CHAPITRE E D u s e x e g é n é t iq u e a u s e x e p h é n o t y p i q u e 1 A la naissance, le bébé, garçon ou fille, possède un appareil génital différencié qui deviendra fonctionnel au moment de la puberté. On sait, depuis un demi-siècle, que le bagage héréditaire reçu au moment de la fécondation définit le sexe génétique. Le problème est de savoir comment se forme le sexe phénotypique masculin ou le sexe phénotypique feminin en fonction du bagage chromosomique reçu à la fécondation. Problématique : - Quel contrôle exercent les chromosomes sur le phénotype sexuel ? - Quelle est l’influence des hormones sur la structure et le fonctionnement de l’appareil génital ? 1. La mise en place de structures sexuelles indifférenciées : le sexe génétique. Le déterminisme du sexe d’un individu est exclusivement génétique. Dans l’espèce humaine, les cellules somatiques mâles comportent 2n = 44 autosomes + XY, les cellules somatiques femelles 2n = 44 autosomes + XX. Ce déterminisme est réalisé au moment de la fécondation. Chez l’Homme, la première ébauche d’organe reproducteur (gonade) apparaît à la 5ème semaine de développement embryonnaire. La gonade est initialement constituée de cellules somatiques puis elle est envahie par des cellules sexuelles appelées gonocytes primordiaux. A ce stade, on ne peut pas distinguer la différence entre le mâle et la femelle. L’appareil génital, en relation avec l’appareil excréteur, se construit très lentement et de façon identique pour les 2 sexes. On aboutit vers la 7ème semaine à un état indifférencié comprenant (Document 36 A) - une paire de gonades indifférenciées ; - un conduit urogénital pair, les canaux de Wolff, à vocation masculine ; - un conduit génital pair, les canaux de Müller, à vocation féminine ; - un sinus urogénital, à l’origine des organes génitaux externes. Ainsi il s’est mis en place une ébauche de conduits génitaux potentiellement double (mâle et femelle). Jusqu’à la 7ème voire la 8ème semaine de développement embryonnaire, les individus présentent un phénotype sexuel indifférencié, seul un caryotype permet de déterminer le sexe génétique de l’individu. 2. La transformation de la gonade indifférenciée en testicule ou en ovaire : l’acquisition du sexe gonadique. Généralement un mammifère femelle présente sur son caryotype 2 chromosomes X alors qu’un mâle lui possède 1X et 1Y. Cependant, certains individus ayant une dysgénésie XY possèdent un chromosome Y mais n’ont pas de testicule ni de canaux de Wolff. On constate la présence de dérivés müllériens. Les organes génitaux externes sont de type féminin (1 naissance sur 10 000). D’autres individus génétiquement XX sont de phénotype mâle à part entière. Ces individus sont stériles et présentent des testicules sans spermatogonies (1 naissance sur 20 000). 2 L’analyse de ces cas montrant une ambiguité entre le sexe génétique et le sexe phénotypique a permis de révéler l’existence de certaines molécules impliquées dans la transformation de la gonade indifférenciée. Parmi elles, on trouve une protéine appelée TDF. a) Le mode d’action de TDF ( = Testis determining factor = facteur de détermination du testicule). Découvert en 1990, le gène SRY dit gène « architecte » (gène de développement) code pour une protéine de 204 AA nomme TDF ou protéine SRY. Cette protéine possède un domaine de 80 AA capable de se lier spécifiquement à une région de l’ADN de séquence connue. Cette protéine SRY entraîne la différenciation de la gonade indifférenciée en testicules ce qui permet l’acquisition du sexe gonadique masculin. En l’absence de la protéine SRY, la gonade indifférenciée se transforme en ovaire fœtal. Où est localisé le gène SRY ? b) L’expression de TDF. Cette molécule TDF est le produit de l’expression, au cours du développement précoce, du gène SRY (Sex-Determining Region Y) porté par le chromosome Y uniquement. Le gène est localisé vers l’extrémité du bras court du chromosome Y, dans la partie différentielle de Y qui n’a pas d’équivalent sur X (Document 37). Ce gène est activé vers la 7ème semaine du développement embryonnaire et code une protéine TDF. On a cherché la présence ou l’absence du gène SRY chez les individus atteints de dysgénésie XY et chez les mâles XX. Résultats pour la dysgénésie XY : le gène SRY est délété ou muté. Résultats pour les mâles XX : le gène SRY a été transloqué sur le chromosome X lors de la méiose chez le père. Remarque : On a identifié depuis quelques années des gènes de sexualisation femelles, portés par le chromosome X. Ils ne s’exprimeraient qu’en l’absence de chromosome Y. 3. La différenciation de l’appareil génital pendant la vie fœtale : du sexe gonadique au sexe phénotypique. a) Le rôle des hormones testiculaires. Des expériences de greffe de testicule chez un lapin femelle entraînent à la fois le développement des canaux de Wolff et la disparition des canaux de Müller. D’autres expériences ont montré que la masculinisation de l’appareil génital mâle était due à l’influence d’hormones sécrétées par le testicule fœtal de la 8ème semaine (expériences de Jost en 1947). 