Le climat, la preuve par l`action

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Le climat, la preuve par l'action
Le 23 Novembre 2015
Il n’est plus contesté que la température à la surface du globe a
régulièrement progressé avec l’ère industrielle. Dans ces conditions,
au titre de leur devoir fiduciaire, les investisseurs institutionnels
doivent se demander si le changement climatique peut compromettre
leur capacité à honorer les engagements qu'ils ont pris vis à vis de
leurs clients, de leurs assurés, ou de leurs cotisants.
Si très peu d'entre eux peuvent assumer de rester sans rien faire, ils sont pour beaucoup relativement
démunis quand il faut passer à l’action. De fait, les organes de gouvernance de ces investisseurs ont
une compréhension variable du risque carbone et pour certains la prise de conscience est très limitée.
Cette méconnaissance associée à la difficulté de s'y retrouver dans des discours souvent
contradictoires et parfois abscons peut justifier une frilosité voire des actions qui ne vont pas au-delà
du symbolique.
Pour sortir de cette situation, il faut accepter de reconnaître qu'un grand nombre d'investisseurs a
besoin de réponses simples et que leur gouvernance puisse « acheter » en confiance. Dans cette
perspective, voici trois exemples d'initiatives qui peuvent vraiment accélérer le passage à l'acte de
nombreux investisseurs.
Les initiatives d’investissement en faveur du climat
Le financement de la transition vers une économie moins carbonée est porteuse de multiples
opportunités d'investissement. Les investisseurs le savent.
S'ils hésitent à investir dans les actions des entreprises qui développent des produits ou services qui
profiteront de la transition c'est notamment parce leur tolérance au risque est limitée mais aussi parce
que le cadre prudentiel reste peu incitatif à toute prise de risque.
La Banque européenne d'investissement (BEI), BNP Paribas et Vigeo ont conjugué leur expertise
pour proposer un vecteur d'investissement innovant. L’initiative Tera Neva permet ainsi de participer
au financement de projets européens en faveur du climat via un « Climate Awareness Bond » de la
BEI. Concrètement, le produit de l’émission sera investi dans des entreprises engagées dans une
démarche convaincante en matière de lutte contre le changement climatique. Les investisseurs de
leur côté bénéficieront d’une garantie sur leur capital mais seront aussi associés à la performance des
entreprises financées grâce à une indexation du remboursement sur l’indice Vigeo « Ethical Europe
Climate Care ».
La création d’indices « low carbon »
Au-delà des fonds qui financent les acteurs qui sont clairement à l'avant-garde du mouvement de
transition vers une économie moins carbonée, il faut aussi encourager la prise en compte de l’enjeu
climat sur l’ensemble des portefeuilles des investisseurs institutionnels. Une étape très importante
pourrait être franchie en développant de nouveaux indices qui intègrent l'objectif de limiter à 2 degrés
maximum la hausse des températures d'ici 2050.
Qu'on défende cette option ou qu'on la critique, on doit bien constater que la plupart des investisseurs
évaluent la performance de leur gestion ou investissent en se référant à des indices qui, à ce stade,
n'intègrent pas vraiment l'objectif de décarbonation. L'enjeu est pourtant considérable. Pour s'en
convaincre, il suffit de considérer le montant des actifs gérés de manière passive (on change d’échelle
« from billions to trillions »). Il faut donc saluer les initiatives des différents fournisseurs d’indices qui
veulent aller au-delà des indices « bas carbone » actuels. Tous, à des titres divers, sont en train de
travailler sur des indices qui fourniraient une assurance raisonnable aux investisseurs qui en
demanderaient la réplication à leur gestionnaires d’actifs qu’ils sont sur la bonne trajectoire pour
contribuer à limiter à 2° au maximum l’élévation de la température à l’horizon 2050.
La décarbonation des portefeuilles d’actifs
Pour les investisseurs les plus avancés, il faut aussi continuer à explorer de nouvelles modalités de
promotion d'une gestion décarbonée.
L'ERAFP a été le premier investisseur à publier l'empreinte carbone de son portefeuille actions, il y a
deux ans.
Le Régime est un fonds de pension. Il a donc une vision de long terme et considère par conséquent
qu'il faut aborder de manière pro active la transition.
C'est la raison pour laquelle l'ERAFP a souhaité engager un processus de décarbonation en
collaboration avec un de ses gestionnaires. Ainsi le portefeuille d’actions Europe géré par Amundi
intègre-t-il désormais un filtre supplémentaire destiné à supprimer les entreprises les plus émettrices
de gaz à effet de serre. A l'approche de la COP21, l'ERAFP propose une nouvelle approche.
Le Régime vient de confier à amLeague et Cedrus AM la mise en œuvre d’une plateforme permettant
aux gestionnaires de montrer sur une période significative leur capacité à réduire l’intensité carbone
d’un portefeuille « actions internationales ».
D'ores et déjà, l'ERAFP a pris des contacts avec un certain nombre d'investisseurs français et
européens qui ont manifesté un intérêt pour cette démarche.
Il s’agit aussi de déterminer comment, dans une seconde étape, ils pourront investir en intégrant les
résultats dégagés par les processus de gestion qui se seront avéré les plus performants.
Les investisseurs institutionnels doivent faire preuve d’esprit d’initiative. Si
leur devoir fiduciaire leur dicte d’évaluer le risque que fait courir le
changement climatique sur la valeur de leurs investissements, ils doivent faire
plus. Ils doivent, en particulier, commencer à modifier leur allocation d’actifs.
C’est bien la démarche adoptée par l’ERAFP. Dans une démarche best in class,
le Régime cherche à sortir, dans chaque secteur de l’économie, des
entreprises qui parce qu’elles sont les plus intenses en carbone sont aussi les
plus risquées. En parallèle, l’ERAFP entend contribuer à accélérer la transition
en investissant dans des solutions qui vont au-delà du processus
d’amélioration continue. Les exemples ci-dessus participent de cette politique
d’innovation permanente que nous devons tous promouvoir si nous voulons
mobiliser les fonds des grands investisseurs. C’est bien les milliers de
milliards qu’il faut mobiliser pas simplement des milliards de fonds publics
promis par des Etats aux prises avec leurs propres difficultés budgétaires.
Article de Philippe Desfossés,
Directeur de l'ERAFP
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