La vaccination - présentation Pr Sansonetti

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Perspectives de recherche
et d'évolution de la vaccination
Philippe Sansonetti
Professeur au Collège de France
Professeur à l'Institut Pasteur
XIXème siècle
XXème siècle
23/01/2017
Audition HCAAM
Paris
?
XXIème siècle
Grandes lignes
Evolution des maladies infectieuses:
implications prévisibles sur la vaccination
Vaccination universelle de l'enfant:
plus large, plus efficace, plus acceptable
Impact de l'émergence infectieuse et de l'antibiorésistance sur les
programmes de développement vaccinaux
De vaccination universelle à un peu de vaccination personnalisée
Nouvelle vaccinologie: de la vaccination pasteuro-jénérienne
à la vaccinomique
Défis: adjuvants, maintien du meilleur rapport coût-bénéfice en
santé
Les maladies infectieuses de demain:
impact sur la vaccination
Infections de l’enfance
- Montée en puissance des virus et des pathobiotes suite à l'élimination (y compris en
portage) des grands pathogènes
- Echappement aux vaccins conjugués polyosidiques (switch sérotypique)
Extension planétaire de l’antibiorésistance en dépit des contrôles nationaux: risque de
perte (d’efficacité) des antibiotiques...
- Infections nosocomiales et communautaires
- Rôle croissant des vaccins/immunothérapies dans trilogie hygiène-vaccin-antibiotique
Infections et pauvreté/précarité. Comment maintenir une couverture universelle ?
- "Poches" de non vaccination associées à une couverture vaccinale "limite"
causant la résurgence d'épidémies (rougeole en France, 2008-2015)
Changements climatiques, écologiques, vecteurs et infections émergentes
Infection et immunosuppression
Infections et vieillissement de la population
Exemple: dengue en France métropolitaine ?
Aedes albopictus
Vaccination universelle des enfants
Obtention d’une couverture exhaustive de la population, réduisant
le nombre de cas individuels et induisant une « immunité de
groupe » avec réduction du portage qui bloque la circulation de
l’agent pathogène et permet d’envisager l’élimination de la
maladie (voire l’éradication de l'agent étiologique)
Même vaccin, même dose, même nombre de doses pour tous
Peu de préoccupation de la qualité/niveau de la réponse à
l'échelon individuel
Pari sur bon rapport tolérance-effets secondaires = acceptabilité
A globalement très bien fonctionné et éliminé l'essentiel de ses
cibles
Ce modèle est-il encore tenable au XXIème siècle ?
Larson H et coll.
Vaccine Confidence Project
London School of Hygiene and Tropical Medicine
EBioMedicine, 2016
41 % = vaccins pas sûrs
17% = doutes sur efficacité
12% = vaccins infantiles
pas importants
Effet du relâchement de la couverture vaccinale
Rougeoles
01/01/08-31/07/2015
Nb. cas: 24 000
Pneumopathies graves: 1500
Compl. neuro: 34
Décès: 10
Vaccination universelle des enfants
Efficacité:
Epidémie de rougeole, 24000 cas 2008-2015 (InVs/Santé Publique France)
sur cas renseignés:
A surtout touché les enfants < 1 an pas encore vaccinés = insuffisance de la
"bulle de protection"
80,2% = pas vaccinés
14,5 % = une seule dose
5 % = 2 doses, donc échec à vaccination bien menée = rare
Négligeable si couverture vaccinale globale satisfaisante, peut devenir un
paramètre significatif si couverture sous le seuil de protection
Tolérance:
Essentiellement problématique des adjuvants pour vaccins sous-unités
Pas de place pour personnalisation (sauf exceptions), incompatible avec
le modèle coût-efficacité
Place pour globalisation de l'immunogénicité et de la protection
- Inclusion dans les vaccins universels d'antigènes améliorés, additionnels
couvrant les sujets portant des haplotypes non-répondeurs
- Amélioration des adjuvants pour effets quantitatifs, qualitatifs et tolérance
Vaccination universelle des enfants
Nouveaux vaccins pédiatriques à
considérer:
Virus respiratoire syncytial
Paramyxovirus, ARN monobrin, enveloppé
460 000 cas par an chez les enfants en France en période hivernale
Gravissime chez les prématurés
Peut être grave chez le nourrisson (bronchiolite), réinfections de gravité
croissante (imunopathologie ?), formes chroniques, DDB
Pas de traitement, immunothérapie passive (Palivizumab) réservée aux
prématurés.
