La campagne d`Alsace

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Pierre Dufour
La campagne d’Alsace
Automne 1944-Hiver 1945
Chapitre 1
En tête d’Overlord
A
u moment où le projet d’invasion de l’Europe continentale prend véritablement forme, l’arme aéroportée, qui en
sera l’avant-garde, se développe considérablement. Depuis
décembre 1942, des évadés de France et des volontaires venant de
toutes les régions du monde sont en attente au camp d’Old Dean, à
Camberley, en Grande-Bretagne. Ils sont rejoints, en mars 1943, par la
2e CIA venant d’Algérie, puis le 24 avril, par les rescapés de la 1re CIA
embarqués à Suez. Il est alors possible de constituer un bataillon, le
1er juillet 1943. Celui-ci prend le nom de « 1er bataillon d’infanterie
de l’air des forces aériennes françaises libres ». Il deviendra un peu plus
tard le 4e bataillon d’infanterie de l’air. Succédant aux chefs de l’unité en
formation, les capitaines Coulet et Lambert, le lieutenant-colonel Fourcault, qui vient d’être promu à ce grade, en prend le commandement.
L’effectif du bataillon est de trois cent quatre-vingt-dix-huit hommes
répartis en quatre compagnies.
Dans le même temps, le commandant O’Cottereau et le capitaine
Fournier ont rassemblé au Caire tous les volontaires rejoignant les FFL
en Syrie et en Égypte qui constituent l’embryon d’un 3e bataillon d’infanterie de l’air. À la suite d’une campagne de recrutement forcenée en
Tunisie, les volontaires sont regroupés au camp de Sabata, en Tripoli11
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taine. Le 6 juin 1943, le bataillon est officiellement créé par ordre du
général de Gaulle. Comprenant trois centshommes, il est dirigé vers
l’Angleterre et prend garnison à Camberley le 7 novembre 1943. Le
commandant O’Cottereau est remplacé à la tête du bataillon par le
commandant Chateau-Jobert, dit « Conan ». À la même époque, le
commandant Bourgoin, remis de ses blessures mais amputé d’un bras,
vient prendre le commandement du 4e bataillon d’infanterie de l’air.
Les 3e et 4e bataillons sont regroupés en une demi-brigade, commandée
par le lieutenant-colonel Durand venant du Corps franc d’Afrique. En
décembre, la demi-brigade française intègre, en Écosse, la SAS Brigade,
formée à partir des deux régiments SAS d’Afrique.
À la fin du mois de janvier 1944, pour des raisons de sécurité, la
« SAS Brigade » est transférée dans l’ouest de l’Écosse. Le 14 mars, un
pli « très secret » met le 4e bataillon en alerte. Le départ est prévu pour
le 8 avril. Une grande manœuvre vient concrétiser les résultats de l’instruction. Puis ce sont les visites des autorités, et en particulier celle du
maréchal Montgomery qui déclare : « Les SAS français, je vous connais
bien ! Travaillez aussi bien qu’en Libye ! ». Le 17 avril, sur décision
du général commandant les forces aériennes françaises en Grande-Bretagne, le 4e BIA devient le 2e régiment de chasseurs parachutistes–SAS
et le 3e BIA, le 3e régiment de chasseurs parachutistes–SAS.
À la veille du débarquement de Normandie, chaque régiment
compte un effectif d’environ six cents hommes répartis en un squadron3 de commandement, un squadron motorisé et trois squadrons de
fusiliers voltigeurs. Chaque unité élémentaire comportant environ cent
vingt parachutistes. L’armement et le matériel des unités SAS représentent des soucis que l’organisation et la perfection dans le détail des
Britanniques s’emploient à résoudre après de nombreux tâtonnements.
En particulier, il est décidé que l’armement sera obligatoirement composé au plan individuel d’un Colt 45, d’un poignard américain, d’une
carabine à crosse repliable ou d’une mitraillette Sten. Quant à l’armement collectif, il se compose de fusils-mitrailleurs Bren, d’armes antichars portatives Bazooka ou Piat, de coupe-coupe, enfin de plastic. Le
3. Au Special Air Service, le squadron était l’unité élémentaire de base. Il correspondait
à une compagnie de parachutistes quand les BIA devinrent des RCP – SAS.
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En tête d’Overlord
bataillon possède une section de transmissions, dont les douze équipes,
munies de postes à grande portée, sont réparties entre les groupes et
sont reliées en poste à poste avec le PC de la brigade par qui passeront toutes les communications. Les postes radio à grande portée sont
de type Jet Set, d’un poids de vingt-cinq kilos avec génératrice à main
et d’une portée de huit cents à mille kilomètres en graphie. Chaque
équipe est munie d’un code particulier pour ne pas donner d’indication sur les autres postes en cas de capture. Chaque équipe de sabotage
et chaque stick possèdent, en outre, un poste d’écoute miniature lui
permettant de prendre la BBC, dont certaines vacations sont réservées.
Enfin, chaque groupement important est muni d’appareils S Phone,
permettant une liaison directe avec les appareils de la RAF. Lorsque le
chef de stick reçoit de sa mission, il l’étudie avec ses équipiers, soumet
son projet au commandement qui, après approbation, lui fait percevoir
le matériel nécessaire. Au moment du départ, chaque homme reçoit
une carte imprimée sur un foulard de soie, de l’argent et une trousse
d’évasion pas plus grande qu’un portefeuille, mais parfaitement étudiée,
avec boussole, lime et pastilles de toutes sortes. Cette organisation où
rien n’est laissé au hasard se révélera, dans la pratique, d’une parfaite
efficacité. Lors de la motorisation après les opérations en Bretagne, le
2e RCP-SAS passera à quatre squadrons comportant chacun un peloton
de commandement et quatre pelotons de quatre jeeps armées, soit :
soixante-cinq jeeps, dix camionnettes Bedford et deux cent soixantedix armes automatiques.
