Pierre Dufour
La campagne d’Alsace
Automne 1944-Hiver 1945
11
ChaPitre1
En tête dOverlord
Au moment où le projet d’invasion de l’Europe continen-
tale prend véritablement forme, l’arme aéroportée, qui en
sera l’avant-garde, se développe considérablement. Depuis
décembre 1942, des évadés de France et des volontaires venant de
toutes les régions du monde sont en attente au camp dOld Dean, à
Camberley, en Grande-Bretagne. Ils sont rejoints, en mars1943, par la
2eCIA venant d’Algérie, puis le 24avril, par les rescapés de la 1reCIA
embarqués à Suez. Il est alors possible de constituer un bataillon, le
1erjuillet1943. Celui-ci prend le nom de «1erbataillon d’infanterie
de l’air des forces aériennes françaises libres». Il deviendra un peu plus
tard le 4ebataillon d’infanterie de l’air. Succédant aux chefs de l’unité en
formation, les capitaines Coulet et Lambert, le lieutenant-colonel Four-
cault, qui vient d’être promu à ce grade, en prend le commandement.
L’eectif du bataillon est de trois cent quatre-vingt-dix-huit hommes
répartis en quatrecompagnies.
Dans le même temps, le commandant O’Cottereau et le capitaine
Fournier ont rassemblé auCaire tous les volontaires rejoignant les FFL
en Syrie et en Égypte qui constituent l’embryon d’un 3ebataillon d’in-
fanterie de l’air. Àla suite d’une campagne de recrutement forcenée en
Tunisie, les volontaires sont regroupés au camp de Sabata, en Tripoli-
La campagne d’Alsace
12
taine. Le 6juin1943, le bataillon est ociellement créé par ordre du
général de Gaulle. Comprenant trois centshommes, il est dirigé vers
l’Angleterre et prend garnison à Camberley le 7novembre1943. Le
commandant O’Cottereau est remplacé à la tête du bataillon par le
commandant Chateau-Jobert, dit «Conan». Àla même époque, le
commandant Bourgoin, remis de ses blessures mais amputé d’un bras,
vient prendre le commandement du 4ebataillon d’infanterie de l’air.
Les 3eet 4ebataillons sont regroupés en une demi-brigade, commandée
par le lieutenant-colonel Durand venant du Corps franc d’Afrique. En
décembre, la demi-brigade française intègre, en Écosse, la SAS Brigade,
formée à partir des deux régiments SAS d’Afrique.
Àla n du mois de janvier1944, pour des raisons de sécurité, la
«SAS Brigade» est transférée dans l’ouest de l’Écosse. Le 14mars, un
pli «très secret» met le 4ebataillon en alerte. Le départ est prévu pour
le 8avril. Une grande manœuvre vient concrétiser les résultats de l’ins-
truction. Puis ce sont les visites des autorités, et en particulier celle du
maréchal Montgomery qui déclare: «Les SAS français, je vous connais
bien! Travaillez aussi bien qu’en Libye!». Le 17avril, sur décision
du général commandant les forces aériennes françaises en Grande-Bre-
tagne, le 4eBIA devient le 2erégiment de chasseurs parachutistes–SAS
et le 3eBIA, le 3erégiment de chasseurs parachutistes–SAS.
À la veille du débarquement de Normandie, chaque régiment
compte un eectif d’environ six cents hommes répartis en un squa-
dron3 de commandement, unsquadron motorisé et troissquadrons de
fusiliers voltigeurs. Chaque unité élémentaire comportant environ cent
vingtparachutistes. L’armement et le matériel des unités SAS repré-
sentent des soucis que l’organisation et la perfection dans le détail des
Britanniques s’emploient à résoudre après de nombreux tâtonnements.
En particulier, il est décidé que l’armement sera obligatoirement com-
posé au plan individuel d’un Colt 45, d’un poignard américain, d’une
carabine à crosse repliable ou d’une mitraillette Sten. Quant à l’arme-
ment collectif, il se compose de fusils-mitrailleurs Bren, d’armes anti-
chars portatives Bazooka ou Piat, de coupe-coupe, enn de plastic. Le
3. Au Special Air Service, le squadron était l’unité élémentaire de base. Il correspondait
à une compagnie de parachutistes quand les BIA devinrent des RCP – SAS.
