Qu’est ce que l’Europe ?
Sur 7% de la surface des terres émergées, l’Europe regroupe un peu plus de 11% des habitants
de la planète. Le plus petit des continents (10 millions de km²) de est aussi l’un des plus
contrasté au plan géographique et le plus morcelé politiquement, avec 45 Etats, alors que des
pays comme le Canada, les Etats-Unis et la Chine font à peu près sa superficie. Cet espace
fragmenté par une longue histoire et de nombreux conflits constitue l’un des centres du
monde et connaît, depuis les années 1950, un processus d’alliance qui, depuis 2007, a réuni 27
Etats au sein de l’Union européenne.
Pourquoi peut-on qualifier l’Europe de mosaïque humaine ?
Comment le processus d’union a-t-il pu se mettre en place après de longs siècles de
division ?
Quels milieux de vie les sociétés européennes ont-elles créés à partir de conditions
géographiques très variées ?
Quels atouts et quelles faiblesses caractérisent ce centre économique du monde qui peut
prétendre rivaliser avec les Etats-Unis ?
I ) Une mosaïque humaine
Les 700 millions d’européens partagent-ils une identité commune malgré la diversité des
langues, des religions et des traditions nationales et régionales ?
A) Une population dense mais qui ne s’accroît plus
L’Europe est le troisième foyer de peuplement de la planète, et l’une des régions les plus
densément peuplées du monde : 100 habitants au Km2 environ, sans la Russie d’Europe, 80 si
on la prend en compte.
L’inégale répartition de la population s’explique en partie par les données naturelles : les
montagnes et les zones forestières froides du Nord sont moins peuplées que les plaines, les
grandes vallées et les littoraux d’Europe occidentale, centrale et méditerranéenne.
Mais les facteurs historiques sont tout aussi importants : les axes anciens de circulation
comme la vallée du Rhin ont connu un essor économique et une urbanisation précoces, alors
que les régions surtout agricoles, comme le massif central, vidées par l’exode rural, ont
aujourd’hui de faibles densités.
A la fin du 18e siècle, l’Europe amorce sa transition démographique (période de forte
augmentation de la population, qui passe d’une situation de faible croissance avant la
transition, à une situation de faible croissance, après la transition.) période de forte
croissance de la population que connaîtra l’ensemble du monde au 20e siècle : la population
passe de 200 millions d’habitants en 1800 à 400 millions en 1900, ce qui représentait alors le
quart de l’humanité. Les européens sont 700 millions dès 1990 mais, depuis, leur nombre ne
s’accroît plus : la natalité (nombre de naissances vivantes par an. Le taux se calcule pour
1000 habitants) européenne est la plus faible du monde (10%o) et la mortalité parmi les plus
élevées (11%o) car la population vieillit.
L’âge moyen des européens approche de 40 ans, alors qu’il est de 27 ans pour le monde : dans
ces conditions la population stagne et ne se maintient à 700 millions qu’en raison des apports
de l’immigration. L’Europe compte une vingtaine de millions d’étrangers et en accueillera
autant dans les décennies à venir.
B) Une identité forte, des cultures variées
L’Europe est dotée d’une forte identité et reste une référence aux yeux du monde, ne serait-ce
que parce qu’elle est le berceau de quelques principes qui ont fondé la civilisation actuelle,
comme la démocratie, les droits de l’homme et le libéralisme économique.
Le progrès économique et social, apparu en Europe avec la révolution agricole du 18e siècle,
et la révolution industrielle et technique du 19e siècle, se sont rapidement diffusés dans le
nouveau monde plus de 50 millions d’Européens ont émigré entre 1800 et 1930. Par la
suite, le développement des pays du sud s’est aussi inspiré du modèle européen, même s’il est
encore loin d’avoir atteint le même niveau que sur le vieux continent. Aujourd’hui, c’est le
modèle américain qui s’impose un peu partout, mais il s’est largement construit à partir des
apports que les Etats-Unis ont reçus de l’Europe.
Les Européens ont partagé une longue histoire commune, mais l’Europe n’est pas uniforme
pour autant. Les cultures nationales, dont les fondements sont la langue, la religion et
l’histoire politique de chaque Etat, restent vivaces.