*
*
*
Lors du débarquement de Normandie, la brigade SAS, dont faisaient partie les deux bataillons français d’infanterie de l’air en Angleterre, devait appuyer l’opération par le renseignement et l’action sur les
arrières de l’ennemi. Mais bien que l’essentiel de la bataille se déroulât sur le territoire français, presque rien n’était envisagé quant à l’utilisation des forces de l’intérieur. L’OSS et le SOE avaient seulement
prévu des équipes de renseignement et de liaison, ainsi que des groupes
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de guérilla employés dans une Jedburgh party4. Composées d’un officier américain ou britannique, d’un officier français et d’un radio, les
équipes doivent être parachutées en uniforme et affectées à un secteur
pour assurer la liaison entre l’état-major et la Résistance. L’aide de la
Résistance n’est alors envisagée que comme appoint, les Alliés n’ayant
qu’une confiance médiocre en des éléments qu’ils jugent disparates,
incontrôlables et surtout politisés. D’autre part, il est vital d’empêcher
l’afflux des divisions allemandes vers la fragile tête de pont de Normandie pendant les vingt premiers jours cruciaux du débarquement. Il
est donc demandé aux parachutistes de compléter, voire de remplacer,
l’action de l’aviation. Le SAS et les operationnals groups disposant d’une
autonomie complète sont ainsi chargés de missions de renseignements
et de sabotage. Trois semaines avant le jour « J », un état-major réduit
du 4e BIA est mis au secret au camp F dans le sud de l’Angleterre. La
mission préparée comporte deux phases : une phase initiale de sabotage
des voies de communication en vue d’interdire tout mouvement des
forces allemandes vers la zone de débarquement ; puis une phase de
réorganisation et d’action de la Résistance afin de faciliter la pénétration
alliée. La zone d’action choisie est à la Bretagne, où huit divisions allemandes, dont cinq de valeur médiocre, sont stationnées.
Le 5 juin 1944 à 23 heures, les premiers éléments du 2e RCPSAS sautent sur l’emplacement des futures bases de guérilla baptisées
Samwest et Dingson. Encore une fois, le commandement veut créer une
plate-forme opérationnelle à l’image de celles des Glières, du Vercors
ou du Mont-Mouchet, sans tenir compte des échecs précédents. On y
ajouterait même le jeep squadron du régiment qui serait ultérieurement
largué ou posé par planeurs en fonction de l’évolution de la bataille
pour éclairer et guider les avant-gardes blindées alliées. Le lieutenant
Deschamps, secondé par le lieutenant Botella, doit armer Samwest dans
les Côtes-du-Nord ; les lieutenants Marienne et Deplante occuperont
Dingson près de Saint-Marcel. Si l’implantation à Samwest s’effectue
sans difficulté, il n’en va pas de même à Dingson, où le détachement
est surpris par une section de l’Ostlegion et se dégage difficilement,
non sans avoir perdu le caporal Émile Bouétard, premier soldat allié
4. Il semblerait que les équipes jedburgh tirent leur nom d’une petite ville des Scottish
borders, symbole de la résistance écossaise contre les Anglais au xiie siècle.
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En tête d’Overlord
du débarquement tué, et les trois radios capturés avec les postes. Une
deuxième équipe est larguée par erreur dix-sept kilomètres au nord. Le
contact est finalement rétabli grâce à un maquis, et la base établie près
de Saint-Marcel. Dans la nuit du 8 au 9 juin, la plupart des destructions sont exécutées avec plus ou moins de bonheur. C’est ainsi que
le lieutenant Camaret et son groupe détruisent un tunnel sur la voie
transversale Redon-Rennes, au sud de Messac, en faisant exploser un
convoi allemand à l’intérieur et en lançant de l’autre côté une locomotive bourrée d’explosifs « empruntée » à la gare de Messac.
Dès le 8 juin, les bases bretonnes accueillent de nombreux maquisards qui les renforcent. Dingson compte entre deux mille et cinq mille
combattants ; Samwest, près de cinq cents, mais très peu sont armés.
Dès lors, le commandant de la brigade SAS lance la troisième phase de
l’opération. Dans la nuit du 9 au 10 et les nuits suivantes, le reste du
régiment est parachuté en Bretagne. Bourgoin, le commandant manchot, saute le 9 avec un parachute spécialement conçu pour lui et dont la
voile tricolore lui a été offerte par le brigadier Mac Leod. Sur le terrain,
c’est un peu la kermesse héroïque. Malheureusement, l’enthousiasme
de la population et des FFI, les parachutages massifs trop fréquents5,
les indiscrétions et les imprudences attirent l’attention des Allemands.
