitochondria : Accounts of chemical Research 41 : 87-97,
2008.
5 Vijg et al. Puzzles, promises and a cure og aging, Nature 454 : 1065-1071, 2008.
6 Beausejour CM et al. Aging, balancing regeneration and Cancer. Nature 443 : 404405, 2006
7 Fairooz F. Kabbinavar, Herbert I. Hurwitz, Jing Yi, Somnath Sarkar, Oliver Rosen.
Addition of Bevacizumab to Fluorouracil-Based First-Line Treatment of Metastatic
Colorectal Cancer : Pooled Analysis of Cohorts of Older Patients From Two Randomized
Clinical Trials J Clin Oncol, Vol 27, No 2 (January 10), 2009: pp. 199-205.
8 T. Eisen, S Oudard, C Szczylik, G Gravis et al. for the TARGET study Group. Sorafenib
for Older Patients with Renal Cell Carcinoma : Subset Analysis from a Randomized
Trial. J Natl Cancer Inst 2008 ; 100 : 1454-1463.
9 H Muss, D Berry, C Cirrincione et al. Adjuvant Chemotherapy in Older women with
early stage breast cancer ? N Engl J Med May 2009 360 ; 20 2055-2065.
10 A Tucci, MD, S Ferrari, MD, C Bottelli, MD, E Borlenghi, MD, M Drera, MD, G Rossi,
MD. A comprehensive geriatric assessment is more effective than clinical judgment
to identify elderly diffuse large cell lymphoma patients who benefit from aggressive
therapy, Cancer, vol.15, issue 19, 4547-4553, 2009.
11 Bryce B. Reeve, Arnold L. Potosky, Ashley Wilder Smith, Paul K. Han, Ron D. Hays,
William W. Davis, Neeraj K. Arora, Samuel C. Haffer, Steven B. Clauser. Impact of Cancer
on Health-Related Quality of Life of Older Americans, J Nat Cancer Inst 2009 101
(12) : 860-868.
12 S Gupta Mohile, Y Xian, W Dale, S G Fisher, M Rodin, G R Morrow, A Neugut, and
W Hall. Association of a Cancer Diagnosis With Vulnerability and Frailty in Older
Medicare Beneficiaries, J Nat Cancer Inst, 2 September 2009 ; 101 : 1206-1215.
13 Morey Miriam C. ; Snyder Denise C. ; Sloane Richard ; Cohen Harvey Jay ; Peterson
Bercedis ; Hartman Terryl J. ; Miller Paige ; Mitchell Diane C. ; Demark-Wahnefried
Wendy. Effects of Home-Based Diet and Exercise on Functional Outcomes Among Older,
Overweight Long-term Cancer Survivors : RENEW : A Randomized Controlled Trial ;
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Billet d’humeur Personal view
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Éthique et OncoGériatrie
Interview du Professeur François Blanchard, Chef de Service de Médecine Interne et Gérontologie Clinique,
CHU de Reims, France ; Professeur de Santé Publique à l’Université de Reims, France
Correspondance : [email protected]
Par Dimitri Verza, Directeur de la publication du Journal d’OncoGériatrie
Le Journal d’OncoGériatrie : Quels sont pour vous
les éléments clés à souligner lorsque l’on évoque le
sujet « Ethique et Oncogériatrie » ?
François Blanchard : L’éthique c’est tout d’abord la
notion d’une double dimension collective/sociétale et
individuelle où il faut distinguer ce qui relève de l’une ou
l’autre dimension.
Concernant la dimension collective, les points primordiaux
à mettre en avant si l’on veut souligner l’aspect éthique
dans la prise en charge des cancers de la personne âgée,
sont :
• Une égalité des chances d’accéder à une prise en
charge et à un traitement adéquat pour tous les malades
quel que soit leur âge ou lieu de vie.
Or, quand on parle d’oncogériatrie, on sait qu’il existe
des discriminations par rapport à l’âge avec comme conséquence principale un retard au diagnostic. Le fatalisme lié
à l’âge est très certainement à combattre dans l’image des
populations et encore vis-à-vis de certains de nos confrères.
A titre d’exemple, un patient de 80 ans a encore 6 à 8 ans
d’espérance de vie… et de nombreuses raisons d’espérer d’une prise en charge collective, alors que par ailleurs
l’âge limite de dépistage se situe à 74 ans.
Ceci semble difficile à accepter du point de vue de
l’éthique collective.
• Un accès aux soins et une prise en charge de bonne
qualité, qui doit être multidisciplinaire.
Or nous allons être confrontés à plusieurs problèmes :
• un problème de démographie médicale avec une diminution du nombre de spécialistes prenant en charge ces
patients dans les années à venir ;
• une répartition inégale sur le territoire du nombre de
médecins ;
• un manque du nombre de soignants et une absence
de qualification et de formation spécifique de ceux-ci,
notamment en EHPAD.
Chez un sujet jeune, l’objectif est de guérir du cancer ;
chez un sujet âgé co-morbide, le cancer peut devenir la
maladie associée et non pas la maladie principale, et il est
impératif de prendre en considération les autres pathologies, ce qui modifie considérablement les décisions à
prendre et les stratégies de prise en charge.
D’autre part, nous devons nous poser les questions suivantes : quelle qualité d’information doit-on délivrer à la personne pour qu’elle puisse adhérer et donner un consentement libre et éclairé au traitement ? Quelle information
dispenser à l’entourage afin qu’il soit soutien, en tenant
compte du secret professionnel ?
Nous devons réfléchir car plus les gens deviennent vieux,
plus, me semble-t-il, nous avons tendance à les « infantiliser ». Nous devons continuellement nous poser la question : comment passer du paternalisme à l’alliance thérapeutique pour les traitements lourds ?
Le JOG : Justement, quels seraient pour vous les
travaux les plus urgents à mettre en œuvre ?
F.B. : Nous devons avoir une vraie réflexion humaniste.
Les cancérologues et les gériatres ont déjà l’habitude de
travailler de façon multidisciplinaire. Il faut continuer et
amplifier cette réflexion collégiale.
Tout d’abord, s’interroger sur la mesure du bénéfice individuel ; le seul critère de survie n’est pas suffisant, il faut
réfléchir et déterminer des indicateurs de qualité de vie ;
mais lesquels et comment les choisir ?
Cependant, nous sommes dans une situation complexe
car nous ne disposons que de peu de données cliniques
à grandes échelles, ou d’essais thérapeutiques spécifiques chez ces populations.
Je serais personnellement favorable à un engagement
mutuel entre les entreprises du médicament d’une part et
les autorités d’enregistrement d’autre part afin qu’il puisse
être émis des prolongations de brevets suite à la fourniture d’études spécifiques chez les patients âgés.
Enfin, sur le plan de la prise en charge, des expériences
terrain ont montré le bénéfice à travailler en réseau. Je crois
qu’il est essentiel de continuer et d’amplifier ce travail de
coordination, d’échanges inter-réseaux, en impliquant
l’ensemble des acteurs concernés. ■
Le JOG : Si nous abordons maintenant la dimension
individuelle, quelles réflexions doit-on avoir ?
F.B. : Concernant la dimension individuelle de l’éthique,
je soulignerai ce premier point : quel est l’objectif individuel pour quel bénéfice ?
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Agenda
Janvier 2010
• 20 - 23 janvier - 9ème Biennale Monégasque de Cancérologie, Monaco - www.aimfrance.fr/2010/cancerologie
• 22 - 24 janvier - 2010 Gastrointestinal cancers symposium (ASCO GI), Orlando, USA - www.gicasymposium.org
Février 2010
• 1er - 5 février - 21st ICACT, Paris, France - www.icact.com
Avril 2010
• 16 - 20 avril - EAU annual congress, Barcelone, Espagne - www.eaubarcelona2010.org
• 17 - 21 avril - AACR 101st annual meeting, Washington, USA - www.aacr.org
• 28 avril - 1er mai - 2nd European Lung Cancer Conference - IASLC/ESMO, Genève, Suisse www.esmo.org/events/lung-2010-iaslc.html
Mai 2010
• 18 mai - Femmes âgées et cancer, Paris, France
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Agenda Calendar • Petites annonces Job ads
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