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Les pays de l’Europe de l’Est et l’Olympisme : participations et performances avant et après 1989
Ces situations sont soutenues par Pierre de Coubertin qui afrme qu’il peut exister
une « géographie sportive » différente de la « géographie politique ». Le rénovateur de
l’Olympisme utilise l’expression dans une lettre adressée en 1911 à l’éditeur du journal
sportif viennois « Allgemeine Sportzeitung » pour rappeler que la géographie sportive
ne doit pas se plier aux règles de la géographie politique et qu’ainsi, l’Olympisme
peut tracer sa propre carte du monde (Krebs, 2002). Il s’agit alors de favoriser la
participation aux JO de régions non-souveraines sur le plan politique, mais disposant
d’une structure sportive autonome, ce qui permet d’appliquer la règle « All games,
all nations », précisant qu’une nation n’est pas nécessairement un Etat indépendant.
Ce choix de la reconnaissance des « nations » a offert au mouvement olympique une
marge de manœuvre relative dans les relations internationales, marge qui s’érode dans
les mutations politiques de l’entre-deux-guerres.
Les enjeux politiques de l’entre-deux-guerres (1919-1945)
La première guerre mondiale entraîne une série de bouleversements territoriaux
qui remodèlent l’Europe centrale et orientale (Traité de Versailles, de Saint-Germain
et du Trianon) (Figure 2). Le dépeçage de l’Empire austro-hongrois favorise la création
de nouveaux pays indépendants (Hongrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie), la Pologne
réapparaît au détriment de l’Allemagne et de l’Union soviétique, et enn, conséquence
de la révolution russe, les pays baltes et la Finlande se libèrent de la tutelle russe.
Les pays qui n’avaient pas de CNO ne manquent pas l’occasion d’en créer dès leur
indépendance (Pologne, Yougoslavie) ou quelques temps après pour les pays baltes
(Estonie présente dès 1920, Lituanie et Lettonie en 1924). Le temps de la géographie
sportive indépendante de la politique est passé et une nouvelle ère commence où le
sport ne fait pas l’économie des enjeux politiques. Ces enjeux instrumentalisent le sport
à trois niveaux : celui de l’exclusion des rencontres, celui de l’opposition politique en
URSS et enn celui de la propagande fasciste en Italie et en Allemagne.
La question de l’exclusion se pose pour les Jeux d’Anvers en 1920 où l’Allemagne,
l’Autriche et la Hongrie ne sont pas représentées. Le contexte d’après guerre contredit
la position prise par Coubertin dix ans plus tôt à propos des Jeux de Stockholm :
« Le programme des Jeux Olympiques de Stockholm n’est nullement dénitif encore
et il n’appartient nullement au comité suédois de xer la liste des pays qui sont
admis à participer aux Jeux Olympiques » (Coubertin, 1932, p. 72). L’Allemagne est
encore exclue des JO de Paris et Chamonix en 1924 et ne retrouve sa place qu’aux JO
d’Amsterdam en 1928.
Au-delà des exclusions, le CIO est confronté aux conséquences de la Révolution
russe. Durant la guerre civile, les Russes blancs, puis la Géorgie, l’Arménie et
l’Azerbaïdjan déclarent leur indépendance au printemps 1918, mais la reprise en main
par l’URSS est effective en 1923. A cette date, le CIO reçoit la demande du prince
russe Léon Ouroussof, représentant les Russes blancs réfugiés, de reconnaître trois
équipes « russes » : celle de Moscou, celle des Russes émigrés et celle des Arméniens.
Très vite, l’URSS s’oppose à l’Olympisme et favorise les organisations sportives
ouvrières ayant pour objectif la lutte contre le capitalisme et les bourgeoisies qui le
soutiennent. Le CIO est présenté comme un « ramassis d’aristocrates et de bourgeois »,
prônant sous couvert d’universalisme, le libéralisme et le colonialisme, et utilisant le