Finances & Développement Décembre 2015 17
affronter les tempêtes et les sécheresses produites par le chan-
gement climatique. Des programmes d’investissements à haute
intensité de main-d’œuvre peuvent permettre de construire
des infrastructures d’adaptation tout en apportant du travail
aux communautés démunies. Il est ainsi possible de réhabiliter
les bassins versants en plantant des arbres et en conservant les
sols pour prévenir les inondations en aval, ou de construire des
barrages et des réservoirs de petite dimension pour stocker de
l’eau en vue de la saison sèche. En Afrique du Sud, le programme
étendu de travaux publics vise à la fois à réduire la pauvreté et à
encourager les initiatives locales de développement, en investissant
dans des infrastructures économiques, sociales et environne-
mentales telles que la gestion des eaux, la protection des zones
humides et la réhabilitation des forêts. Ce programme génère
plusieurs centaines de milliers d’emplois pour les populations
locales et les groupes vulnérables. En Inde, la loi sur la garantie
de l’emploi rural assure au moins 100 jours de travail rémunéré
par exercice à chaque ménage rural dont les membres adultes se
portent volontaires pour des travaux manuels non qualifiés dans
le cadre de projets tels que la conservation des eaux et des sols, le
reboisement et la protection face aux inondations. En 2012/13,
ce programme a fourni du travail à 50 millions de ménages en
milieu rural (Poschen, 2015).
Gérer le changement
L’amélioration des méthodes et des opérations de production ore
l’un des principaux moyens de réduire les émissions. En eet,
contrairement aux changements d’équipements, qui demandent
du temps, elle permet de faire baisser sensiblement les émissions
et la consommation de ressources à court et moyen terme. Le
programme Pollution Prevention Pays, lancé par le conglomérat
3M dans les années 70, ore un aperçu des possibilités. L’entreprise
demande aux travailleurs d’identier les leviers qui permettraient
d’économiser des ressources et de réduire les émissions, puis
actionne ceux qui sont jugés viables. Entre 1990 et 2011, 3M a
réduit ses émissions de gaz à eet de serre de 72 % et ses émis-
sions de polluants de 1,4 million de tonnes, en économisant au
passage 1,4 milliard de dollars (3M, 2011).
Cela n’est qu’un exemple des nombreux moyens dont disposent
les entreprises, le patronat, les travailleurs et les syndicats, autre
-
ment dit «le monde du travail», pour faciliter la transition vers
une économie respectueuse de l’environnement, émettant peu de
carbone. Les entreprises vertes peuvent réaliser des économies
en fonctionnant de façon moins énergivore et en consommant
moins de ressources. Les responsables et les travailleurs peuvent
s’appuyer sur des technologies peu gourmandes en énergie et en
ressources. Mais, lorsque les entreprises et les travailleurs ne sont
pas prêts et ne disposent pas des compétences adaptées pour ins-
taller et utiliser les nouvelles technologies, les gains économiques
et environnementaux s’en trouvent diminués, voire annulés. Le
manque de formation constitue un frein à la croissance verte dans
la quasi-totalité des secteurs économiques et des pays.
Les ministères du travail, les organisations patronales et les syn-
dicats ont aussi grandement contribué à la conception de mesures
d’adaptation au changement climatique. En Allemagne, ces trois
acteurs ont lancé le plus vaste programme d’efficience énergétique
au monde, avec plus de 120 milliards d’euros investis à ce jour. Au
Brésil, ils ont intégré l’énergie renouvelable à des programmes de
logements sociaux à grande échelle. En Inde et en Afrique du Sud,
ils ont expérimenté de nouveaux systèmes de protection sociale
garantissant la sécurité sociale et des conditions de travail adéquates
afin de promouvoir les travaux de réhabilitation et d’accroître la
résilience face au changement climatique. Enfin, au Bangladesh,
le ministère du Travail a développé la formation à l’intention des
installateurs d’équipements d’énergie renouvelable, ce qui a permis
d’équiper plus de 4 millions d’habitations rurales en énergie solaire.
Les défis environnementaux et sociaux actuels sont étroite-
ment liés. Nous n’avons ni le temps ni l’argent pour les relever
séparément ou successivement. Il sera vital de mobiliser les
employeurs, les travailleurs et les syndicats pour appliquer un
accord sur le climat et obtenir le soutien politique nécessaire. Et
cela pour le bien de tous, riches et pauvres. ■
Peter Poschen est le Directeur du Département des entreprises
au sein de l’Organisation internationale du travail. Michael
Renner est chercheur au sein du Worldwatch Institute.
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