jog1couv planche:Layout 1 5/01/10 15:20 Page 1 +uZSHWYLTPuYLSPNULWV\YJPISLYS»HUNPVNLUuZL Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie VOLUME 1 - N°1 - JANVIER/FÉVRIER 2010 - 35 € Recherche fondamentale • Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas mourir ? Santé publique • L’évaluation économique en oncogériatrie Cas clinique • Quand l’équipe gériatrique restaure la confiance de l’équipe médico-chirurgicale Article original (]HZ[PUIL]HJPa\THILZ[PUKPX\tLU[YHP[LTLU[ KLuYLSPNULJOLaSLZWH[PLU[LZH[[LPU[LZKLJHUJLY K\ZLPUTt[HZ[H[PX\LLUHZZVJPH[PVUH\WHJSP[H_LS V\H\KVJL[H_LS • Impact de l’évaluation gériatrique standardisée en oncologie : analyse rétrospective monocentrique chez 59 patients âgés atteints de cancer 7V\Y\ULPUMVYTH[PVUJVTWStTLU[HPYLJVUJLYUHU[ SLZ[H[\[/,9ZLYtMtYLYH\9*7 Actualités (1) RCP Avastin® • L’image du JOG - Une cascade dans la plèvre ! • Congrès - 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG), Berlin, 15-17 octobre 2009 « (1) solution injectable de chlorure de sodium à 9 mg/ml (0,9%). D’un point de vue microbiologique, une utilisation immédiate est recommandée. Si le produit n’est pas utilisé immédiatement après reconstitution, les délais et conditions de conservation relèvent de la responsabilité de l’utilisateur et ne devraient normalement pas excéder 24 heures entre 2°C et 8°C, sauf si la dilution a été effectuée dans des conditions d’asepsie contrôlées. À conserver au réfrigérateur (entre 2$C et 8$C). Ne pas congeler. A conserver dans l’emballage extérieur à l’abri de la lumière. PRECAUTIONS PARTICULIERES D’ELIMINATION ET MANIPULATION*. CONDITIONS DE DELIVRANCE : Liste I. Médicament réservé à l’usage hospitalier. Prescription réservée aux médecins spécialistes ou compétents en oncologie ou en cancérologie. Agréé aux collectivités à l’exception de l’association au docetaxel dans le CSm. Inscrit sur la liste des spécialités prises en charge en sus de la T2A. NUMÉRO AU REGISTRE COMMUNAUTAIRE DES MÉDICAMENTS : Avastin 25 mg/ml, solution à diluer pour perfusion, 1 flacon (verre) de 4 ml : EU/1/04/300/001, CIP 34009566 20074 - 1 flacon (verre) de 16 ml : EU/1/04/300/002, CIP 34009566 20135. TITULAIRE DE L’AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ : Roche Registration Limited – 6 Falcon Way – Shire Park - Welwyn Garden City AL7 1TW - Royaume-Uni. REPRESENTANT LOCAL : ROCHE 52, Boulevard du Parc - 92521 Neuilly sur Seine Cedex - Tél. 01 46 40 50 00. DATE D’APPROBATION/REVISION : Décembre 2009. V12/09. *Pour une information complète, consulter le RCP disponible sur le site de l’AFSSAPS (www.afssaps.fr) ou à défaut sur le site de ROCHE (www.roche.fr). Le fichier utilisé pour vous communiquer le présent document est déclaré auprès de la CNIL. Roche est responsable de ce fichier qui a pour finalité le suivi de nos relations clients. Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux données recueillies à votre sujet auprès du Service Juridique de Roche, tél. du standard 01 46 40 50 00. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 en perfusion intraveineuse. Populations particulières : voir RCP. Mode d’administration : La dose initiale doit être administrée par une perfusion intraveineuse de 90 minutes. Si la première perfusion est bien tolérée, la deuxième perfusion peut être administrée en 60 minutes. Si la perfusion administrée en 60 minutes est bien tolérée, toutes les perfusions ultérieures pourront être administrées en 30 minutes. Ne pas administrer par voie I.V. rapide ou en bolus. Les instructions pour la préparation des perfusions de Avastin sont décrites dans la rubrique Précautions particulières d’élimination et manipulation. Les perfusions de Avastin ne doivent pas être administrées, ou mélangées, avec des solutions de glucose. Ce médicament ne doit pas être mélangé à d’autres médicaments excepté ceux mentionnés dans la rubrique Précautions particulières d’élimination et manipulation. CONTRE-INDICATIONS : Hypersensibilité à la substance active ou à l’un des excipients. Hypersensibilité aux produits des cellules ovariennes de hamster Chinois ou à d’autres anticorps recombinants humains ou humanisés. Grossesse (voir Grossesse et allaitement). MISES EN GARDE SPÉCIALES ET PRÉCAUTIONS D’EMPLOI* : Perforations gastro-intestinales. Fistule. Complications de la cicatrisation des plaies. Hypertension artérielle. Syndrome de leucoencéphalopathie postérieure réversible. Protéinurie. Thromboembolies artérielles. Thromboembolies veineuses. Hémorragies. Hémorragies pulmonaires/hémoptysies. Insuffisance cardiaque congestive. Neutropénies. INTERACTIONS*. GROSSESSE ET ALLAITEMENT* : Avastin est contre-indiqué chez la femme enceinte. Les femmes en âge de procréer doivent utiliser des mesures contraceptives efficaces au cours du traitement et pendant les 6 mois qui suivent son arrêt. Les femmes doivent interrompre l’allaitement pendant le traitement et ne doivent pas allaiter pendant au moins 6 mois après l’administration de la dernière dose. EFFETS SUR L’APTITUDE À CONDUIRE DES VÉHICULES ET À UTILISER DES MACHINES*. EFFETS INDÉSIRABLES* : Perforations gastro-intestinales. Fistule. Cicatrisation des plaies. Hypertension artérielle. Protéinurie. Hémorragies. Hémorragies associées à la tumeur. Thromboembolies (artérielles et veineuses). Insuffisance cardiaque congestive. Patients âgés. Anomalies des paramètres biologiques. Expérience depuis la commercialisation. SURDOSAGE*. PROPRIÉTÉS PHARMACODYNAMIQUES* : anticorps monoclonal ; L01XC07. PROPRIÉTÉS PHARMACOCINÉTIQUES*. DONNÉES DE SÉCURITÉ PRÉCLINIQUES*. INCOMPATIBILITÉS* : glucose. CONSERVATION* : 2 ans. La stabilité chimique et physique en cours d’utilisation a été démontrée pendant 48 heures entre 2°C et 30°C dans une 86028373 Etabli le 17/09/2009 H.RibonCom AVASTINº 25 mg/ml, solution à diluer pour perfusion. COMPOSITION* : 100 mg de bevacizumab dans 4 ml et 400 mg dans 16 ml de solution à diluer pour perfusion. INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES : Avastin (bevacizumab) en association à une chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, est indiqué chez les patients atteints de cancer colorectal métastatique. Avastin en association au paclitaxel ou au docetaxel ,est indiqué en traitement de première ligne, chez les patients atteints de cancer du sein métastatique. Pour une information complémentaire concernant le statut HER2, référez-vous à la rubrique Propriétés Pharmacodynamiques. Avastin, en association à une chimiothérapie à base de sels de platine, est indiqué en traitement de première ligne chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules, avancé et non opérable, métastatique ou en rechute, dès lors que l’histologie n’est pas à prédominance épidermoïde. Avastin, en association à l’interféron alfa-2a, est indiqué en traitement de première ligne, chez les patients atteints de cancer du rein avancé et/ou métastatique. POSOLOGIE ET MODE D’ADMINISTRATION* : Il est recommandé de poursuivre le traitement jusqu’à la progression de la maladie sous-jacente. Une réduction de dose n’est pas recommandée en cas de survenue d’effet indésirable. Si nécessaire, le traitement doit être soit arrêté de façon définitive, soit suspendu de façon temporaire, comme décrit en rubrique Mises en garde et Précautions d’emploi. Cancer colorectal métastasique : Avastin est recommandé soit à la posologie de 5 mg/kg ou 10 mg/kg de poids corporel administré une fois toutes les 2 semaines, soit à la posologie de 7,5 mg/kg ou 15 mg/kg administré une fois toutes les 3 semaines, en perfusion IV. Une réduction de dose n’est pas recommandée en cas de survenue d’effet indésirable. Dans ce cas, le traitement doit être soit suspendu de façon temporaire, soit arrêté de façon définitive. Pour plus de détails, voir Vidal. Cancer du sein métastatique : Avastin est recommandé à la posologie de 10 mg/kg de poids corporel, administré une fois toutes les 2 semaines ou à la posologie de 15 mg/kg de poids corporel administré une fois toutes les 3 semaines, en perfusion IV. Cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) : Avastin est administré en association à une chimiothérapie à base de sels de platine jusqu’à 6 cycles de traitement, suivis de Avastin en monothérapie jusqu’à progression de la maladie. Avastin est recommandé à la posologie de 7,5 mg/kg ou 15 mg/ kg une fois toutes les 3 semaines, en perfusion IV. Le bénéfice clinique chez les patients atteints de CBNPC a été démontré aux posologies de 7,5 mg/ kg et 15 mg/kg. Pour plus de détails, voir Vidal. Cancer du rein avancé et/ou métastatique (CRm) : Avastin est recommandé à la posologie de 10 mg/kg de poids corporel, administré une fois toutes les 2 semaines, • Intérêt des cancérologues européens pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans et plus au moment du diagnostic : analyse de la situation et mesures d’amélioration Billet d’humeur • Éthique et OncoGériatrie Dossier thématique • Le cancer du sein de la femme âgée JOG » Kephren Publishing 5/01/10 15:33 Page 1 Av a n t - p r o p o s F o r e w o r d JOG n1:Mise en page 1 Avant-propos L e futur de l’Oncologie impliquera de plus en plus la prise en compte des personnes âgées. Le cancer est une maladie de l’âge. Il n’est pas surprenant que plus de 50 % des nouveaux cancers surviennent chez les plus de 65 ans. En 2030, 70 % de tous les cancers seront retrouvés chez les personnes âgées. Paradoxalement, nous ne possédons que peu d’informations sur le management des cancers dans cette population. Nous savons que le pronostic d’une « leucémie myéloïde aiguë » se dégrade avec l’âge mais nous n’avons pas encore trouvé une voie pour inverser cet état de fait. Nous ne savons pas quelles chimiothérapies adjuvantes pour les cancers du sein, colorectal, et poumon sont efficaces chez les plus de 70 ans. Nous ne possédons pas les bons paramètres pour mesurer les aspects physiologiques plutôt que l’âge chronologique. Ce manque d’information est décourageant, mais ce journal qui fera la lumière sur cette problématique est une raison majeure d’espérer. Cette « revue » est le fruit d’un effort de plusieurs années des oncologues et gériatres français à travailler ensemble à la prise en charge de la personne âgée atteinte de cancer. Cette coopération, unique au monde, a généré un formidable réseau d’investigateurs sur l’ensemble du territoire qui a permis d’implémenter des protocoles de recherches cliniques spécifiques chez les personnes âgées. Avec un peu de chance, ce journal conduira les investigateurs à travers le monde à faire encore plus attention et ne pas négliger ces populations atteintes de cancers. Étant le fer de lance et quelque peu seul dans le management des cancers de la personne âgée dans les années 90, je ne peux qu’enregistrer ma satisfaction pour ce remarquable accomplissement, congratuler l’équipe éditoriale et souhaiter à ses membres le succès immédiat qu’ils méritent. Je prédis que cet effort aura autant d’impact chez les patients âgés atteints de cancers que le Trastuzumab a fait pour le cancer du sein chez les patientes exprimant HER2neu. Je souhaite à cette occasion remercier l’INCA et en particulier Claude Jasmin et Marie-Hélène Rodde-Dunet de m’avoir permis de participer à la réflexion oncogériatrique. / / Depuis plusieurs mois déjà, Luca Balducci, mon premier petit-fils, est né à la Nouvelle-Orléans, faisant la joie et la fierté de Claudia et moi-même. Dans le même temps, la naissance de ce journal me permet une excitation double avec le fait d’être grand-père. Lodovico Balducci Professor of Oncology and Medicine, University of South Florida College of Medicine, Director, Division for Geriatric Oncology, Moffitt Cancer Center and Research Institute, Tampa, Florida Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 1 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 5/01/10 15:33 Page 3 Av a n t - p r o p o s F o r e w o r d JOG n1:Mise en page 1 L’ Oncogériatrie est née en France d’une initiative de l’Institut National du Cancer (INCa) en 2005 : doter la France d’un réseau de structures qui permet d’optimiser la prise en charge des personnes âgées atteintes de cancer. Cela a été l’origine de la création des Unités Pilotes d’Oncogériatrie. Elles ont une mission de soins, de recherche, de formation et d’information. Pourtant les précurseurs de l’Oncogériatrie ont été le groupe de Tampa (Lodovico Balducci et Martine Extermann) et les groupes italiens, en particulier Silvio Monfardini. La diffusion de l’information et de la recherche doit se faire par des publications. Il en est d’excellentes en anglais. Jusqu’à présent il n’en existait pas en français. Un journal français d’Oncogériatrie est le bienvenu. Son rôle doit être de permettre de diffuser des articles relevant de la formation des médecins et des personnels paramédicaux, de la mise au point de l’état de l’art, de débats sur les mécanismes de prise en charge. Un tel journal doit aussi servir de base à l’enseignement théorique (des revues générales) et pratique (des cas cliniques commentés). Il doit aussi permettre la communication entre les acteurs de l’Oncogériatrie, aussi bien professionnels que représentants des usagers. Il s’agit ici d’une expérience passionnante qui complètera l’action des sociétés qui font la promotion de l’Oncogériatrie au plan national (le GEPO-G) et international (la SIOG) et viendra renforcer la diffusion de la littérature internationale sur le sujet. Jean-Pierre Droz Professeur émérite d’Oncologie Médicale, Université Claude-Bernard-Lyon-1, Consultant, Centre Léon-Bérard 28 rue Laënnec, 69008, Lyon, France - [email protected] Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 3 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 5 Sommaire Rédacteurs en chef V. Girre (Paris) O. Guerin (Nice) Rédacteur en chef technique 1 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Avant-propos Foreword L. Balducci, J.-P. Droz 7 Éditorial Editorial T. Marquet (Paris) V. Girre, O. Guérin Advisory board Recherche fondamentale Fundamental research Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas mourir ? Senescence and cancer : do we have to age in order to avoid death? L. Balducci (Tampa - Floride) J.-P. Droz (Lyon) 8 Chefs de rubrique Recherche fondamentale : G. Zulian (Genève - Suisse) Santé publique : T. Cudennec (Boulogne-Billancourt) Cas clinique : F. Retornaz (Marseille) Article original : C. Terret (Lyon) Comité éditorial G. Albrand (Lyon) - E.-C. Antoine (Neuilly-sur-Seine) T. Aparicio (Bobigny) - A. Astier (Créteil) - R. Audisio (Londres - UK) - D. Azria (Montpellier) - S. Baffert (Paris) - L. Balardy (Toulouse) - S. Bonnin-Guillaume (Marseille) - C. Boulenc (Paris) - E. Brain (Saint-Cloud) - E. Carola (Senlis) - P. Chaibi (Paris) - A. Charrasse (Monaco) P. Chassagne (Rouen) - S. Delaloge (Villejuif) M. Extermann (Tampa - USA) - E. François (Nice) P. Follana (Nice) - J.-M. Hannoun-Levi (Nice) - Y. Kirova (Paris) - C. Leger-Falandry (Lyon) - F. Lokiec (SaintCloud) - Y. Menu (Paris) - L. Mourey (Toulouse) - M. Paccalin (Poitiers) - M. Puts (Toronto - Canada) - L. Ribière (Versailles) - L. Rotenberg (Neuilly-sur-Seine) - F. Rousseau (Marseille) - S. Schneider (Nice) - F. Scotté (Paris) L. Sifer-Rivière (Paris) - P. Soubeyran (Bordeaux) J.-P. Spano (Paris) - L. Teillet (Paris) Comité scientifique M. Arcand (Sherbrooke - Canada) - J.-P. Aquino (Paris) - B. Asselain (Paris) - D. Benchimol (Nice) - H. Bergmann (Montréal - Canada) - G. Berrut (Nantes) - F. Blanchard (Reims) - M. Bonnefoy (Lyon) - H. Curé (Reims) T. De Baere (Paris) - M. Debled (Bordeaux) - L. Escalup (Paris) - M. Ferry (Valence) - G. Freyer (Lyon) J.-P. Gérard (Nice) - E. Gilson (Nice) - X. Hebuterne (Nice) - M. Hery (Monaco) - C. Jeandel (Montpellier) - P. Kerbrat (Rennes) - D. Khayat (Paris) - J. Latreille (Montréal - Canada) - J.-P. Lotz (Paris) - L. Mignot (Paris) - E. Mitry (BoulogneBillancourt) - F. Mornex (Lyon) - M. Namer (Nice) F. Nourhashemi (Toulouse) - A. Pesce (Monaco) - J.-Y. Pierga (Paris) - F. Piette (Ivry-sur-Seine) - F. Puisieux (Lille) M. Rainfray (Bordeaux) - G. Ruault (Paris) - O. Saint-Jean (Paris) - M. Schneider (Nice) - C. Thieblemont (Paris) A. Thyss (Nice) - A. Toledano (Neuilly-sur-Seine) J.-M. Vannetzel (Neuilly-sur-Seine) - U. Wedding (Berlin - Allemagne) - H. Wildiers (Louvain - Belgique) Comité de lecture C. Falandry, F. Magdinier, E. Gilson 15 S. Baffert, A. Livartowski, I. Borget 21 22 26 33 Imprimeur Cas clinique Clinical case study Quand l’équipe gériatrique restaure la confiance de l’équipe médico-chirurgicale When the geriatric team restores the surgical team’s confidence F. Retornaz, I. Potard, C. Molines, V. Grisoni, F. Rousseau 37 Article original Original article Intérêt des cancérologues européens pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans et plus au moment du diagnostic : analyse de la situation et mesures d’amélioration Assessment of European oncologists’ interest in the development of a geriatric approach for cancer patients aged 75 and older: situation analysis and improvement program P. Anhoury, T. Perache 41 22, rue Chanez 75016 Paris - France [email protected] www.le-jog.com Au support Radiothérapie du cancer du sein chez la femme âgée Breast cancer radiotherapy in elderly women Y. Kirova, B. Cutuli Kephren Publishing Maquette Faut-il traiter toutes les patientes porteuses d’un cancer du sein après 70 ans ? Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70? V. Girre, E. Brain 30 Editeur D. Verza Dossier thématique Review Le cancer du sein de la femme âgée Breast cancer in older women Évaluation du patient en oncogériatrie : cas du cancer du sein Geriatric assessment in oncology practice: breast cancer in the elderly M. Gisselbrecht, A. Minard Liste communiquée en fin d’année Directeur de la publication Santé publique Public health L’évaluation économique en oncogériatrie Economic evaluation in oncogeriatrics Impact de l’évaluation gériatrique standardisée en oncologie : analyse rétrospective monocentrique chez 59 patients âgés atteints de cancer Impact of a comprehensive geriatric assessment (CGA) in oncology. A monocentric retrospective analysis of 59 cancer patients R. Boulahssass, E. Chamore, I. Bereder, V. Mari V, H. Jaoua, AL. Couderc, E. François, P. Pras, P. Brocker, A. Thyss, O. Guérin 49 Actualités News L’image du JOG - Une cascade dans la plèvre ! Y. Menu, F. Al Freijat 51 S.P.E.I. Imprimeur, Pulnoy Congrès - 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG), Berlin, 15-17 octobre 2009 Relations commerciales V. Girre, O. Guérin I. Chartrain - [email protected] Billet d’humeur Personal view Éthique et OncoGériatrie Abonnements [email protected] N° CPPAP : en cours N° ISSN : en cours Dépôt légal : à parution 54 Interview du Professeur François Blanchard par Dimitri Verza 55 55 Petites annonces Job ads Agenda Calendar Les articles publiés dans le Journal d’OncoGériatrie le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. 5/01/10 15:33 Page 7 Éditorial Editorial JOG n1:Mise en page 1 Éditorial Chère consœur, cher confrère, « Le cancer sera une maladie de l’âge ! » annonçait dans les années 90 le Pr Lodovico Balducci, un des pionniers du concept de l’oncogériatrie. Or, aujourd’hui en 2010, 50 % des nouveaux cancers surviennent chez les patients de plus de 65 ans, et nous ne possédons que peu d’informations et de données sur la prise en charge spécifique de ces cancers. C’est pourquoi, en ce début d’année 2010, nous sommes heureux de vous présenter le 1er numéro du JOG, le Journal d’OncoGériatrie, 1ère revue d’expertise scientifique francophone destinée à l’ensemble des acteurs de la prise en charge des cancers de la personne âgée. Le JOG, Journal d’OncoGériatrie sera une revue d’information et de formation scientifique au service de l’ensemble des professionnels de santé. Il paraîtra de manière bimestrielle au travers de cinq grandes rubriques : Recherche/Santé Publique/Cas clinique/Article original/Actualités. Un dossier de type FMC traitant d’une thématique particulière viendra compléter chaque numéro. Nous avons souhaité que nos différents comités soient à l’image de la réflexion oncogériatrique, à savoir pluridisciplinaires. Nous remercions chaleureusement l’ensemble de nos confrères qui ont accepté de nous rejoindre et de participer à cette nouvelle aventure. Une revue scientifique est un organe de communication vivant. Comme toute nouvelle revue scientifique, il n’acquerra ses lettres de noblesse qu’au travers des travaux scientifiques qu’il publiera. Aussi, nous comptons sur vous afin de nous soumettre vos travaux pour qu’ils figurent dans cette revue, qui se veut notre revue à toutes et à tous. Enfin, la pérennité du JOG se réalisera au travers de son nombre d’abonnés. Nous souhaitons donc que vous preniez autant de plaisir à lire ce premier numéro que nous en avons eu à le construire, et comptons sur votre soutien en vous abonnant à cette revue scientifique originale. Bonne lecture ! Olivier Guérin Gériatre – CHU de Nice Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Véronique Girre Oncologue médical – Institut Curie, Paris 7 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Recherche fondamentale Fundamental research JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 8 Sénescence et cancer : faut-il vieillir pour ne pas mourir ? Senescence and cancer : do we have to age in order to avoid death? C. Falandrya, F. Magdinierb, E. Gilsonc a. Service d’Oncologie Médicale, Centre Hospitalier Lyon Sud, Hospices Civils de Lyon, 69310 Pierre-Bénite, France ; Université de Lyon, 69622 Lyon, France ; Université Lyon 1, UMR5239, Faculté de Médecine Lyon Sud, 69600 Oullins, France b. Laboratoire de Biologie Moléculaire de la Cellule, CNRS UMR5239, Ecole Normale Supérieure de Lyon, UCBL1, IFR128, 46 allée d’Italie, 69364 Lyon Cedex 07, France ; Laboratoire de Génétique Médicale et Génomique Fonctionnelle, INSERM UMRS910, Faculté de médecine de la Timone, 27 boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France c. Laboratoire de Biologie et Pathologie des Génomes, UMR CNRS INSERM University of Nice Sophia-Antipolis, Faculty of Medecine, France ; Department of Medical Genetics, Archet 2 Hospital, CHU of Nice, France Résumé Nous avons récemment appris que la régulation de la sénescence des cellules est impliquée dans la suppression tumorale et le vieillissement de certains tissus. Il se pourrait donc que le vieillissement soit la contrepartie de mécanismes de suppression tumorale. Dans cette hypothèse, il peut paraître paradoxal que l’incidence des cancers augmente avec l’âge. Nous discutons ici l’idée que le vieillissement est une tentative des organismes à échapper au cancer mais qui s’avère vaine du fait de l’accumulation de dommages cellulaires avec le temps. Il émerge donc que la sénescence des cellules peut à la fois nous empêcher de mourir jeune du cancer et nous amener à vieillir, ce qui en retour augmente les probabilités de transformation tumorale. Mots clés : Sénescence, cancer, oncogériatrie, télomère, longévité, vieillissement. Abstract We recently learned that regulation of cell senescence is a factor in both tissue ageing and tumor suppression. We can thus postulate that ageing is a counterpart of tumor suppression mechanisms. On this assumption, it may seem paradoxical that the incidence of cancer increases with age. In this review, we discuss the idea that ageing is an attempt to prevent cancer development but is in vain because of time-dependent cumulative DNA damage. It thus emerges that cell senescence can both prevent us from dying early of cancer and cause ageing, which in turn increases the probability of tumoral transformation. Keywords : Senescence, cancer, oncogeriatrics, telomere, longevity, ageing. Introduction par une espérance de vie résiduelle très variable, par l’apparition ou non de pathologies dégénératives dont notamment les pathologies cardio-vasculaires, neurologiques, ostéoarticulaires, diabétiques, mais aussi néoplasiques, pathologies pour lesquelles sont retrouvés, comme pour le vieillissement, des déterminants constitutionnels et d’autres extérieurs. Différent du concept de vieillissement d’un organisme, le concept de vieillissement cellulaire est observé lors de la mise en culture de cellules somatiques primaires 1. Il se caractérise après un certain nombre de divisions par l’arrêt permanent du cycle cellulaire et l’apparition d’un phénotype sénescent impliquant d’importants remaniements À l’analyse de données épidémiologiques et physiopathologiques, le vieillissement est généralement perçu comme la résultante de l’influence croisée d’éléments constitutionnels, dits « génétiques », d’éléments liés au mode de vie et d’évènements extérieurs. La discipline gériatrique et la géronto-biologie s’intéressent aux aspects spécifiques, médicaux et biologiques, résultant du vieillissement à l’échelle de l’organisme humain et ont développé des concepts tels que le vieillissement « harmonieux », la « fragilité », l’état « hypercatabolique », qui illustrent le caractère hautement hétérogène du vieillissement. Cette hétérogénéité s’illustre, à un âge donné, VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 8 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 9 Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ? cellulaires et une modification du programme d’expression génétique. Cette sénescence dite réplicative est causée par le raccourcissement inexorable de l’ADN formant l’extrémité des chromosomes (ou télomères) à chaque division cellulaire. Cette érosion télomérique rythmée par le cycle cellulaire peut donc être considérée comme un mécanisme d’« horloge mitotique », une façon pour la cellule de compter le nombre de divisions et non le temps chronologique. La dérégulation de ce mécanisme de comptage, par l’intermédiaire d’une activation de la transcriptase inverse télomérase, capable de compenser le raccourcissement de l’ADN télomérique, ou de mécanismes alternatifs de recombinaison allongeant l’ADN télomérique (mécanisme appelé ALT), aboutit à l’immortalisation, retrouvée dans la grande majorité des cancers. Il faut noter que la découverte de cette enzyme a valu le prix Nobel de Médecine 2009 à Elisabeth Blackburn, Carole Greider et Jack Scoztack, traduisant une prise de conscience de l’ensemble de la communauté scientifique et médicale de l’importance de ces phénomènes. Plus généralement, le destin d’une cellule au sein d’un organisme eucaryote obéit à des règles d’homéostasie précisément régulées au cours de la prolifération, de la différenciation, ou lors de l’apoptose et de la sénescence. Or, l’ensemble des facteurs nécessaires à la régulation de chacune de ces étapes est codé par un matériel génétique identique dans chaque cellule, et reproduit à l’identique à l’issue de chaque division cellulaire, d’où la nécessité de mécanismes de maintenance de l’intégrité du génome (appelé « réponse aux dommages de l’ADN » ou « DNA damage response », DDR en anglais) et de régulation fine de la structuration de l’ADN. Cette structure, la chromatine, permet d’assurer des programmes d’expression génétique spécifiques à chaque étape du cycle et à chaque état cellulaire. Les mécanismes impliqués sont fréquemment appelés « épigénétiques » bien qu’ils n’impliquent pas toujours une héritabilité de l’état chromatinien. L’étude des réponses aux dommages de l’ADN et de la chromatine constitue actuellement des voies de recherche extrêmement prometteuses en terme de biologie du vieillissement car le temps, mais aussi certains facteurs constitutionnels et environnementaux, ont une influence directe sur l’intégrité de l’ADN des chromosomes (mutation) et de leur organisation en chromatine (épimutation). Il est probable que l’hétérogénéité caractéristique du vieillissement à l’échelle d’un organisme est directement liée à certains mécanismes de régulation de la chromatine et de nombreuses pathologies dégénératives sont largement influencées voire directement causées par des dysfonctions génétiques et épigénétiques. Parmi ces pathologies, la transformation cancéreuse est elle aussi hétérogène, et constitue une des conséquences les mieux connues des dérégulations de la prolifération, Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie de la différenciation, de l’apoptose et de la sénescence. De manière surprenante, la sénescence protège les cellules contre la transformation maligne, conduisant à la question, « Faut-il vieillir pour ne pas mourir de cancer ? ». Mais, en accord avec l’augmentation de l’incidence de cancer avec l’âge, la sénescence cellulaire peut aussi faciliter la survenue des cancers, rendant plus complexe encore la relation entre vieillissement et cancer. Origines et définition de la sénescence cellulaire Le phénomène de sénescence cellulaire a initialement été identifié comme un ensemble de modifications phénotypiques consécutives à un maintien prolongé de cellules en culture 1. Ces modifications phénotypiques comprennent un accroissement de la taille cellulaire, un changement du profil d’expression génique et notamment de la matrice extra-cellulaire, dont l’expression de la β-galactosidase est l’un des stigmates. Mais de façon plus caractéristique les cellules sont bloquées dans le cycle cellulaire, généralement en G1 mais parfois aussi en G2, et réfractaires à l’apoptose, pouvant être maintenues au long cours avec un métabolisme basal conservé. La sénescence cellulaire apparaît lorsque les capacités cellulaires de réponse aux stress sont dépassées, par trois phénomènes distincts : l’autophagie, la sénescence réplicative et la sénescence prématurée. L’autophagie fait intervenir l’accumulation d’autophagolysosomes contenant des métabolites en excès au sein du réticulum endoplasmique. Les deux autres voies font intervenir les voies de réponses aux dommages de l’ADN passant par l’induction de p53, la déphosphorylation de pRB et la surexpression d’inhibiteurs des kinases du cycle cellulaires (par exemple, p15, p16, p21 et p27) suite à la reconnaissance des lésions à l’ADN par les kinases de la famille des PIKKs (Phosphatidyl inositol 3-OH Kinase-like Kinases) ATM, DNA-PK et ATR. Initialement observées en laboratoire, les cellules sénescentes ont maintenant été décrites dans des tissus où leur nombre semble augmenter avec l’âge, ce qui pose la question de savoir si la sénescence cellulaire contribue au vieillissement des organismes. Théoriser le vieillissement, un bref aperçu historique En 1952, Medawar a conceptualisé le vieillissement comme une accumulation aléatoire d’évènements délétères, chacun étant de faible amplitude 2. Cette théorie, dite de « l’accumulation des mutations » ou du « fardeau mutationnel » est en accord, au même moment, avec les réflexions de Comfort qui amènent l’idée que les mécanismes de vieillissement échappent au programme de développement gouverné par la sélection naturelle 3, 4. 