Vaccins candidats, glycoprotéine de surface/VLP/phases I/II
Pneumocoque cross-sérotypes
Vaccins polyosidiques capsulaires
Polyosides purifiés
Antigène polyosidique capsulaire purifié.
T-indépendant, faiblement immunogène chez le nourrisson.
1946 : Streptococcus pneumoniae
1989 : Salmonella typhi Ag Vi
Polyosides purifiés-conjugués
Liaison covalente du polyoside capsulaire à une protéine
« carrier » assurant une réponse T-auxiliaire
particulièrement utile chez le nourrisson.
Après injection parentérale, les anticorps (IgG) induits sont
protecteurs au niveau systémique, mais aussi muqueux.
Protection contre la colonisation !
1987 - 1993 : Haemophilus influenzae b (Hib)
(Schneerson & Robbins)
2001 : Neisseria meningitidis C
2001 : Streptococcus pneumoniae (7/23 sérotypes)
Enfants < 5 ans
Adultes> 65 ans
Modification du taux d'incidence des infections
pneumococciques Invasives, tous sérotypes confondus
Modification du taux d'incidence des infections
pneumococciques Invasives, selon les sérotypes
Des pili chez le pneumocoque…
S. pneumoniae a deux adhésines avec ancrage covalent LPXTGX. Elles sont codées
par des ilôts de pathogénicité retrouvés dans une grande variété d’isolats, en
particulier invasifs, mais pas constamment… Le mieux étudié est le pilus Rlr.
régulateur
3 sous-unités
3 sortases
DAPI/nucléoïde
Capsule
Fimbriae
Barocchi M et coll. 2006. PNAS,103:2857-2862
Nelson AL et coll. 2007. Mol. Microbiol.,66:
329-340
Impact de l'antibiorésistance sur la vaccination
et vice versa...
Antibiorésistance / infections hospitalières
Réflexion sur la nécessité de développer des vaccins dédiés aux
pathogènes nosocomiaux
Agents infectieux hospitaliers/nosocomiaux: E. coli (UPEC, STEC)
S. aureus (SARM)
Pseudomonas aeruginosa
Acinetobacter
Immunisation active ? Passive ? Combinaison ?
Vaccination protège contre l'antibiorésistance (vétérinaire, humain)
Changements climatiques, écologiques,
infections émergentes métropolitaines = vaccins ?
Anticiper les éventuels besoins vaccinaux,
Du sud: dengue, CHIK, Zika, Crimée Congo (Espagne)
De l'est: Encéphalite à tiques
Des forêts: Maladie de Lyme
Place de la vaccination dans la prise en charge d'une nouvelle
émergence
Risque = H1N1 (narcolepsie)
Femme enceinte:
infections foetales et néonatales: CMV
Outre la rubéole (contrôlée), d'autres virus causent des fœtopathies:
Cytomégalovirus (CMV) = Herpesvirus: infecte un individu sur deux puis
entre en latence.
Infections largement asymptomatiques mais porteurs du virus transmetteurs,
y compris mère à fœtus
Infection congénitale = dégâts cérébraux fetaux dramatiques et irréversibles
Hors grossesse, le CMV peut donner lieu à des sorties de latence sous
forme d’infections dramatiques à l’occasion d’une immunosuppression, de
greffe d’organe ou de moelle
CMV suspecté de participer à la sénescence du système immunitaire
CMV clairement sur l’écran radar de la recherche et du développement
vaccinal. Des études récentes de vaccinomique exploitant la mémoire B de
sujets protégés ont révélé l’existence d’un complexe multiprotéique viral
donnant lieu à l’induction de très hauts titres d’anticorps protecteurs.
Vaccin en vue ?
Femme enceinte:
infections fetales et néonatales: Strepto B
Septicémie/méningite à Streptococcus agalactiae (StreptoB) = gravissimes
Colonise gorge, tube digestif et vagin: 30 % des femmes (> si enceintes)
Infection = une naissance sur mille.
Survient en post partum (contamination lors du passage vaginal) ou dans
les trois mois qui suivent
Méningite mortelle dans 20% des cas ou lourdes séquelles neurologiques
Protocole rôdé d’identification/traitement du StreptoB chez la mère avant la
naissance: fait passer le portage de l’enfant de 1/200 à 1/4000
- Certaines mères y échappent ou le reçoivent trop tardivement
- Résistance croissante aux béta-lactamines
Considérée comme infection émergente
En France, chaque année, 250 formes graves, 50 décès
Vaccins candidats en cours de développement (phases I / II): polyoside
capsulaire conjugué (5 sérotypes majeurs...), protéines de surface/facteurs
de virulence: C5a-peptidase, pili...
Moment de la vaccination ?
Vaccination des sujets immunodéprimés
On ne peut compter uniquement sur la bulle protectrice créée autour de ces
patients par la vaccination universelle, surtout pour les vaccins vivants
Idéal = vaccination individuelle: en rémission, ces patients peuvent voyager
dans des zones où la couverture vaccinale est insuffisante (ils n’ont parfois
pas à aller très loin : sept rougeoles mortelles chez sujets immunodéprimés
lors de la récente épidémie en France)
Etudes récentes: les sujets immunodéprimés sont sous-vaccinés
Sujet incontournable, souffre de nombreux handicaps : manque de
protocoles solidement établis, rareté des vaccins permettant d’obtenir une
meilleure réponse immunitaire sans multiplication des rappels, faiblesse des
corrélats biologiques de protection
Problème sensible, car nécessitant des vaccins dédiés à dosage accru, plus
immunogènes, en particulier par l’utilisation de nouveaux adjuvants plus
puissants, et utilisant des voies d’inoculation différentes (voie intradermique)
Réalités sociétales, des vaccins mieux adaptés à une
population en évolution: vaccinations des personnes âgées
En 2050: >25 %
de la population européenne > 65 ans
Rappuoli R et coll. 2011. Nat. Rev. Immunol.
Vaccination antigrippale chez le sujet âgé
L'efficacité protectrice du vaccin antigrippal est considérée comme "modeste"
25 % - 60 % selon les études
En France:
Jeunes = 60 %
Personnes âgées = < 40 %
Hiver 2014-15: épidémie particulièrement sévère
Surmortalité élevée dans une population mal vaccinée (43 % des > 65 ans)
Vaccin peu efficace (23 % d'efficacité de protection)
Cause: H3N2 nouveau et particulièrement virulent, "drift" antigénique
diminuant nettement la protection induite par le vaccin
Surmortalité 2016-2017: pas de problème avec vaccin, problème avec
vaccination
Vaccination des personnes âgées: des pistes
Plus grand nombre d’injections/rappels, plus fort dosage Ag
« Nouvelles » voies d’immunisation
Renouveau de la vaccination intadermique
(Combadiere & Liard, 2011, Hum Vaccin)
Nouveaux adjuvants compensant les déficits d'activation du système
immunitaire sénescent.
Ex.: MF59 = émulsion huileuse induisant le « priming » rapide des
lymphocytes T CD4+ spécifiques des Ag Influenza (HA et Neu) pour le vaccin
antigrippal
Induisant une mémoire B & T renforcée au delà de la souche virale utilisée
(O’Hagan & coll., 201, Expt. Rev. Vaccines)
Nouveaux vaccins: élargissement du répertoire d’épitopes B reconnus sur HA
et Neu.
Evaluation du rôle des infections virales chroniques dans le
vieillissement du système immunitaire (CMV ?) et leur prévention
(vaccinale ?)
Un vaccin universel contre la grippe ?
A Broadly Neutralizing Human Monoclonal
Antibody That Recognizes a Conserved, Novel
Epitope on the Globular Head of the Influenza
H1N1 Virus Hemagglutinin
J. Virol. 2011
A Human Antibody Recognizing a Conserved
Epitope of H5 Hemagglutinin Broadly
Neutralizes Highly Pathogenic Avian Influenza
H5N1 Viruses J. Virol. 2012
Conception des vaccins de prochaine génération:
émergence de la vaccinomique
Bagnoli F et coll. 2011. OMICS
Isolement d'anticorps monoclonaux humains
de cellules B mémoire et de plasmocytes
Isolement d'anticorps monoclonaux humains
de cellules B mémoire et de plasmocytes
Influenza virus (Kallewaard NL et al., 2016, Cell; Xiong X et al., PNAS, 2015)
Zika (Stettler K et al., 2016, Science)
CMV (Gerna G et al., 2016, J Virol; Kabanova A et al., 2015, PNAS))
Rage (De Benedictis P et al., 2016, EMBO J)
Ebola (Corti D et al., 2016, Science)
MERS (Corti D et al., 2016, PNAS)
Norovirus (Lindesmith LC et al., 2015, Open For Infect Dis)
Paramyxoviruses (Corti D et al., 2013, Nature)
Vers le "tout synthétique": polyosides conjugués
synthétiques, où la vaccinologie rejoint la pharmacologie
Point unique d'attachement
Bras B
Bras T
Carrier
(protéine, peptide)
Oligosides synthétiques
mimant les épitopes
protecteurs dans leur exacte
conformation active
Avantages des Oligosides synthétiques:
- Eviter les contaminations bactériennes (endotoxine, etc...)
- Eviter la dégradation / masquage des épitopes protecteurs
- Propose des vaccins moléculairement définis du niveau d'un
médicament
 reproducibilité des lots / standards élevés de contrôle de
qualité
- Possible modulation des performances immunogènes…
 rationalisation possible de la protection croisée
Mulard L, Phalipon A, Sansonetti PJ
Adjuvants
The dirty little secret of immunologists (Charles Janeway)
Antigènes protéiques ou polyosidiques injectés seuls à l'animal d'expérience
donnent lieu à une faible réponse immunitaire
Problème réglé expérimentalement en utilisant les adjuvants complets ou
incomplets de Freund = extraits de mycobactéries dans lesquels sont
émulsionnés les antigènes étudiés
L'adjuvant induit une réponse innée (inflammatoire) au site d'immunisation qui
est indispensable à amplifier et orienter la réponse immunitaire spécifique
En vaccinologie, tout ce qui n'est pas vaccin vivant atténué ou vaccin cellulaire
= vaccins sous-unités nécessite un adjuvant (évident dès le développement du
DT dans les années 30)
Pour certains d'entre eux = conjugués polyosidiques, virus tué, la nécessité est
"limite" et ce sont les essais cliniques de phase II qui renseigneront sur la
nécessité ou non d'adjuvanter le vaccin
Adjuvants
Sels d'aluminium
Stimulent réponse humorale, adsorbent antigènes, retardent libération des antigènes
Réponse Th2, surtout IgG, mais aussi IgE
Faible réponse Th1 cellulaire
Pro-inflammatoire localement
Phosphate de calcium
moins pro-inflammatoire localement, faible adjuvanticité
Réétudié récemment comme alternative, peu encourageant
Liposomes
Emulsions de protéines dans des couches lipidiques
Virosomes, ISCOM, etc
Ralentissent la diffusion de l'antigène, mais effet adjuvant modeste
Emulsions d'huile dans l'eau = squalène = précurseur de la vitamine D (MF59)
additionné de Vit E (AS03)
Excellent recrutement local des cellules présentatrices d'antigènes, orientation humorale
Effet sur immunité cellulaire en cours d'étude
Efficacité dans la vaccination anti-grippale: augmente la réponse anticorps en titre
(dose-sparing), en reconnaissance d'antigènes éloignés (cross-clade)
Adjuvants
Retour aux molécules immunostimulantes microbiennes
Pathogen/Microbe-associated molecular patterns (P/MAMPs = LPS, peptidoglycane,
flagelline, lipoprotéines, ADN non méthylé) activant des Pathogen-recognition
receptors (PRR = TLR, Nod, autres...)
Molécules propres au monde procaryote stimulant l'immunité innée et faisant le socle de
la réponse adaptative en induisant signaux d'activation, de recrutement et d'alarme du
système immunitaire
Réponse plutôt globale Th2 et Th1 vu l'éventail de cytokines induites
Monophosphoryl lipide A proche de l'endotoxine des bactéries G-/TLR4, mais moins
actif que l'endotoxine.
Commence à être utilisé dans les vaccins Hépatite B, HPV, transition possible.
Autres stimulants à l'étude: flagelline/TLR5, nucléotides/TLR3, TLR9
Toxines microbiennes atténuées = dmLT = programmation muqueuse de la réponse
Meilleure tolérance ? meilleure acceptabilité car nous hébergeons des quantités
astronomique de ces composants dans nos flores microbiennes
Sujet en marche. Difficile de changer pour les vaccins existants et pas le recul de 90 ans
sur les sels d'aluminium
Paradigme vaccinal (idéal) du XXIème siècle
Des vaccins nouveaux basés sur des approches de "vaccinomique" prenant
en compte diversité humaine et microbienne, simplification par l'utilisation
de sous-unités assurant tolérance optimale, protection croisée à travers les
divers sérotypes, réponses optimisées (humorales/cellulaires) par la
définition d'une gamme d'épitopes immunogènes et protecteurs chez
l'ensemble des individus
Adjuvants de nouvelle génération, rationnellement dessinés et calibrés
Généralisation de la synthèse = médicaments
Optimisation des voies d'administration par une meilleure connaissance de
l'immunologie cutanée et muqueuse
Question:
L'industrie de vaccin va-t-elle suivre la tendance du "biomedicine business"
?
Le paradigme fondamental d'intervention de santé publique à meilleur
rapport coût-efficacité pourra-t-il être maintenu ?
Merci
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