À partir du 11 juin, plusieurs incidents opposent les parachutistes
aux garnisons allemandes du secteur. Ces derniers réagissent de plus
en plus violemment et Samwest est condamné. Le capitaine Leblond
replie son détachement sur Dingson, mais maintient quelques équipes
de sabotage sur la voie ferrée Paris-Brest. Une nouvelle base appelée
Grock est implantée près de Pontivy, sous le commandement du lieutenant Deplante. Autour de Saint-Marcel, de violents combats opposent
les parachutistes SAS et les FFI du bataillon Le Garrec à des unités
allemandes sans cesse renforcées. Malgré l’appui aérien des Thunderbolt
de l’USAF, la situation devient critique. Les assaillants sont contenus,
mais le commandant Bourgoin décide d’abandonner la base dans la
nuit et donne l’ordre de dispersion. La base Grock n’a qu’une existence
éphémère. Dès le 21 juin, la Wehrmacht commence l’encerclement,
5. 68 avions survolent la zone du 9 au 18 juin, notamment le 13 juin, quand
25 appareils larguent 700 conteneurs.
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La campagne d’Alsace
et les Allemands organisent alors une chasse impitoyable aux « terroristes ». Guidés par la Milice, le 261e escadron de cavalerie (ukrainien)
et le 708e Ostbataillon (géorgien) massacrent les isolés, pillent et terrorisent la population. Le 12 juillet, le lieutenant Marienne est capturé
par surprise avec quelques hommes qu’il a rassemblés. Ils sont abattus
sur place par des agents français de la Gestapo. Quatre jours plus tard,
ils assassinent les lieutenants Skinner et Fleuriot. Heureusement, le
3 août 1944, la 3e armée US de Patton atteint les faubourgs de Rennes
après avoir percé le front allemand à Avranches. Les gestapistes français
s’enfuient. Ce même jour, la fameuse phrase : « Le chapeau de Napoléon est toujours à Perros-Guirec » retentit sur les ondes de la BBC. Elle
donne le signal de l’insurrection pour les dix mille FFI armés par les
SAS. Le lendemain, la dernière phase de l’opération est déclenchée : le
reste du Jeep Squadron est mis à terre au sud d’Auray. Il éclaire la progression de la 4e DB américaine, tandis que le gros du régiment amorce
l’investissement de Lorient et Saint-Malo. Reprenant le principe des
patrouilles du Long range desert group en Cyrénaïque et en Tripolitaine,
les squadrons sont équipés de jeeps lourdement armées montées par des
équipages de quatre hommes. Ces jeeps, qui opèrent en patrouilles de
deux véhicules, parfois trois, font merveille et attisent la haine des Allemands, qui se livrent aux pires méfaits lorsqu’ils capturent des « terroristes ». Ainsi, le 25 août, à quelques kilomètres de Blain, l’équipage
du sergent-chef Ithuria se heurte à un élément de la division Hermann
Goering. Ithuria et Maigret sont blessés et achevés par les Allemands,
qui déshabillent leurs corps et les attachent nus à l’arrière de la jeep qui
les traîne sur la route.
À l’issue de cette période de « chouannerie » en Bretagne, le 2e RCP
se rassemble à Vannes pour trois semaines bien méritées de remise en
condition. Le régiment a perdu, en deux mois d’opérations, vingttrois officiers et cent soixante-quinze hommes tués ou disparus, soit
près du tiers de son effectif. Le 2 août 1944, le général de Gaulle, cite
le 2e RCP à l’ordre de la nation, et lui attribue la croix de la libération.
Dès les premiers jours de septembre, les parachutistes du 2e RCP,
coiffés du béret amarante que le roi d’Angleterre, en un geste de reconnaissance, a accordé aux SAS français, opèrent au sud de la Loire, dans le
cadre de l’opération Spencer. Toujours commandés par le lieutenant-co16
En tête d’Overlord
lonel Bourgoin, les « Bataillons du ciel », selon le titre du livre de Joseph
Kessel, d’abord regroupés à Vannes, sont articulés en quatre squadrons
de douze jeeps armées chacun. À partir de Briare, où se trouve un des
rares ponts disponibles, les jeeps opèrent en direction de Nevers, Pouilly,
Sancerre, Sancoins et Decize. Partout, avec le concours des maquis
locaux, les SAS harcèlent l’ennemi, qui cherche le passage vers le nord.
Un de leurs plus beaux exploits est à mettre au compte du sous-lieutenant Le Bobinnec qui, le 11 septembre 1944, capture l’avant-garde de
la colonne Elster : deux mille cinq cents Allemands prisonniers, trois
cents véhicules, huit canons et tout l’armement individuel correspondant au prix de deux tués, douze blessés et une jeep hors d’usage chez
les SAS français. Cet exploit des SAS, ajouté au harcèlement dont ses
unités sont l’objet de la part des maquis, influe fortement sur la décision de se rendre du général Elster. Les autres squadrons opèrent vers le
sud-ouest et Bordeaux. Les patrouilles de jeeps surgissent à Cognac, à
Poitiers, à Rochefort, à Périgueux, tandis qu’à l’autre bout du dispositif,
le 12 septembre, le sous-lieutenant de Camaret prend contact à Autun
avec l’avant-garde de l’armée « B ». Avec la reddition de la colonne
Elster se termine, le 14 septembre, la campagne de la Loire à la Saône.
Les squadrons se regroupent à Briare. À la mi-septembre, le 2e RCP est
regroupé à Montmirail où le commandant Puech-Samson prend le
commandement du régiment en remplacement du colonel Bourgoin,
nommé inspecteur général des TAP. Les recrues partent à l’instruction en Angleterre. Trente-neuf officiers, deux cent soixante-dix-neuf
sous-officiers et hommes du rang ont participé à l’opération Spencer.