9 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Recherche fondamentale Fundamental research JOG n1:Mise en page 1 Recherche fondamentale Fundamental research JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 10 Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ? La formulation par Williams en 1957 de la théorie de la pléïotropie antagoniste, qui prédit que des programmes entraînant un avantage en survie à un âge précoce deviendraient néfastes au cours du temps, suggère que le vieillissement peut résulter à la fois d’une accumulation de mutations et de l’effet délétère à long terme de certains gènes 5. Enfin, la théorie plus récente de Thomas Kirkwood du soma jetable postule que la maintenance de la lignée germinale se fait au détriment de la maintenance du soma 6. Nous allons examiner dans les paragraphes suivants ce qu’il faut penser de ces théories du vieillissement à la lumière des données expérimentales et de nos connaissances sur la sénescence cellulaire. Nous verrons combien il est étonnant que ces théories « pré-moléculaires » aient trouvé un écho dans les études les plus récentes de la biologie moderne, permettant d’envisager un modèle intégré des mécanismes du vieillissement normal et pathologique. aussi modulées par une régulation fine de la structure chromatinienne et des modifications épigénétiques. Selon les cas, les conséquences de ces dommages à l’ADN sont mutagènes, et conduisent préférentiellement à la transformation cellulaire, ou alors cytotoxiques ou cytostatiques, et induisent par apoptose et sénescence à un vieillissement prématuré. Chez les patients porteurs de mutations congénitales de gènes impliqués dans la réponse aux dommages à l’ADN, le phénotype se caractérise par une augmentation du risque de cancers, lors notamment de la mutation des gènes XPA à XPG dans le cas de Xeroderma pigmentosum, par l’apparition d’un vieillissement prématuré comme dans les syndromes progéroïdes de Cockayne, lié aux mutations de CSA ou CSB, ou par l’association des deux, comme dans le syndrome de Werner, lié à la mutation de l’hélicase WRN. Ces différences phénotypiques dépendent de l’implication de voies de réparation de l’ADN différentes d’un cas à l’autre. La mutagenèse est au premier plan lors des défauts de réparation dépendants de l’excision de nucléotides (NER, nucleotide excision repair), tandis qu’un vieillissement prématuré accompagne les mécanismes de réparation associés à la transcription. Dans ces cas, le blocage prolongé de la transcription induit l’apoptose et/ou la sénescence de la cellule. Dans le contexte plus général des phénomènes tissulaires liés au vieillissement, il reste cependant à déterminer la part relative de l’entrée en sénescence ou apoptose et des mutations en elles-mêmes. Le stress génotoxique, une cause très probable du vieillissement Dans une étude complexe de populations de drosophiles, Hughes et coll. ont montré le rôle majeur des évènements mutagènes dans le vieillissement, favorisant la théorie de l’accumulation de mutations 7. Selon ce modèle, l’âge résulterait de la balance entre les stress génotoxiques et les mécanismes mis en jeu par la cellule pour sa protection contre ces évènements mutagènes. Plus que les stress environnementaux (rayonnements γ, UV, X…), la principale source de stress génotoxique est le métabolisme cellulaire lui-même, à l’origine de l’hydrolyse et de la formation de dérivés oxydés et de radicaux libres pouvant endommager les macromolécules cellulaires dont l’ADN. La cellule accumule au cours du temps les stigmates de ce métabolisme. Chez la levure en cours de division, Aguilianu et coll. ont montré une répartition non aléatoire des dérivés oxydés de certaines protéines de la chromatine, se concentrant dans l’une des cellules filles (nommée alors « cellule mère »), alors que l’autre en est quasiment dépourvue 8. De plus, de nombreuses analyses transcriptomiques ont montré le rôle prépondérant des gènes régulateurs du métabolisme oxydatif, notamment mitochondrial, au cours du vieillissement 9-12. Par ailleurs, l’équilibre entre oxydation et réduction fait intervenir des éléments constitutionnels, génétiques notamment, mais aussi exogènes comme le mode de vie 13, le régime alimentaire (restriction calorique chez la levure 14, les vitamines « antioxydantes ») ou l’âge chronologique 15, 16. Les gènes impliqués dans la réponse aux dommages de l’ADN sont ainsi les principaux déterminants génétiques de cette réponse cellulaire aux stress génotoxiques, et donc de l’inégalité face au vieillissement et au risque de cancer. De plus, l’expression de ces gènes et la régulation globale du génome sont VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 L’érosion des télomères, une explication moléculaire du soma jetable ? Les télomères assurent la stabilité des extrémités chromosomiques. Ces extrémités composées des répétitions de la séquence TTAGGG n’adoptent pas une structure chromatinienne classique mais forment des complexes nucléoprotéiques spécifiques impliquant des protéines affines de l’ADN télomérique (TRF1, TRF2 et Pot1) mais aussi de nombreuses protéines impliquées dans la réparation des dommages à l’ADN comme ATM, MRE11/RAD50/NBS1 et Ku. Ces complexes peuvent entraîner la formation d’une boucle ou lasso, appelée boucle-T, qui pourrait contribuer à la stabilité des extrémités naturelles des chromosomes. La principale cause de réarrangement télomérique est la division cellulaire elle-même, qui s’accompagne physiologiquement de la perte de motifs TTAGGG, lors du fonctionnement normal de la machinerie de réplication. Dans certains types cellulaires, l’activation d’une télomérase compense cette perte physiologique par l’élongation de nouvelles répétitions sur l’extrémité 3’ de l’ADN chromosomique. Si cette activité permet le maintien de la taille des télomères dans la plupart des cellules germinales et intervient dans l’étape d’immortalisation au cours de la can10 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 11 Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ? cérogenèse, elle est insuffisante pour reconstituer le stock d’ADN télomérique dans la plupart des cellules somatiques. De ce fait, la division des cellules somatiques entraîne de manière inexorable une diminution de la taille des télomères. Ainsi, les cellules ayant effectué un grand nombre de divisions possèdent des télomères extrêmement raccourcis, ce qui déclenche l’entrée en sénescence dite réplicative. Il est étonnant de constater que cette dynamique télomérique donne un support moléculaire à la théorie du soma jetable. En effet, comme le montrent maintenant de nombreux modèles de souris dépourvus de télomérase, une perte télomérique trop importante est une cause du vieillissement de certains tissus, notamment ceux soumis à un renouvellement fréquent (épithélia, cellules hématopoïétiques…). De plus, il a été montré chez la levure que des cellules qui échappent à la sénescence réplicative en circularisant leurs chromosomes sont capables de se diviser à l’état végétatif mais ont perdu leurs capacités d’effectuer une division méiotique normale, prévenant ainsi toute production de gamète. Il semble donc que, du fait de la linéarité de nos chromosomes, le prix à payer à la reproduction sexuée soit le vieillissement des tissus somatiques. Les relations entre p53 et télomérase jouent certainement un rôle majeur dans la sénescence et l’apparition de tumeurs. Contrairement à p53, dont l’expression est invalidée dans près de 50 % des cancers, la télomérase est surexprimée dans près de 90 % des cancers. En effet, la surexpression de la télomérase est nécessaire à la transformation d’une cellule normale en cellule cancéreuse 31 et des souris dépourvues de télomérase sont plus résistantes à la formation de cancers tandis que les même souris ayant perdu l’un des allèles de p53 présentent un nombre plus élevé de tumeur avec l’âge que les souris contrôles hétérozygotes pour p53 et sauvage pour la télomérase. La télomérase constitue donc une cible attractive pour le traitement des cancers. Son action pourrait être purement catalytique en allongeant l’ADN télomérique, empêchant ainsi l’apparition de télomères trop courts et l’activation de p53 32, 33. Toutefois, de manière intéressante, la télomérase semble également jouer d’autres rôles au cours du développement et dans le fonctionnement des cellules souches. Ces fonctions, non directement télomériques, peuvent contribuer à la transformation maligne. Ainsi, la surexpression de la télomérase diminue la dépendance pour les facteurs de croissance 33, augmente le taux de prolifération 34 et favorise l’induction d’événements tumorigènes 35-37, atténue la réponse dépendante de p53 38, 39 tandis que l’abolition de la télomérase entraîne des transformations homéotiques en interférant avec la voie Wnt 40. La protéine p53, un acteur de la pléiotropie antagoniste ? La protéine p53 est une protéine dont les multiples fonctions comprennent, à l’échelle cellulaire, la protection du génome contre l’ensemble des stress environnementaux, la régulation de l’homéostasie, le contrôle de la réplication, de la ségrégation mitotique et de la division cellulaire. En outre, elle participe à la régulation de la matrice extracellulaire, l’angiogenèse et la communication inter-cellulaire (pour revue : 17). Enfin, p53 constitue un acteur clef des mécanismes du vieillissement relevant de la pléïotropie antagoniste 18-20. Elle joue un rôle central de suppression dans l’apparition de tumeur et d’induction de la sénescence cellulaire en réponse à un grand nombre de stress 21, 22. Selon le degré d’activation de la protéine, un phénotype variable est induit, pro-apoptotique en conditions d’activation importante, anti-apoptotique induisant l’arrêt du cycle lorsque son activation est faible. En fait, elle agit comme un senseur permanent des stress environnementaux ou associés à l’âge. L’activation de p53 est induite par les sirtuines 23, impliquées dans la réponse aux stress oxydatifs mais aussi par des oncogènes induisant la sénescence tels que Ras 24-26, l’interféron β impliqué dans la réponse antivirale 27, mais aussi le TGF-β ou STAT5, par exemple. En l’absence de ces stress, p53 est activé en réponse à des télomères excessivement raccourcis 28. Ce mécanisme pourrait expliquer le phénotype suppresseur de tumeur observé chez des souris dépourvues de télomérase 29, 30. Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie D’autres voies de sénescences indépendantes de p53 Une autre voie de régulation de la sénescence a été identifiée du fait de la persistance d’un phénotype sénescent dans certains types cellulaires, malgré l’inhibition de la voie dépendante de p53 41-43, ou avant l’induction d’une sénescence réplicative 24. Cette voie dépend de l’association des protéines RB et p16/INK4A 22, 44-47. La protéine RB est au carrefour des voies de signalisation de la réplication, de la mitose et de l’organisation épigénétique. Cette pléïotropie s’explique car (1) sa forme non phosphorylée inhibe la transcription dépendante de E2F par le recrutement de protéines de remodelage de la chromatine (HDACs 48, SWI/SNF), (2) elle intervient dans la répression par silencing de certains promoteurs notamment au cours de la différenciation, (3) elle contribue à l’instauration et au maintien de marques hétérochromatiques 49, notamment au niveau de territoires spécialisés tels que les centromères, les péri-centromères et les télomères 50 et (4) au remodelage de la chromatine au cours de la sénescence 44. Lors de la mise en culture prolongée de cellules, une activation de p16/INK4A a été mise en évidence in vivo 51 et in vitro 51. De plus, p16/INK4A est transactivé au cours 11 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Recherche fondamentale Fundamental research JOG n1:Mise en page 1 Recherche fondamentale Fundamental research JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 12 Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ? Vieillir, une tentative pour ne pas mourir ? de la sénescence réplicative 52-54. Enfin, l’activation de p16/INK4A peut être induite par une diminution des taux de EZH2 (Enhancer of Zeste Homolog 2), en réponse aux dommages à l’ADN. Le locus INK4A-ARF est fréquemment altéré dans les cancers et l’hyperméthylation du promoteur du gène p16/INK4A, induisant une répression constitutive de l’expression du gène est observée dans la plupart des cancers 55 . Plus généralement, la voie p16/INK4A est fréquemment altérée au cours des cancers, un argument supplémentaire en faveur de l’antagonisme entre sénescence et oncogenèse. Selon la théorie du vieillissement défini comme une accumulation de mutations, les dommages à l’ADN interviendraient comme nous venons de le voir comme un moteur du vieillissement. Ce concept est étayé par des données expérimentales d’accélération du vieillissement en condition d’augmentation du métabolisme oxydatif 59. Le vieillissement s’associe aussi à une augmentation du risque de cancers, probablement dû en majorité à l’apparition de mutations oncogéniques et à une diminution de l’immunité et des mécanismes de défenses de l’organisme. A l’inverse, on peut considérer que le vieillissement est le prix à payer pour échapper au cancer lorsque nous sommes jeunes, c’est-à-dire en pleine possession de nos pouvoirs reproductifs. Cette vision amène l’idée, en apparence paradoxale, que le vieillissement est en fait un phénomène biologique qui augmente la longévité (Figure 1). Ainsi, il a été récemment montré qu’au cours du vieillissement, qu’il soit normal ou pathologique, le gène du récepteur d’IGF-1 et les voies de signalisation des axes somato-, thyréo- et lactotrope sont inhibés. Cette inhibition, retrouvée chez des souris naines (par déficit en hormone de croissance) ou reproduite expérimentalement lors d’une restriction calorique, interviendrait comme facteur Des foyers d’hétérochromatine associés à la sénescence, les SAHF La sénescence s’accompagne d’une ré-organisation globale de la chromatine, dépendante de RB 44. Elle est marquée d’un point de vue morphologique par l’apparition de foyers d’hétérochromatine spécifiques nommés SAHF (Senescence Associated Heterochromatic Foci) dont le nombre s’accroît avec le temps. Ces foyers sont caractérisés par la tri-méthylation intense de l’histone H3 dépendante de Suv39H1, l’accumulation de protéines de l’hétérochromatine: HP1 et MacroH2A 46 notamment. Paradoxalement l’histone H1, normalement associée à l’hétérochromatine, est exclue 56, mais remplacée par la protéine HMGA Figure 1 : Le vieillissement, un phénomène biologique qui augmente la longévité. (High Mobility Group A) 57 . La mise en jeu de phénomènes de sénescence en réponse aux dommages à l’ADN apparaît comme L’accumulation de ces foyers un premier niveau de protection de l’espèce, favorisant les individus jeunes en âge de procréer semble être la conséquence de aux dépends des plus âgés (théories de l’accumulation de mutations et de la pléïotropie antagol’inactivation des gènes de proniste) et les cellules germinales aux dépends des cellules somatiques (théorie du soma jetable). lifération contrôlés par le facteur Le vieillissement apparaît comme un phénomène biologique qui induit à la fois des mécanismes de transcription E2F 44, selon un de défense (restriction calorique, diminution du métabolisme) à l’origine d’une augmentation de la mécanisme dépendant du type longévité et d’une protection contre les cancers et une augmentation du stress génotoxique qui cellulaire 47. Ces foyers, dont augmente les probabilités d’une mutation abolissant la voie p53 et ouvrant la voie au développel’ARN polymérase II est exclue, ment d’un cancer. La balance entre ces deux conséquences du vieillissement va déterminer la sussont réfractaires à la transcripceptibilité de survenue d’un cancer. tion et semblent être constitués uniquement d’hétérochromatine facultative. En revanche, les séquences d’hétérochormatine consitutive (centromères, péricentromères et télomères) sont condensées à la périphérie nucléaire 56, 58. Dans les cellules sénescentes, les gènes activés sont regroupés le long des chromosomes 47. Les relations entre organisation spatiale, interaction à distance de séquences au sein de la chromatine, sénescence et cancer constituent certainement des pistes de travail particulièrement prometteuses. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 12 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 13 Sénescence & cancer : vieillir pour ne pas mourir ? • Senescence and cancer : age not to die ? d’augmentation de la longévité et de suppression des cancers. La restriction calorique est en effet connue pour entraîner une augmentation de la durée de vie, un phénomène initialement découvert chez la levure. Chez la levure, ce phénomène s’explique par la diminution du métabolisme oxydatif. Chez les eucaryotes supérieurs, la mise en évidence d’une réponse endocrinienne souligne donc l’existence de mécanismes adaptatifs complexes induits par le vieillissement, cette réponse permettant peut-être de « vieillir pour ne pas mourir ». pléïotropie antagoniste, car augmenter la réponse cellulaire anti-tumorale conduit à un vieillissement prématuré, observé lors de la surexpression de p53. A l’échelle de l’organisme, l’inhibition des voies dépendantes d’IGF-1 et de la GH induit une réduction du métabolisme cellulaire mais aussi une protection contre les stress oxydatifs, le vieillissement et le développement de cancers. Ces interconnexions multiples mises en évidence expérimentalement ont des implications en oncologie et en gériatrie : faut-il, dans une approche du cancer chez un sujet âgé, désolidariser la prise en charge de ce cancer de certains éléments cliniques associés, comme l’existence par exemple d’une cachexie, connue pour être fréquemment la conséquence d’une augmentation d’IGF1 ? Au contraire, la survenue de certains types de cancers doit-elle profondément modifier la prise en charge de certains sujets âgés, pour lesquels le cancer ne semble « qu’une pathologie parmi d’autres ». Ces questions théoriques et pratiques représentent l’un des fondements de l’approche oncogériatrique. ■ Conclusions et perspectives Comme dans l’ensemble des mécanismes physiologiques d’homéostasie, la régulation de la balance entre vieillissement et cancer chez les eucaryotes supérieurs, et chez l’homme notamment, est extrêmement complexe. A l’échelle de la cellule, l’accumulation de dommages de l’ADN apparaît comme une cause commune du vieillissement et du développement de cancers, mais la réponse adaptative dépendante de p53 illustre le phénomène de 20 Campisi J. Cellular senescence and apoptosis : how cellular responses might influence aging phenotypes. Exp Gerontol 2003 ; 38 (1-2) : 5-11. 21 Wahl GM, Carr AM. The evolution of diverse biological responses to DNA damage : insights from yeast and p53. Nat Cell Biol 2001 ; 3 (12) : E277-86. 22 Itahana K, Dimri G, Campisi J. Regulation of cellular senescence by p53. 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Recherche Clinique & Santé Publique, Groupe hospitalier Albert Chenevier Henri Mondor, AP-HP, Créteil, France Résumé L’objectif de cet article est de décrire les méthodes et outils d’évaluation économique, en étudiant leur application aux stratégies de soins utilisées en oncogériatrie. En effet, l’oncogériatrie du fait de ses spécificités (quantité limitée de données issues des essais cliniques, hétérogénéité des situations, nécessité de prendre en compte les coûts indirects et intangibles, choix de la perspective…) est moins adaptée que la population générale aux méthodes et outils couramment utilisés dans les évaluations économiques. Mots clés : Évaluation économique, personnes âgées, cancer. Abstract This article describes the methods and tools used for economic evaluation of health care strategies and to discuss their application to oncogeriatrics. Indeed, because of its specificities (lack of clinical trial data, heterogeneity of situations, need to take indirect and intangible costs into account, choice of prospects…), oncogeriatrics is less appropriate than the general population to the methods and tools usually used in economic evaluation. Keywords : Economic evaluation, elderly, cancer. Introduction (montant estimé d’après les données du programme national Medicare) 6. Les effets conjugués de l’augmentation de la fréquence des tumeurs, de l’augmentation du coût des prestations médicales (liés aux progrès diagnostiques et thérapeutiques et à la mise sur le marché des thérapies ciblées) ainsi que les spécificités des populations âgées atteintes de cancers (population sous représentée dans les essais cliniques, population poly-pathologique avec de fréquentes comorbidités, insuffisance de dépistage, retard de prise en charge, …) nécessitent des réflexions économiques. Ces réflexions sont d’autant plus nécessaires qu’elles sont menées dans un domaine qui souffre de l’absence de données cliniques et économiques. L’analyse économique appliquée à l’oncogériatrie peut être utilisée au gré des besoins du secteur sanitaire selon différentes approches qui répondent à des préoccupations différentes et complémentaires : celle du coût de la maladie, celle de l’évaluation économique et celle de l’analyse d’impact budgétaire. Le coût de la maladie (cost of illness) donne une traduction économique du fardeau de la maladie et de ses traitements ; ces études sont utilisées comme outils d’aide à l’organisation des soins et des politiques de santé. L’évaluation économique (economic evaluation) compare l’efficience de stratégies alternatives ; ces études Les cancers sont des pathologies du sujet âgé. En 2008, on estime que près de 60 % des cancers ont été diagnostiqués chez les patients de plus de 65 ans et 31 % chez les plus de 75 ans, représentant 55 700 cancers chez les hommes et 41 200 cancers chez les femmes 1, 2. Environ 100 000 personnes âgées de plus de 65 ans meurent chaque année de cancer ; la mortalité par cancer représentant 50 % des décès dans cette tranche d’âge 3. Les cancers sont ainsi responsables de 500 000 années de vie perdues par an chez les personnes de plus de 75 ans 4. Le coût des soins du cancer pour l’assurance maladie a été estimé par l’INCa à environ 11 milliards d’euros en 2004 5. L’impact économique des pertes de production liées aux arrêts maladie et à la mortalité par cancer est quant à elle estimée à 17 milliards d’euros, dont 9 milliards liés à la valorisation des activités non rémunérées, issues de la sphère domestique 5. A notre connaissance, il n’existe pas de données en France isolant la part de ce coût global attribuable aux patients de plus de 65 ans. Cependant, étant donné la forte prévalence du cancer chez les sujets âgés, l’impact économique apparaît majeur. Aux Etats-Unis, le National Cancer Institute a estimé que le coût de la prise en charge du cancer des sujets âgés s’élève à 21,1 milliards de dollars pour 5 ans Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 15 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Santé publique Public health JOG n1:Mise en page 1 Santé publique Public health JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 16 L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer Dans les études de type coût-efficacité, l’efficacité est mesurée par un indicateur de résultat clinique objectif d’état de santé, tels que le nombre d’années de vie gagnées mesurée d’après la survie globale, le nombre d’années de vie sans progression ou le nombre de récidives évitées. En oncogériatrie, l’utilisation du nombre d’années de vie gagnées comme indicateur de résultats peut s’avérer inadapté voire pénalisant (le rapport entre dépenses engagées et années de vie gagnées étant désavantagé par sa place au dénominateur) étant donné l’espérance de vie des patients âgés. De ce fait, pour ces populations, des critères intermédiaires d’efficacité, tels