Cours 23

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COURS 23
Version du 25 novembre 2016.
4.5. Décomposition des variétés. Je rappelle qu’une variété X est
appelée irréductible si de la supposition que X “ X1 Y X2 avec X1 et
X2 des variétés, il en découle que X1 “ X ou X2 “ X. (C’est-à-dire
que X ne peut pas être exprimée comme la réunion de deux variétés
de façon non triviale.)
Je rappelle aussi le fait que, dans un anneau de polynômes, toute
suite faiblement croissante d’idéaux doit stabiliser. Grâce à ce fait et
au dictionnaire, nous avons :
Proposition 4.5.1. Toute suite faiblement décroissante de variétés
doit stabiliser.
Theorème 4.5.1. Chaque variété peut être exprimée comme la réunion
d’un nombre fini de variétés irréductibles. (Nous permettons, en particulier, la possibilité que la variété soit elle-même irréductible.)
Exemples : V pxyq peut être exprimée comme V pxq Y V pyq. V py 2 ´ xq
est elle-même irréductible, et donc on peut l’exprimer comme V py 2 ´xq.
Démonstration. Supposons qu’il y a des variétés qui ne peuvent pas être
exprimées comme réunion d’un nombre fini de variétés irréductibles.
Choisissez-en une, et appelez-la Z1 . Choisissez une autre qui est strictement incluse dans la première et appelez-la Z2 . Continuez. Après un
nombre fini d’étapes, on doit arriver à une Zr qui est minimale : sinon, on aurait produit une suite infinie décroissante de variétés. Donc,
considérons X “ Zr . Si X est elle-même irréductible, elle peut être exprimée comme une réunion d’une seule variété irréductible. Donc elle
ne l’est pas, et X “ X1 Y X2 , avec X1 et X2 strictement plus petites
que X. Vu qu’elles sont strictement incluses dans X, par notre supposition, elles peuvent toutes les deux être exprimées comme réunion
d’un nombre fini de variétés irréductibles. Mettant les deux listes de
variétés ensemble, nous avons une expression pour X comme réunion
d’une liste finie de variétés, ce qui va à l’encontre de notre supposition
que X ne pouvait pas être exprimée de cette manière. Donc il n’y a pas
de variétés qui ne peuvent pas être exprimées de cette manière.
Selon le dictionnaire, cela nous donne :
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Corollaire 4.5.1. Soit k un corps algébriquement clos. N’importe quel
idéal radical de krx1 , . . . , xn s peut être exprimé comme l’intersection
d’un nombre fini d’idéaux premiers.
Démonstration. Soit J un idéal radical. À partir du théorème, nous
savons que V pJq “ V pP1 q Y ¨ ¨ ¨ Y V pPr q pour des idéaux premiers
P1 , . . . , Pr . La réunion des variétés correspond à l’intersection des idéaux,
donc on obtient que V pJq “ V pP1 X ¨ ¨ ¨ X Pr q.
On a le droit de déduire que J “ P1 X ¨ ¨ ¨ X Pr si on sait que les deux
idéaux sont radicaux. Nous l’avons supposé pour J, est c’est facile de
le vérifier pour une intersection d’idéaux premiers.
Voilà un joli exemple de passer entre les perspectives géométriques et
algébriques. Même si on aurait pu donner une démonstration purement
algébrique du corollaire, ce sont nos intuitions géométriques qui nous
ont mênés à ce résultat.
4.6. Topologie de Zariski sur k n . Une topologie, qu’est-ce que c’est ?
Sur un espace X, on définit un ensemble de sous-ensembles de X, que
l’on appelle les ensembles ouverts. Cette collection d’ensembles doit
vérifier certaines propriétés :
— X et H sont ouverts
— une réunion arbitraire d’ensembles ouverts doit être ouverte,
— une intersection finie d’ensembles ouverts doit être ouverte.
Je souligne que c’est la collection d’ensembles que nous spécifions qui
définit ce que cela veut dire, être ouvert.
Je parle d’une collection d’ensembles, et non d’un ensemble d’ensembles, juste par souci de clarté : il ne s’agit pas d’une distinction
mathématique.
Quand je parle d’une réunion arbitraire, ce que je veux dire, c’est
que l’on peut prendre la réunion d’une collection arbitraire d’ensembles
ouverts (pas forcément une collection finie). On constate que ces conditions sont bien vérifiées pour R avec la topologie standard, et que les
intersections arbitraires des ensembles ouverts ne sont par forcément
ouvert : par exemple, l’intersection de tous les intervalles ouverts qui
contiennent r0, 1s est r0, 1s, qui n’est pas ouverte.
Ayant défini les ensembles ouverts, les ensembles fermés sont les ensembles dont le complément est ouvert. On peut donc également formuler les axiomes d’une topologie en termes de ses ensembles fermés.