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*
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Sous le commandement du chef de bataillon Château-Jobert
dit Conan, le 3e RCP-SAS est à son tour engagé dans les opérations
de harcèlement à partir d’une ligne allant de Nantes à Besançon. Il
compte cinq cent quatre-vingt-onze parachutistes brevetés, dont cinquante-quatre officiers et soixante-quatre sous-officiers. Comme le
2e RCP-SAS, le régiment éclate en éléments d’importance variable remplissant une douzaine de missions pratiquement indépendantes les unes
des autres. Le commandant Château-Jobert lui-même prend la tête de
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La campagne d’Alsace
l’une de ces opérations. Durant la seconde quinzaine de juillet et tout
le mois d’août, les squadrons du 3e RCP-SAS pratiquent la guerre de
course avec succès. Le lieutenant Poisson, de l’état-major du régiment
est le premier à être largué sur les Deux-Sèvres avec une équipe comprenant un officier anglais, un artificier et deux radios. Sans nouvelles de
Poisson dont le poste radio a été détérioré à l’atterrissage, Conan envoie
une autre équipe, puis le 3e squadron du capitaine Fournier. En quelques
jours, les équipes de Fournier sont en place sur leurs zones d’opération à La Roche-sur-Yon, Saint-Maixent ou Fontenay-le-Comte. Ayant
constitué une base opérationnelle au bois d’Anjou, les SAS arment les
maquis avec des parachutages qui attirent l’attention des Allemands.
Au moment où le lieutenant Poisson rejoint enfin le refuge, les Allemands attaquent en force le bois d’Anjou. Les paras et les maquisards
éclatent en petits groupes, non sans avoir tué quatre-vingt-sept Allemands et blessé cent quatre-vingt-deux.
Après la mise en place de la mission Dickens en Vendée, la cadence
des départs vers la France s’accélère. Dans la nuit du 4 au 5 août, le
2e squadron du capitaine Sicaud est parachuté dans le nord du Finistère. Dans le cadre de la mission Derry, l’opération a pour objectif de
compléter l’action du 2e RCP en Bretagne en interdisant au maximum
les mouvements de l’ennemi, notamment en direction de Brest, de renforcer les maquis déjà encadrés par des équipes jedburghs et de faciliter
l’avance vers Brest et Saint-Malo de la 3e armée de Patton. Le 2e squadron doit également empêcher la destruction des viaducs de Morlaix et
de Plougastel. Jusqu’au 19 août, encadrant les maquisards, Sicaud et
ses hommes harcèlent durement la Wehrmacht. Le capitaine Simon,
adjoint de Conan, mène l’opération Moses dans la région de Montmorillon, au nord de la Vienne. Le 13 août, un convoi est intercepté
et détruit à l’est de Poitiers ; les renseignements transmis à Londres
provoquent des raids dévastateurs. À partir du 14 septembre, les SAS
du capitaine Simon participent aux opérations menées entre Pornic et
Paimbœuf pour la réduction de la poche de Saint-Nazaire. En Corrèze,
le capitaine Wauthier et le sous-lieutenant Collerey mènent l’opération
Marshall de guérilla, sabotage, renseignement avec les FFI.
Du 12 au 15 août, trois détachements du 3e RCP sont parachutés
dans des régions proches les unes des autres. Les missions Harrods et
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En tête d’Overlord
Barker atterrissent en Saône-et-Loire ; la troisième, baptisée Jockworth,
est larguée dans la Loire, entre Saint-Étienne et Lyon. Le commandant
Château-Jobert saute avec Barker et installe son PC au nord-ouest de
Chagny. En liaison avec des maquis bien armés par de récents parachutages, les hommes de Conan, l’insaisissable « terroriste » dont les
Allemands ont mis la tête à prix, verrouillent la région au nord de Lyon.
Avec Harrods, le lieutenant Colcomb et et le sous-lieutenant Bauer
se chargent de la RN 6 entre Mâcon et Tournus. Les trois sticks6 de
Jockworth, aux ordres du capitaine Paumier et du lieutenant Hourst
atterrissent près de Saint-Symphorien-sur-Loire. Ils sont chargés de
traiter les routes Roanne-Lyon et Saint-Étienne-Lyon sans pour autant
négliger la RN 7. Ces trois missions se trouvent sur les voies de circulation et de repli de la Wehrmacht, axes qui prennent toute leur importance depuis le débarquement de Provence.
Le 18 août, les SAS du lieutenant Colcomb détruisent un important convoi routier au sud de Tournus. D’autres attaques provoquent
des pertes sévères chez l’ennemi et retardent considérablement sa progression. Le 19, les équipes de Jockworth sabotent l’importante station
radio de l’Arbresle, à vingt-cinq kilomètres de Lyon. Le 30 et le 31, elles
attaquent à Givors et à Brignais avant d’entrer dans Lyon et de se battre
dans la capitale des Gaules avec des éléments de la 1re DMI.
Au nord, l’action des SAS de Conan permet l’intervention précise de
la RAF qui, le 24 août, détruit plusieurs trains entre Chagny et Parayle-Monial. Le 28 août, les jeeps du capitaine de Roquebrune atteignent
la région de Sennecey-le-Grand7. Des actions d’envergure sont envisagées et les maquisards proposent d’enlever Tournus pendant que les
SAS prendront Sennecey-le-Grand. Pourtant, malgré l’enthousiasme
contagieux des FFI, la situation est loin d’être favorable. Quatre bataillons allemands sont concentrés autour de Sennecey. Des troupes aguer6. L’avion d’un 4e stick commandé par le lieutenant Rouan sera abattu par la FLAK
au-dessus de Cherbourg. Deux SAS sont tués et quatre autres blessés. Ceux qui ont
pu sauter sont ramenés en Angleterre, rééquipés et rejoignent les équipes de Conan
quelques jours plus tard.