que la réduction de la durée de l’infection, le nombre de jours sans douleur ont été privilégiés 12. permettent d’identifier les stratégies optimales de traitement, constituant des outils d’aide à la décision face aux contraintes budgétaires. Enfin, l’analyse d’impact budgétaire (budget impact analysis) permet de prévoir les conséquences financières de la mise en œuvre d’une stratégie pour une population cible. L’analyse économique en oncogériatrie ne doit pas se limiter à la question : « quel surcoût la collectivité et l’Assurance maladie peuvent-elle consentir pour améliorer la prise en charge des sujets âgés atteints de cancer ? » 7, 8, 9. La question de l’analyse économique en oncogériatrie nécessite de développer des outils méthodologiques. En effet, les méthodes et outils habituellement utilisés ne s’avèrent pas adaptés à l’oncogériatrie, car ils ne prennent pas en compte les spécificités et les attentes des patients âgés (préférence entre la quantité de vie versus la qualité de la vie, évaluation des coûts de dépendance, implication de la famille dans la prise en charge de la maladie…). L’oncogériatrie constitue donc un domaine propice au développement de nouveaux outils, tels que des indicateurs objectifs permettant de mesurer les capacités fonctionnelles ou l’invalidité des personnes âgées, ou le calcul de coût complet dans cette pathologie, incluant les coûts indirects, les coûts intangibles et les coûts sociaux. Les grands principes méthodologiques de l’évaluation économique seront revus dans cet article de façon générale 10, 11 et plus spécifiquement dans le cas des cancers du sujet âgé. Cependant, ces indicateurs sont parfois trop spécifiques de l’évolution du cancer, alors qu’ils devraient pouvoir prendre en compte l’état de santé global du patient, y compris ses comorbidités et les modifications induites par le cancer sur l’état général du patient. Dans ce contexte, des évaluations gériatriques multidimensionnelles ont été développées en oncologie médicale. Elles permettent l’identification des problèmes dans les principaux domaines gériatriques : santé physique et mentale, situation sociale, environnementale et économique et état fonctionnel. Des critères composites agrégeant la mortalité et l’incapacité ont ainsi été utilisés dans des évaluations économiques à l’étranger. Ainsi, Desch propose d’utiliser l’espérance de vie sans incapacité (ESVI) plutôt que la survie globale comme indicateur d’efficacité pour évaluer l’impact de la chimiothérapie chez les femmes âgées présentant un cancer du sein 13. Dans les études de type coût-utilité, l’efficacité est pondérée par la satisfaction (ou l’amélioration de qualité de vie) que tire le patient d’une amélioration de son état de santé. La technique la plus utilisée consiste à pondérer le nombre d’années de vie gagnées par un coefficient compris entre zéro et un, appelé utilité, qui traduit la qualité de vie des patients au cours de ces années. On parle alors d’années de vie corrigées par la qualité de vie (QALY), mesure synthétique, unidimensionnelle, universelle de l’état de santé. L’agrégation des QALYs individuels pour obtenir une mesure collective dans des groupes de populations soulève cependant des problèmes d’équité. En effet, nous ne sommes pas égaux dans notre capacité à produire des QALYs. Les patients âgés ont notamment une plus faible capacité à produire des QALYs que les patients plus jeunes, car le principe de non pondération les discrimine. Le « fair innings » d’équité entre générations est difficile à respecter. Par ailleurs, le QALY présuppose de façon discutable qu’une intervention médicale n’a d’influence que sur l’état de santé stricto-sensu, et n’affecte en rien les autres éléments qui font qu’un temps de vie apporte de l’utilité à l’individu. La mesure de l’efficacité en oncogériatrie : les conséquences L’évaluation économique est une analyse comparative de différentes stratégies en santé sur la base de leurs coûts et de leurs conséquences. Après avoir identifié les stratégies médicales à comparer et défini la population cible, il convient de définir un indicateur pertinent de mesure des résultats de santé des stratégies comparées. Le choix de cet indicateur dépend du contexte dans lequel l’évaluation économique est menée, c’est-à-dire son objectif, le type d’acteurs concernés, la dimension que l’on souhaite privilégier (clinique, psychologique, économique ou sociale) et le temps imparti pour l’évaluation. On distingue quatre types d’évaluation économique en fonction des mesures des conséquences : l’analyse de minimisation des coûts, pertinente dans le cas ou les options comparées sont strictement identiques du point de vue des conséquences, y compris en termes d’événements indésirables, l’analyse coût-efficacité pour laquelle les résultats sont mesurés en unité naturelle (morbidité, mortalité), l’analyse coût-utilité pour laquelle les résultats sont mesurés en termes de bien-être (quality adjusted life years ou QALYs) et l’analyse coût-bénéfice pour laquelle les résultats sont mesurés en termes monétaires (coûts économisés, autres bénéfices). VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 16 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 17 L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer miques du sujet âgé atteint de cancers se limite aux seuls coûts médicaux directs, comme cela est aussi le cas pour les autres pathologies 16. Or, les coûts indirects et les coûts intangibles sont prépondérants en oncogériatrie et devraient faire l’objet d’une évaluation spécifique adaptée. Il conviendrait de considérer le coût du temps perdu par le sujet âgé du fait de sa maladie, les coûts non médicaux et notamment ceux à la charge de l’entourage ou de la famille du patient 16, 6 et le retentissement de la maladie en termes d’organisation, de bien-être physique et moral sur la vie des aidants. L’ampleur des coûts dépend de la perspective adoptée dans l’étude. Les différentes perspectives possibles sont le patient, le financeur ou l’Assurance maladie, l’hôpital et la société. Il n’y a pas de perspective idéale, mais les coûts pris en compte dépendent de celle retenue. Ainsi, le patient considèrera les soins et services qui ne lui sont pas remboursés (appareillage, aménagement du domicile, transports non pris en charge par l’assurance maladie). L’hôpital inclus les coûts hospitaliers et exclus les coûts ambulatoires. La société considère les ressources utilisées pour traiter le patient, mais aussi le manque à gagner du fait de l’hospitalisation et de la maladie. Une étude du coût de la maladie vise à établir les dépenses engendrées par une pathologie Deux méthodes permettent d’évaluer le coût de la maladie. La méthode de prévalence estime le coût total d’une maladie sur une année pour tous les patients atteints : à partir des dépenses totales de santé, il s’agit de réduire progressivement le périmètre des coûts pertinents en ne retenant que celui des maladies concernées (méthode descendante). La méthode de l’incidence appréhende tous les coûts des nouveaux cas d’une année sur la vie entière de ses patients. Elle exige des données sur la progression de la maladie et ses traitements associés (méthode ascendante). Les déterminants du coût du cancer du sujet âgé sont différents de ceux de la population générale 17. Les sujets âgés étant à la retraite, l’impact de la maladie sur les arrêts de travail et sur la production des biens et des services au niveau national est quasiment nul, sauf pour les aidants. Le poids économique des pertes de production liées aux arrêts de travail dans cette population est plus faible que dans la population générale. En revanche, l’augmentation des besoins de services liés à la sphère domestique est importante dans cette catégorie de la population. L’estimation des pertes de production issues de la sphère domestique augmente considérablement le coût du cancer du sujet âgé. De plus, ceci suppose des implications morales et éthiques importantes. Le fait de ne pas prendre en compte les coûts indirects peut signifier ne pas estimer la contribution des personnes âgées à la production nationale. Pour éviter les conséquences morales et éthiques des pertes de production après 65 ans, l’estimation des pertes de La mesure de la qualité de vie chez le sujet âgé présente quelques spécificités. Par rapport aux autres groupes de patients, la qualité de vie de ces patients présente une forte variabilité, reflet des souhaits et des préférences de ces patients, de leur parcours de vie et leurs conditions d’existence au moment de la maladie, mais aussi de la diversité des états de santé, des probabilités individuelles de survie et des niveaux de ressources fonctionnelles et sociales. Par ailleurs, les échelles classiquement utilisées chez l’adulte en oncologie (SF-36, QLQ, HUI) peuvent s’avérer insuffisantes voire inadaptées pour la mesure de la qualité de vie chez les patients âgés. En effet, ces questionnaires évaluent insuffisamment l’impact des déficiences, de l’incapacité, de la perte d’autonomie ou de la dépendance sur la qualité de vie de ces patients et reflètent mal l’état de ces patients et leurs attentes en termes d’amélioration de la qualité de vie. Une étude danoise a montré que la qualité de vie des patients en phase métastatiques de 18 à 82 ans pouvait être perçue comme moins importante que la survie. Elle montrait également que les patients les plus âgés étaient moins enclins à préférer des traitements agressifs que les patients plus jeunes et que les patients préféraient éviter de se confronter à la réalité et laissaient leurs médecins prendre les décisions médicales 14, 15. Coûts et évaluations économiques des stratégies en oncogériatrie Pour les économistes, la notion de coût d’une stratégie est celle du coût d’opportunité. Il s’agit de la valeur des résultats auxquels on renonce lorsque les ressources ne sont pas utilisées dans leur meilleur emploi possible. Ce principe s’applique aux biens ou soins médicaux ou encore à la ressource temps (qui peut se traduire par des années de vie perdues ou du temps passé à l’accompagnement des malades). L’évaluation des coûts et l’approche du coût de la maladie seront explicités avant d’envisager l’évaluation économique qui met en regard, dans une même analyse, les conséquences et les coûts des stratégies. Plusieurs types de coûts, générés ou évités, sont habituellement distingués. Les coûts directs sont ceux directement liés aux traitements de la maladie et de ses conséquences (médicaments, hospitalisation, transports, maintien et/ou aménagement du domicile, nutrition, appareillage…). Les coûts indirects correspondent aux pertes de production et de productivité des individus (temps de loisir réduit, productivités réduites pour le patient, mais aussi pour les familles et les proches qui assurent leur prise en charge…). Il s’agit de coûts liés aux richesses non créées, et donc plus difficiles à estimer. Les coûts intangibles représentent les pertes de bien-être liées à la maladie (douleur, souffrance, réduction de la qualité de vie). L’évaluation des coûts dans les publications économiques ou médico-éconoLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 17 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Santé publique Public health JOG n1:Mise en page 1 Santé publique Public health JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 18 L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer production domestique, à partir de la valorisation ds différentes activités domestiques, est proposée par l’INCa 5. Lorsqu’ils sont présents, d’autres déterminants majorent le coût pour la société : la dépendance, le coût pour les proches et la fin de vie. En revanche, des études américaines ont montré que le coût du cancer pouvait diminuer avec l’âge. Dans le cancer colorectal 18, 19 et le cancer du sein 20, ce phénomène s’explique par une réduction de la durée et de l’intensité des traitements médicaux liée à une espérance de vie plus faible de ces patients. Ces résultats concordent avec ceux observés en France, dans le cancer du colon 21. De plus, le coût de la dernière année de vie (habituellement très élevée) diminue avec l’âge 22. Dans l’exemple d’un programme de dépistage, le coût du cancer dépisté (rapport du nombre de cas dépistés sur le coût total du programme) varie selon les classes d’âges de la population concernée. Ce critère est en effet directement sensible au risque de cancer dans la population. Appliqué au cancer du colon dont le taux d’incidence annuel est de 52.3/100 000 pour la classe d’âge 50-55 ans et de 476.6/100 000 pour la classe d’âge 80-85 ans, l’estimation du coût du cancer dépisté serait neuf fois moins élevé dans cette classe d’âge, en comparaison à la classe d’âge 50-55 ans 4. Si le poids économique des cancers du sujet âgé est élevé, est-ce parce qu’on y consacre beaucoup de ressources ou est-ce parce que l’utilisation de ces ressources n’est pas optimisée ? Seule l’évaluation économique, qui considère simultanément les coûts et les résultats de santé, mesure l’efficience économique de stratégies. Les résultats sont présentés sous la forme d’un ratio différentiel coût-efficacité (ou utilité) traduisant le coût supplémentaire d’une stratégie par rapport à une autre en regard des conséquences supplémentaires. On peut aussi l’interpréter comme le surcoût d’une efficacité supplémentaire avec la stratégie la plus efficace. Les données de coûts ou d’efficacité peuvent comporter une certaine marge d’erreur liée aux incertitudes de mesures ou d’échantillonnage. Une analyse de sensibilité doit être mise en œuvre dans toute évaluation et permet de tenir compte des incertitudes et d’étudier la robustesse des résultats. En oncogériatrie, très peu d’évaluations économiques existent 23. Parmi les exemples publiés, le traitement par chimiothérapie chez les femmes âgées de 60 à 80 ans atteintes d’un cancer du sein a été estimé entre 28 000 et 57 000 US$ par QALY 13. Dans le cancer du poumon, le rapport coût-efficacité de la prise en charge du cancer du poumon (tout traitement médical) chez les plus de 65 ans a été estimé à 403 000 US$ par année de vie gagnée 24. Ces résultats posent la question du seuil pour définir des stratégies acceptables. Quel montant la collectivité estelle prête à consentir pour la prise en charge de sujets âgés atteints de cancer ? Quels choix pour notre avenir ? Quels VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 progrès accepter de financer dans notre société ? Quelle est l’utilité des soins fournis ? Ce seuil dépend des arbitrages collectifs puisqu’une grande part des dépenses de santé est financée sur des prélèvements obligatoires. En Europe, le seuil d’acceptabilité des stratégies se situe autour de 50 000 euros par QALY ou par année de vie gagnée. Une des voies du NICE, agence d’évaluation du National Health Service (NHS), organisme de remboursement Britannique est de statuer du remboursement ou non de technologies ou programmes de santé à partir du rapport coût-utilité fondé sur un critère QALY. Récemment, au sujet de la prise en charge des patients en fin de vie ayant un cancer du rein et des anti-angiogéniques, le NICE a recommandé que le seuil habituel de décision soit relevé dans certains cas. Ces cas concernent les patients en fin de vie, dont l’espérance de vie est inférieure à 24 mois et pour lesquels aucun traitement alternatif n’est disponible. Chaque mois compterait double et ce concept du « mois compte double » s’appliquerait, non seulement aux populations jeunes, mais aussi aux sujets âgés. La société serait ainsi prête à payer plus, tout en concevant le même critère d’efficacité dans des cas spécifiques (qui concernent une faible population). Conclusion Face aux contraintes budgétaires limitées, le rôle de l’évaluation économique est d’éclairer les choix de société qui deviennent délicats en matière d’allocation des ressources. Il s’agit en permanence d’un arbitrage entre efficience (réduire la mortalité, la morbidité et augmenter le bien-être sous contrainte des ressources disponibles) et équité (mesurer des différences dans la répartition du bien-être et porter un jugement social sur ces différences). C’est en s’appuyant sur ce type d’information que des décisions objectives pourront être prises en terme de stratégies et programmes de santé en oncogériatrie. Si la principale mesure de l’efficacité d’un programme de santé reste le gain de survie globale ou survie sans progression, les éléments présentés dans cet article soulignent à quel point il est nécessaire de développer, en oncogériatrie, des indicateurs de mesure des conséquences qui intègrent les dimensions en terme de résultats de santé, de qualité de vie et de préférences des patients et de décision partagée. Il pourrait s’agir d’un critère composite multidimensionnel sous la forme d’une équation comportant au numérateur, les coûts (coûts des facteurs productifs du système de soins mobilisés par le programme étudié, coûts directement supportés par les patients et coûts supportés par les autres secteurs d’activité) et au dénominateur, les conséquences, intégrant des critères d’efficacité directs ou intermédiaires, des critères de qualité de vie et de préférence individuelle. Ces différents critères pour18 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 19 L’évaluation économique en oncogériatrie • Economic evaluation for elderly patient with cancer raient être pondérés afin de tenir compte de leurs importances respectives pour chaque sujet. L’économie ne peut cependant à elle seule trancher sur les questions qui lui sont posées et la réalisation d’études économiques ne dispense pas d’une interrogation sur les enjeux moraux et éthiques des choix futurs. ■ 13 Desch CE, Hillner BE, Smith TJ, Retchin SM Should the elderly receive chemotherapy for node-negative breast cancer ? A cost-effectiveness analysis examining total and active life-expectancy outcomes J Cl Oncology 1993 ; 11 (4) 777-782. 14 De Haes H, Koedoot N. Patient centered decision making in palliative cancer treatment : a world of paradoxes. Patient Educ Couns. 2003 May ; 50 (1) : 43-9. Review. 15 Koedoot CG, de Haan RJ, Stiggelbout AM, Stalmeier PF, de Graeff A, Bakker PJ et al. Palliative chemotherapy or best supportive care ? A prospective study explaining patients’ treatment preference and choice. Br J Cancer. 2003 Dec 15 ; 89 (12) : 2219-26. 16 Lyman GH. Chemotherapy dose intensity and quality cancer care. Oncology 2006 Dec ; 20 (14 Suppl 9) : 16-25. 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Les Recommandations pour l’évaluation économique des stratégies de santé, version de juillet 2003. 11 Drummond MF, O’Brien BJ, Stoddart GL, Torrance GW, Sculpher MJ. Methods for the economic evaluation of health care programmes. 2005, 3e edition 379p. 12 Menzin J, Lang KM, Friedman M, Dixon D, Marton JP, Wilson J. Excess mortality, length of stay, and costs associated with serious fungal infections among elderly cancer patients: findings from linked SEER-Medicare data. Value Health. 2005 Mar-Apr; 8 (2): 140-8. Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 19 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Santé publique Public health JOG n1:Mise en page 1 JOG n1:Mise en page 1 « 5/01/10 15:33 Page 21 Dossier thématique • Le cancer du sein de la femme âgée Dossier thématique Review • Breast cancer in older women » Evaluation du patient en oncogériatrie : cas du cancer du sein Geriatric assessment in oncology practice: breast cancer in the elderly M. Gisselbrecht, A. Minard Faut-il traiter toutes les patientes porteuses d’un cancer du sein après 70 ans ? Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70? V. Girre, E. Brain Radiothérapie du cancer du sein chez la femme âgée Breast cancer radiotherapy in elderly women Y. Kirova, B. Cutuli Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 21 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 5/01/10 15:33 Page 22 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women Évaluation du patient en oncogériatrie : cas du cancer du sein Geriatric assessment in oncology practice : breast cancer in the elderly M. Gisselbrecht, A. Minard Service de gériatrie, hôpital Européen Georges Pompidou, 20-40 rue Leblanc, 75015 Paris, France Correspondance : [email protected] Résumé Environ un tiers des cancers du sein surviennent chez les femmes de plus de 70 ans. Pourtant à l’heure actuelle il n’existe aucun consensus de prise de charge chez les patientes âgées en partie du fait de la grande hétérogénéité de cette population. La réflexion oncogériatrique repose sur l’idée qu’une intervention gériatrique va, chez certains malades âgés, améliorer l’efficience du traitement oncologique et par tant le pronostic des malades. Cette intervention concerne des malades dits « fragiles », chez qui les facteurs, sur lesquels une intervention serait pertinente, sont révélés par une évaluation clinique spécifique, l’évaluation gériatrique multidimensionnelle. Une approche multidisciplinaire avec une collaboration étroite entre oncologues et gériatres est indispensable pour permettre une prise en charge la plus optimale possible de ces patientes âgées atteintes de cancer du sein et avancer dans l’élaboration d’essais cliniques spécifiques. Mots clés : Sujet âgé cancer du sein, oncogériatrie, évaluation gériatrique multidimensionnelle. Abstract Approximately one third of breast cancers occur in women over 70 years old. However, there is no current no care consensus for elderly patients, partly due to the great heterogeneity of this population. Oncogeriatric thinking is based on the idea that in some elderly patients, geriatric intervention will improve the efficacy of oncological treatment and therefore the patient’s prognosis. This intervention concerns so-called “frail” patients, for whom the pertinent factors for intervention are determinedby a specific clinical assessment: the comprehensive geriatric assessment. A multidisciplinary approach with close collaboration between oncologists and geriatricians is essential to provide optimal care for these elderly patients suffering from breast cancer, and make progress in designing specific clinical trials. Keywords : Elderly patient, breast cancer, oncogeriatrics, comprehensive geriatric assessment, geriatric oncology Introduction Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. En France 30 % de ces cancers concernent des femmes de plus de 70 ans. En 2005, un cancer sur 5 est diagnostiqué chez une femme de 75 ans ou plus. Les progrès de la prise en charge avec d’une part un dépistage plus précoce et donc la découverte de tumeur de petite taille, et, d’autre part des traitements plus efficaces, ont permis d’améliorer son pronostic au cours des décennies. La mortalité en France, reste stable depuis les années quatre-vingt mais le cancer du sein reste la première cause de décès par cancer chez la femme 1. Cette mortalité est directement liée au stade de la tumeur, à la prise en charge thérapeuVOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 tique, à l’âge de la patiente et aux co-morbidités. Paradoxalement alors que les cancers du sein chez la femme âgée sont diagnostiqués à un stade plus avancé avec trois fois plus de formes métastatiques d’emblée que chez la femme jeune, la mortalité spécifique diminue. Néanmoins le traitement standard est moins souvent proposé aux patientes et la tendance au sous traitement a des effets négatifs sur la survie ; par ailleurs les patientes âgées restent sous-représentées dans les essais cliniques même si la tendance actuelle est de proposer quelques essais spécifiques 2. L’intervention du gériatre est primordiale pour essayer de comprendre et résoudre le problème de la prise en charge des patientes âgées atteintes de cancer du sein, du dépis22 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 23 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women tage par le médecin traitant, au diagnostic et à l’adressage à l’oncologue ou dans le cadre d’une collaboration plus formelle avec les oncologues. Par analogie à d’autres situations morbides des sujets âgés 3,4, il est fait l’hypothèse qu’une prise en charge gériatrique est susceptible d’améliorer le pronostic des cancéreux âgés, par une meilleure prise en compte des comorbidités et problématiques psycho-sociales des malades et par une aide au choix de la meilleure stratégie thérapeutique oncologique initiale. Dossier thématique Review Le concept de fragilité des sujets âgés L’âge chronologique n’est pas suffisant pour apprécier l’état de santé d’une personne âgée, c’est pourquoi la littérature gérontologique préfère les classer en trois catégories : • Fit (que l’on pourrait traduire par « robustes ») • Frail (« fragiles ») • Too sick (« trop malades » pour recevoir un traitement lourd, notamment à visée curative) Les définitions opérationnelles ou les repérages cliniques sont aisés pour la troisième catégorie, représentant les malades âgés polypathologiques, en perte d’autonomie, notamment sur les activités de la vie quotidienne (ADL). Ces malades sont facilement identifiés par les médecins, quelle que soit leur formation. Plus difficile à résoudre est la différenciation entre patient robuste et patient fragile. Malgré une abondante littérature, aucune définition précise de la fragilité et de ses marqueurs, cliniques ou biologiques, n’existe 5,6. La notion de fragilité en tant que réduction des réserves bio-psycho-sociales est à l’origine du concept d’évaluation gériatrique multidimensionnelle (EGM). L’EGM permet d’identifier les problèmes d’un malade et en accord avec les bonnes pratiques cliniques de définir des stratégies thérapeutiques multidimensionnelles qui touchent au médical, au psycho-cognitif et au social. Jusqu’à présent aucun outil simple n’a pu résumer le concept de fragilité, même si le regard clinique d’un gériatre expérimenté est performant 7. L’intervention du gériatre dans le cas de la pathologie cancéreuse mammaire peut se situer à différents niveaux 1. Au moment du diagnostic, avant toute décision thérapeutique, lorsque la maladie est localisée. L’idée est de faire une évaluation globale de la patiente et d’assurer un suivi conjoint avec l’oncologue le cas échéant. Pour les tumeurs localisées pour lesquelles une chirurgie curatrice est envisageable le choix du traitement appartient évidemment au chirurgien et à l’anesthésiste en sachant qu’il faut savoir prendre son temps Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 23 pour expliquer le bénéfice d’une intervention parfois mutilante et souvent mal vécue par la patiente âgée. En l’absence de démence à un stade sévère, l’existence de troubles cognitifs même modérés n’est pas une contre-indication à un traitement chirurgical s’il est pertinent. L’intervention du gériatre peut alors être nécessaire en post-opératoire. Si une chimiothérapie adjuvante est décidée, l’évaluation gériatrique peut aider à apprécier le bénéfice escompté et anticiper certaines complications. 2. A un stade métastatique. Il s’agit alors d’une situation où la maladie n’est pas curable et où le bénéfice du traitement ne se mesurera pas seulement en gain de survie mais plutôt en terme de qualité de vie et d’amélioration des symptômes. La collaboration oncologue-gériatre prend alors tout son sens pour une évaluation la plus pertinente possible des bénéfices attendus des traitements eu égard aux effets secondaires potentiels. 