13
En tête d’Overlord
bataillon possède une section de transmissions, dont les douze équipes,
munies de postes à grande portée, sont réparties entre les groupes et
sont reliées en poste à poste avec le PC de la brigade par qui passe-
ront toutes les communications. Les postes radio à grande portée sont
de type Jet Set, d’un poids de vingt-cinqkilos avec génératrice à main
et d’une portée de huit cents à mille kilomètres en graphie. Chaque
équipe est munie d’un code particulier pour ne pas donner d’indica-
tion sur les autres postes en cas de capture. Chaque équipe de sabotage
et chaque stick possèdent, en outre, un poste d’écoute miniature lui
permettant de prendre la BBC, dont certaines vacations sont réservées.
Enn, chaque groupement important est muni d’appareils S Phone,
permettant une liaison directe avec les appareils de la RAF. Lorsque le
chef de stick reçoit de sa mission, il l’étudie avec ses équipiers, soumet
son projet au commandement qui, après approbation, lui fait percevoir
le matériel nécessaire. Aumoment du départ, chaque homme reçoit
une carte imprimée sur un foulard de soie, de l’argent et une trousse
d’évasion pas plus grande qu’un portefeuille, mais parfaitement étudiée,
avec boussole, lime et pastilles de toutes sortes. Cette organisation où
rien n’est laissé au hasard se révélera, dans la pratique, d’une parfaite
ecacité. Lors de la motorisation après les opérations en Bretagne, le
2eRCP-SAS passera à quatresquadrons comportant chacun unpeloton
de commandement et quatrepelotons de quatrejeeps armées, soit :
soixante-cinqjeeps, dixcamionnettes Bedford et deux cent soixante-
dixarmes automatiques.
*
* *
Lors du débarquement de Normandie, la brigade SAS, dont fai-
saient partie les deux bataillons français d’infanterie de l’air en Angle-
terre, devait appuyer l’opération par le renseignement et l’action sur les
arrières de l’ennemi. Mais bien que l’essentiel de la bataille se dérou-
lât sur le territoire français, presque rien n’était envisagé quant à l’uti-
lisation des forces de l’intérieur. L’OSS et le SOE avaient seulement
prévu des équipes de renseignement et de liaison, ainsi que des groupes
La campagne d’Alsace
14
de guérilla employés dans une Jedburgh party4. Composées d’un o-
cier américain ou britannique, d’un ocier français et d’un radio, les
équipes doivent être parachutées en uniforme et aectées à un secteur
pour assurer la liaison entre l’état-major et la Résistance. L’aide de la
Résistance n’est alors envisagée que comme appoint, les Alliés n’ayant
qu’une conance médiocre en des éléments qu’ils jugent disparates,
incontrôlables et surtout politisés. D’autre part, il est vital d’empêcher
l’aux des divisions allemandes vers la fragile tête de pont de Nor-
mandie pendant les vingtpremiers jours cruciaux du débarquement. Il
est donc demandé aux parachutistes de compléter, voire de remplacer,
l’action de l’aviation. Le SAS et les operationnals groups disposant d’une
autonomie complète sont ainsi chargés de missions de renseignements
et de sabotage. Trois semaines avant le jour «J», un état-major réduit
du 4eBIA est mis au secret au camp F dans le sud de l’Angleterre. La
mission préparée comporte deux phases: une phase initiale de sabotage
des voies de communication en vue d’interdire tout mouvement des
forces allemandes vers la zone de débarquement; puis une phase de
réorganisation et d’action de la Résistance an de faciliter la pénétration
alliée. La zone d’action choisie est à la Bretagne, où huitdivisions alle-
mandes, dont cinq de valeur médiocre, sont stationnées.
Le 5 juin 1944 à 23 heures, les premiers éléments du 2e RCP-
SAS sautent sur l’emplacement des futures bases de guérilla baptisées
Samwest et Dingson. Encore une fois, le commandement veut créer une
plate-forme opérationnelle à l’image de celles des Glières, du Vercors
ou du Mont-Mouchet, sans tenir compte des échecs précédents. On y
ajouterait même le jeep squadron du régiment qui serait ultérieurement
largué ou posé par planeurs en fonction de l’évolution de la bataille
pour éclairer et guider les avant-gardes blindées alliées. Le lieutenant
Deschamps, secondé par le lieutenant Botella, doit armer Samwest dans
les Côtes-du-Nord; les lieutenants Marienne et Deplante occuperont
Dingson près de Saint-Marcel. Si l’implantation à Samwest s’eectue
sans diculté, il n’en va pas de même à Dingson, où le détachement
est surpris par une section de l’Ostlegion et se dégage dicilement,
non sans avoir perdu le caporal Émile Bouétard, premier soldat allié
4. Il semblerait que les équipes jedburgh tirent leur nom d’une petite ville des Scottish
borders, symbole de la résistance écossaise contre les Anglais au esiècle.
1 / 20 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !