Topologie Générale
pour la
Topologie Algébrique
Alain Prouté
Version provisoire
Dernière révision de ce texte : 14 mars 2015
Introduction
La topologie algébrique dite « élémentaire » utilise quelques notions de topologie générale
qui dépassent un peu le niveau atteint en topologie à la fin du L3. On trouvera dans
ce texte quelques rappels de notions et de théorèmes de topologie généralement vus en
L3, mais surtout quelques développements, qui sont utiles en théorie de l’homotopie, de
l’homologie ou des espaces fibrés.
On commence avec la définition et la preuve de quelques propriétés d’espaces topologiques
d’usage courant en topologie algébrique. Il s’agit du corps des quaternions et des groupes
classiques (groupes particuliers de matrices). On passe ensuite en revue les constructions
les plus importantes d’espaces topologiques, à savoir les produits d’espaces topologiques,
les espaces fonctionnels (espaces de fonctions continues) et les espaces topologiques quo-
tients. On s’intéresse également aux groupes topologiques agissant continument sur un
espace topologique. Ceci nous amène à examiner de près certains types d’espaces topo-
logiques, comme les espaces localement compacts. On s’intéresse aussi aux espaces pa-
racompacts. On met en place par exemple les outils qui permettront de démontrer le
théorème de relèvement des homotopies pour un fibré localement trivial sur une base
paracompacte.
Table des matières
1 Quaternions et groupes classiques 2
2 Produits d’espaces topologiques 5
3 Espaces compacts et espaces localement compacts 6
4 Espaces d’applications continues (CO-topologie) 8
5 Groupe topologique agissant sur un espace topologique 10
6 Espaces topologiques quotients 13
7 Fibrés principaux 15
8 Espaces normaux et lemme d’Urysohn 16
9 Partitions de l’unité et espaces paracompacts 18
1 Quaternions et groupes classiques
Nous noterons (e1, . . . , en)la base canonique de Rn. Le « produit scalaire canonique » sur
Rnest celui qui fait de la base canonique une base orthonormée. La norme associée est
appelée « norme euclidienne » et sera celle que nous utiliserons.
L’ensemble des vecteurs de norme 1dans Rn+1 est noté Snet appelé la « sphère de dimen-
sion n». C’est un espace topologique compact (car fermé borné dans Rn+1).
2
Rappelons que le corps Cdes nombres complexes peut être vu comme l’ensemble des
matrices de similitude réelles, c’est-à-dire des matrices de la forme
ab
b a !
aet bsont réels (une telle matrice s’identifie au nombre complexe noté a+ib). La
conjugaison complexe x7→ xest donnée par la transposition des matrices.
Tout espace vectoriel complexe a un espace vectoriel réel sous-jacent. Si Eest un espace
vectoriel complexe de dimension n, l’espace réel sous-jacent est de dimension 2n, plus
précisément, si (e1, . . . , en)est une base de E,(e1, ie1, . . . , en, ien)est une base de l’espace
réel sous-jacent. Si (x1, . . . , xn)sont les coordonnées (complexes) d’un vecteur xdans la
base canonique (e1, . . . , en)de Cn, le carré de la norme de ce vecteur dans l’espace réel
sous-jacent est donnée par
kxk2=x1x1+· · · +xnxn
puisqu’en posant xk=ak+ibk, on a xkxk=a2
k+b2
k.
D’une manière analogue, on peut considérer l’ensemble Hdes matrices de la forme
q= ab
b a !
aet bsont maintenant des nombres complexes. De telles matrices sont appelées des
« quaternions ». Le quaternion qci-dessus est dit « imaginaire » si le nombre complexe a
est un imaginaire pur. Hest bien sûr un espace vectoriel réel de dimension 4avec pour
« base canonique » les matrices( 1)
1 = 1 0
0 1 !I= i0
0i!J= 01
1 0 !K= 0i
i0!
Les quaternions imaginaires sont bien sûr les combinaisons linéaire (à coefficients réels)
de I,Jet K. Tout quaternion qest d’une manière unique somme d’un « quaternion réel »
(c’est-à-dire un multiple réel de 1H) et d’un quaternion imaginaire. Le « conjugué » q
de ce quaternion est obtenu en conjugant le complexe aet en changeant le signe de b, ce
qui revient à conjuguer les deux complexes aet bet à transposer la matrice. Pour tout
quaternion q, le produit qqest un quaternion réel. En effet, on a
ab
b a ! a b
b a != aa +bb 0
0aa +bb !
et c’est le produit de 1Hpar le carré de la norme de qdans l’espace vectoriel réel
sous-jacent (dans lequel (1, I, J, K)est la base canonique). Comme le conjugué de qq0est
clairement q0q, il est immédiat qu’on a kqkkq0k=kqq0kpour tous quaternions qet q0.
1. Apparemment, il n’y a pas ce consensus sur la question de savoir qui est précisément I,Jou K. L’exer-
cice 1montre que cela n’a pas d’importance pourvu que I2=J2=K2=IJK =1.
3
Pour simplifier l’écriture, on notera [[ a, b ]] le quaternion
ab
b a !
On a donc [[ a, b ]][[ c, d ]] = [[ ac bd, bc +ad ]]. Le conjugué de [[ a, b ]] est [[ a, b]].
+Exercice 1. (a) Vérifier que Hest un corps non commutatif.
(b) Montrer que l’ensemble des racines de l’équation q2+ 1 = 0 est l’ensemble des qua-
ternions imaginaires de norme 1, que I,Jet Ken font partie, et que cet ensemble est,
comme sous-espace topologique de H, homéomorphe à S2.
(c) Montrer que le plan (vectoriel réel) engendré par le vecteur 1et l’une quelconque des
racines de l’équation précédente est un sous-corps de Hisomorphe à C.
(d) Soient I0,J0et K0trois quaternions tels que I02=J02=K02=I0J0K0=1. Montrer
que l’application linéaire réelle qui envoie 1sur 1,Isur I0,Jsur J0et Ksur K0est un
automorphisme du corps H.
L’ensemble des matrices (carrées) réelles orthogonales( 2) à nlignes (et donc ncolonnes)
est un groupe, noté O(n)et appelé « groupe orthogonal » (pour la dimension n). SO(n)
est le sous-groupe de O(n)des matrice de déterminant positif (et donc égal à +1(3)). Il est
appelé le « groupe spécial orthogonal » (pour la dimension n). Ces groupes sont des groupes
topologiques (les opérations du groupe sont continues) et ils sont compacts (fermés bornés
dans l’espace des matrices réelles n×n).
+Exercice 2. (a) Montrer que l’ensemble des éléments de SO(n+ 1) qui laissent fixe un
vecteur non nul donné de Rn+1 est un sous-groupe isomorphe à SO(n).
(b) Montrer que deux tels sous-groupes sont conjugués (c’est-à-dire qu’il existe un auto-
morphisme intérieur x7→ axa1de SO(n+ 1) par lequel l’un des sous-groupes est l’image
de l’autre).
Le « groupe unitaire » (pour la dimension n) est l’ensemble des matrices hermitiennes n×n,
c’est-à-dire des matrices Mà coefficients complexes, telle que MtM=I. Ce groupe est
noté U(n). L’ensemble des éléments de U(n)dont le déterminant est +1 est un sous-groupe
noté SU(n), appelé le « groupe spécial unitaire ». Enfin, l’ensemble Sp(n)des matrices n×n
dont les coefficients sont des quaternions et qui satisfont l’équation MtM=I, est un
groupe appelé le « groupe symplectique » (pour la dimension n).
+1 Définition. Soit f:XYune application continue, et xX. On dit que fest
un « homéomorphisme local en x», s’il existe des voisinages ouverts Ude xet Vde f(x),
2. C’est-à-dire les matrices Mtelles que MtM=I, où Iest la matrice identité et où M7→ tMest
l’opération de transposition des matrices.
3. Puisqu’on a nécessairement det(M)2= det(MtM) = det(I) = 1.
4
tels que la restriction de fàUsoit un homéomorphisme de Uvers V.fest appelé un
« homéomorphisme local », si c’est un homéomorphisme local en chaque point de X.
+2 Remarque. Le fait que Vsoit un voisinage de f(x)est important. Il ne suffit pas
pour que fsoit un homéomorphisme local en xqu’il existe un voisinage ouvert Ude x
tel que la restriction de fàUsoit un homéomorphisme de Uvers f(U). Si cela suffisait,
l’inclusion de Rdans R2donnée par x7→ (x, 0) serait un homéomorphisme local, ce qui
n’est bien sûr pas l’intention exprimée par l’expression « homéomorphisme local ».
Il est clair que tout homéomorphisme local est une application ouverte.
2 Produits d’espaces topologiques
Rappelons que le « produit cartésien » de deux ensembles Xet Y, noté X×Y, est l’ensemble
des couples (x, y)tels que xXet yY. Il y a deux applications appelées « projections
canoniques », p1:X×YXet p2:X×YYdéfinies par p1(x, y) = xet p2(x, y) = y.
Supposons maintenant que Xet Ysoient des espaces topologiques. Un « pavé ouvert » de
X×Yest un sous-ensemble de la forme U×V, où Uest un ouvert de Xet Vun ouvert
de Y. Un « ouvert » de X×Yest une réunion quelconque de pavés ouverts. Il est facile
de vérifier qu’on a ainsi défini une topologie sur X×Y(appelée « topologie produit »),
que cette topologie est la plus petite des topologies sur X×Yrendant continues les deux
projections canoniques, et que ces dernières sont des applications ouvertes.
+Exercice 3. (a) Montrer que si Xet Ysont des espaces métriques (toutes les dis-
tances seront notées d), la formule
d((x, y),(a, b)) = sup(d(x, a), d(y, b))
définit une distance sur X×Yet que la topologie qu’elle définit est la topologie produit.
+Exercice 4. (a) Montrer que le produit de deux espaces séparés est un espace séparé.
(b) Montrer que le produit de deux espaces compacts est un espace compact.
+Exercice 5. Montrer que si Xest compact, la projection canonique p2:X×YYest
fermée. Trouver un contre-exemple dans le cas où Xn’est pas compact.
+Exercice 6. (a) Soit Xun espace topologique. Montrer que l’application diagonale
∆ : XX×Xest continue et qu’elle est fermée si et seulement si Xest séparé.
(b) Montrer que si f:XYet g:UVsont continues et fermées, il en est de même
de f×g:X×UY×V(définie par (f×g)(x, y)=(f(x), g(y))).
(c) Montrer que si Xest séparé, une application continue f:XY×Zest fermée dès
que ses deux composantes p1fet p2fle sont.
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