3 Le testicule différencié sécrète 2 types d’hormones : - une hormone anti-féminisante découverte par Josso appelée hormone anti-müllérienne (AMH) produite par les cellules de Sertoli. L’AMH est une hormone peptidique (glycoprotéine). L’AMH est sécrétée dès la 7 ème semaine de développement embryonnaire, son action est maximale à la 8ème semaine de développement embryonnaire. Cette hormone est responsable de la régression des canaux de Müller. - une hormone masculinisante découverte par JOST appelée testostérone (hormone stéroïde) produite par les cellules de Leydig. Cette hormone stimulera, vers la 10ème semaine de développement embryonnaire, le développement des canaux de Wolff et la différenciation des organes génitaux extenes mâles. Action de la testostérone Organes cilbles Canaux de Wolff Effets Développement : · de l’épididyme · des canaux déférents · des vésicules séminales Dévéloppement : · de la prostate · du pénis · du scrotum Descente testiculaire Tubercule génital Sinus urogénital Ainsi, on peut résumer la différenciation mâle : b) La différenciation mâle événements en cascade Remarque : la différenciation mâle est caractérisée par un dernier phénomène correspondant à la descente des testicules dans le scrotum (les bourses). 4 c) La féminisation des voies génitales (différenciation par défaut) Expérimentalement, en retirant la future gonade à des embryons de lapin au cours de leur développement, on constate qu’ils se développent tous en femelle quelle que soit leur garniture chromosomique => cette expérience montre que seul le testicule a un rôle dans l’évolution de l’appareil génital. En l’absence de testicule fœtal, les canaux de Wolff régressent et disparaissent tandis que les canaux de Müller persistent et se différencient en trompes de Fallope, utérus et une partie du vagin. Le développement du tractus génital femelle se réalise plus tardivement. Dans l’espèce humaine, les canaux de Wolff commencent à régresser à la 10ème semaine et ont disparu à la 12ème. C’est l’absence d’hormones testiculaires qui est responsable de cette féminisation de l’appareil génital. Les hormones ovariennes ne sont pas indispensables à la féminisation de l’appareil génital. Ainsi, on peut définir un modèle de la détermination du sexe chez les Mammifères 4. Modèle de détermination du sexe chez les Mammifères 5. La puberté : l’acquisition de la fonctionnalité de l’appareil reproducteur. On appelle puberté la période d’acquisition de la maturité sexuelle. A la naissance, les caractères sexuels primaires (apparail génital interne et externe) sont différenciés mais immatures. L’aptitude à la reproduction implique leur maturation, mais aussi l’acquisition de caractères morphologiques, physiologiques et psychologiques distincts de l’appareil génital constituant les caractères sexuels secondaires. 5 Caractères Sexuels Primaires Caractères Sexuels Secondaires Garçon (environ 12 ans) · Croissance des testicules · Démarrage de la spermatogenèse · Développement de la prostate et des vésicules séminales · Croissance du pénis · Mue de la voix · Modification de la forme du corps · Libido EFFETS DE LA TESTOSTERONE (l’AMH n’intervient plus) Fille (environ 10 ans) · Premières menstruations (13 ans) · Mise en place des cycles sexuels fertiles (15 ans) · Modification de la forme du corps · Développement des seins · Libido EFFETS DES OESTROGENES ET DE LA PROGESTERONE Des gamètes sont produits et libérés dans les voies génitales. Ces transformations physiologiques s’accompagnent de modifications comportementales, elles même liées à l’action des hormones sexuelles. Conclusion La différenciation sexuelle s’effectue en 4 étapes : - 1ère étape : mise en place de l’appareil génital indifférencié (7ème semaine de développement embryonnaire). - 2ème étape : différenciation des gonades en ovaires (12ème semaine) ou en testicules (8ème semaine). - 3ième étape : différenciation du tractus génital et de l’appareil génital externe (de la 7ième à la 32ième semaine) - 4ième étape : différenciation des caractères sexuels secondaires (puberté). La réalisation du phénotype sexuel apparaît sous le contrôle du génotype. Le déterminisme génétique du sexe s’exprime progressivement au cours de la vie fœtale. Il est à l’origine du passage sexe génétique/sexe gonadique puis du passage sexe gonadique/sexe phénotypique. 6