3. Pour apprécier l’intérêt d’un dépistage individuel par la mammographie au-delà de 75 ans. Evaluation Gériatrique Multidimensionnelle (tableau I) Cette évaluation gériatrique multidimensionnelle n’est malheureusement pas consensuelle, elle est très longue et difficilement applicable à tous les patients. Différents outils sont à la disposition du clinicien. Leur utilisation dépend des habitudes de chacun, du temps disponible et des objectifs. • Concernant l’autonomie, pour les activités de la vie quotidienne on utilise l’échelle ADL (Activities of Daily Living) de Katz 8 qui évalue les transferts, la toilette, l’élimination, l’habillage et les repas et pour les activités insTableau I : Évaluation Gériatrique Multidimensionnelle Paramètre évalué Comorbidités Autonomie fonctionnelle Marche et équilibre Dépression Troubles cognitifs Etat nutritionnel Déficience sensorielle Traitements Conditions socio-familiales Évaluation Échelle CIRS-G Performance Status, ADL, IADL Nombre de chutes < 3 mois Appui monopodal Test de marche Timed get up and go GDS, miniGDS MMSE, test de l’horloge, BREF Perte de poids involontaire, BMI, Albumine, MNA Acuité visuelle et auditive, appareillage éventuel Liste des médicaments VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 24 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women trumentales de la vie quotidienne l’échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) de Lawton 9 qui évalue la capacité de prendre les transports en commun, de gérer la prise médicamenteuse, de faire le ménage, de préparer à manger, d’utiliser le téléphone et de gérer son budget. Il existe plusieurs versions de ces tests avec des cotations différentes. La perte d’autonomie pour l’une de ces activités est associée à une augmentation de la mortalité à 2 ans 10. La compensation par des professionnels d’une incapacité et le signalement aux structures de soins et d’aides communautaires pour une aide en urgence [Centre Local d’Information et de Coordination gérontologiques (CLIC) et service de soins infirmiers à domicile (SSIAD)] peut s’avérer nécessaire. • Les comorbidités sont associées à une réduction de l’espérance de vie et peuvent induire une moins bonne tolérance des traitements anticancéreux. Il existe plusieurs échelles évaluant l’impact sur la survie selon le nombre et la sévérité des comorbidités. L’échelle CIRS-G (Cumulative Index Rating Scale-Geriatric) a été validée en gériatrie et a l’avantage de s’adapter à la sévérité de la pathologie 11. • La polymédication, fréquente chez les sujets âgés, est souvent associée au nombre de comorbidités et peut interagir avec le traitement. Lister l’ensemble des traitements permet souvent l’identification d’une ordonnance inappropriée et la modification de celle-ci selon les recommandations de Beers 12,13. • L’existence ou non d’une dépression, dont la sémiologie peut être trompeuse chez la personne âgée, doit être recherchée par l’interrogatoire en s’aidant éventuellement d’échelles validées comme la GDS (Geriatric Depression Scale) ou la mini-GDS qui reprend 4 des items principaux. Le cas échéant on propose une prise en charge, pharmacologique ou non. • La dénutrition est fréquente chez la personne âgée et concerne un quart des patients atteints de cancer. Sa détection précoce est fondamentale car en dehors du retentissement sur l’état général il existe un risque de majoration des toxicités des traitements. La courbe de poids et le suivi des marqueurs biologiques (albumine, pré-albumine) sont utiles mais parfois insuffisants. Le recours à une évaluation plus fine peut s’avérer nécessaire, le MNA (Mini Nutritional Assessement) étant l’outil le plus utilisé, avec mise en place de mesures diététique (recours à une diététicienne ou prescription de surveillance biologique ou de suppléments nutritionnels). • La détection de troubles cognitifs est indispensable, en effet la présence d’une détérioration cognitive diminue en elle-même l’espérance de vie et peut compliquer la prise en charge en raison de troubles du comportement ou de la compréhension. Ces troubles cognitifs peuvent être détectés par le Mini Mental Status Examination VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 (MMSE), le test de l’horloge, la Batterie Rapide d’Efficience Frontale. La réalisation d’un bilan plus complet peut être prescrite (évaluation neuropsychologique, imagerie cérébrale) suivi de recommandations de prise en charge (traitement médicamenteux, rééducation orthophonique) en accord avec les bonnes pratiques cliniques. • Parmi les autres syndromes gériatriques, on s’intéresse aux troubles de la marche et de l’équilibre : par l’interrogatoire on évalue le nombre de chutes dans les 3 mois précédents, on s’aide de l’examen clinique, du test de marche 5 m, de l’appui unipodal, du timed get up and go pour les plus fréquents. Le test de Tinetti plus approfondi est en général fait par les kinésithérapeutes. Certaines actions correctrices comme la rééducation d’un trouble de la statique, le port de chaussures adaptées, l’intervention d’un ergothérapeute à domicile peuvent être bénéfiques. • Pour la détection des déficiences sensorielles : un questionnement simple de perception de difficulté, malgré un appareillage éventuel peut être suffisant en première intention. • Concernant les difficultés sociales éventuelles, on s’intéressera plutôt à l’isolement, variable plus prédictive de la capacité à rester à domicile et à optimiser le recours à l’hôpital. En gérontologie l’importance de la possibilité de mobilisation d’un proche dans l’urgence pour fournir une aide domestique et une présence est soulignée. Le « Screening » du patient Cette évaluation gériatrique étant difficilement applicable à tous les patients, la tendance est de demander aux oncologues de réaliser une mini-évaluation gériatrique pour un adressage plus pertinent au gériatre 14-18. Une étude nationale française est actuellement en cours pour valider un outil de dépistage gériatrique en oncologie : ONCODAGE, dont les résultats seront disponibles dans quelques mois. Conclusion Actuellement la politique du Plan Cancer en France, impulsée par l’Institut National du Cancer, est d’améliorer la prise en charge des cancéreux âgés par une intervention gériatrique à bon escient. On peut considérer que la proposition d’une intervention dans un axe de fragilité légitime l’adressage au gériatre. Cette coopération respectant les spécificités et compétences de chacun devrait permettre d’adapter au mieux les traitements, sans oublier que la collaboration oncologue – gériatre doit aussi s’inscrire dans le suivi. La nécessité d’une réévaluation régulière de la pertinence de la décision initiale est indispensable de même que le suivi de recommandations éventuelles. ■ 24 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 25 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women Dossier thématique Review Bibliographie : 1 Tretarre B, Guizard AV, Fontaine D et al. Cancer du sein chez la femme : incidence et mortalité, France 2000. BEH 2004 ; 44 : 209-10. 2 Wildiers H, Kunkler I, Biganzoli L et al. Management of breast cancer in elderly individuals : recommendations of the international society of geriatric oncology. Lancet Oncol 2007 ; 8 : 1101-15. 3 Rubenstein LZ, Josephson KR, Wieland GD et al. Effectiveness of a geriatric evaluation unit. A randomized clinical trial. N Engl J Med 1984 ; 311 : 1664-70. 4 Stuck A, Siu A, Wieland G et al. Comprehensive geriatric assessment : a Metaanalysis of controlled trials. Lancet 1993 ; 342 : 1032-6. 5 Walston J, Hadley EC, Ferrucci L et al. Research agenda for frailty in older adults : toward a better understanding of physiologogy and etiology : summary from the American Geriatrics Society/National Institute on Aging Research Conference on Frailty in Older Adults. J Am Geriatr Soc 2006 ; 54 : 991-1001. 6 Bergman H, Ferrucci L, Guralnik J et al. Frailty : an emerging research and clinical paradigm-issues and controversies. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2007 ; 62 : 731-7. 7 Rockwood K, Song X, McKnight C et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005 ; 173 : 489-95. 8 Katz S, Ford AB, Moskowitz RW et al. Studies of illness in the aged, the index of ADL : A standardized measure of biological and psychosocial function. JAMA 1963 ; 185 : 914-9. 9 Lawton MP, Brody EM. Assessment of older people : self-maintaining and instrumental activities of daily living. Gerontologist 1969 ; 9 : 179-86. Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 25 10 Ramos LR, Simoes EJ, Albert MS : Dependance in activities of daily living and cognitive impairment strongly predicted mortality in older urban residents in Brazil : A 2-year follow-up. J Am Geriatr Soc 2001 ; 49 : 1168-75. 11 Parmelee PA, Thuras PD, Katz IR et al. Validation of the Cumulative Illness Rate Scale in geriatric residential population. J Am Geriatr Soc 1995 ; 43 : 130 – 7. 12 Beers MH. Explicit criteria for determining potentially inappropriate medication use by the elderly. An update. Arch Intern Med 1997 ; 157 : 1531-6. 13 Lechevallier-Michel N, Gautier-Bertrand M, Alperovitch A et al. The 3C Study group. Frequency and risk factors of potentially inappropriate medication use in a community-dwelling elderly population : results from the 3C Study. Eur J Clin Pharmacol 2005 ; 60 : 813-9. 14 Overcash JA, Beckstead J, Moody L et al. The abbreviated comprehensive assessment (aCGA) for use in older cancer patient as a pre-screen : scoring and interpretation. Crit Rev Oncol Hematol 2006 ; 59 : 205-10. 15 Roehrig B, Hoeffken K, Pientka L et al. How many and which items of activities of daily living (ADL) and instrumental activities of daily living (IADL) are necessary for screening. Crit Rev Oncol Hematol 2007 ; 62 : 164-71. 16 Saliba D, Elliott M, Rubenstein LZ et al. The vulnerable elders survey : a tool for identifying vulnerable older people in the community. J Am Geriatr Soc 2001 ; 49 : 1691-9. 17 Min LC, Elliott MN, Wenger NS et al. Higher vulnerable elders survey scores predict death and functional decline in vulnerable older people. J Am Geriatr Soc 2006 ; 54 : 507-11. 18 Fried LP, Tangen CM, Walston J et al. Frailty in older adults. Evidence for a phenotype. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001 ; 56 : M146 – M156. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 26 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women Faut-il traiter toutes les patientes porteuses d’un cancer du sein après 70 ans ? Should we treat every woman with breast cancer after the age of 70? V. Girrea, E. Brainb a. Institut Curie, Département d’Oncologie Médicale ; Unité Pilote d’Onco-Gériatrie de l’Ouest Parisien (POGOP), Paris, France b. Centre René Huguenin, Département d’Oncologie Médicale – Paris, France Correspondance : [email protected] Résumé Le cancer du sein touche principalement les femmes âgées et son traitement nécessite une prise en charge adaptée. La collaboration entre oncologues et gériatres se développe et permet de développer et d’améliorer les soins. Cependant le diagnostic reste souvent tardif et de nombreuses questions se posent encore sur le meilleur traitement adjuvant à proposer. La chirurgie doit rester un des piliers de cette prise en charge, souvent associée à une radiothérapie et à un traitement médical. L’hormonothérapie demeure le traitement de choix dans la majorité des cas, mais ses effets secondaires doivent être connus et anticipés. La question de chimiothérapie doit être posée lors de tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux et le développement des thérapies ciblées modifie également l’éventail thérapeutique dans cette population spécifique. Mots clés : Cancer du sein, patients âgés, traitement adjuvant, chimiothérapie, hormonothérapie, thérapie ciblée. Abstract Breast cancer affects mainly older women and its treatment requires appropriate procedures. Co-operation between oncologists and geriatricians is growing and leading to improved medical care. However diagnosis is often late and there are still many questions concerning the most appropriate adjuvant treatment to propose. Surgery must remain one of main aspects of treatment for women in reasonable health, often combined with radiotherapy and medical treatment. Hormone therapy should still be the treatment of choice in most cases for women with oestrogen-receptor positive tumours but side effects must be known and anticipated. The use of chemotherapy should be considered in hormone-receptor negative tumours and the development of targeted treatments also improves the range of treatments available to this specific population. Keywords : Breast cancer, elderly patients, adjuvant treatment, chemotherapy, hormone therapy, targeted treatments. L’ incidence du cancer du sein augmente de façon importante et constante depuis 25 ans : le taux d’incidence standardisé a presque doublé, passant de 56,8 en 1980 à 101,5 en 2005. Le taux d’évolution, en moyenne de 2,4 % par an entre 1980 et 2005, est cependant légèrement moins important sur la période entre 2000 et 2005 (+ 2,1 % par an). Des données récentes de l’Assurance Maladie 1 laissent présager une diminution de l’incidence chez les femmes de 55 ans et plus dans les années 2005-2006 qui pourrait être en partie due à la diminution massive de prescriptions des traitements substitutifs de la ménopause à partir de l’année 2000. Les estimations pour l’année 2008 publiées dans le rapport de l’Institut National du Cancer (P. Groslande et al. 2009. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 www.e-cancer.fr) retrouvent que 21 % des cancers du sein surviennent entre 65 et 74 ans, 15 % entre 75 et 84 ans et 5,4 % après 85 ans. Le cancer du sein se situe au 1er rang des décès par cancer chez la femme avec plus de 11 000 décès par an, soit 7,7 % de l’ensemble des décès par cancer. Le cancer du sein est lui-même responsable de 73 % des décès chez les patientes de 50 à 54 ans, mais ce taux de mortalité spécifique chute à 29 % après 85 ans 2. Dans certains centres la mortalité spécifique des patientes de plus de 70 ans présentant un cancer du sein opérable est de 49 % 3 d’où l’importance de l’évaluation oncogériatrique pour étudier les différents facteurs de risque ou comorbidités qui peuvent avoir un pronostic plus péjoratif que le cancer en lui-même. La mortalité, qui était 26 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 27 Dossier thématique Review Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women restée stable depuis 1980, amorce une décroissance depuis 2000 : le taux d’évolution annuel de la mortalité était de -0,4 % en moyenne sur l’ensemble de la période 19802005 alors qu’il affiche -1,3 % sur la dernière période 20002005. Presque 19 % des décès par cancer du sein surviennent entre 65 et 74 ans, 25 % entre 75 et 84 ans et 19 % après 85 ans (www.e-cancer.fr). Les études épidémiologiques ont montré l’importance du diagnostic précoce : lorsque la taille de la tumeur est inférieure à 1 cm, sans envahissement ganglionnaire, les chances de survie à 5 ans sont d’au moins 90 % alors qu’elles sont de l’ordre de 55 % en cas d’atteinte. Or le dépistage systématique par mammographie ne concerne pas les femmes de 75 ans et plus. Ce dépistage de masse permet une diminution de la mortalité par cancer du sein d’environ 30 % mais s’arrête à 74 ans. Une étude publiée en 2008 4 concernant le nombre de mammographies réalisées par les patientes de plus de 80 ans dans les années précédant le diagnostic de cancer du sein a permis de montrer que la survie spécifique à 5 ans était de 82 % chez les patientes n’ayant pas réalisé de mammographies régulières, de 88 % chez les utilisatrices irrégulières et de 94 % chez les patientes ayant fait régulièrement des mammographies. Cependant la mortalité non spécifique était également corrélée à la fréquence des mammographies, ce qui est en faveur d’un biais de sélection: les femmes réalisant régulièrement des mammographies sont les femmes en bon état général, sans trop de comorbidités associées. La conclusion de cette étude était en faveur d’un dépistage au cas par cas. On sait en effet que le taux de mortalité non spécifique lors des cancers du sein est 20 fois plus élevé en cas de comordités supérieures ou égales à 3 5, ce qui peut expliquer l’absence de bénéfice du dépistage organisé dans la population très âgée (après 80 ans), population encore plus touchée par les comorbidités multiples, mais il demeure capital de diagnostiquer précocement des petites tumeurs, de meilleur pronostic, chez les patientes âgées en bon état général. Tous ces chiffres prouvent l’importance de la prise en charge globale du patient. Une évaluation onco-gériatrique (cf. article du même dossier de M. Gisselbrecht), réalisée à la phase initiale de la prise en charge aidera à la mise en évidence des différentes comorbidités ou des éventuels troubles cognitifs qui peuvent influencer péjorativement le pronostic. La collaboration entre gériatre et oncologue est une aide à la détermination du bénéfice-risque des traitements et au suivi des patients, en relation avec le médecin traitant. Cette collaboration peut changer ou moduler l’indication thérapeutique 6. D’un point de vue histologique, le cancer du sein de la femme âgée diffère peu de celui de la femme plus jeune : il s’agit dans la majorité des cas d’adénocarcinomes canaLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 27 laires infiltrants. Les cancers lobulaires et mucineux seraient plus fréquents 7. La différence majeure est l’expression des récepteurs hormonaux (RH) qui augmentent en fonction de l’âge, avec environ 80 % d’expression des récepteurs aux œstrogènes après 70 ans 3, 8. Dans le cancer du sein localisé, l’indication chirurgicale, sous réserve de l’absence de contre-indication anesthésique, est la même que chez les patients plus jeunes et est aussi bien supportée 9, avec un taux de mortalité très faible < 0.3 % 10. Le développement de la technique du ganglion sentinelle, diminuant le nombre de curage axillaire, est applicable à cette population âgée et permet de diminuer la morbidité chirurgicale 11, 12. La chirurgie reste une étape capitale dans le traitement d’un cancer mammaire et l’hormonothérapie seule ne doit pas être considérée comme un traitement suffisant dans cette population, exposant les patientes à un sous-traitement 13, 14. En ce qui concerne la radiothérapie, un hypo-fractionnement peut être proposé : il s’agit d’utiliser des doses par séance plus élevées qu’en étalement fractionnement dit « conventionnel ». L’intérêt est de diminuer le nombre de séances (exemple: 7 fractions de 6,5 Gy avec une séance par semaine au lieu des 32 fractions de 2 Gy avec un étalement de 5 séances par semaine) et donc diminuer les trajets domicile-hôpital, responsables d’une grande fatigue (cf. article du même dossier de Y. Kirova et B. Cutuli). D’autres types de radiothérapie se développent également dans cette indication comme la curiethérapie interstitielle, développée dans une phase II (Étude GERICO 3 de la Fédération Nationale des Centres de Lutte contre le Cancer). En ce qui concerne le traitement médical, lorsque la tumeur exprime des récepteurs hormonaux (RH), récepteurs aux œstrogènes (RO ou RE) et récepteurs à la progestérone (RP), un traitement hormonal par anti-aromatase (Fémara® = létrozole, Arimidex® = anastrozole) pour une durée de 5 ans est justifié et efficace. En revanche les effets secondaires de ces traitements, généralement bien tolérés, ne doivent pas être négligés, en particulier le risque ostéoporotique avec augmentation du risque fracturaire et les éventuels troubles cognitifs 15. Une supplémentation en calcium et vitamine D doit être instaurée 16, une ostéoporose recherchée et traitée par bisphosphonates, tout en restant vigilant sur les limites de ce traitement et en s’aidant des recommandations de la SIOG (Société Internationale d’Onco-Gériatrie) 17. Ces effets secondaires peuvent engendrer une moindre observance des traitements et l’indication des antiaromatases doit toujours être discutée et comparée à l’utilisation du tamoxifène qui a toujours sa place dans le traitement adjuvant, même si l’impact sur le taux réciVOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 28 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women dive est moins important 18, 19 (différence de 3 %), ce d’autant plus que dans les études avec les anti-aromatases, l’âge médian est souvent inférieur à 65 ans. Cinq ans de tamoxifène réduit le risque de récidive de 41 % et la mortalité par cancer du sein de 34 % 20, mais augmente le risque thrombo-embolique, ce qui peut avoir un retentissement important chez des patientes à faible mobilité. Muss et collaborateurs 21 se sont intéressés à l’efficacité, la toxicité mais aussi à la qualité de vie des patientes âgées traitées par létrozole ou placebo après 5 ans de tamoxifène, dans le cadre de l’étude MA 17 : le bénéfice en survie sans récidive de l’ajout du létrozole n’est statistiquement significatif que pour les patientes de moins de 60 ans, en revanche il n’y a pas d’interaction entre l’âge et le traitement. Le choix du traitement par anti-œstrogènes et les antiaromatases dépendra donc de l’évaluation initiale et des différentes comorbidités ou fragilités décelées. La chimiothérapie adjuvante pose également de très nombreuses questions. L’indication se discute en cas de tumeurs n’exprimant pas les récepteurs hormonaux. En effet une analyse rétrospective américaine 22 menée sur plus de 40 000 dossiers de patients de plus de 65 ans a montré que la chimiothérapie n’est pas associée à une augmentation de la survie en cas de tumeurs RE +, quel que soit l’envahissement ganglionnaire associé, mais qu’elle est associée à une diminution de la mortalité (mortalité spécifique) en cas de tumeur non hormono-sensible (RE-) avec envahissement ganglionnaire axillaire, et ce même après 70 ans. Mais le choix de la chimiothérapie reste à définir. Les nombreuses études menées chez le patient plus jeune ont permis de définir une des références actuelles qui est de 3 cures de FEC (5 Fluoro-uracile, Epirubicine, Cyclophosphamide) suivies de 3 cures de Taxane. Mais aucune étude ne permet de définir le traitement de référence chez les patientes de plus de 65 ans. Une étude française publiée en 2004 23 a validé la faisabilité des anthracyclines chez le sujet âgé et l’essai GERICO 6 (Groupe GERICO de la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer) a confirmé l’intérêt des anthracyclines en adjuvant, sans retentissement néfaste sur le statut fonctionnel des patientes (publication en cours). Se pose en effet la question du retentissement de ces traitements en terme de toxicité, de qualité de vie chez ces patientes souvent plus vulnérables. Une étude de Hurria réalisée chez 50 patientes de plus de 65 ans recevant une chimiothérapie adjuvante (anthracycline ou protocole CMF : Cyclophosphamide, Méthotrexate et 5 Fluoro-uracile), a montré que malgré une toxicité importante (grade 34) chez 53 % des patientes, la qualité de vie et le statut fonctionnel (Activités de la Vie Quotidienne) n’étaient VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 pas modifiés de façon significative 24. Il faut donc garder en tête l’objectif de ces traitements, « primum non nocere », tout en essayant de ne pas sous-traiter ces patients. Muss et collaborateurs 25 viennent de publier dans ce sens une étude de non infériorité, comparant la capecitabine avec un traitement « standard » de type CMF (Cyclophosphamide, Methotrexate, 5 Fluoro-uracile) ou AC (Adriamycine – Cyclophosphamide) en adjuvant chez les patientes de plus de 65 ans. L’objectif principal est la survie sans récidive (SSR) : à 3 ans, la SSR sous capecitabine est de 68 % versus 85 % dans le bras chimiothérapie « standard » et le taux de survie globale respectivement de 86 % versus 91 %. En ce qui concerne les thérapies ciblées, en particulier le trastuzumab (Herceptin®) pour les patientes surexprimant HER2, il n’existe pas d’étude spécifique aux sujets âgés. Dans 2 des principales études ayant validé l’utilisation de trastuzumab en adjuvant 26, 27, 16 % des patientes avaient plus de 65 ans. La troisième étude (FinHer 28) se limitait quant à elle aux patientes de moins de 66 ans. De plus dans l’étude Hera, le bénéfice de trastuzumab semble plus limité après 65 ans (intervalle de confiance plus lâche). Exceptée la toxicité cardiaque majorée dans la population âgée, le trastuzumab ne présente pas de contre-indication liée à l’âge 29. Une autre molécule ciblant HER2 mais aussi l’EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor), le lapatinib (Tyverb®) a l’AMM dans les cancers du sein métastatiques, associé à la capecitabine 30, mais sans donnée d’efficacité ni de tolérance dans la population âgée. Une étude de phase II, spécifique à cette population va débuter début 2010 dans le cadre du PAC GERICO (Programme Action Concertée) de la Fédération des Centres de Lutte contre le Cancer. Le bevacizumab (Avastin®), traitement anti-angiogénique, ciblant le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) est validé en phase métastatique en association avec les taxanes 31 (docetaxel ou paclitaxel), mais les données spécifiques aux patientes âgées de plus de 70 ans manquent. Récemment, Xavier Pivot a rapporté au congrès de l’ASCO 2009 les résultats d’une analyse rétrospective des données de l’étude AVADO, analysant le bénéfice clinique de l’Avastin® associé au Taxotère® chez les patientes de plus de 65 ans. Dans cette étude rétrospective l’ajout d’Avastin® a généralement été bien toléré chez les patientes de plus de 65 ans présentant un cancer du sein métastatique. L’amplitude du bénéfice clinique chez les patientes âgées de plus de 65 ans était similaire à celui de la population globale sans atteindre de différence significative, probablement du à la petite taille de l’échantillon [J Clin Oncol 27 : 15s, 2009 (suppl ; abstr 1094)]. Des études complémentaires sont nécessaires afin de connaître la véritable place de ce traitement en phase métastatique chez les patientes âgées. 28 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 29 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women En conclusion, les études portant sur la prise en charge des patientes âgées se multiplient mais demeurent en nombre insuffisant pour définir de véritables référentiels de traitements. La Société Internationale d’OncoGériatrie (SIOG) a publié des recommandations dans Lancet Oncology en 2007 permettant d’aider à la décision thérapeutique 32. Il est certain qu’un traitement sub-optimal est néfaste en terme de survie 33, mais que la qualité de vie doit rester un objectif important dans cette population âgée Dossier thématique Review Bibliographie : 1 Allemand H, Seradour B, Weill A, Ricordeau P. [Decline in breast cancer incidence in 2005 and 2006 in France: a paradoxical trend]. Bull Cancer. 2008 Jan; 95 (1): 11-5. 2 Diab SG, Elledge RM, Clark GM. Tumor characteristics and clinical outcome of elderly women with breast cancer. J Natl Cancer Inst. 2000 Apr 5 ; 92 (7) : 550-6. 3 Pierga JY, Girre V, Laurence V, Asselain B, Dieras V, Jouve M, et al. Characteristics and outcome of 1755 operable breast cancers in women over 70 years of age. Breast. 