Exemples : on peut prendre X et H comme les seuls ensembles
ouverts. On peut également prendre la collection de tous les sousensembles de X comme la collection d’ensembles ouverts. (Exercice
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facile : vérifiez que ces deux collections vérifient les propriétés d’une
topologie.)
Exemple : topologie métrique. Je veux juste rappeler cette topologie
parce qu’effectivement, c’est celle-ci que vous connaissez déjà (dans
un cadre plus ou moins général, selon le nombre de cours d’analyse
que vous avez suivi). Soit X un ensemble, muni d’une application qui
s’appelle distance
d : X ˆ X Ñ Rě0
qui vérifie certains axiomes que je ne veux pas spécifier.
Si vous n’avez pas vu cela, vous pouvez tout simplement penser à
l’espace euclidien Rn , avec la notion de distance standard (donné par le
théorème de Pythagore) — la distance euclidienne vérifie les conditions.
Une fois que l’on a défini une distance sur X, on peut définir la boule
de rayon r autour de x :
Bx prq “ ty | dpx, yq ă ru
Un ensemble A est ouvert si pour x P A, il y a une boule autour
de x qui est contenu dans A. Vous pouvez vérifier que les axiomes
d’une topologie sont satisfaits. (Exercice. Je souligne que, pour ce faire,
aucune propriété de d n’est nécessaire !)
Pour Rn avec la distance standard (et aussi beaucoup d’autres distances) on obtient l’espace topologique que vous connaissez.
Pour nos études algébro-géométriques, il est naturel de définir une
topologie différente sur k n . Définissons les ensembles fermés comme les
sous-variétés de k n , et les ensembles ouverts comme les compléments
des sous-variétés de k n . On l’appelle la topologie de Zariski.
Exemple : k 1 : les ensembles fermés sont k 1 et les ensembles finis
de points. Les ensembles ouverts sont leurs compléments. On vérifie
aisément que les axiomes d’une topologie sont vérifiés dans ce cas.
Theorème 4.6.1. La topologie Zariski sur k n est bien une topologie.
Démonstration. Vérifions que les axiomes d’une topologie sont satisfaits. Les compléments de l’ensemble vide et de k n sont bien des variétés
(qui correspondent à l’idéal zéro et à l’idéal impropre respectivement).
Soient Y1 , . . . , Yr des ensembles ouverts de la topologie de Zariski. Mettons Xi “ Yic , le complément de Yi . Les Xi sont des variétés par la
définition de la topologie de Zariski. Pour chaque Xi , on peut écrire
Xi “ V pJi q.
X1 Y ¨ ¨ ¨ Y Xr “ V pI1 . . . Ir q
par Lemme 3.2.1, et donc Y1 X ¨ ¨ ¨ X Yr “ pV pI1 . . . Ir qqc , et est donc
ouvert.
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Soient Yi des ensembles ouverts
Ş pour i P A. On
ř a donc des variétés
Yic “ Xi “ V pIi q. Maintenant, iPA Xi “ V p iPA Ii q (Dans Lemme
3.2.1, nous avons seulement regardé l’intersection de deux variétés, mais
il en va de même pour une intersection arbitraire.)
Si on a une espace topologique, une propriété fondamentale, qui s’appelle la propriété Hausdorff, est que, si x ‰ y, alors il y a des ensembles
ouverts Nx et Ny tels que x P Nx , y P Ny , et Nx XNy “ H. La topologie
Zariski n’est pas Hausdorff. (Sauf peut-être dans des cas dégénérés.)
Dans une espace topologique quelconque, si on a un ensemble A, on
peut définir la fermeture de A comme étant l’intersection de tous les
ensembles fermés qui contiennent A. On le note A.
Proposition 4.6.1. La fermeture de A est le plus petit ensemble fermé
qui contient A.
Démonstration. Parce que les intersections arbitraires des ensembles
fermés sont fermées, la fermeture est fermée. C’est le plus petit ensemble fermé qui contient A parce que l’on a pris l’intersection de tous
les ensembles fermés qui le contiennent.
Dans la topologie de Zariski, la fermeture d’un ensemble A est la
plus petite variété qui contient A.
Proposition 4.6.2. Soit A Ď k n . La fermeture de A par rapport à la
topologie de Zariski, c’est V pIpAqq.
Démonstration. Certainement V pIpAqq est un ensemble fermé qui contient
A. Et si X est une variété qui contient A, alors IpXq Ď IpAq. Donc
V pIpAqq est le plus petit ensemble fermé qui contient A, et donc c’est
la fermeture.
?
Par exemple, la fermeture du demi-cercle y “ 9 ´ x2 est le cercle
complet. La fermeture du disque x2 ` y 2 ď 9 est R2 .
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