MAGAZINE } santé Cette page Magazine santé est réalisée en collaboration avec l’Hôpital du Jura et le Service cantonal de la santé publique. Je suis l’hôte ingrat de votre corps V ALLIANCE ET DÉPENDANCE Parasite, ce mot provoque toujours une petite grimace de dégoût. Mais qui sont vraiment ces pique-assiettes qui se servent de nous pour se développer? Explications avec le Dr Peter Schubarth, médecin-chef spécialisé en infectiologie et médecine tropicale à l’Hôpital du Jura LQJ: – Quelle est la définition médicale d’un parasite? Dr Peter Schubarth: – Un parasite est un organisme animal ou végétal qui vit aux dépens d’un autre être vivant, appelé l’hôte. Pour se développer, le parasite se sert de son hôte en lui portant préjudice. Mais sans le détruire afin de ne pas mettre sa propre existence en danger. Microscopiques, les parasites peuvent être de forme unicellulaire (ex. amibes). Dans ce cas, on les appelle aussi protozoaires. Ils peuvent se développer dans le sang ou dans les cellules de certains organes. De taille généralement plus importantes, la famille des parasites pluricellulaires, appelés aussi métazoaires, sont en fait des vers. Ils peuvent aller du vermisseau microscopique, à un ténia de plusieurs mètres de long niché dans le gros intestin. Ils se développent dans le sang, le foie, le cerveau, les bronches, les reins, les viscères, etc. Selon son mode de développement et ses besoins, chaque parasite a ses préférences pour se localiser dans un endroit du corps. Ces parasites internes au corps sont des endoparasites. Ils se distinguent des ectoparasites qui vivent sur la surface corporelle ou juste sous la peau, comme les poux ou la galle par exemple. – Sommes-nous exposés à ces importuns en Suisse? – Si les parasites vétérinaires sont assez nombreux chez les animaux, ceux qui touchent l’humain sont rares en Suisse. L’hygiène et les règlements sanitaires stricts les ont presque tous fait disparaitre. Le conditionnement des aliments, le respect de la chaîne du froid, l’assèchement de nombreuses zones marécageuses, ont aussi contribué à leur élimination. C’est l’assèchement des grands marais au XIXe siècle qui a par exemple fait disparaître la malaria, en Suisse, en diminuant les populations de moustiques. L’amélioration des conditions de travail lors du creusage de tunnels a éliminé l’ankylostomose, qui se développait dans les boues, encore lors de la construction du tunnel ferroviaire du Gothard. – Quels sont les principaux parasites que l’on peut diagnostiquer ici? – Le plus souvent ceux que l’on a ramené d’ailleurs, contractés à l’occasion d’un voyage au long cours dans des zones plutôt exotiques. Les nommer tous serait presque sans fin, tant leur nombre est important. Les plus fréquents sont une multitude de sortes d’amibes, les ascaris et autres vers parasitaires comme le tænia ou ver solitaire, l’onchocerca responsable de la cécité des rivières, le schistosome coupable de la bilharziose. Plus graves sont les cas de paludisme. Connu aussi sous le nom de malaria, ce parasite est transmis à l’homme par le moustique qui en est le vecteur. De là, il vit dans le sang, la rate et le foie, provoque des crises de fièvre aigüe, voire mortelle. En Suisse, le paludisme est la cause de deux à trois décès par an. Disparu de nos frontières, autrefois, ce parasite était présent au Tessin ou dans le Seeland. Dans la galerie des monstres, outre le tænia dont la longueur peut atteindre 10 m, on a aussi la filaire de Médine qui peut mesurer deux mètres et vit juste sous la peau. – Outre ceux que l’ont peut ramener d’un voyage, quels sont les parasites qu’on trouve en Suisse? – L’oxyurose, un petit ver blanc présent dans les selles des enfants, est un parasite assez fréquent. Sans gravité, il provoque juste des démangeaisons anales et peut être traité facilement. Pour ce qui est de la toxoplasmose, sans grande conséquence pour les adultes, mais gravissime pour le fœtus de la femme enceinte, on estime qu’environ 1/3 de la population mondiale est atteinte. Plus grave, l’échinococcose se contracte en consommant des fruits des bois poussant près du sol et souillés par les excréments d’un animal parasité. Pour ce qui est des ectoparasites, les poux et morpions sont des hôtes indésirables connus et communs sous nos latitudes. Très contagieuse, la galle est beaucoup plus rare. Souvent ramenée d’ailleurs, elle se transmet par le simple touché. Contrairement aux légendes urbaines, ici il n’y a pas d’insectes qui pondent sous notre peau. – Comment contracte-t-on ces écornifleurs peu désirables? – On les attrape essentiellement par la nourriture. Beaucoup de ces parasites se trouvent sur des fruits et légumes mal lavés, ou des viandes mal conservées. Le verre