7. Dans cette région opère le maquis formé à partir du noyau du 1er RI passé presque
entièrement dans la clandestinité de façon constituée. Sa participation à la reddition de
la colonne Elster lui vaudra l’inscription sur son drapeau : « Résistance Berry 1944 ».
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La campagne d’Alsace
ries occupent également les localités voisines. Néanmoins, fidèles à
leur devise : « qui ose gagne », les SAS du capitaine Boissonas et de
l’aspirant Zermati prennent à leur compte l’attaque de Sennecey prévue le 4 septembre. La fusillade surprend complètement les Allemands,
qui éprouvent de lourdes pertes. Les jeeps parviennent à l’extrémité
de Sennecey, mais les Panzergrenadiere se sont ressaisis et des renforts
arrivent de Chalon-sur-Saône. Le capitaine Boissonas et l’aspirant
Lyon-Caen sont tués au cours de l’assaut. Le capitaine de Roquebrune
tente de se replier. En vain. Seuls quatre SAS blessés parviennent à sortir
de Sennecey. À l’ouest également, les événements tournent mal. Devant
la détermination et la puissance de feu allemandes, la résolution des FFI
de « casser du boche » a fondu comme neige au soleil. C’est une chose
de détruire des convois en retraite bourrés d’administratifs démoralisés,
c’en est une autre d’affronter des vétérans du front de l’Est que peu de
chose surprend. L’attaque de Sennecey est un échec sanglant. Pressés
à leur tour par le 3e régiment de spahis marocains, les Allemands se
replient eux aussi, non sans avoir exercé de sanglantes représailles sur la
population.
Deux jours plus tard, le 6 septembre, les 25 SAS des capitaines
Rouan et Poro, aidés de 125 FFI, s’emparent de Montceau-les-Mines,
puis s’installent en bouchon sur la route et la voie ferrée. Ce jour-là, ils
signent un exploit resté dans les annales des commandos en s’emparant simultanément d’un train qu’ils ont fait dérailler près de Blanzy
et d’un convoi automobile. Face à un adversaire nombreux et puissamment armé, le sergent-chef Le Carré accompagné d’un maquisard
débloque la situation en annonçant au culot au commandant allemand
qu’il est encerclé par une division aéroportée et que toute résistance
est inutile. Après quelques hésitations, l’Allemand se rend. Au moment
où quelques maquisards récupèrent les armes et rassemblent les prisonniers, survient un train blindé. Quelques coups de feu sont échangés. Le
Carré intervient de la même façon pour le même résultat. En quelques
instants, au prix de deux tués, les parachutistes se retrouvent à la tête
de cinq cents prisonniers, deux trains,deux chars, plusieurs canons et
cinq cents armes armes diverses, tandis que l’ennemi laisse sur le terrain
vingt tués et trente-deux blessés.
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En tête d’Overlord
Ramené de Bretagne après l’opération Derry, le 2e squadron du capitaine Sicaud est rééquipé et scindé en deux éléments pour l’opération
Abel qui vise à renforcer l’action des maquis du Doubs, à interdire l’accès
vers la Suisse et le repli vers Belfort de la XIXe armée allemande qui bat
en retraite depuis la Provence. L’opération connaît un premier accroc
lors du parachutage du premier détachement dans la nuit du 26 au
27 août. Pris dans un violent orage, trois des quatre avions sont forcés
de rebrousser chemin et seul le stick de l’aspirant Puy-Dupin est largué.
Sans attendre, dès le 27, les SAS attaquent la garnison de Dannemarie
avec l’aide des FFI. L’action est confuse. Les assaillants se replient après
une heure de combat, mais les Allemands abandonnent la position le
lendemain matin. Les trois autres sticks sautent dans la nuit du 28 au
29 à Chamesol dans le Jura. Les maquis locaux sont bien équipés et les
SAS peuvent compter sur mille deux cents FFI déterminés. Aussi, le
jour même, la décision est prise d’attaquer Pont-de-Roide, une petite
ville tenue par un bataillon de trois cents Allemands pourvus de mortiers et de mitrailleuses. Comme à Sennecey, la résistance allemande et
l’arrivée de renforts obligent les SAS et les maquisards à renoncer à leur
entreprise. Mais le 1er septembre 1944, les aspirants Puy-Dupin et Duno
établissent le contact avec le 3e RSM. Jusqu’au 15 septembre, les SAS et
les FFI multiplient les reconnaissances au profit de la 1re armée. Le 15,
malgré un échec à Clerval, à la demande des Américains, les SAS et les
FFI lancent une attaque contre Geney qui échoue ; le sous-lieutenant
Rosset-Cournand et quatre parachutistes sont tués. Le 18 septembre, la
progression reprend vers le nord et le 22, les premiers éléments français
atteignent les faubourgs d’Épinal.
Malgré l’échec et les pertes élevées enregistrées lors de l’affaire de
Sennecey, les missions Harrods, Barker et Jockworth sont des succès. Le
commandant Château-Jobert rassemble son régiment ; le 16 septembre,
il récupère le capitaine Sicaud engagé dans le Doubs et se met aux ordres
du général Béthouart, commandant le 1er corps d’armée. Comme le
2e RCP-SAS, le 3e RCP-SAS est cité à l’ordre de l’armée. Le bilan général du 3e RCP dans cette mission est éloquent : cinq mille quatre cent
soixante-seize Allemands hors de combat, mille trois cents prisonniers,
onze trains et trois cent soixante-deux véhicules détruits pour la perte de
seulement quarante et un parachutistes, tués ou disparus.
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La campagne d’Alsace
Simultanément aux opérations de guérilla menées par les deux régiments SAS, les maquis sortent de la clandestinité et des unités régulières
se reconstituent autour des officiers qui ont continué la lutte durant la
période difficile de l’occupation. C‘est le cas du colonel Fabien, Pierre
Georges né à Paris en 1919 pour l’état-civil. Fils d’un boulanger, Pierre
Georges commence à travailler très tôt et adhère au parti communiste à
quatorze ans. À dix-sept ans, il s’engage dans les brigades internationales
et participe à la guerre d’Espagne. De retour en France, il devient dirigeant des jeunesses communistes. Interné en tant que militant communiste au début de la guerre, il s’évade et, après la défaite de 1940, plonge
dans l’action clandestine, d’abord à Marseille, puis dans la région parisienne. En 1941, il est commissaire aux opérations spéciales du PC et
forme les « bataillons de jeunesse » qui participent à la lutte contre l’occupant. Recherché, il est envoyé en Franche-Comté, puis revient à Paris où
il est arrêté et condamné à mort. Sa peine est commuée en déportation,
mais il parvient à s’évader et reprend le combat. Au mois d’août 1944,
avec Rol-Tanguy, il est un des héros communistes de la libération de
Paris. Au cours de l’automne, il regroupe cinq cents hommes qui forment la « Brigade de Paris » destinée à combattre au sein de la 1re armée
française. Les vétérans de l’armée d’Afrique sont étonnés de la combativité de ce groupement, de la compétence de son chef et de son efficacité
au combat. Après plusieurs changements d’appellation et la mort du
colonel Fabien et d’une partie de son état-major tués en examinant une
mine à Habsheim, le 27 décembre 1944, selon la volonté du général
de Lattre, la colonne Fabien devient le 151e régiment d’infanterie qu’il
avait commandé de 1935 à 1937, le 13 janvier 1945. Dans les Alpes, la
27e division d’infanterie alpine renaît autour des bataillons des Glières
et du Vercors ; dans le Centre, le 1er régiment d’infanterie – Picardie –
est reconstitué autour du colonel Bertrand, et en Auvergne, où il s’était
replié, le 152e RI, les fameux « Diables rouges » du Hartmannswillerkopf,
participe aux combats de la Libération sous les ordres du colonel Colliou. Toutes ces unités reprennent la lutte au grand jour avec des moyens
dignes des Volontaires de l’An II. Pour leur participation à la reddition
de la colonne Elster, le 152e RI et le 1er RI mériteront respectivement les
inscriptions « Résistance Auvergne 1944 » et « Résistance Berry 1944 »,
tandis que le 11e Cuirassiers inscrira « Vercors 1944 » sur son étendard.
Chapitre 2
La Résistance dans la libération
du territoire national
L’
occupation de l’Europe provoquait dès 1940 la guerre de
l’ombre, prémices de la guerre totale incluant la population
civile et inconnue jusqu’à ce jour. D’un côté, les actions d’espionnage et de sabotage à l’actif des services secrets alliés, et surtout,
dans les deux dernières années, les mouvements de résistance ; de
l’autre, la contre-terreur allemande, assurée par plusieurs services secrets
confondus souvent sous le nom de Gestapo. Le résistant pouvait donc
être soit un agent anglais ou quelqu’un employé par un service secret
allié, soit un membre d’un réseau de résistance, lequel pouvait devenir,
en 1944, un groupe actif. Il pouvait également avoir rejoint un maquis
et participer à la lutte armée contre l’occupant.
Du côté allemand, la complexité des organismes de répression reflétait la structure politique interne du IIIe Reich. Chaque corps de l’État
avait son équivalent dans l’organisation du parti nazi ; par exemple, le
bureau des relations extérieures du parti, dirigé par Ribbentrop, travaillait en concurrence avec le ministère du même nom, dirigé par von
Neurath. Dans les pays occupés, l’organisation de base du contre-espionnage appartenait à l’armée ; à côté d’elle se développa, à partir de
1941-1942, un réseau de police en uniforme, la Sicherheitspolizei, ou
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La campagne d’Alsace
police de sûreté, théoriquement subordonné au commandement militaire, mais en fait de plus en plus autonome. Ces deux organisations
étaient rivales et collaboraient à contrecœur, quand elles ne s’opposaient
pas franchement. Cette rivalité profitait évidemment à leur ennemi
commun. Dans l’armée, la prévôté militaire comprenait deux branches.
La première, la Feldgendarmerie (police militaire) portait l’uniforme de
la Wehrmacht, avec un hausse-col de métal blanc où se lisait le nom de
leur corps, et un pistolet-mitrailleur en sautoir. La seconde, la geheime
Feldpolizei, ou sûreté militaire, en civil, s’occupait des affaires intérieures de l’armée et de ses rapports immédiats à la politique. L’Abwehr,
le service de renseignement militaire, dépendait de la centrale berlinoise
dirigée, jusqu’en juillet 1944, par l’amiral Canaris, que le Führer fit
exécuter après l’attentat dont il faillit être victime. L’Abwehr possédait,
dans chaque ville importante, un Zivilbüro qui traitait avec ses collaborateurs français, belges, hollandais, etc. L’état d’esprit qui régnait dans
l’Abwehr, profondément antihitlérien, rendait épineuse sa collaboration
avec la Sicherheitspolizei, émanation du parti, dont les cadres sortaient
tous du Sicherheitsdienst (SD). La vue de l’insigne du SD faisait frissonner les résistants les plus braves. L’ensemble de la police allemande était
sous la haute autorité d’Heinrich Himmler, responsable de la sécurité
du Reich. Himmler régnait également sur un mystérieux organisme,
le Reichssicherheitshauptamt (RSHA), où aboutissaient toutes les filières
des forces de police établies en territoires occupés. La geheime Staatspolizei, ou police secrète d’État, la trop célèbre Gestapo complétait le dispositif policier.
Un des objectifs de la Résistance était d’éliminer les collaborateurs les
plus en vue, comme ceux appartenant aux partis politiques pronazis ou
à la Milice française de Joseph Darnand, qui opérait avec la Gestapo. La
guerre secrète dans les pays occupés fut menée sans ménagements d’un
côté comme de l’autre. Les sabotages et le renseignement constituèrent
les actions principales de la Résistance. Les assassinats furent le plus
souvent le fait d’éléments isolés ou très politisés, cherchant à déchaîner
des représailles, pour soulever la population contre les occupants. Toute
la lumière a été faite à ce sujet. Certaines illusions aussi ont été dissipées.
L’action directe de la résistance n’eut pas l’impact escompté sur le cours
des évènements, même si des hommes courageux, dévoués à un idéal,
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La Résistance dans la libération du territoire national
y laissèrent leur vie. Seules les actions sur les voies de communication
eurent, en 1944, des effets certains de retardement sur l’acheminement
des troupes et du ravitaillement allemands pendant la campagne de
libération de la France.
*
*
*
À la fin de 1942, l’engagement américain dans le conflit, conjugué
aux succès britanniques en Afrique du Nord et soviétiques sur le front de
l’Est, redonne espoir aux peuples opprimés d’Europe. Partout, les maquis
renforcés par les réfractaires au service du travail obligatoire (STO) s’enhardissent. En France, dès le début de 1943, avec l’approbation et l’appui du général de Lattre de Tassigny, des unités se reconstituent dans
la clandestinité et harcèlent les troupes allemandes d’occupation et les
forces collaborationnistes de Vichy. De nombreux régiments ou unités
FFI se distinguent dans cette lutte disproportionnée contre l’occupant
et reprendront leur place dans l’ordre de bataille de l’armée française.
Ce fut le cas des chasseurs alpins au plateau des Glières, puis au Vercors
avec le 11e Cuirassiers avant de former la nouvelle 27e division alpine,
qui s’illustrera dans la bataille des Alpes en 1944-1945. En Auvergne, le
152e RI de Colmar, maintenu dans l’armée d’armistice, puis passé dans
la clandestinité après l’invasion de la zone libre, constituait le noyau dur
de la Résistance organisée et sera le principal artisan de la libération du
Massif central. Un peu plus haut dans le Centre, le 1er RI – Picardie –, le
plus ancien régiment de France, animait la résistance du Berry avant de
reprendre le combat au sein de la 1re armée. Dans le Sud-Ouest, le corps
franc Pommiès menait la vie dure aux colonnes allemandes en retraite,
et se dotait même d’une formation aérienne avant de donner naissance
au 49e RI lors de la bataille d’Alsace. Dans la même région, une unité
mythique – la brigade Alsace-Lorraine – prenait naissance sous le commandement d’André Malraux. Elle se couvrira de gloire dans les Vosges
et en Alsace en 1944-1945. La région parisienne n’est pas en reste : sous
le commandement du légendaire colonel Fabien, elle fournit la Brigade
de Paris, qui reprendra l’appellation de 151e RI, le régiment du colonel
de Lattre de Tassigny avant-guerre et le bataillon Janson de Sailly, qui
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La campagne d’Alsace
deviendra le 2e bataillon de choc à la pointe du combat dans les Vosges
puis en Allemagne.
Le 21 février 1943, le chef de bataillon Colliou commandant le
3/152e RI stationné à Lapalisse en Auvergne reçoit « dans la clandestinité », selon les termes retenus par les documents officiels, le commandement du 152e RI reconstitué. Depuis la fin octobre 1942, tout le
matériel militaire – armes, munitions, véhicules, roulantes, vêtements,
chaussures – est camouflé dans les fermes de montagne. Le 1er mars, un
mandat d’arrêt est lancé contre Colliou, qui devient le « commandant
Roussel ». À partir de 1944, des voitures et des camions seront réquisitionnés, pour le transport de la troupe. Un important parachutage a
lieu sur la zone de Peaux le 14 juillet 1944.
Sur le modèle des Glières et du Vercors, à partir du 15 mai 1944,
les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) organisent les grands
rassemblements du mont Mouchet, de Chaudes-Aigues et de Truyère ;
attaqués par des forces puissamment armées, après des combats sévères,
ils éclatent en compagnies dans toute l’Auvergne. Une autre partie,
comprenant les formations ORA, s’est regroupée, à partir du 3 juin, vers
Mauriac, sous les ordres du colonel Mortier dit Fayard. Elle forme la
Division légère d’Auvergne, qui compte également dans ses rangs deux
groupes francs : Dédé et Alice. Véritable héroïne de la Résistance, Alice
Artiel sera décorée sur le front des troupes après la libération de Moulins, et ses hommes rejoindront presque en totalité le 152e RI. À l’est de
l’Allier, le groupement Roussel, renforcé par des escadrons de la Garde
mobile ralliés, harcèle sans relâche les colonnes allemandes, qui refluent
de l’ouest vers Dijon, les rejetant toujours plus au nord. Impatients de
reprendre la lutte armée, dès le débarquement de Normandie, les cadres
et les soldats du « 15-2 » quittent les emplois et les administrations
où ils ont été recasés pour rejoindre les maquis du Massif central et
de l’Allier. Quelques jours plus tard, les maquisards passent à l’action.