2004 Oct ; 13 (5) : 369-75. 4 Badgwell BD, Giordano SH, Duan ZZ, Fang S, Bedrosian I, Kuerer HM, et al. Mammography before diagnosis among women age 80 years and older with breast cancer. J Clin Oncol. 2008 May 20 ; 26 (15) : 2482-8. 5 Satariano WA, Ragland DR. The effect of comorbidity on 3-year survival of women with primary breast cancer. Ann Intern Med. 1994 Jan 15 ; 120 (2) : 104-10. 6 Girre V, Falcou MC, Gisselbrecht M, Gridel G, Mosseri V, Bouleuc C, et al. Does a geriatric oncology consultation modify the cancer treatment plan for elderly patients? J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2008 Jul ; 63 (7) : 724-30. 7 Wyld L, Reed MW. The need for targeted research into breast cancer in the elderly. Br J Surg. 2003 Apr ; 90 (4) : 388-99. 8 Grann VR, Troxel AB, Zojwalla NJ, Jacobson JS, Hershman D, Neugut AI. Hormone receptor status and survival in a population-based cohort of patients with breast carcinoma. Cancer. 2005 Jun 1 ; 103 (11) : 2241-51. 9 Audisio RA, Bozzetti F, Gennari R, Jaklitsch MT, Koperna T, Longo WE, et al. The surgical management of elderly cancer patients; recommendations of the SIOG surgical task force. Eur J Cancer. 2004 May ; 40 (7) : 926-38. 10 Audisio RA. The surgical risk of elderly patients with cancer. Surg Oncol. 2004 Dec ; 13 (4) : 169-73. 11 Veronesi U, Galimberti V, Mariani L, Gatti G, Paganelli G, Viale G, et al. Sentinel node biopsy in breast cancer : early results in 953 patients with negative sentinel node biopsy and no axillary dissection. Eur J Cancer. 2005 Jan ; 41 (2) : 231-7. 12 Gennari R, Rotmensz N, Perego E, dos Santos G, Veronesi U. Sentinel node biopsy in elderly breast cancer patients. Surg Oncol. 2004 Dec ; 13 (4) : 193-6. 13 Hind D, Wyld L, Beverley CB, Reed MW. Surgery versus primary endocrine therapy for operable primary breast cancer in elderly women (70 years plus). Cochrane Database Syst Rev. 2006 (1) : CD004272. 14 Bouchardy C, Rapiti E, Fioretta G, Laissue P, Neyroud-Caspar I, Schafer P, et al. Undertreatment strongly decreases prognosis of breast cancer in elderly women. J Clin Oncol. 2003 Oct 1 ; 21 (19) : 3580-7. 15 Bender CM, Sereika SM, Brufsky AM, Ryan CM, Vogel VG, Rastogi P, et al. Memory impairments with adjuvant anastrozole versus tamoxifen in women with early-stage breast cancer. Menopause. 2007 Nov-Dec ; 14 (6) : 995-8. 16 Hadji P, Body JJ, Aapro MS, Brufsky A, Coleman RE, Guise T, et al. Practical guidance for the management of aromatase inhibitor-associated bone loss. Ann Oncol. 2008 Aug ; 19 (8) : 1407-16. 17 Body JJ, Coleman R, Clezardin P, Ripamonti C, Rizzoli R, Aapro M. International Society of Geriatric Oncology (SIOG) clinical practice recommendations for the use of bisphosphonates in elderly patients. Eur J Cancer. 2007 Mar ; 43 (5) : 852-8. 18 Howell A, Cuzick J, Baum M, Buzdar A, Dowsett M, Forbes JF, et al. Results of the ATAC (Arimidex, Tamoxifen, Alone or in Combination) trial after completion of 5 years’adjuvant treatment for breast cancer. Lancet. 2005 Jan 1-7; 365 (9453): 60-2. 19 Forbes JF, Cuzick J, Buzdar A, Howell A, Tobias JS, Baum M. Effect of anastrozole and tamoxifen as adjuvant treatment for early-stage breast cancer : 100-month analysis of the ATAC trial. Lancet Oncol. 2008 Jan ; 9 (1) : 45-53. Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 29 et que le choix des patientes reste primordial. Une étude franco-américaine a montré que les patients âgés souhaitent dans environ 70 % des cas être traités même si le traitement doit comporter une chimiothérapie aux effets secondaires importants 34, il est donc justifié de proposer aux patients âgés un avis spécialisé. Le développement d’essais thérapeutiques spécifiques à cette population et incluant des critères « gériatriques » permettra de poser de bonnes indications et d’améliorer la prise en charge des patients. ■ 20 Effects of chemotherapy and hormonal therapy for early breast cancer on recurrence and 15-year survival : an overview of the randomised trials. Lancet. 2005 May 14-20 ; 365 (9472) : 1687-717. 21 Muss HB, Tu D, Ingle JN, Martino S, Robert NJ, Pater JL, et al. Efficacy, toxicity, and quality of life in older women with early-stage breast cancer treated with letrozole or placebo after 5 years of tamoxifen : NCIC CTG intergroup trial MA.17. J Clin Oncol. 2008 Apr 20 ; 26 (12) : 1956-64 22 Giordano SH, Duan Z, Kuo YF, Hortobagyi GN, Goodwin JS. Use and outcomes of adjuvant chemotherapy in older women with breast cancer. J Clin Oncol. 2006 Jun 20 ; 24 (18) : 2750-6. 23 Fargeot P, Bonneterre J, Roche H, Lortholary A, Campone M, Van Praagh I, et al. Disease-free survival advantage of weekly epirubicin plus tamoxifen versus tamoxifen alone as adjuvant treatment of operable, node-positive, elderly breast cancer patients : 6-year follow-up results of the French adjuvant study group 08 trial. J Clin Oncol. 2004 Dec 1 ; 22 (23) : 4622-30. 24 Hurria A, Zuckerman E, Panageas KS, Fornier M, D’Andrea G, Dang C, et al. A prospective, longitudinal study of the functional status and quality of life of older patients with breast cancer receiving adjuvant chemotherapy. J Am Geriatr Soc. 2006 Jul ; 54(7) : 1119-24. 25 Muss HB, Berry DA, Cirrincione CT, Theodoulou M, Mauer AM, Kornblith AB, et al. Adjuvant chemotherapy in older women with early-stage breast cancer. N Engl J Med. 2009 May 14 ; 360 (20) : 2055-65. 26 Romond EH, Perez EA, Bryant J, Suman VJ, Geyer CE, Jr., Davidson NE, et al. Trastuzumab plus adjuvant chemotherapy for operable HER2-positive breast cancer. N Engl J Med. 2005 Oct 20 ; 353 (16) : 1673-84. 27 Piccart-Gebhart MJ, Procter M, Leyland-Jones B, Goldhirsch A, Untch M, Smith I, et al. Trastuzumab after adjuvant chemotherapy in HER2-positive breast cancer. N Engl J Med. 2005 Oct 20 ; 353 (16) : 1659-72. 28 Joensuu H, Bono P, Kataja V, Alanko T, Kokko R, Asola R, et al. Fluorouracil, epirubicin, and cyclophosphamide with either docetaxel or vinorelbine, with or without trastuzumab, as adjuvant treatments of breast cancer : final results of the FinHer Trial. J Clin Oncol. 2009 Dec 1 ; 27 (34) : 5685-92. 29 Tan-Chiu E, Yothers G, Romond E, Geyer CE, Jr., Ewer M, Keefe D, et al. Assessment of cardiac dysfunction in a randomized trial comparing doxorubicin and cyclophosphamide followed by paclitaxel, with or without trastuzumab as adjuvant therapy in node-positive, human epidermal growth factor receptor 2-overexpressing breast cancer : NSABP B-31. J Clin Oncol. 2005 Nov 1 ; 23 (31) : 7811-9. 30 Geyer CE, Forster J, Lindquist D, Chan S, Romieu CG, Pienkowski T, et al. Lapatinib plus capecitabine for HER2-positive advanced breast cancer. N Engl J Med. 2006 Dec 28 ; 355 (26) : 2733-43. 31 Miller K, Wang M, Gralow J, Dickler M, Cobleigh M, Perez EA, et al. Paclitaxel plus bevacizumab versus paclitaxel alone for metastatic breast cancer. N Engl J Med. 2007 Dec 27 ; 357 (26) : 2666-76. 32 Wildiers H, Kunkler I, Biganzoli L, Fracheboud J, Vlastos G, Bernard-Marty C, et al. Management of breast cancer in elderly individuals: recommendations of the International Society of Geriatric Oncology. Lancet Oncol. 2007 Dec; 8 (12): 1101-15. 33 Giordano SH, Hortobagyi GN, Kau SW, Theriault RL, Bondy ML. Breast cancer treatment guidelines in older women. J Clin Oncol. 2005 Feb 1 ; 23 (4) : 783-91. 34 Extermann M, Albrand G, Chen H, Zanetta S, Schonwetter R, Zulian GB, et al. Are older French patients as willing as older American patients to undertake chemotherapy ? J Clin Oncol. 2003 Sep 1 ; 21 (17) : 3214-9. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 30 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women Radiothérapie du cancer du sein chez la femme âgée Breast cancer radiotherapy in elderly women Y. Kirovaa, B. Cutulib a. Departement d’Oncologie Radiothérapie, Institut Curie, 26 Rue d’Ulm, 75005 Paris, France b. Service de Radiothérapie, Oncologie, Polyclinique de Courlancy, 38 Rue de Courlancy, 51100 Reims, France Correspondance : [email protected], [email protected] Résumé Globalement, la radiothérapie (RT) permet une réduction de 60 à 70 % des récidives locorégionales mais également une augmentation de la survie à long terme de 8-9 %. Après chirurgie conservatrice, la RT permet de réduire les taux de rechute locale à 10 ans de 20-25 % à 5-8 %. Divers essais randomisés et la méta-analyse l’ont confirmé. Le remplacement de la RT par l’hormonothérapie aboutit à des taux de récidives locales significativement plus élevés. Afin de faciliter l’irradiation des personnes âgées, en particulier en cas de comorbidités associées, des schémas de RT hypo-fractionnée peuvent être utilisés. Les protocoles thérapeutiques des cancers du sein (CS) chez la femme âgée s’écartent souvent des protocoles habituels sans raisons valables. L’âge physiologique doit être pris en considération. Si l’âge physiologique est satisfaisant, les schémas thérapeutiques doivent être les mêmes que chez la femme plus jeune. Sinon, techniques et doses adaptées peuvent être proposées. Mots clés : Cancer du sein, femme âgée, radiothérapie, hypo-fractionnement. Abstract Globally, RT reduces local recurrence rates (LRR) rates by 60-70% and also increases long-term survival rates by 8-9%. After breast conserving surgery, several randomised trials and a meta-analysis confirmed that RT decreases 10-year local recurrence rates from 20-25% to 5-8%. RT replacement by hormonal treatment leads to significantly higher LRR rates. To facilitate irradiation in elderly women, particularly where there are comorbidities, hypo fractionated RT schemes could be used. Treatment protocols for breast cancer in elderly women often differ from standard protocols for no valid reason. Physiological age must be taken into consideration. If the physiological age is satisfactory, treatment schemes must be the same as those used for younger women, otherwise appropriate techniques and doses may be proposed. Keywords : Breast cancer, elderly woman, radiotherapy, hypo fractionation. Introduction La radiothérapie du sein diminue le risque de récidive locale de plus de 60 % après chirurgie conservatrice ou après mastectomie. Dans les formes à haut risque de récidive, cette action locorégionale de la radiothérapie se traduit par un bénéfice de survie à long terme 1-3. La définition de « femme âgée » varie selon les études et le « cut off » est souvent de 65 ans outre Atlantique et de 70 ans en Europe 4. L’âge médian de survenue des CS aux États-Unis (EU) est désormais de 61 ans d’après les dernières données des registres SEER (Surveillance Epidemiology and End Results) qui représentent environ 15 % de la population américaine. En VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 2000, il y avait 35 millions de femmes de 65 ans et plus aux EU et, compte tenu de l’augmentation progressive de l’espérance de vie (actuellement de 81 ans), ce chiffre doublera en 2030 4. On prévoit donc que parmi les nouveaux cancers du sein diagnostiqués, la proportion de femmes de 65 ans va passer de 34 % en 2000 à 70 % en 2030. Dans les pays occidentaux, environ 20 % de la population est âgée de 70 ans et plus. Dans trois études de cohortes 5 réalisées en 2001-2002 et 2007-2008 (en France et en Italie) les pourcentages de CS diagnostiqués chez des patientes de 70 ans et plus étaient de 20 %, 18.5 % et 22.4 % parmi 1 159, 3 532 et 1 647 patientes respectivement. 30 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 31 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women Dossier thématique Review Radiothérapie après mastectomie Tabelau 1 : Essais randomisés comparant, après chirurgie conservatrice (CC), Tamoxifène (TAM) ou Anastrozole (ANA) et Radiothérapie (RT) Dans les trois études précédemSuivi Groupes Age Récidives ment citées, les taux de mas- Auteurs/Période Références (Mois) (Années) Locales (%) tectomie pour l’ensemble de la Potter et al. (18) 54 CC + TAM/ANA : 414 > 50 5.1 population étaient de 23 % en CC + RT + TAM/ANA : 417 0.4 France et 37.8 % en Italie res- (1996-2004) Fyles et al. (16) 66 CC + TAM : 383 > 50 7.7 pectivement. Pour les femmes (1992-2000) CC + RT + TAM : 386 0.6 de 70 ans et plus, ces pourHughes et al. (17) 60 CC + TAM : 319 > 70 5 centages étaient de 37 % et (1994-1999) CC + RT + TAM : 317 0.6 48 % dans les deux cohortes française et italienne de 2001-2002 5, mais avaient diminué à 28.2 % dans la cohorte française (ou l’anastrozole) à la radiothérapie 16-18. Les résultats de 2007-2008, et cela grâce à la généralisation du dépisen termes de récidives loco régionales sont montrés dans tage au plan national depuis 2003-2004, qui a permis le tableau 1 et sont hautement significatives en faveur de découvrir plus de 50 % de lésions infracliniques parmi de la radiothérapie. les patientes de 50 à 74 ans. L’efficacité de la radiothéDans une grande étude multicentrique franco-italienne rapie (RT) locorégionale après mastectomie est connue ayant inclus 910 patientes (927 cancers T1T2 traités et conseillée en cas de N + (envahissement ganglionentre 1983 et 2000), les taux de RL et ganglionnaires naire) 1, 6, 7. ont été de 3 % et 0.7 % respectivement avec 65 mois Ce bénéfice a été longtemps difficile à mettre en évidence, de recul. Les RL ont été de 2.7 % et 3.7 % (p = NS) car les « anciennes » techniques d’irradiation par photons parmi les 794 cas (87 %) traités en fractionnement classeuls de larges volumes ont entraîné des toxicités imporsique (50 Gy/25 fr. avec une surimpression de 10 Gy tantes pour les organes à risque et en particulier le cœur, dans 65 % des cas) et les 133 (13 %) ayant reçu un avec une surmortalité par maladie coronarienne, réduisant schéma hypo fractionné de 32.5 Gy en 5 fractions (6.5 de façon importante le bénéfice apporté par l’irradiation 8. Gy/1 fois/semaine). Aucun facteur de risque significaDes nouvelles techniques peu toxiques sont actuellement tif de RL n’a pu être mis en évidence dans cette étude 19. proposées pour cette population de patientes 9. En cas Le risque métastatique est par contre corrélé significade besoin d’irradiation ganglionnaire, une définition stricte tivement à l’envahissement ganglionnaire (pN0 : 6 %, de volumes d’irradiation est nécessaire pour protéger au pN1-3 : 9.5 % et pN > 3 : 34.7 % p < 0.0001), à la taille maximum les tissus sains 9-12. tumorale (pT1 : 7 % versus pT2 : 13.6 % p = 0.0002) mais également à la survenue d’une récidive locale Radiothérapie après chirurgie (29.2 % versus 8.2 % ; p = 0.002). conservatrice Une étude de l’Institut Curie, incluant 367 patientes Plusieurs essais randomisés et méta analyses ont de 70 ans et plus traitées entre 1995 et 1999 a retrouvé confirmé une réduction très significative des rechutes également avec un recul de 93 mois, des résultats comlocales avec l’adjonction de la radiothérapie après la chiparables en terme de contrôle locorégional (93 % et 87 %) dans le groupe de traitement classique (317 cas) et celui rurgie conservatrice 1, 6. Chez les patientes de 70 ans d’une irradiation hypo fractionnée (50 cas). Aucune difet plus, l’association le traitement par chirurgie conserférence n’a été observée en termes de survie spécifique, vatrice et radiothérapie permet à 5 ans un contrôle local de survie sans récidive et de survie sans métastase 20. de l’ordre de 95 %. Dans deux séries anciennes n’ayant pas utilisé de RT 13,14, les taux de récidives locales (RL) Dans cette étude, les facteurs de risque de rechute métastaà 47 et 51 mois étaient de 20 % et 38 % parmi 88 et tique étaient la taille (T2 versus T1 : RR = 3 ; p = 0.019), 58 patientes (de 70 ans et plus) respectivement. Toutefois le N clinique (N1b versus N0-N1a : RR = 4.2 ; p = 0.0017) ce taux est seulement de 5,4 % dans une série autriet le statut des récepteurs œstrogéniques (RE + verchienne plus récente ayant inclus 183 patientes de sus RE- : 4.5). L’équipe de Nice a rapporté d’excellents 60 ans et plus 15. Plusieurs essais ont posé la quesrésultats suite à l’utilisation de la RT hypo-fractiontion sur la possibilité d’éviter l’irradiation chez les pernée 21. La possibilité de diminuer le nombre de fracsonnes « âgées » de plus de 50 ans et « de remplacer » tions pour adapter le traitement à l’âge de la patiente la radiothérapie par une hormonothérapie chez les et son état général est une possibilité d’améliorer la quapatientes RH +. Trois essais randomisés ont comparé, lité de vie de la personne âgée. de façon similaire après chirurgie conservatrice et pour Une autre préoccupation de l’oncologue radiothérapeute des tumeurs à bas risque (T1N0 RE +), le tamoxifène est de diminuer la toxicité de l’irradiation et proposer des Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 31 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 32 Le cancer du sein de la femme âgée • Breast cancer in older women techniques alternatives à la radiothérapie classique pour éviter l’irradiation des organes critiques comme le cœur et les poumons 22. A l’Institut Curie l’alternative à l’irradiation du sein en DD est proposée : l’irradiation en décubitus latéral isocentrique (DLI) 22. Elle est basée sur le principe de détacher la glande de la paroi thoracique afin de réduire ou d’éliminer l’irradiation du poumon et du cœur (Figure 1). Elle s’adresse aux patientes qui ont des seins volumineux, mais également à celles dont le sein se détache facilement de la paroi thoracique. Elle épargne totalement le poumon et le cœur. En conclusion, les protocoles thérapeutiques des cancers du sein chez la femme âgée s’écartent souvent des protocoles habituels sans raisons valables. L’âge physiologique doit être pris en considération. Si l’âge physiologique est satisfaisant, les schémas thérapeutiques doivent être les mêmes que chez la femme plus jeune. Sinon, techniques et doses adaptées peuvent être proposées. ■ Figure 1 : Technique d’irradiation en DLI (décubitus latéral isocentrique) A. Position de la patiente B : Étude dosimétrique VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Bibliographie : 1 Clarke M, Collins R, Darby S, et al : Effects of radiotherapy and of differences in the extent of surgery for early breast cancer on local recurrence and 15-year survival : an overview of the randomised trials. Lancet 2005, 366 : 2087-106 2 Clemons M, Danson S, Hamilton T, et al : Locoregionally recurrent breast cancer : incidence risk factors and survival. Cancer Treat Reviews 2001, 27 : 67-82 3 Engel J, Eckel R, Aydemir U, et al : Determinants and prognose of locoregional and distant progression in breast cancer. Int J Rad Oncol Biol Phys 2003,55 : 1186-95 4 Albrand G, Terret C : Early breast cancer in the elderly. Assessment and management considerations. Drugs Aging 2008, 25 : 35-48 5 Cutuli B, Cottu PH, Guastalla JP, et al : A French national survey of infiltrating breast cancer : analysis of clinico-pathological features and treatment modalities in 1159 patients. Breast Cancer Res Treat 2006, 95 : 55-64 6 Early Breast Cancer Trialists’Collaborative Group (EBCTCG) : Favourable and unfavourable effects on long-term survival of radiotherapy for early breast cancer : an overview of the randomised trials. Lancet 2000, 355 : 1757-70 7 Fourquet A, Cutuli B, Luporsi E, et al : Standards, Options et Recommandations 2001 pour la radiothérapie des patientes atteintes d’un cancer du sein infiltrant non métastatique. Cancer Radiother 2002, 6:1-2 8 Darby S, Gale P, Taylor CW : Long term mortality from heart disease and lung cancer after radiotherapy for early breast cancer : prospective cohort study of about 300 000 women in US SEER cancer registries. Lancet Oncol 2005, 6 : 557-65 9 Fournier-Bidoz N, Kirova Y, Campana F, et al. : Technique alternatives for breast radiation oncology : conventional radiation therapy to Tomotherapy. Journal of Medical Physics 2009 ; 34 : 149-152 10 Kirova YM, Campana F, Fournier-Bidoz N, et al. : Postmastectomy electron beam chest wall irradiation in women with breast cancer : a clinical step towards conformal electron therapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2007 ; 69 : 1137-44 11 Kirova Y, Servois V, Campana F, et al. : CT- scan based localization of the internal mammary chain and supra clavicular nodes for breast cancer radiation therapy planninig. Radiother Oncol 2006 ; 79 : 310-15 12 Castro Pena P, Kirova YM, Campana F, et al : Anatomical, clinical and radiological delineation of target volumes in breast cancer radiotherapy planning : individual variability, questions and answers. Br J Radiol. 2009 ; 82 : 595-9 13 Kantorowitz DA, Poulter CA, Sischy B, et al : Treatment of breast cancer among elderly women with segmental mastectomy or segmental mastectomy plus postoperative radiotherapy. Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys., 1988, 15, 263-270 14 Reed MW, Morrison JM : Wide local excision as the sole primary treatment in the elderly patients with carcinoma of the breast. Br. J. Surg., 1989, 76, 898-900 15 Gruenberger T, Gorlitze M, Soliman T, et al. : It is possible to omit postoperative irradiation in a highly selected group of elderly breast cancer patients. Breast Cancer Res Treat 1998, 50 : 37-46 16 Fyles AW, MC Cready DR, Manchul LA, et al. Tamoxifen with or without breast irradiation in women 50 years of age or older with early breast cancer. N Engl J Med 2004, 351 : 963-70 17 Hughes KS, Schnaper LA, Berry D, et al. Lumpectomy plus tamoxifen with or without irradiation in women 70 years of age or olser with early breast cancer. N Engl J Med 2004, 351 : 971-977 18 Potter R, Gnant M, Kwansky W, et al. Lumpectomy plus tamoxifen or Anastrozole with or without whole breast irradiation in women with favorable early breast cancer. Int J Rad Oncol Biol Phys 2007, 68 : 334-40 19 Cutuli B, De Lafontan B, Vitali E, et al : Breast Conserving treatment (BCT) for stage I-II breast cancer in elderly women : analysis of 927 cases ; Crit Rev Oncol Hematol 2009, 71 : 79-88 20 Kirova YM, Campana F, Savignoni A, Laki F, Muresan M, Dendale R, Bollet MA, Salmon RJ, Fourquet A:.Breast conserving treatment in the elderly: long-term results of adjuvant hypofractionated and normofractionated radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2009 ; 75 : 76-81 21 Ortholan C, Hannoun-Levi JM, Ferrero JM, et al. Long-term results of adjuvant hypofractionated radiotherapy for breast cancer in elderly patients. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005, 61 : 154-62 22 Campana F, Kirova YM, Rosenwald JC, Dendale R, Vilcoq JR, Dreyfus H, Fourquet A : Breast radiotherapy in the lateral decubitus position – a technique to prevent lung and heart irradiation. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2005 ; 61 : 1348-54 32 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie Dossier thématique Review Dossier thématique Review JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 33 Quand l’équipe gériatrique restaure la confiance de l’équipe médico-chirurgicale When the geriatric team restores the surgical team’s confidence F. Retornaza,b, I. Potarda, C. Molinesa, V. Grisonib, F. Rousseauc a. Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France b. Hôpital Ambroise Paré, 1 rue d’Eylau, 13006 Marseille, France c. Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Institut Paoli Calmettes, 232 boulevard Sainte Marguerite, 13273 Marseille cedex 9, France Correspondance : F. Retornaz, Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France Tél. : 04 91 12 75 49, Fax : 04 91 12 75 52, e-mail : [email protected] Résumé Ce cas clinique illustre l’intérêt de la collaboration oncologue – gériatre pour optimiser la prise en charge d’un cancer urologique chez une patiente âgée initialement considérée comme inopérable en raison d’une démence et d’un syndrome confusionnel. Pour cette patiente, le rapport bénéfice/risque a été finalement en faveur d’une approche qui paraissait a priori trop agressive initialement. La prévention et la gestion du syndrome confusionnel sont détaillées dans cette observation. Mots clés : Évaluation gériatrique, cancer du rein, démence, confusion mentale. Abstract This case report describes the usefulness of geriatrician and oncologist’s collaboration in managing a urologic cancer in an older woman initially considered to be inoperable because of dementia and confusional syndrome. For this patient, the risk/benefit ratio finally favoured an approach initially considered to be too aggressive. Prevention and management of confusional syndrome are detailed in this case. Key words : Geriatric assessment, kidney neoplasm, dementia, mental confusion. L’histoire clinique s’alimente plus (perte de 4 kg en 10 jours) et hurle en permanence. À la vue de la situation et après information de la famille de l’existence d’une tumeur de la voie excrétrice, la patiente retourne à domicile au 5ème jour post opératoire. L’état confusionnel s’améliore progressivement et lorsqu’elle revoit le chirurgien en consultation un mois après elle est parfaitement calme. Seule persiste une hématurie macroscopique. Au total, cette patiente pose le problème d’une volumineuse tumeur de la voie excrétrice nécessitant une néphrouréterectomie gauche à visée curative, chez une patiente avec des troubles cognitifs et ayant présenté un syndrome confusionnel (SC) lors d’un premier geste opératoire. Ce geste chirurgical est remis en cause par la réunion de concertation pluridisciplinaire compte tenu des complications survenues lors de la première hospitalisation, l’alternative étant un traitement palliatif (transfusions itératives, supplémentation ferrique, antalgiques). Sans geste curatif, le Une femme de 77 ans, est hospitalisée en urologie pour une pyélonéphrite compliquée d’une hématurie macroscopique. Dans ses antécédents, on note une HTA, deux épisodes d’accidents vasculaires cérébraux (sans séquelle fonctionnelle), un syndrome dépressif et une démence non étiquetée. Son traitement comprend : Clopidogrel 75 mg/j, Venlafaxine 50 mg/j, Galantamine 8 mg/j, Dihydroergocristine 3/j, Losartan 50 mg/j. L’ECBU retrouve un E. Coli. L’échographie rénale et l’uroscanner mettent en évidence une hydronéphrose au niveau du rein gauche en rapport avec une tumeur papillaire de 8 cm. Une sonde en double J est posée dans les 24 heures. Au réveil de l’anesthésie générale, la patiente est confuse (désorientation temporo-spatiale, agitation majeure, inversion du rythme nycthéméral…). Elle s’arrache la perfusion ainsi que la sonde urinaire et fugue de l’hôpital. Elle est alors contentionnée au lit et son état neurologique s’aggrave. Elle ne Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 33 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Cas clinique Clinical case study JOG n1:Mise en page 1 Cas clinique Clinical case study JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 34 Pourquoi l’opérer, elle est démente ! • Why operate on her? She suffers from dementia! risque évolutif de cette tumeur est d’une part la progression du cancer (douleurs, carcinose peritonéale, métastases…) et d’autre part la nécessité de transfusions itératives, du traitement de nouvelles complications infectieuses, du changement semestriel de l’endoprothèse urétérale et donc d’hospitalisations répétées. Elle est adressée en consultation d’oncogériatrie pour évaluation du risque opératoire. L’Evaluation gériatrique est résumée dans le tableau 1. La patiente vit au domicile d’une de ses 2 filles. Elle est dépendante pour les activités de la vie domestiques et instrumentales. Elle a une dénutrition avec une perte de poids (au moins 4 kg en un mois) et une perte de l’appétit, des troubles de la mobilité, une désorientation temporo-spatiale. Le stade de démence est modérément sévère. Il n’y a pas de douleur, de symptôme dépressif ni de déficit neurosensoriel. L’espérance de vie est évaluée à 3 ans environ 1, 2. Tableau 1 : Synthèse de l’évaluation gériatrique Paramètres Score OMS (/4) Habitus Entourage familial Nombre de Comorbidités Médicaments : Nombre Type de médicaments Cardio-vasculaires Anticholinestérasiques Psychotropes Autres Statut fonctionnel Score ADL (/6) Score IADL (/14) Nutrition Perte de poids > 4 kg en 1 an Perte d’appétit dans les 3 derniers mois Mobilité Appui unipodal < 5 secondes Dépression (GDS 4 items) Déficit neuro-sensoriel Déficit auditif Déficit Visuel Cognition Score MMSE Répétition des 3 mots (/3) Douleurs Discussion À l’issue de l’évaluation gériatrique, les questions suivantes ont été abordées : • La patiente risquait de mourir de son cancer et elle était déjà symptomatique. Le saignement chronique allait nécessiter rapidement une prise en charge même à titre palliatif. Sa qualité de vie serait altérée si la tumeur évoluait sur le plan local ou général ou si l’hématurie se compliquait d’un caillotage (colique néphrétique, rétention aiguë d’urine). • Des facteurs sous jacents interféraient avec la prise en charge dont le principal était le SC avec une démence modérément sévère. La démence est une des causes majeures de sous-traitement chez les patients âgés atteints de cancer 3. La forte prévalence du SC lors de tout geste curatif invasif entraîne des réticences de la part des équipes soignantes le plus souvent en raison d’expériences antérieures malheureuses. SC et démence sont associés puisque 2/3 des SC surviennent chez des patients déments. Le SC (appelé delirium par les Anglo-Saxons) a des conséquences majeures en terme de perte d’autonomie et de morbi-mortalité 4. Un tiers des patients décèdent dans l’année qui suit. Le SC est fréquent (20 % des hospitalisations chez les patients de plus de 65 ans) et sa prévalence augmente de 15 à 53 % en post-opératoire chez les patients âgés. En termes de coûts (aux USA), cela correspond à 6,9 milliards de dollars/an hors frais d’institutionnalisation, de soins de suite et d’aide à domicile. Le diagnostic du SC est clinique : tableau d’installation brutale, troubles de la vigilance responsable du tableau d’obnubilation et entraînant des troubles de l’attention, inversion du rythme nycthéméral, fluctuation du tableau clinique au cours de la journée (phases stuporeuses alternées avec des phases d’agitation psychomotrice et des périodes VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Score 1 Domicile Oui 3 5 2 1 1 1 3 1 Oui Oui Oui Non Non Non 12/30 0 Non de lucidité), syndrome hallucinatoire (plus souvent visuel qu’auditif). Lorsqu’il est « hyperactif » (agitation, cris…) il est souvent évoqué et improprement nommé démence aiguë. Plus fréquent chez le sujet âgé (c’est une spécificité par rapport au sujet plus jeune) et plus grave car souvent méconnu et donc non pris en charge, le syndrome confusionnel « hypoactif » ou le patient est prostré mais « sage ». Les causes du SC sont multifactorielles. Il se développe chez un patient déjà vulnérable sur lequel s’ajoute un certain nombre de facteurs précipitants. Ainsi, chez les patients très fragiles (démence sous jacente par exemple), un seul facteur précipitant parfois mineur (une dose de médicament hypnotique par exemple) peut déclencher un syndrome confusionnel. La prévention du SC est la meilleure stratégie pour réduire sa fréquence et ses complications 4. Plusieurs études ont montré qu’il pouvait être prévenu par des interventions multidimensionnelles 5. La figure 1 propose une synthèse de ces mesures préventives adaptées à l’oncologie. Quand le SC est installé, ces mesures essayent de limiter sa durée. Elles associent le traitement symptomatique 34 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 35 Pourquoi l’opérer, elle est démente ! • Why operate on her? She suffers from dementia! à la gestion des troubles du comportement et la prévenrecommandations de la figure 1. La famille a été présente tion des complications (prévention de la déshydratation, 24h/24. Les voies veineuses ont été mises en place unide la dénutrition, des escarres, des thromboses veineuses quement la nuit, la sonde urinaire a été retirée précoceprofondes). Les approches non pharmacologiques sont ment, la mobilisation a été immédiate, la patiente est indispensables (figure 1). Les médicaments doivent être retournée à domicile à J5 avec un suivi médical et infirréservés pour les patients dont le SC peut menacer leur mier rapproché. Un an après, elle est en vie, asymptomavie ou leur sécurité (notamment en post opératoire) ou celle tique et vit toujours au domicile de sa fille. des autres patients. Dans notre observation, la démence était le principal facteur Figure 1 : Prévention du syndrome confusionnel de risque et plusieurs facteurs (adapté de 4 et expériences personnelles) précipitants ont été identifiés: hosFacteurs favorisants +/- facteurs précipitants pitalisation, procédure invasive avec anesthésie générale, immobilisation (par les voies veineuses Risque de syndrome confusionnel et la sonde urinaire), syndrome infectieux, malnutrition, et déshydratation. En accord avec le chiPrévention du syndrome confusionnel Evaluation : réévaluation régulière des facteurs de risques rurgien, l’intervention chirurgicale Orientation : permettre au patient de s’orienter lors de son hospitalisation a été programmée après un mois présence familière (famille, amis, voisins), objet familiers de la maison (photos, calende reconditionnement à domicile : driers, horloge dans la chambre) communication régulière par l’équipe soignante (explications régulières et répétées), support nutritionnel, restauration éviter les changements de chambres et d’équipe soignante, du sommeil, reprise d’une actiadministrer les médicaments à des heures non dérangeantes pour le patient, vité physique, suppression des utilisation systématique des prothèses auditives et lunettes du patient. Mobilisation : Encourager la mobilisation précoce médicaments non indispensables Prévention : prévenir la déshydratation pour limiter le risque iatrogénique. Maintien du Rythme nycthéméral Une voie d’abord cœlioscopique éviter de réveiller le patient la nuit prises des constantes vitales diurnes a été préférée pour limiter les doustimulation diurne leurs post opératoire et la durée Médicaments : de l’hospitalisation. La prévention éviter les médicaments psychotropes éviter l’utilisation des médicaments à effets anticholinergiques notamment en anesdu SC a été assurée suivant les thésie ou en post-opératoire (ex : Acupan®, antiémétiques neuroleptiques, Atarax®…) Oui Identifier et corriger les facteurs précipitants Apparition d’un syndrome confusionnel Prévention des complications Déshydratation, Dénutrition, Escarres, Thromboses veineuses profondes, Pneumopathie d’inhalation Non Pour tous les patients Continuer les mesures de prévention Maintien d’un environnement calme et rassurant, éviter le bruit, l’agitation, la panique, impliquer l’entourage (ou des sitters), expliquer la situation Ne pas attacher Limiter les contraintes physiques liées au cathéters veineux ou urinaires Utiliser les approches non pharmacologiques : musique, massage, relaxation Si agitation sévère 1ère intention : Antipsychotiques : Haldol®, Risperdal®, Zyprexa® 2ème intention : Benzodiazépines type Tranxène® Règles de prescriptions : Monothérapie en 1ère intention Commencer par des petites posologies : 50% de la dose totale doit être administrée le soir car majoration des troubles la nuit Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 35 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Cas clinique Clinical case study JOG n1:Mise en page 1 Cas clinique Clinical case study JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 36 Pourquoi l’opérer, elle est démente ! • Why operate on her? She suffers from dementia! Conclusion Bibliographie : 1 Vellas B, Gauthier S, Allain H, Andrieu S, Aquino J, Berrut G, Consensus sur la démence de type Alzheimer au stade sévère, La Revue de Gériatrie 2005 ; 9 : 627-40 2 Wolfson C, Wolfson DB, Asgharian M, M’Lan CE, Ostbye T, Rockwood K, et al. A reevaluation of the duration of survival after the onset of dementia. N Engl J Med. 2001 ; 344 : 1111-6. 3 Raji M, Kuo Y, Freeman J, Goodwin J. Effect of a dementia diagnosis on survival of older patients after a diagnosis of breast, colon, or prostate cancer : implications for cancer care. Arch Intern Med. 2008 ; 168 (18) : 2033-40 4 Inouye S, Delirium in Older Persons, N Engl J Med 2006 ; 354 : 1157-65 5 Inouye S, Bogardus S, Charpentier P, Leo-Summers L, Acampora D, Holford T et al. A multicomponent intervention to prevent delirium in hospitalized older patients. N Engl J Med. 1999 ; 340 (9) : 669-76. Ce cas illustre l’intérêt de la collaboration gériatre – oncologue. L’indication chirurgicale a été retenue après évaluation des caractéristiques du cancer (tumeur non métastatique potentiellement curable, qualité de vie altérée si évolution tumorale spontanée) et proposition de prise en charge gériatrique globale et coordonnée (incluant la famille) avant pendant et après l’hospitalisation. Au total, pour cette patiente un rapport toxicité/efficacité en faveur d’une approche chirurgicale qui paraissait impossible et pour la communauté, une hospitalisation de durée réduite et un « coût » global de prise en charge optimal. ■ VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 36 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 37 Intérêt des cancérologues européens pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans et plus au moment du diagnostic : analyse de la situation et mesures d’amélioration Assessment of European oncologists’ interest in the development of a geriatric approach for cancer patients aged 75 and older: situation analysis and improvement program P. Anhoury, T. Perache Équipe MattsonJack-KantarHealth, Paris Biotech, Faculté de médecine Cochin, Port Royal, 24 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, France Correspondance : [email protected] Résumé En 2009, 37% des cancers diagnostiqués l’ont été chez des patients âgés de plus de 75 ans. Nous nous sommes intéressés au comportement des oncologues médicaux des principaux pays d’Europe afin d’apprécier certaines particularités de leur prise en charge. Les résultats de notre enquête auprès de 150 d’entre eux montrent de grandes disparités. Ils nous conduisent à proposer cinq mesures permettant d’améliorer sensiblement la qualité et la sécurité de la prise en charge. Mots clés : Oncogériatrie, Europe, pluridisciplinarité, formation médicale, qualité des soins. Abstract In 2009, 37% of all cancers diagnosed in Europe, concerned patients aged over 75. We questioned 150 oncologists from the main European countries to understand some aspects of their practice with the older cancer population. The results show an important diversity. We suggest five initiatives which can improve the quality and security of care for older cancer patients. Key words : Oncogeriatrics, Europe, pluridiciplinarity, medical training, quality of care. Introduction viennent le plus fréquemment chez les plus de 75 ans sont dans l’ordre décroissant : les cancers colorectaux, de la prostate, pulmonaires, du sein et de la vessie. Les plus de 75 ans représentent près de 37 % du total des nouveaux cancers diagnostiqués pour ces localisations tumorales au sein des cinq pays européens étudiés (Tableau 2). L’équipe MattsonJack, basée au sein de l’incubateur ParisBiotech sur le campus de Cochin-Port Royal, analyse pour la troisième année consécutive, l’épidémiologie des cancers en Europe et les conditions de prise en charge des patients dans chacun des cinq plus grands pays d’Europe : France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Espagne. Cette année, nous avons complété notre enquête auprès des oncologues par une série de questions relatives à l’intérêt des professionnels pour l’approche gériatrique du patient âgé de 75 ans et plus au moment du diagnostic. Méthode Au cours des mois de juin et juillet 2009, nous avons interrogé un large panel de médecins qualifiés en oncologie médicale. Chaque médecin a reçu un dossier par Internet comprenant une série de questions sur leurs pratiques médicales au cours de la prise en charge des malades. Ce questionnaire reprend l’essentiel des points sur lesquels nous travaillons depuis trois ans. Cette année, pour la première fois, nous avons enrichi le questionnaire et abordé les thèmes suivants, relatifs au patient âgé de plus de 75 ans : • Avez-vous une approche particulière lors de l’évalua- Les cinq pays que nous avons étudiés hébergent déjà aujourd’hui plus de 27 millions d’habitants âgés de plus de 75 ans, soit 8,8 % des populations de ces cinq états (Tableau 1). L’analyse de nos bases de données épidémiologiques, montre qu’en termes d’incidence, les cinq cancers qui surLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 37 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 38 Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics tion, du diagnostic et du pro- Tableau 1 : Part des 75 ans et plus dans la population générale des 5 grands pays jet thérapeutique des patients d’Europe âgés de plus de 75 ans ? France Allemagne Italie Espagne Angleterre TOTAL • Réalisez-vous une recherche 75 + 5 500 000 7 200 000 6 000 000 3 900 000 4 800 000 27 400 000 systématique des comorbidiPopulation tés habituelles chez les patients 62 300 600 82 100 000 59 800 000 44 900 000 61 600 000 310 700 000 de cet âge (insuffisance rénale, totale hépatique, troubles cardio- % de 75 ans et plus 8,87 % 8,76 % 9,98 % 8,62 % 7,84 % 8,81 % vasculaires, troubles neuroSource : CancerMpact database, MattsonJack psychiatriques, …) ? • Lors du choix d’un traitement médical, dans quelle mesure l’âge du patient entre Résultats en compte dans la prescription d’une thérapie coûteuse ? Les oncologues interrogés nous apprennent qu’un tiers • Avez-vous mis en place une méthode spécifique visant de leurs patients ont plus de 75 ans. Si seulement la moià rechercher les toxicités des produits administrés et les tié des praticiens déclarent avoir une approche spécifique interactions médicamenteuses ? en termes d’évaluation et de protocole thérapeutique, • Quelle est la part des patients pour lesquels le projet presque tous prennent en compte l’existence de comorthérapeutique est à visée curative ? bidités avérées. • Dans votre pratique, quelle est la part des patients âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui Les capacités du patient sont le plus souvent appréciées auront à faire face à un effet secondaire majeur ? par l’échelle de Karnofsky, l’alternative étant l’approche • Dans votre pratique, quelle est la part des patients évaluative de l’EORTC (QLQ-C30) (Tableau 3). L’espérance âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui de vie est une information considérée dans la décision thévont vivre une modification de traitement (réduction de dose rapeutique 7 fois sur 10. ou interruption) ? • Dans votre pratique, quelle est la part des patients Le dialogue entre les praticiens, à travers les réunions âgés de plus de 75 ans, traités par chimiothérapie et qui de concertation pluridisciplinaires (RCP), en vue de prenvont vivre un deuxième effet secondaire majeur malgré le dre des décisions thérapeutiques est développé chez à changement de traitement ? peine un tiers des praticiens européens interrogés. La • Dans quelle mesure prenez-vous en compte l’espérance France se distingue avec 58 % des oncologues interrode vie de ces patients dans les choix thérapeutiques que gés impliqués dans des RCP. vous opérez ? • Avez-vous un gériatre impliqué ou partenaire de votre Finalement, lorsque le diagnostic est établi à plus de 75 ans, le projet est curatif moins d’une fois sur deux (45 %). Les équipe ? praticiens interrogés nous expliquent qu’il est palliatif le plus • Avez-vous l’intention d’intégrer un gériatre à temps souvent, sauf pour les oncologues italiens dont les trois plein au sein de votre équipe dans les deux prochaines quarts affirment s’inscrire dans une démarche curative. années ? Enfin, la prescription de chimiothérapies fait l’objet d’un contrôle informatique (conformités, interactions médicamenteuses) dans moins de la moitié des établissements où travaillent nos oncologues, sauf en France où les logiciels de prescription sont opérationnels pour 70 % des professionnels interrogés. Nous avons déterminé 30 réponses utilisables et représentatives par pays, ce qui représente l’interview de 150 oncologues au total. La représentativité s’appuie sur la géographie, la diversité des cancers traités, la pratique publique et privée, … Tableau 2 : Incidence et prévalence des 5 cancers les plus fréquents chez les 75 ans et plus des 5 grands pays d’Europe Incidence Prévalence (cohorte de 10 ans) Sein 52 790 Colorectal 104 086 Prostate 96 085 Poumon 57 596 Vessie 46 684 414 957 590 672 753 258 171 778 459 729 Source : CancerMpact, Module PatientMetrics, MattsonJack VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 38 Nous avons cherché à savoir dans quelle mesure un âge élevé pouvait freiner la prescription de médicaments chers. En Grande-Bretagne, 97 % des oncologues interrogés nous disent que le coût des traitements est un élément qui influence directement leur décision, alors qu’en France on observe ce phénomène chez Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 39 Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics Tableau 3 : Score d’évaluation des performances des patients utilisés en Europe Score utilisé Karnofsky EORTC QLQ C30 Autre TOTAL 68 % 17 % 15 % Allemagne Angleterre 85 % 37 % 4% 33 % 11 % 30 % Espagne 90 % 7% 3% France 56 % 22 % 22 % Italie 71 % 18 % 11 % Source : Enquête OMA EU de Juin et juillet 2009 auprès de 150 oncologues Européens d’un gériatre, au sein de l’équipe d’oncologie médicale, dans les deux prochaines années. La réponse est clairement négative, partout sauf en France où 14 % des répondants disent avoir prévu ce recrutement. Discussion moins de 40 % des répondants. Près de la moitié des oncologues anglais nous disent ne pas utiliser certains traitements, spécifiquement à cause de leur coût. A l’opposé, ce phénomène se retrouve chez moins de 20 % des oncologues français. Les oncologues anglais sont directement influencés par les décisions du NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence : agence publique d’évaluation des technologies et produits de santé qui éclaire les choix du National Health System pour la mise sur le marché des médicaments). La population âgée de plus de 75 ans occupe une place importante dans la pratique des oncologues médicaux. Les prises en charge varient considérablement d’un pays à l’autre avec des tendances appuyées. La France apparaît comme le pays le plus structuré. Parmi les cinq pays étudiés, c’est le seul à avoir été doté d’un Plan Cancer mené jusqu’à son terme de 2003 à 2008 : les réunions de concertation pluridisciplinaires sont plus systématiques, les oncologues prescrivent librement les protocoles admis, sans frein particulier lié au coût des nouvelles molécules, même quand le malade est plus âgé. Le second Plan Cancer devrait renforcer ces points. Toutefois, la prise de conscience économique est bien présente et peut conduire partout à des changements de protocole. Quand on évoque le suivi des malades de plus de 75 ans traités, les oncologues affirment qu’un patient sur quatre va présenter un effet secondaire majeur. De plus, plus du tiers des malades traités va vivre un changement de traitement ou un arrêt anticipé d’un des médicaments du protocole. Après la modification du traitement, encore un sur cinq va revivre un deuxième effet secondaire majeur. L’approche globale de la personne âgée porteuse d’un cancer reste encore trop souvent comparable à celle des patients plus jeunes. La « culture gériatrique » est peu présente chez les oncologues et la collaboration avec les gériatres reste embryonnaire. L’évaluation des performances du patient est peu pratiquée, les protocoles prescrits ne prennent pas toujours en compte les comorbidités, et les arrêts ou modifications de traitement sont beaucoup trop fréquents. Les nouveaux traitements offrent de plus en plus la possibilité d’une administration orale. Les oncologues interrogés sont très favorables (79 % d’avis positifs dans les cinq pays d’Europe) sauf en Allemagne où les deux tiers des oncologues adhèrent moins à la voie orale à cause d’un intéressement financier directement lié à l’administration intraveineuse. Conclusion Après avoir parcouru ces questions relatives à la prise Ces constats nous conduisent à proposer cinq mesures en charge et au suivi thérapeutique, nous avons aussi intersusceptibles de faire évoluer la situation chaque fois qu’un rogé les oncologues sur leurs habitudes de travail avec diagnostic de cancer est porté chez un malade de plus les gériatres, lorsqu’ils abordent les patients âgés de plus de 75 ans : de 75 ans. La plupart des oncologues interrogés disent • instaurer deux réunions de concertation : la première ne JAMAIS impliquer de gériatre dans la vie de leur équipe, est réservée à l’évaluation gériatrique globale du patient avec une revue des comorbidités, une appréciation des sauf en France où seulement 9 % des interrogés se situent dans cette habitude. Certains travaillent avec un gériatre à temps partiel et, le plus sou- Tableau 4 : Implication des gériatres dans les équipes d’oncologie médicale vent, ils le sollicitent dès qu’ils TOTAL Allemagne Angleterre Espagne France Italie pensent avoir besoin de lui Jamais 54 % 67 % 73 % 80 % 9% 42 % (Tableau 4). Temps plein 8% 0% 7% 0% 18 % 16 % Temps Partiel 8% 7% 13 % 0% 18 % 3% Nous avons conclu notre A l’appel 30 % 26 % 7% 20 % 55 % 39 % entretien par une question Source : Enquête OMA EU de Juin et juillet 2009 auprès de 150 oncologues Européens sur l’embauche éventuelle Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 39 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 40 Cancérologues européens et oncogériatrie • European oncologists and oncogeriatrics capacités du patient à supporter une chirurgie, une radiothérapie et des chimiothérapies ou des biothérapies, une écoute du malade et de son entourage sur ses conditions de vie et sur ses projets. Les résultats de la première réunion de concertation servent d’introduction à la deuxième classique RCP, dédiée aux choix thérapeutiques à proposer au patient ; • dans la mesure du possible, signer un accord ferme de collaboration avec un gériatre référent situé sur le même campus ou dans la même agglomération. Cette mesure doit permettre de l’anticipation et une intervention moins opportuniste et plus structurée ; • informer les malades et leurs familles, ainsi que les associations de cette approche spécifique du sujet âgé. Bien des facteurs entrent en compte avant l’âge chronologique du patient. La notion de projet curatif doit trouver sa place, chaque fois que cela est possible, malgré l’âge avancé du malade. ■ • engager un programme de formation des oncologues, sous forme d’un module de gériatrie, faisant intégralement partie de la formation (DES ou DESC). La généralisation d’un DU d’oncogériatrie ouvert aussi aux infirmières référentes est un élément facilitant une meilleure homogénéité au sein des équipes ; • multiplier les essais cliniques ouverts aux patients de plus de 75 ans. Comme on l’a vu, un tiers des patients entrent dans cette tranche d’âge au moment du diagnostic ; VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 40 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 41 Impact de l’évaluation gériatrique standardisée en oncologie : analyse rétrospective monocentrique chez 59 patients âgés atteints de cancer Impact of a comprehensive geriatric assessment (CGA) in oncology. A monocentric retrospective analysis of 59 cancer patients R. Boulahssassa, E. Chamoreyb, I. Beredera, V. Marib, H. Jaouaa, A.L. Couderca, E. Françoisb, P. Prasa, P. Brockera, A. Thyssa, O. Guerina a. Pôle de gérontologie CHU de Nice, France ; b. Centre Antoine Lacassagne, Nice, France Résumé Introduction : L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) est un outil fiable et reproductible permettant d’individualiser des groupes homogènes de patients. La classification selon Balducci nous permet d’individualiser 3 groupes selon différents niveaux de fragilité. Objectif Principal : Déterminer si l’EGS préalable est intégrée dans les critères décisionnels pour la stratégie thérapeutique en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Matériel et méthode : Analyse rétrospective des dossiers de 59 patients successifs âgés de plus de 65 ans atteints de cancers en phase métastatique ou non ayant bénéficié d’une EGS entre janvier 2005 et mai 2008. Résultats : Les patients dont l’âge moyen était de 81 ans, présentaient pour 66 % une néoplasie d’origine digestive dont 50 % de cancers recto-coliques et pour 20 % d’origine mammaire. Dans 92 % des cas la décision de la RCP et l’avis du gériatre étaient convergents. Dans 80 % des cas, les oncologues mentionnaient la classification selon Balducci et/ou des données de l’EGS lors de la prise de décision (RCP ou consultations). Dans 90 % des cas, les propositions du gériatre étaient suivies concernant la prise en charge globale hors cancer. A 6 mois, les taux de survie globale selon les groupes classés I, II, III selon Balducci étaient respectivement de 86 %, 84 % et 54 %. La réalisation d’une chimiothérapie était corrélée de façon significative (p < 0.0001) avec la classification de Balducci. Conclusion : Cette analyse suggère que l’avis du gériatre semble être une aide comme critère décisionnel dans la prise en charge thérapeutique. Mots clés : Cancer, personne âgée, évaluation gériatrique, décision thérapeutique. Abstract The CGA is a reliable and reproducible tool used to discriminate between different groups of patients with different frailty levels (Balducci’s classification). Principal objective: The purpose of this study is to determine whether a prior CGA should be one of the decision-making criteria used when determining therapeutic strategy at multidisciplinary consensus meetings (MCM). Materials and Methods: Retrospective analaysis of data from 59 successive patients aged over 65, suffering from metastatic cancer or who did not have aCGA between June 2005 and November 2008. Results: The patients’ mean age was 81, 66% of them had digestive cancer (colorectal cancers: 50 %) and 20% breast cancer. In 92% of cases, the MCM’s decision for treatment agreed with the geriatrician’s opinion. In 80% of cases, the oncologists mentioned Balducci’s classification and/or the CGA data when taking the decision (MCM or consultations) After 6 months of follow up, global survival rates in groups I, II and III according to Balducci classification, were 86%, 84% and 54% respectively. For 80% of the patients the staff used the CGA orBalducci classification to justify the decision for treatment. The decision to provide chemotherapy was significantly correlated with the Balducci classification (p<0.0001). Conclusions: Our data suggest that the geriatrician’s opinion is a useful tool in clinical practice for deciding on the cancer treatment to be prescribed for elderly patients. Keywords : Cancer, elderly, geriatric assessment, therapeutic decision. Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 41 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 42 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Introduction identifier les patients pouvant bénéficier d’un traitement à risque de complications ou de toxicité 8,19. En France et en Europe, l’Oncogériatrie s’organise sur ce mode multidisciplinaire 20. Depuis maintenant cinq ans le pôle de gérontologie du CHU de Nice et le Centre Antoine Lacassagne ont permis du fait de cette collaboration d’avancer dans une réflexion commune concernant les patients âgés cancéreux. L’objectif principal de ce travail était de déterminer si l’EGS préalable était intégrée dans les critères décisionnels de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). De plus des données observationnelles ont été collectées concernant la survie globale dans les groupes selon la classification de Balducci ainsi que l’analyse des causes d’arrêts de la chimiothérapie. En France, le cancer connaît une incidence et une mortalité qui croissent avec l’âge. Ainsi 50 % des cancers surviennent chez les plus de 70 ans 1. Des progrès majeurs ont été observés en oncologie gériatrique en termes de tolérance des traitements, de survie et de qualité de vie 2. Un diagnostic tardif et de fréquentes comorbidités expliquent souvent une prise en charge suboptimale 3. La difficulté en oncologie gériatrique réside en pratique dans la décision thérapeutique et ceci est expliqué en partie par une grande hétérogénéité de cette population 4, 5, 6. L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) est un outil fiable et reproductible permettant d’individualiser des groupes relativement homogènes de patients afin de permettre d’adapter au mieux leurs prises en charge 7. Ainsi on individualise 3 groupes de patients, selon le modèle réalisé par L. Balbucci : un premier groupe de patients autonomes sans critères de fragilité qui pourraient recevoir un traitement identique aux patients plus jeunes, un second groupe de patients vulnérables présentant une dépendance identifiée concernant les activités instrumentales (IADL) et/ou avec une ou deux comorbidités et enfin un troisième groupe de patients fragiles avec au moins une dépendance au niveau des activités de la vie quotidienne (ADL) associée à la présence d’au moins trois comorbidités ou la présence d’un des grands syndromes gériatriques (troubles de la marche, démence, confusion mentale, incontinence et dénutrition) ou age supérieur ou égal à 85 ans 8, 9, 10. L’EGS est composée d’échelles fiables et validées dans la population âgée. Elle permet de reconnaître les syndromes de fragilités gériatriques, d’évaluer les comorbidités, d’estimer les problèmes psychologiques et sociaux pouvant interférer avec le traitement du cancer, d’évaluer la nécessité de mise en place de soins de support et surtout d’estimer l’espérance de vie en fonction de l’état de base (état de santé hors cancer) 10, 11,12. Elle nécessite d’évaluer l’impact de la polymédication notamment des thérapeutiques pouvant interférer avec les traitements anticancéreux. Cette évaluation porte aussi sur l’état cognitif du patient, facteur déterminant permettant le consentement éclairé aux soins et la bonne gestion des effets indésirables du traitement mais aussi la mise en place de structures d’aide permettant la réalisation de ce dernier. Le dépistage de la dépression est systématique ainsi que l’évaluation de l’autonomie 13,14. L’examen clinique permet de dépister les comorbidités évolutives et d’agir si possible sur la réversibilité de ces pathologies. En oncologie, l’EGS nécessite une démarche multidimensionnelle et pluridisciplinaire lors d’une collaboration étroite entre gériatres, oncologues, chirurgiens et radiothérapeutes, afin de pouvoir proposer à ces patients une prise en charge adaptée 15,16,17,18. De plus cette évaluation gériatrique est actuellement largement recommandée pour VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Matériel et méthode Dans cette étude de cohorte l’analyse a été rétrospective, descriptive à partir de dossiers de 59 patients âgés de plus de 65 ans et atteints de cancer. Tous les patients ont bénéficié d’une EGS réalisée par un opérateur unique dans le centre anticancéreux de Nice (Centre Antoine Lacassagne) entre janvier 2005 et mai 2008. Cette évaluation était réalisée avant la prise de décision thérapeutique. Les données collectées comprenaient 221 variables, dont les données démographiques, la localisation du cancer, le caractère métastatique ou non de la tumeur et les données de l’EGS. Les données de l’EGS recueillies étaient : • Une évaluation de l’autonomie par les échelles d’Activités de la Vie Quotidienne (ADL) et d’Activités Instrumentales de la Vie Quotidienne (IADL) 21, 22. • Un dépistage des troubles cognitifs : Mini Mental State Examination (MMSE) et un Test de l’Horloge 23. • Une échelle d’évaluation nutritionnelle : Mini Nutritional Assessment (MNA) 24. • Une réévaluation de l’ordonnance avec la recherche de iatrogénie et évaluation du nombre de médicaments. • Une évaluation de l’environnement social avec la recherche de la notion d’isolement. • Un dépistage de la dépression avec la Geriatric Depression Scale 15 (GDS 15) 25 et un entretien clinique. • Le nombre de pathologies associées évolutives. • Une évaluation de la marche par le Get up and Go test 26. • Une évaluation de la douleur par Échelle Visuelle Analogique (EVA). Enfin, le gériatre a classé le patient selon la classification de Balducci 7 et proposé un avis concernant le traitement éventuel envisagé. Puis il a été recherché les éléments suivants dans le suivi des patients : • La décision de la RCP. 42 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 43 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Tableau 1 : Caractéristiques des patients Sexe Masculin Féminin Localisation Recto-Colique Digestif autres Sein Autres Présence de Métastase Dépendance IADL Dépendance ADL MMS médian Balducci I Balducci II Balducci III MNA median Balducci I Balducci II Balducci III Dépistage dépression + (score GDS15≥5) Balducci I Balducci II Balducci III Nombre de Médicaments <3 3-6 >6 Nombre de pathologies associées évolutives 1 2 3 4 et + Isolement social Douleur non contrôlées Classification Balducci I II III Traitement Chimiothérapie Radiothérapie Chirurgie Chimiothérapie Schéma modifié Arrêt Toxicité grade III ou IV Nombre d’hospitalisations 0 1 2 3 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie • La référence ou non à l’avis du gériatre dans le compte rendu de la RCP et/ou de la consultation de l’oncologue. • Le type de traitement réalisé, • Les causes d’arrêt du traitement par chimiothérapie dans le suivi. • La survenue de toxicité de grade III/IV (toxicités sévères). • La modification du schéma thérapeutique par rapport au traitement de référence. • La survie globale. • Le nombre d’hospitalisations pour événements intercurrents. N (%) 30 (51 %) 29 (49 %) 29 (50 %) 10 (16 %) 12 (20 %) 8 (14 %) 27 (45 %) 35 (60 %) 24 (40 %) Méthode statistique Les comparaisons ont été effectuées par un test du chi2 et test exact de Fisher pour les petits effectifs. La classification de Balducci a été corrélée au traitement par radiothérapie, chimiothérapie et chirurgie par la méthode de corrélation de Spearman. 30 29 28 20 19 16 Résultats L’âge moyen des patients était de 81 ans. Plus de la moitié des cancers (66 %) étaient d’origine digestive dont 50 % d’origine recto-colique, 20 % d’origine mammaire. Le tableau 1 résume les principales variables qualitatives. Le suivi des patients a été de 2 ans et la médiane de suivi de 10 mois. Un patient sur deux était en situation métastatique au moment de la consultation d’évaluation initiale. Seulement un quart des patients avait une ordonnance comportant moins de 3 spécialités médicamenteuses. Un tiers des patients déclarait avoir des douleurs non contrôlées et 20 % d’entre eux étaient isolés socialement. Un patient sur deux a reçu un traitement par chimiothérapie et pour la moitié d’entre eux il a été nécessaire de modifier le schéma thérapeutique par rapport au traitement de référence soit par une diminution de dosage, soit par un changement de la chimothérapie. Au final, un patient traité sur deux a du stopper son traitement du fait d’une mauvaise tolérance. Les patients ont été classés dans les groupes I pour 27 %, II pour 33 % et III pour 40 % selon la classification de Balducci. On ne retrouvait pas de différence significative entre les trois groupes en ce qui concerne le MMSE (Graphique 1), le MNA (Graphique 2), ou la dépression (p = 0,93). Le MMSE moyen était de 27 sur l’effectif total, le MMSE médian était de 30 dans le groupe I, 29 dans le groupe II et de 28 dans le groupe III, donc des patients présentant pour la plupart des fonctions cognitives conservées, quel que soit le groupe. La dépendance aux ADL, aux IADL, le caractère métastatique de la tumeur, l’âge, la polymédication, le MMSE et le MNA étaient corrélés de façon significative à la classification de Balducci (p < 0,05). L’autonomie pour les soins de base (ADL) était l’élément le plus déterminant pour être 5 (30 %) 6 (35 %) 6 (35 %) 14 (25 %) 35 (57 %) 10 (18 %) 11 (35 %) 13 (19 %) 10 (22 %) 4 (17 %) 12 (20 %) 20 (34 %) 16 (27 %) 20 (33 %) 23 (40 %) 29 (52 %) 14 (25 %) 26 (46 %) 16 (55 %) 13 (45 %) 13 (45 %) 28 (50 %) 13 (23 %) 12 (22 %) 3 (5 %) 43 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 44 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Graphique 1 : Représentation des scores MMSE en fonction de la classification de Balducci Graphique 2 : Représentation des scores MNA en fonction de la classification de Balducci Score MNA Score MMSE I II III I II BALDUCCI III BALDUCCI Graphique 3 : Corrélations entre les variables individuelles et la classification de Balducci Tableau 2 : Corrélation entre la réalisation d’un traitement spécifique et la classification de Balducci Corrélation avec la valeur de p rho classification de Balducci Chimiothérapie 1,59 10-09* -0,70* Radiothérapie 0,1455 -0,20 Chirurgie <0,005* 0,39* r=0 doul Factors : 1,2 r=0,4 r=0,6 mmse cancer r=0,8 * Résultats significatifs entre les différents groupes nbhos adl classé en groupe III dans cette série de patients (Graphique 3). La réalisation d’une chimiothérapie était corrélée de façon très significative (p < 0.0001) avec la classification de Balducci. Il en était de même pour la chirurgie (p = 0,005) mais pas pour la radiothérapie (p = 0,14) (Tableau 2). Ainsi moins le patient était jugé fragile par le gériatre plus il était traité. Dans 92 % des cas, la décision de la RCP et l’avis du gériatre étaient convergents. Dans 80 % des cas, les oncologues mentionnaient la classification selon Balducci et/ou des données de l’EGS lors de la prise de décision (RCP ou consultations). Dans 90 % des cas, les propositions du gériatre étaient suivies concernant la prise en charge globale hors cancer (traitement antidépresseur, interventions nutritionnelles, adaptations thérapeutiques diverses, mise en place d’aides au domicile). Les taux de survie globale à 6 mois selon les groupes classés I, II, III selon Balducci étaient respectivement de 86 %, 84 % et 54 % et à 9 mois respectivement de 86 %, 84 % et 28 %. Il existait une différence significative de survie entre VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 balducci sexe age meta med iadl mna isol ads • Les variables dans le cercle rouge sont corrélées de manière significative à la classification de Balducci p<0.05. • Les variables en vert sont positivement corrélées. • Les variables en jaunes sont corrélées de façon négative. les groupes 1,2 versus le groupe 3 (Graphique 4). Si le patient était jugé fragile (groupe III), le pronostic était mauvais et ceci indépendamment du fait qu’un traitement soit entrepris ou non. Les patients traités par chimiothérapie malgré l’avis défavorable du gériatre ont présenté pour les ¾ 44 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 45 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Tableau 3 : Analyse des causes d’arrêt de la chimiothérapie Variables Pas d’arrêt Arrêt chimiothérapie p-Fisher sexe 0.14364 masculin 5 (31.25 %) 8 (61.54 %) féminin 11 (68.75 %) 5 (38.46 %) Extension 0.46568 Cancer localisé 11 (68.75 %) 7 (53.85 %) Métastastique 5 (31.25 %) 6 (46.15 %) Dépendance IADL 0.27418 non 11 (68.75 %) 6 (46.15 %) oui 5 (31.25 %) 7 (53.85 %) Dépendance ADL 0.57307 non 15 (93.75 %) 11 (84.62 %) oui 1 (6.25 %) 2 (15.38 %) Isolement social 1 non 13 (81.25 %) 10 (76.92 %) oui 3 (18.75 %) 3 (23.08 %) Douleur 0.46568 Non algique 11 (68.75 %) 7 (53.85 %) Algique 5 (31.25 %) 6 (46.15 %) Classification de Balducci 0.02763* I 11 (68.75 %) 3 (23.08 %) II 4 (25 %) 9 (69.23 %) III 1 (6.25 %) 1 (7.69 %) Dépression 1 non 10 (62.5 %) 9 (69.23 %) oui 6 (37.5 %) 4 (30.77 %) Modification de dose ou de type de chimiothérapie 1 non 7 (43.75 %) 6 (46.15 %) oui 9 (56.25 %) 7 (53.85 %) Refus patient 0.57307 non 15 (93.75 %) 11 (84.62 %) oui 1 (6.25 %) 2 (15.38 %) Toxicité de grade III/IV 0.00286** non 13 (81.25 %) 3 (23.08 %) oui 3 (18.75 %) 10 (76.92 %) Nombre d’hospitalisations 0.2273 0 10 (62.5 %) 4 (30.77 %) 1 3 (18.75 %) 3 (23.08 %) 2 3 (18.75 %) 4 (30.77 %) 3 0 (0 %) 2 (15.38 %) - p-chi2 0,2923 reçues le patient âgé ne refusait pas le traitement par chimiothérapie quand celui-ci lui est proposé (Tableau 3). 0,6615 Discussion 0,3955 0,84911 Impact de l’évaluation sur le traitement et la prise en charge globale Dans cette série de 59 patients âgés atteints de cancer, les oncologues 0,86122 demandent une évaluation aux gériatres et tiennent compte des résul0,6615 tats de cette dernière comme critère d’aide à la décision thérapeutique 0,4391* dans 80 % des cas. Des résultats comparables préliminaires ont été présentés par une équipe fran0,9891 çaise dans une étude rétrospective mesurant l’impact de l’EGS sur la prise en charge thérapeu0,8057 tique des oncologues chez 161 patients de plus de 75 ans atteints de cancer. Il 0,8491 existait un impact dans 82 % des cas sur la décision thérapeutique 27. 0,0058 L’évaluation gériatrique apporte une meilleure connaissance du patient 0,2166 âgé et semble être intégrée comme un critère supplémentaire dans la décision. De plus les conseils de prise en charge proposés par le gériatre sont éga* Résultats significativement différents pour tous les groupes ** Résultats significativement différents lement largement suivis. Certaines études ont évalué l’impact de l’EGS en oncologie gériatrique au niveau une mauvaise tolérance ayant entraîné l’arrêt de cette derde la prise en charge globale. L’étude de Mc Corkle et colnière précocement. laborateurs est une étude randomisée chez 375 patients Plus le patient était jugé fragile selon la classification âgés de 62 à 92 ans qui a montré un bénéfice en faveur de Balducci plus il y avait de risque de stopper la chide l’EGS en post opératoire en terme d’amélioration de miothérapie (p = 0,027). Il en était de même pour la toxila survie chez les patients atteints de cancers à un stade cité de grade III/IV qui était corrélée avec l’arrêt du traiavancé 28. tement (p = 0,002). Contrairement à certaines idées Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 45 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 46 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Une fragilité spécifique identifiée par l’EGS : l’isolement social Graphique 4 : Survie globale en fonction de la classification de Balducci Survie globale 60 BALDUCCI I Dans cette série, l’EGS a permis d’individualiser un groupe de patients fragiles (groupe III) dans lequel le taux de survie globale était de 54 % à 6 mois, de seulement 28 % à 9 mois et ceci indépendamment de la réalisation ou non d’une thérapeutique spécifique. Pour ces patients dont la survie est faible il est déjà bien recommandé qu’un traitement palliatif et symptomatique soit proposé 33. L’EGS trouve donc toute son utilité dans le dépistage de ce groupe de patients. Au niveau de la survie globale, on observe que dans le groupe I et II les survies sont comparables. Deux axes de réflexions sont possibles : il semble alors impératif de traiter ces patients en groupes II puisqu’ils ont une survie comparable aux patients du groupe I. Mais il est aussi à souligner que ce qui différencie essentiellement les deux groupes dans cette série de patients est le nombre de comorbidités évolutives. Du fait de l’analyse rétrospective, nous n’avons pas gradé la sévérité de ces comorbidités à l’aide de la CIRS-G (grille que nous utilisons désormais en routine). Ceci aurait pu nous aider dans la compréhension de ces survies quasi comparables en décrivant la sévérité des pathologies observées. D’autant plus que la présence de pathologies évolutives multiples est un facteur de risque associé à la diminution de la survie 10, 34. Des résultats comparables ont été observés dans l’étude de Arnoldi et al chez 153 patients âgés atteints de cancers. Il n’y avait pas de différence significative en terme de survie entre les patients du groupe I et II et les auteurs insistaient sur l’utilité de l’EGS pour dépister les patients fragiles du groupe III dont la survie était plus faible de façon significative 35. Cependant, un enjeu majeur est aussi de dépister chez un sujet qui semble peu fragile des éléments de vulnérabilité afin d’alerter l’oncologue et de mettre en place des stratégies de prévention des décompensations. 40 BALDUCCI II 20 % de survivants 80 100 On observe que le traitement en ambulatoire chez des patients isolés est possible et que l’isolement social de ces patients ne favorise pas l’arrêt précoce des thérapeutiques. Ceci est probablement du à la qualité d’organisation des soins des centres anticancéreux. I II III BALDUCCI III p=0,0025 (Logrank Test) groupes I, II versus III 0 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Mois D’autres équipes ont utilisé les données de l’EGS afin d’adapter au mieux le traitement proposé. Une étude de Bernardi et collaborateurs a permis de proposer un traitement avec des réductions de dose chez des patients atteints de lymphomes âgés de plus de 80 ans et/ou dépendant (ADL et IADL) avec une meilleure tolérance observée et globalement une réponse identique en comparaison avec des patients plus jeunes et non dépendants, recevant un schéma classique de chimiothérapie 29. L’équipe du Moffit Cancer Center de Tampa en Floride a également expérimenté un programme d’intervention en fonction des problématiques dépistées par l’EGS avec un impact bénéfique sur la prise en charge thérapeutique oncologique et la prise en charge globale 30. Il faut cependant noter que la plupart de ces études d’intervention portent le plus souvent sur un nombre limité de patients du fait des difficultés d’inclusion. Dans notre étude, la chimiothérapie et la chirurgie sont corrélées significativement à la classification de Balducci mais pas la radiothérapie, ce qui est bien le reflet de l’expérience clinique concernant cette dernière. En effet, en pratique courante la radiothérapie est souvent utilisée en oncologie chez le sujet âgé, elle est plutôt bien tolérée que ce soit en curatif, palliatif et/ou à visée antalgique 31. La modification du schéma thérapeutique concernant la chimiothérapie est fréquente, une meilleure connaissance du sujet âgé et des changements physiologiques liés à l’âge permet d’ajuster les doses et en complément l’EGS aide à la prise de décision 32. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Dépistage Une étude de Wedding et al sur une série de 200 patients âgés avec cancer, a démontré que l’impression clinique globale du médecin est moins sensible que l’EGS dans le dépistage de la fragilité, ceci étant confirmé par des données récentes (étude de Tucci et al) 36, 37. De nombreux auteurs ont proposés des échelles de dépistage 9, 38, 39. L’EGS étant chronophage et la demande de consultation gériatrique en oncologie étant croissante, il est important de pou46 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 47 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology Limites de l’étude voir avoir un outil sensible et pratique à l’usage des oncologues. Des auto-questionnaires peuvent être aussi proposés mais ne sont pas applicables à tous les patients âgés du fait de la prévalence des troubles cognitifs en gériatrie 40. Le projet Oncodage permettra probablement de valider un outil simple et rapide et d’inclure la pratique du dépistage en routine dans la consultation des oncologues 41. Dans notre travail, il faut insister sur le fait que seuls les oncologues, les chirurgiens et les radiothérapeutes convaincus de l’intérêt de cette démarche ont adressé leurs patients aux gériatres. Il existait donc un biais de recrutement évident. Il semble également qu’une sélection ait été opérée par les oncologues au vu du profil des patients adressés aux gériatres : les patients étaient pour la plupart en intention d’être traités, on observait un statut cognitif conservé et un profil homogène du statut nutritionnel et de la dépression. Cependant à l’issue de l’évaluation, 40 % des patients sont classés en groupe III selon la classification de Balducci et il leur est proposé pour la plupart d’entre eux des soins de supports ou des soins palliatifs. Tolérance Un patient sur deux a dû stopper le traitement par chimiothérapie pour cause de mauvaise tolérance. Il est difficile en gériatrie de prédire la tolérance aux thérapeutiques proposées. Des travaux ont permis d’individualiser des facteurs de risque associés de mauvaise tolérance comme la poly médication, l’HTA, l’augmentation de LDH, un IMC élevé ou des chimiothérapies de seconde ligne 42. Une étude française prospective incluant des patientes atteintes de cancer des ovaires a retrouvé d’autres facteurs prédictifs de toxicité : la dépression, le performance status et la dépendance 43. Il n’est pas encore possible de prédire la tolérance mais l’EGS incluant différents paramètres biologiques comme le taux d’hémoglobine et la fonction rénale permet d’adapter au mieux la thérapeutique. Un traitement préventif de certains effets indésirables doit être systématique et non plus être proposé chez le sujet âgé « si besoin ». Conclusion L’EGS permet d’estimer la survie, d’identifier des problèmes non dépistés et d’aider à la mise en place d’un plan de soin multidimensionnel. Les données de L’EGS semblent être une aide à la décision thérapeutique pour les oncologues. Des travaux prospectifs incluant un nombre plus important de patients et évaluant leur qualité de vie sont indispensables. Le travail de collaboration entre les gériatres et les oncologues est en marche avec une réflexion commune actuelle sur la faisabilité des thérapeutiques mais qui devrait se porter également sur l’analyse des facteurs prédictifs de mauvaise tolérance de la chimiothérapie chez le sujet âgé. ■ Douleur 1/3 des patients déclarait avoir des douleurs non contrôlées. Ceci met en exergue la difficulté d’évaluation de la douleur chez des sujets âgés dont les différentes composantes peuvent être complexes 44, 45. Oncol/Hematol 2005 ; 55 : 241-252. 9 Saliba D, Elliott M, Rubenstein LZ, Solomon DH, Young RT, Kamberg CJ, et al. The Vulnerable Elders Survey : a tool for identifying vulnerable older people in the community. J Am Geriatr Soc. 2001 Dec ; 49 (12) : 1691-9. 10 Balducci L, Extermann M. Management of the frail person with advanced cancer. Crit Rev Oncol Hematol. 2000 Feb ; 33 (2) : 143-8. 11 Parmelee PA, Thuras PD, Katz IR, Lawton MP. Validation of the Cumulative Illness Rating Scale in a geriatric residential population. J Am Geriatr Soc. 1995 Feb ; 43 (2) : 130-7. 12 Repetto L, Venturino A, Serraino D, Troisi G, Gianni W, Pietropaolo M. Geriatric oncology: a clinical approach to the older patient with cancer. Eur J Cancer 2003; 39: 870-880. 13 Balducci L, Extermann M. Management of cancer in the older person : a practical approach. Oncologist. 2000 ; 5 (3) : 224-37. 14 Balducci L, Extermann M. Cancer and aging. An evolving panorama. Hematol Oncol Clin North Am. 2000 Feb ; 14 (1) : 1-16. 15 Pope D, Ramesh H, Gennari R, Corsini G, Maffezzini M, Hoekstra HJ, Mobarak D, Bozzetti F, Colledan M, Wildiers H, Stotter A, Capewell A, Marshall E. et al. Pre-operative assessment of cancer in the elderly (PACE) : a comprehensive assessment of underlying characteristics of elderly cancer patients prior to elective surgery. Surg Oncol. 2006 Dec ; 15 (4) : 189-97. 16 Repetto L. Optimising treatment decisions for the onco-geriatric patient : the need for Comprehensive Geriatric Assessment in routine clinical practice. Surg Oncol. 2006 Dec ; 15 (4) : 187-8. Bibliographie : 1 Terret C, Zulian G, Droz JP. Statements in the interdependance between the oncologist and the geriatrician in geriatric oncology. Clin Rev Oncol/Hematol 2004 ; 52 : 127-133. 2 Balducci L. New paradings for treating elderly patients with cancer : the comprehensive geriatric assessment and guidelines for supportive care. J Support Oncol 2003 ; 1:30-37. 3 Retornaz F, Seux V, Pauly V, Soubeyran J. Geriatric assessment and care for older cancer inpatients admitted in acute care for elders unit. Crit rev Oncol Hematol 2008 ; 68 (2) : 165-71. 4 Droz JP, Zanetta S, Terret C, Albrand G. Propositions pour l’établissement d’algorithmes décisionnels dans le cadre du traitement du sujet âgé présentant un cancer et une pathologie associée. Oncologie 2001 ; 3 : 100-106. 5 Basso U. Multidimensional geriatric evaluations in elderly cancer patients : a practical approach. Eur J Cancer Care 2004 ; 13 : 424-433 6 Ghiringhelli F, Ladoire S, Mankoudia P, Chauffert B., Solary E., Besancenot JF. Prise en charge des cancers solides et des hémopathies malignes du sujet âgé : l’oncogériatrie une discipline en devenir. Rev Med Int 2005 ; 26 : 216-225 7 Wieland D, Hirth V. Comprehensive geriatric assessment. Cancer Control 2003 ; 10 : 454-62 8 Extermann M, Aapro M, Bernabei R, Cohen H, Droz JP, Lichtman S, et al. Use of comprehensive geriatric assessment in older cancer patients recommendations from the task force on CGA of the International Society of Geriatric Oncology (SIOG). Crit Rev Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 47 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 Article original Original article JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 48 Impact de l’évaluation gériatrique en oncologie • Impact of comprehensive geriatric assessment in oncology 33 Balducci L, Beghe C. The application of the principes of geriatrics to the management of the older person with cancer. Crit Rev Hematol.2000 sep ; 35 (3) : 147-54 34 Satarino WA, Ragland DR. The effect of comorbidity on 3-year survival of women with primary breast cancer. Ann Intern Med 1994 ; 120 : 104-110 35 Arnoldi E, Dieli M., Manguia et al. Comprehensive Geriatric assessment in elderly cancer patients. An experience in outpatient population. Tumori. 2007 ; 93 (1) : 23-4 36 Wedding U, Kadding D, Pientka L, Steinmetz HT, Schmitz S. Physicians judgment and comprehensive geriatric assessment (CGA) select patients as fit for chemotherapy. Crit rev Oncol Hemaol 2007 ; 64 (1) : 1-9. 37 Tucci A, Ferrari S, Botteli C, Borlenghi E, Drera M, Rossi G. A Comprehensive Geriatric Assessment is more effective than clinical judgment to identify elderly diffuse cell lymphoma patients who beneficit from agressive therapy. Cancer 2009 ; 115 (19) : 4547-53 38 Saliba D, Orlando M, Wenger NS, Hays RD, Rubenstein LZ. Identifying a short functional disability screen for older persons. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2000 Dec ; 55 (12) : M750-6. 39 Ingram SS, Seo PH, Martell RE et al. Comprehensive assessment of the elderly cancer patient : the feasability of self-report methodology. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 770775 40 Hurria A, Gupta S, Zauderer M, Zauderer M, Zuckerman EL, Cohen HJ, Muss H, Rodin M, Panageas KS, Holland JC, Saltz L, Kris MG, Noy A, Gomez J, Jakubowski A, Hudis C, Kornblith AB. Developing a cancer-specific geriatric assessment. A feasibility study. Cancer 2005 ; 104 (9) : 1998-2005 41 Bellera C, Rainfray M, Mathoulin-Pellissier S, Soubeyran P. Validation of a screening tool to geriatric oncology : The Oncodage projet. Crit Rev Oncol Hematol 2008 ; 68 : S22-S27 42 Extermann M, Chen H, Cantor AB, Corcoran MB, Meyer J, Grendys E, Cavanaugh D, Antonek S, Camarata A, Haley WE, Balducci L. Predictors of tolerance to chemotherapy in older cancer patients : a prospective pilot study. Eur J Cancer. 2002 ; 38 : 1466-1473 43 Freyer G, Le Roi A, Weber Bl. Geriatric Evaluation (GE) and feasibility of platin-based first line chemotherapy in elderly patients with advanced ovarian cancer (AOC). Proc annu Meet Am Soc Clin Oncol. 2002 ; 21 : 1432 Abstract 44 Retornaz F, Seux V, Sourial N Braud AC, Monette J, Bergman H, Soubeyrand J. Comparaison of health and functional status between older inpatients with and without cancer admitted to a geriatric/internal medecine unit. J gerontol A biol Med Sci 2007 ; 62 (8) : 917-22 45 Barford KL, D’olympio JT. Symptom management in geriatric oncology : practical treatment considerations and current chalenges. Curr Tret Options Oncol. 2008 Jun ; 9 (2-3) : 204-14. 17 Balducci L, Yates J. General guidelines for the management of older patients with cancer. Oncology (Williston Park). 2000 Nov ; 14 (11A) : 221-7. 18 Ramesh HS, Pope D, Gennari R, Audisio RA. Optimizing surgical management of elderly cancer patients. World J Surg Oncol 2005 ; 3 (1) : 17 19 Carreca I, Balducci L, Extermann M. Cancer in the older person. Cancer Treat Rev. 2005 ; 31 : 380 – 402. 20 Terret C, Albrand G, Jeanton M, Courpron P, Droz JP. Quoi de neuf dans l’organisation de l’oncogériatrie ? Bull Cancer 2006 ; 93 (1) : 119-23 21 Katz S, Downs TD, Cash HR, Grotz RC. Progress in development of the index of ADL. Gerontologist. 1970 Spring ; 10 (1) : 20-30. 22 Lawton MP, Brody EM. Assessment of older people : self-maintaining and instrumental activities of daily living. Gerontologist.1969 Autumn ; 9 (3) : 179-86 23 Folstein MF, Folstein SE, McHugh PR. “Mini-mental state”. A practical method for grading the cognitive state of patients for the clinician. J Psychiatr Res. 1975 Nov ; 12 (3) : 189-98. 24 Vellas B, Guigoz Y, Garry PJ, Nourhashemi F, Bennahum D, Lauque S, Albarede JL. The Mini Nutritional Assessment (MNA) and its use in grading the nutritional state of elderly patients. Nutrition. 1999 Feb ; 15 (2) : 116-22. 25 Yesavage JA, Brink TL, Rose TL, Lum O, Huang V, Adey M, Leirer VO. Development and validation of a geriatric depression screening scale : a preliminary report. J Psychiatr Res. 1982-1983 ; 17 (1) : 37-49. 26 Podsiadlo D, Richardson S. The timed "Up & Go": a test of basic functional mobility for frail elderly persons. J Am Geriatr Soc. 1991 Feb ; 39 (2) : 142-8. 27 Chaibi P, Magne N, Breton S, Chebib A. Duron J, Tagzirt M, Hannoun L, Piette F, Khayat D, Spano J. Influence of geriatric consultation with comprehensive geriatric assessment (CGA) on therapeutique decision in elderly cancer patients. J Clin Oncol 27 : 15s, 2009 suppl ; abstr 9505. 28 Mc Corkle R, Strumpf NE, Nuamah IF, Adler D C, Cooley M E, Jepson C, Lusk E J, Torosian M. A specialized home care intervention improves survival among older postsurgical cancer patients. J Am Geriatr Soc 2000 ; 48 : 1707-1713 29 Bernardini D, Milan I, Balzarotti M, et al. Comprehensive geriatric evaluation in elderly patients with lymphoma : feasibility of a patient-tailored treatment plan. J Clin oncol. 2003 ; 21 : 754. 30 Extermann M, Meyer J, Mc Ginnis M, Crocker TT, Corcoran MB, Yoder J, Haley WE, Chen H, Boulware D, Balducci L. Comprehensive geriatric intervention detects multiple problems in older breast cancer patients. Crit rev Oncol Hematol. Epub July 9,2003 31 Durdux C, Boisserie T, Gisselbrecht M. Radiation therapy in elderly patients. Cancer Radiother 2009 Oct ; 13 (6-7) : 609-14. 32 Droz JP, Aapro M, Balducci L. Overcoming challenges associated with chemotherapy treatment in the senior adult population. Crit Rev Oncol Hematol 2008; 68 Suppl 1; S1-8. VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 48 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:33 Page 49 Actualités News JOG n1:Mise en page 1 L’image du JOG Une cascade dans la plèvre ! Y. Menua, F. Al Freijatb a. Service de Radiologie, Hôpital Saint Antoine, Paris, France b. Service de Pneumologie, Centre Hospitalier de Belfort-Montbéliard, site de Belfort, France U n homme de 75 ans est examiné à la demande de son épouse qui se plaint d’entendre des gargouillements dans le thorax de son mari lorsqu’il se couche le soir. Le patient lui-même ne se plaint pas de signes particuliers mais signale peut-être qu’il a une dyspnée d’effort plus prononcée qu’auparavant. L’examen clinique révèle effectivement des anomalies complexes à l’auscultation et à la percussion du thorax. Un scanner est pratiqué. Deux images sont proposées. Il s’agit d’une image après injection intra veineuse de produit de contraste iodé, en fenêtre « médiastinale » et de la même coupe en fenêtre « parenchymateuse ». Quels sont les signes observés ? Quelles sont les hypothèses diagnostiques ? Réponses page suivante Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 49 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Actualités News JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:33 Page 50 L’image du JOG • Réponses Cavitation et rupture pleurale d’un carcinome épidermoïde du poumon • Le cancer bronchique peut donner lieu à des cavités pulmonaires de deux façons. La première est de se compliquer d’un abcès en amont d’un obstacle bronchique, comme dans le cas précédent. Dans ce cas, la rupture dans la plèvre expose au risque d’empyème. La seconde façon est la cavitation tumorale, spontanée ou induite par le traitement. Celle-ci est beaucoup plus fréquente en cas de carcinome épidermoïde. Dans ce cas, la symptomatologie est variée, mais peut être discrète comme chez ce patient. Le risque est évidemment un envahissement direct de la cavité pleurale, qui change sensiblement le stade de la maladie, mais n’est pas systématique. Quels sont les signes observés ? L’image est celle d’un hydropneumothorax droit. La cause de cet épanchement est la présence d’une cavité pulmonaire qui est rompue dans la plèvre. On voit d’ailleurs bien une « chute d’eau » entre la cavité pulmonaire et la cavité pleurale (flèche). La cavité a des parois épaisses, avec un bord externe assez net, probablement lié à une atélectasie du parenchyme avoisinant. Le bord interne est légèrement anfractueux. Il n’y avait pas d’autre anomalie sur l’examen. Quelles sont les hypothèses diagnostiques ? Dans les deux cas, le bilan immédiat comprend une endoscopie bronchique. Dans ce cas, l’endoscopie a démontré qu’il existait une tumeur épidermoïde de la bronche lobaire inférieure droite. Le reste du bilan n’a pas montré d’envahissement à distance, mais la biopsie pleurale a confirmé l’existence d’une atteinte tumorale de la plèvre. Une alternative à la biopsie pleurale est la TEP dont les performances sont intéressantes pour la détection de l’atteinte pleurale, alors que le scanner, qui peut parfois l’affirmer devant la présence de gros nodules indiscutable, est en difficulté lorsqu’il s’agit de détecter les atteintes micro-nodulaires diffuses. Deux hypothèses diagnostiques doivent être envisagées : • un abcès pulmonaire, quelle que soit sa cause. Les abcès pulmonaires sont dans la moitié des cas primitifs, probablement liés à l’évolution défavorable d’une infection pulmonaire. Dans ce cas ; une infection dentaire, une immunodéficience sont souvent associées. Dans l’autre moitié des cas, l’abcès pulmonaire s’inscrit dans un contexte de comorbité, avec d’autres localisations septiques, ou une cause broncho-pulmonaire favorisante comme une dilatation des bronches ou une tumeur bronchique. Dans la grande majorité des cas, les abcès pulmonaires sont symptomatiques avec des signes d’infection plus ou moins sévères, et notamment de la fièvre. Pour cette raison le patient a reçu une chimiothérapie première. ■ Rappel des clichés scanographiques de la page 49 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 50 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:34 Page 51 Congrès Le 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG) : « Geriatric Oncology : Cancer in Senior Adults » s’est tenu à Berlin du 15 au 17 octobre dernier, sous la présidence de Martine Extermann V. Girrea, O. Guérinb a. Département d’oncologie médicale, Institut Curie, 26 rue d’Ulm, 75005 Paris, France b. Pôle de gérontologie, Hôpital de Cimiez, CHU de Nice, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice, France Mots clés : Sénescence cellulaire, cancer, thérapies ciblées, programme oncogériatrique, aidants. C ligne que les gènes qui causent le vieillissement ne sont pas soumis à la pression de sélection de l’évolution des espèces non seulement parce que leurs effets délétères se manifestent après la période de reproduction, mais aussi parce que les gérontogènes (gènes du vieillissement) ont souvent un rôle bénéfique avant la reproduction. Les gérontogènes sont donc pléiotropes : ils induisent un bénéfice précoce et un effet néfaste tardif. Plusieurs mécanismes biologiques et moléculaires émergent comme facteurs favorisant la cancérogénèse au cours du vieillissement : les altérations de l’ADN, les dysfonctionnements mitochondriaux, les voies de l’IGF1, du FOXO, de la P53 et de la P16INKA, le rôle du raccourcissement télomérique et l’action de la télomérase, ainsi que des modifications de l’immunité (IL6, Peroxisome Proliferation Activated Receptors) 2,3,4,5,6. ette 10ème édition a remis au cœur des débats le problème multidimensionnel et multidisciplinaire que pose la prise en charge du cancer de la personne âgée, et les challenges que nous allons tous être amenés à relever compte tenu du vieillissement inéluctable de la population. Plus d’une centaine d’abstracts et de nombreuses communications orales ont fait le point concernant spécifiquement la recherche en Oncogériatrie. L’incidence mondiale du cancer a plus que doublé en 30 ans. En 2008 dans le monde, plus de 12 millions de cas ont été déclarés, et 7 millions de décès. On estime à 25 millions le nombre de patients qui vivent avec un cancer. D’après l’OMS, ces chiffres continueront d’augmenter dans le futur. En 2030, les prévisions tablent sur 75 millions de personnes malades 1. Les personnes âgées paieront un très lourd tribut face à ce fléau : elles représenteront 70 % des personnes atteintes, l’âge étant un facteur de risque pour la très grande majorité des cancers. Concernant la sphère des thérapeutiques liées à l’Oncogériatrie, les progrès en termes de publication sont considérables. Plusieurs résultats significatifs ont été présentés en session. Kabbinavar et al, J Clin Oncol 2009 a analysé rétrospectivement le rôle du bevacizumab dans 2 études et conclut que ce traitement améliore, quel que soit l’âge (moins ou plus de 65 ans), la survie sans progression et globale des patients atteints de cancer colorectal métastatique 7. Il en est de même dans le cancer du rein avancé en seconde ligne thérapeutique où le sorafenib améliore la survie sans progression des patients 8. Chez des patientes de plus de 65 ans atteintes de cancer du sein non métastasé, Muss et Al, N Eng J Med 2009 Concernant la recherche de nouvelles cibles pour le développement de futures thérapeutiques, le Dr Harvey Cohen (Université de Duke, USA) souligne l’importance de travailler sur 2 axes en parallèle ; d’une part la recherche oncologique et d’autre part la recherche sur le vieillissement (extension de la longévité, prévention du déclin fonctionnel, prévention et amélioration des maladies liées à l’âge). Harvey Cohen expose notamment la théorie du biologiste américain George C. Williams (New York) qui souLe JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 51 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Actualités News JOG n1:Mise en page 1 Actualités News JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:34 Page 52 Le 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG) ont démontré que le traitement par chimiothérapie standard (AC ou CMF) était associé à un bénéfice versus traitement adjuvant par capecitabine 9. Pour le myélome multiple, Hulin et al, JCO 2009 ont démontré dans une étude randomisée chez des patients de 75 ans et nouvellement diagnostiqués une amélioration de la survie sans progression et de la survie globale par addition de Thalidomide au Melphalan Prednisone classique. Chez des patients de plus de 65 ans avec une leucémie aiguë myéloblastique (LAM), Löwenberg et Al, N Eng J Med 2009 a montré qu’une dose plus importante de daunorubicine administrée lors du traitement de première induction était associée à un meilleur taux de réponse qu’une dose conventionnelle de daunorubicine. mesurer des modifications de la qualité de vie au sein de 2 groupes de patients : d’un côté 1 422 patients de plus de 65 ans atteints de cancer de tous types et de l’autre 7 160 patients non atteints de cancer. Les données étaient collectées dans le registre « SEER : The Surveillance, Epidemiology, and End Results cancer registry » qui étaient reliés au « MHOS : Medicare Health Outcome Survey data ». Les données ont été collectées entre 1998 et 2003. L’outil de mesure était l’échelle SF-36 (Medical Outcomes Study Short Form-36 survey) qui évalue 2 catégories, les aspects physiques et les aspects psychologiques. Les résultats montrent que quel que soit le type de cancer (hors mélanome et cancer endométrial), il existe une détérioration du score statistiquement représentative chez les patients atteints de cancer versus les patients non atteints 11. Dans le même registre, Mohile et al, J Nat Cancer Inst 2009 ont évalué une population de 12 480 personnes âgées vivant à domicile et bénéficiant du Medicare, séparée en 2 groupes : avec un cancer diagnostiqué et sans cancer. L’évaluation comportait 4 champs : l’état fonctionnel (échelle ADL ou IADL), les syndromes gériatriques (démences, perte de mémoire, dépression, désorientation, chute, incontinence, ostéoporose), la vulnérabilité (VES-13) et la fragilité (critères de Balducci). Les résultats concluent que les patients dont un cancer a été diagnostiqué sont statistiquement plus vulnérables et fragiles que les autres, la prévalence étant plus importante quels que soient les items sélectionnés 12. Enfin, Morey et al, JAMA 2009 ont démontré les effets bénéfiques d’une activité physique et d’un régime alimentaire adapté chez les patients de plus de 65 ans en surpoids (IMC ≥ 25 et ≤ 40). Deux groupes de respectivement 319 et 322 patients ont été comparés. Le 1er groupe (n = 319) a bénéficié d’un programme spécifique : conseil téléphonique, cahier d’exercices personnalisés avec un suivi d’un an. Le 2ème groupe n’a bénéficié d’aucune intervention. Les outils de mesure étaient : le SF-36 (qualité de vie, aspects physiques et psychologiques), la perte de poids et l’indice de masse corporelle. À un an, il existe un changement significatif (p = 0,03) dans l’évaluation des fonctions physiques et de qualité de vie dans le groupe ayant bénéficié du programme 13. D’un point de vue gériatrique, le Dr Marie-Claire Van Nes (Liège, Belgique) a rappelé que la coordination et la communication sont les mots clés des perspectives oncogériatriques au cours de sa présentation du programme belge ONCOSENIOR qui raisonne avec une approche à 2 étages. Tout d’abord, un screening avec ONCODAGE si le score est inférieur ou égal à 14, l’équipe faisant ensuite Concernant le cancer colorectal et thérapies ciblées, le Dr Gunnar Folprecht a discuté de l’utilisation de celles-ci chez les personnes âgées et leur éventuel intérêt. Les données cliniques des essais Folfox et Folfiri dans les cancers métastatiques ont montré un bénéfice dans les sousgroupes des patients âgés avec une surveillance particulière de la toxicité. Le cetuximab en monothérapie a montré un bénéfice chez les patients atteints de tumeur ne présentant pas de mutation de K-Ras. De nouveaux résultats dans les chimiothérapies combinées chez les personnes âgées devraient permettre de déterminer le meilleur ratio bénéfice/toxicité. En synthèse, il n’existe que peu de données sur l’efficacité et la tolérance de thérapies combinées avec des agents ciblés chez les personnes âgées. Le traitement combiné 5FU et bevacizumab semble présenter un bénéfice chez des patients âgés avec peu de comorbidités (population non vulnérable). Le 5FU plus cetuximumab est limité aux tumeurs non KRas mutées et sera testé plus largement dans une étude randomisée conduite par l’EORTC chez les patients âgés en 1ère ligne métastatique chez les malades dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits. L’étude de Tucci et al, Cancer 2009 compare quant à elle le jugement clinique à l’évaluation gériatrique chez 85 patients consécutifs de plus de 65 ans atteints de lymphomes à grandes cellules. La conclusion de l’étude montre qu’une évaluation gériatrique standardisée (Comprehensive Geriatric Assessment) est un outil indispensable et plus efficace que le seul jugement clinique pour cibler les patients à traiter 10. Enfin, concernant le thème « qualité de vie et cancer », 2 études ont été présentées. L’étude de Reeve et al, 2009, avait pour objectif de VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 52 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:34 Page 53 Le 10ème congrès de la Société Internationale d’Oncologie Gériatrique (SIOG) Bibliographie : passer une évaluation gérontologique standardisée. Enfin, concernant la radiothérapie, le Dr Anna-Maria Cerotta a précisé que pour les patients âgés, l’efficacité et la tolérance immédiate sont comparables ; mais les effets secondaires tardifs peuvent être amplifiés du fait de comorbidités. Pour pallier ces risques la dosimétrie conformationnelle et la modulation d’intensité peuvent améliorer la prise en charge. La curiethérapie peut également avoir un rôle à jouer dans certaines localisations et enfin la radiothérapie hypofractionnée reste à réserver aux patients fragiles peu mobiles. ■ Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 1 OMS World Cancer Report 2008. 2 Pawelec G et al. Are Cancer and aging different sides of the same coins ? EMBO reports 9 : 234-238, 2008. 3 Schumacher B et al. Age to survive : DNA damage & aging, Trends in Genetics 24 : 77-85, 2008. 4 Hoye AT et al. Targeting mitochondria : Accounts of chemical Research 41 : 87-97, 2008. 5 Vijg et al. Puzzles, promises and a cure og aging, Nature 454 : 1065-1071, 2008. 6 Beausejour CM et al. Aging, balancing regeneration and Cancer. Nature 443 : 404405, 2006 7 Fairooz F. Kabbinavar, Herbert I. Hurwitz, Jing Yi, Somnath Sarkar, Oliver Rosen. Addition of Bevacizumab to Fluorouracil-Based First-Line Treatment of Metastatic Colorectal Cancer : Pooled Analysis of Cohorts of Older Patients From Two Randomized Clinical Trials J Clin Oncol, Vol 27, No 2 (January 10), 2009: pp. 199-205. 8 T. Eisen, S Oudard, C Szczylik, G Gravis et al. for the TARGET study Group. Sorafenib for Older Patients with Renal Cell Carcinoma : Subset Analysis from a Randomized Trial. J Natl Cancer Inst 2008 ; 100 : 1454-1463. 9 H Muss, D Berry, C Cirrincione et al. Adjuvant Chemotherapy in Older women with early stage breast cancer ? N Engl J Med May 2009 360 ; 20 2055-2065. 10 A Tucci, MD, S Ferrari, MD, C Bottelli, MD, E Borlenghi, MD, M Drera, MD, G Rossi, MD. A comprehensive geriatric assessment is more effective than clinical judgment to identify elderly diffuse large cell lymphoma patients who benefit from aggressive therapy, Cancer, vol.15, issue 19, 4547-4553, 2009. 11 Bryce B. Reeve, Arnold L. Potosky, Ashley Wilder Smith, Paul K. Han, Ron D. Hays, William W. Davis, Neeraj K. Arora, Samuel C. Haffer, Steven B. Clauser. Impact of Cancer on Health-Related Quality of Life of Older Americans, J Nat Cancer Inst 2009 101 (12) : 860-868. 12 S Gupta Mohile, Y Xian, W Dale, S G Fisher, M Rodin, G R Morrow, A Neugut, and W Hall. Association of a Cancer Diagnosis With Vulnerability and Frailty in Older Medicare Beneficiaries, J Nat Cancer Inst, 2 September 2009 ; 101 : 1206-1215. 13 Morey Miriam C. ; Snyder Denise C. ; Sloane Richard ; Cohen Harvey Jay ; Peterson Bercedis ; Hartman Terryl J. ; Miller Paige ; Mitchell Diane C. ; Demark-Wahnefried Wendy. Effects of Home-Based Diet and Exercise on Functional Outcomes Among Older, Overweight Long-term Cancer Survivors : RENEW : A Randomized Controlled Trial ; 53 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Actualités News JOG n1:Mise en page 1 Billet d’humeur Personal view JOG n1:Mise en page 1 5/01/10 15:34 Page 54 Éthique et OncoGériatrie Interview du Professeur François Blanchard, Chef de Service de Médecine Interne et Gérontologie Clinique, CHU de Reims, France ; Professeur de Santé Publique à l’Université de Reims, France Correspondance : [email protected] Par Dimitri Verza, Directeur de la publication du Journal d’OncoGériatrie Le Journal d’OncoGériatrie : Quels sont pour vous les éléments clés à souligner lorsque l’on évoque le sujet « Ethique et Oncogériatrie » ? François Blanchard : L’éthique c’est tout d’abord la notion d’une double dimension collective/sociétale et individuelle où il faut distinguer ce qui relève de l’une ou l’autre dimension. Concernant la dimension collective, les points primordiaux à mettre en avant si l’on veut souligner l’aspect éthique dans la prise en charge des cancers de la personne âgée, sont : • Une égalité des chances d’accéder à une prise en charge et à un traitement adéquat pour tous les malades quel que soit leur âge ou lieu de vie. Or, quand on parle d’oncogériatrie, on sait qu’il existe des discriminations par rapport à l’âge avec comme conséquence principale un retard au diagnostic. Le fatalisme lié à l’âge est très certainement à combattre dans l’image des populations et encore vis-à-vis de certains de nos confrères. A titre d’exemple, un patient de 80 ans a encore 6 à 8 ans d’espérance de vie… et de nombreuses raisons d’espérer d’une prise en charge collective, alors que par ailleurs l’âge limite de dépistage se situe à 74 ans. Ceci semble difficile à accepter du point de vue de l’éthique collective. • Un accès aux soins et une prise en charge de bonne qualité, qui doit être multidisciplinaire. Or nous allons être confrontés à plusieurs problèmes : • un problème de démographie médicale avec une diminution du nombre de spécialistes prenant en charge ces patients dans les années à venir ; • une répartition inégale sur le territoire du nombre de médecins ; • un manque du nombre de soignants et une absence de qualification et de formation spécifique de ceux-ci, notamment en EHPAD. Chez un sujet jeune, l’objectif est de guérir du cancer ; chez un sujet âgé co-morbide, le cancer peut devenir la maladie associée et non pas la maladie principale, et il est impératif de prendre en considération les autres pathologies, ce qui modifie considérablement les décisions à prendre et les stratégies de prise en charge. D’autre part, nous devons nous poser les questions suivantes : quelle qualité d’information doit-on délivrer à la personne pour qu’elle puisse adhérer et donner un consentement libre et éclairé au traitement ? Quelle information dispenser à l’entourage afin qu’il soit soutien, en tenant compte du secret professionnel ? Nous devons réfléchir car plus les gens deviennent vieux, plus, me semble-t-il, nous avons tendance à les « infantiliser ». Nous devons continuellement nous poser la question : comment passer du paternalisme à l’alliance thérapeutique pour les traitements lourds ? Le JOG : Justement, quels seraient pour vous les travaux les plus urgents à mettre en œuvre ? F.B. : Nous devons avoir une vraie réflexion humaniste. Les cancérologues et les gériatres ont déjà l’habitude de travailler de façon multidisciplinaire. Il faut continuer et amplifier cette réflexion collégiale. Tout d’abord, s’interroger sur la mesure du bénéfice individuel ; le seul critère de survie n’est pas suffisant, il faut réfléchir et déterminer des indicateurs de qualité de vie ; mais lesquels et comment les choisir ? Cependant, nous sommes dans une situation complexe car nous ne disposons que de peu de données cliniques à grandes échelles, ou d’essais thérapeutiques spécifiques chez ces populations. Je serais personnellement favorable à un engagement mutuel entre les entreprises du médicament d’une part et les autorités d’enregistrement d’autre part afin qu’il puisse être émis des prolongations de brevets suite à la fourniture d’études spécifiques chez les patients âgés. Enfin, sur le plan de la prise en charge, des expériences terrain ont montré le bénéfice à travailler en réseau. Je crois qu’il est essentiel de continuer et d’amplifier ce travail de coordination, d’échanges inter-réseaux, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés. ■ Le JOG : Si nous abordons maintenant la dimension individuelle, quelles réflexions doit-on avoir ? F.B. : Concernant la dimension individuelle de l’éthique, je soulignerai ce premier point : quel est l’objectif individuel pour quel bénéfice ? VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 54 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 5/01/10 15:34 Page 55 Agenda Janvier 2010 • 20 - 23 janvier - 9ème Biennale Monégasque de Cancérologie, Monaco - www.aimfrance.fr/2010/cancerologie • 22 - 24 janvier - 2010 Gastrointestinal cancers symposium (ASCO GI), Orlando, USA - www.gicasymposium.org Février 2010 • 1er - 5 février - 21st ICACT, Paris, France - www.icact.com Avril 2010 • 16 - 20 avril - EAU annual congress, Barcelone, Espagne - www.eaubarcelona2010.org • 17 - 21 avril - AACR 101st annual meeting, Washington, USA - www.aacr.org • 28 avril - 1er mai - 2nd European Lung Cancer Conference - IASLC/ESMO, Genève, Suisse www.esmo.org/events/lung-2010-iaslc.html Mai 2010 • 18 mai - Femmes âgées et cancer, Paris, France Petites Annonces Cet espace vous est réservé afin de publier vos annonces emploi (postes à pourvoir, recherches de postes disponibles, etc.). Votre annonce sera également publiée en ligne sur notre site internet www.le-jog.com N’hésitez pas à contacter notre service Petites Annonces pour toute demande d’information : [email protected] Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie 55 VOLUME 1 - N°1 – JANVIER/FÉVRIER 2010 Agenda Calendar • Petites annonces Job ads JOG n1:Mise en page 1