de l’oxyuro- FTout n’est pas parasite Les parasites sont différents des bactéries, virus, prions et autres. «Ils appartiennent à un autre groupe, note le Dr Peter Schubarth. Souvent, les gens simplifient la chose et disent qu’ils ont attrapé un microbe, un terme vaste qui ne veut pas dire grand-chose pour un spécialiste.» Si certains importuns se montrent nocifs pour l’être humain, d’autres ne lui font rien et certains sont même vitaux. «L’homme est plein de bactéries et de virus, surtout dans son intestin. Il s’en accommode très bien et certains lui sont même indispensables pour être en bonne santé.» Pour les parasites, «tout est une question de dosage. En cas de forte infection, ils peuvent devenir très nocifs pour la santé, ou ne présenter que peu de danger si leur présence est faible, car le corps dispose de certains mécanismes de défense, si l’attaque n’est pas massive.» PF 16 | Mercredi 6 juin 2012 | Le Quotidien Jurassien De gauche à droite et de haut en bas: amibes vues au microscope, ascaris, tête de tænia et tænia sont des parasites fréquents de l’intestin humain. se, fréquent chez les jeunes enfants, se contracte simplement en portant ses mains sales à la bouche. La toxoplasmose se contracte surtout par le biais du chat, l’hôte définitif préféré du parasite. L’échinococcose se transmet à l’homme par le biais de fruits des bois consommés après avoir été souillés par les excréments d’un animal lui-même parasité (renard et chien surtout). Ce parasite se développe dans les cellules du foie qu’il détruit très lentement. Ne dis- posant pas de médicament pour l’éliminer, on peut toutefois calmer la maladie ou procéder à une ablation de la partie du foie infectée. En Suisse, on compte une trentaine de cas annuels atteints de l’échinococcose. Les poux des cheveux se transmettent d’une tête à l’autre par contact. Les morpions également se transmettent par contact. Les poux du corps, eux, vivent dans les habits et font des excursions sur notre peau uniquement pour se nourrir. DR – Un conseil ? – Une bonne hygiène de soi, se laver régulièrement les mains, au moins avant de manger et en sortant des toilettes, rincer les fruits et légumes avant leur consommation, la vigilance en général à l’égard des aliments consommés; ces attitudes préventives réduisent considérablement le risque parasitaire pour l’homme. PEGGY FREY Diagnostiquer et prévenir les parasites La présence d’un parasite n’est pas toujours facile à déceler. Si certains provoquent des effets secondaires visibles et assez facilement détectables, d’autres agissent discrètement et sont plus pernicieux. L’analyse des selles au microscope, la sérologie (analyse de sang), l’imagerie et autres examens plus poussés si nécessaires, permettent de repérer les parasites dans l’organe ou la partie du corps infectée. «Ces examens peuvent être faits dans presque tous les hôpitaux. Si on ne trouve rien, on peut pousser plus avant les analyses par d’autres tests plus spécifiques. Dans ces cas complexes, un spécialiste des mala- dies tropicales prend éventuellement le relais», explique le Dr Peter Schubarth. Reconnaissable par sa forme, son lieu de vie, le parasite, une fois repéré, doit être analysé. Les informations livrées par le corps peuvent aussi trahir une attaque parasitaire: «La présence d’anticorps ou de certains sous-groupes de globules blancs chez un porteur sont souvent des signes d’infection», précise le médecin. Une fois le parasite diagnostiqué, un protocole de soins est mis en place. «Pour l’homme, il n’existe aucun vaccin contre les importuns. Mais des médicaments permettent de les éliminer ou de les affaiblir. Lorsqu’un parasite ne peut être délogé, le porteur reste infecté et suit un traitement lui permettant de vivre avec le parasite.» Le meilleur bouclier: la prévention Le plus difficile en cas d’infection parasitaire, c’est tout simplement d’y penser. «Lorsqu’un patient se plaint de douleurs abdominales ou de diarrhées, on ne pense pas tout de suite qu’il peut avoir des amibes», note le Dr Schubarth. Pour éviter ces hôtes ingrats, la prévention reste la meilleure des armes. Bien se laver les mains, consommer des aliments frais, biens conservés, des viandes et poissons plutôt cuits en cas de doute, des fruits et légumes rincés, permet déjà d’éliminer une bonne partie du risque d’infection parasitaire. «Pour les personnes qui voyagent, ces règles de base et de bon sens sont primordiales. Selon la destination, elles doivent être accompagnées par d’autres gestes préventifs. Comme se vêtir et dormir sous moustiquaire dans les zones infestées par la malaria, prendre un médicament antipaludique (avant, pendant et après le voyage) ou encore éviter le contact avec des eaux stagnantes.» PF