Des embuscades sont tendues sur tous les grands itinéraires, les petites
garnisons allemandes sont attaquées, les miliciens pourchassés et abattus, ce qui entraîne des représailles féroces de la part des SS et de la
Milice. À l’approche du débarquement de Provence, les parachutages
sont de plus en plus nombreux au moment où l’action de la Résistance,
appuyée par les jedburghs et les jeeps armées des parachutistes des 2e et
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La Résistance dans la libération du territoire national
3e RCP-SAS, s’intensifie. Les 5 et 6 août 1944, un parachutage près
de Loddes permet d’armer plusieurs centaines de volontaires… parmi
les trois mille combattants qui attendent ! Les maquis participent aux
combats du Lioran du 11 au 14 août, à la capture des garnisons de
la Ruyère le 20 août, à la libération du Puy le 22 août, de Thiers le
25 août, puis le même jour aux combats de Saint-Flour et de Montluçon ; ils libèrent Clermont-Ferrand et sont engagés à Lyon et dans
de nombreux accrochages. « Le 13 août, se souvient André Coudray,
malgré les bombardements d’une escadrille ennemie à la Veissière et
Fraisse-Haut, nous résistons devant Murat, mais nous sommes obligés
de décrocher devant l’inégalité des forces. L’affrontement s’étant soldé
par une dizaine de tués, dont quatre blessés FFI achevés, sept blessés
et quatre prisonniers. Le 15 août, le groupement Christian assiège la
garnison allemande de Ruyère. Après cinq jours de combat acharné,
la garnison ennemie se rend aux commandants Valette (Valy), Erulin
(Carhian) et Christian. La colonne ennemie, désarmée, est amenée au
camp de prisonniers aménagé par le 1/152e RI. De l’armement et du
matériel roulant sont récupérés. »
La colonne rapide Eynard pénètre le 27 août à Clermont-Ferrand et
poursuit sans relâche les forces allemandes, livrant dans l’Allier les combats de Brou-Vernet le 29 août, Rongère le 31 août, Dompierre les 5 et
6 septembre, Thiel le 6 septembre, au cours desquels huit volontaires
sont tués et cinq autres blessés. À partir de la libération de Moulins,
l’action des maquis du Bourbonnais s’inscrit dans le cadre plus large
des FFI de la région d’Auvergne. Le 7 septembre, la colonne rapide du
lieutenant-colonel Colliou est rattachée à la Division légère d’Auvergne
commandée par le colonel Mortier, qui rassemble ainsi la masse des FFI
d’Auvergne. Au début septembre 1944, en effet, le général Bertin-Chevance, mandaté par le gouvernement provisoire de la République, a
constitué, sous les ordres du colonel Schneider, un vaste regroupement
qui doit se porter en direction générale du nord-est pour intercepter la
retraite des colonnes allemandes. Ce groupement est composé des unités FFI disponibles du Sud-Ouest, notamment le corps franc Pommiès,
auxquelles se joignent celles de la région 6, qui formeront la Division
légère d’Auvergne. Division – fût-elle légère – est un nom bien ambitieux pour des unités mieux pourvues d’enthousiasme que de matériel…
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Table des matières
Avant-propos.................................................................................5
Première partie
La boucle du Doubs.................................................................. 9
Chapitre 1
En tête d’Overlord........................................................................11
Chapitre 2
La Résistance dans la libération du territoire national...................23
Chapitre 3
Panorama de la guerre à l’automne 1944......................................45
Chapitre 4
L’armée française de la libération..................................................61
Chapitre 5
Les opérations de la boucle du Doubs..........................................77
Deuxième partie
Aux marches de l’Est................................................................ 93
Chapitre 6
L’offensive du général de Lattre de Tassigny..................................95
Chapitre 7
Le baptême du Rhin....................................................................107
Chapitre 8
Aux portes de l’Alsace..................................................................121
Chapitre 9
La bataille des Vosges...................................................................133
Chapitre 10
La libération de Strasbourg..........................................................155
Troisième partie
La défense de l’Alsace.............................................................. 171
Chapitre 11
L’Alsace terre d’empire.................................................................173
Chapitre 12
La libération de l’Alsace...............................................................189
Chapitre 13
L’opération Nordwind.................................................................203
Chapitre 14
La défense de Strasbourg par la 1re DMI......................................215
Chapitre 15
Les théâtres périphériques............................................................233
Quatrième partie
La poche de Colmar................................................................ 247
Chapitre 16
Deuxième phase de la campagne d’Alsace....................................249
Chapitre 17
La bataille de Jebsheim................................................................263
Chapitre 18
La prise de Grussenheim.............................................................273
Chapitre 19
La libération de Colmar..............................................................287
Chapitre 20
Le nettoyage des cités des mines de potasse..................................301
Chapitre 21
La garde au Rhin.........................................................................317
Chapitre 22
L’agonie des barbares...................................................................331
Glossaire......................................................................................345
Bibliographie...............................................................................348
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