A une échelle différente, on reconnaît des identités régionales, fondées sur des modes de vie
et un patrimoine naturel et humain particuliers. Elles connaissent un renouveau et se
manifestent parfois avec force aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation qui tend à
aligner les habitudes et les comportements sur un même modèle. Le défi pour l’Europe est
alors de conserver son identité propre face au reste du monde, en se préservant des divisions
que sa grande diversité culturelle pourrait entretenir.
II ) Une construction de l’histoire
Le processus de rapprochement engagé par l’Union européenne l’emportera-t-il sur les
logiques de division ?
A) Une carte politique sans cesse recomposée
Avec 45 Etats, l’Europe est le continent politiquement le plus fragmenté du monde. Pour
quelques-uns, comme le Portugal et la Suisse, le territoire a été fixé il y a des siècles dans ses
formes définitives, mais la plupart des pays n’ont trouvé leurs limites actuelles qu’au 19e et au
20e siècle. La formation des territoires s’est le plus souvent forgée sur de longues périodes, au
fil de guerres incessantes et de traités qui ont peu à peu fixé les frontières ; l’Europe est la
région du monde qui détient le record en matière de conflits et la France, par exemple, a vécu
les deux tiers de son histoire en état de guerre.
C’est aussi en Europe que se sont déclenchées les deux guerres mondiales qui ont redessiné la
carte politique du vieux continent. Le démantèlement des empires multinationaux, à l’issue du
conflit de 1914-1918, a permis la renaissance d’anciens Etats comme la Pologne et la Hongrie
et la création de nouveaux pays comme la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. A l’issue de la
guerre de 1939-1945, l’Europe fut coupée en deux blocs par le « Rideau de fer » qui partagea
l’Allemagne en deux Etats : à l’ouest la RFA, et à l’Est la RDA.
Sous le contrôle de la puissante Union soviétique, les pays d’Europe de l’Est connaissent,
entre 1949 et 1989, une période de stabilité forcée, alors que l’Ouest européen se reconstruit
sous protection des Etats-Unis. La dislocation de l’URSS en 1990 et l’éclatement de la
Yougoslavie à partir de 1991 ont ajouté 10 nouveaux Etats à la carte de l’Europe, faisant
passer leur nombre de 35 à 45.
B) Une quête ancienne d’unité et de stabilité
La volonté d’unifier politiquement des ensembles plus ou moins vastes de l’Europe remonte à
l’empire romain. Les tentatives de Charlemagne, de Napoléon et d’Hitler, dont les conquêtes
connurent leur extension maximale respectivement en 814, en 1812, et en 1942, furent
éphémères et ont rapidement avorté. Il en a été de même du processus d’unification mis en
œuvre par l’Union soviétique après 1945, qui n’affecta que la partie orientale du continent
pendant moins d’un demi-siècle.
Quels que soient leur forme et les moyens dont elles disposaient, ces constructions ont été des
échecs car elles se fondaient sur la conquête militaire, la loi du plus fort et la domination d’un
centre sur des périphéries annexées ou contrôlées, la puissance dominante cherchant à
imposer partout son propre modèle.
L’Union de l’Europe, que des esprits éclairés souhaitaient depuis le 19e siècle, est entreprise
depuis 50 ans, par la bonne volonté des éternels ennemis que furent la France et l’Allemagne,
en associant au départ l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg : elle est sans
exemple dans le monde et de nature bien différente des tentatives précédentes. Elle apparaît
plus durable car elle se réalise dans un contexte de paix, sur la base d’un fonctionnement
démocratique et d’une libre adhésion de chaque Etat membre au projet commun.
Ce projet n’est plus un modèle impo mais une construction commune élaborée avec
l’accord de tous. C’est une entreprise lente et difficile, qui peine parfois à avancer, mais dont
l’attractivité est forte, si on juge par les succès obtenus et par le nombre d’Etats qui ont rejoint
les six membres fondateurs ou vont le faire. Elle est la seule voie qui permette de garantir une
paix durable à ce continent divisé depuis toujours.
III ) Un centre du monde à consolider
Pourquoi, malgré un poids économique largement équivalent, l’Europe apparaît-elle comme
une puissance de second rang par rapport aux Etats-Unis ?
A) L’Europe : « poids lourd » économique et financier, « poids léger » politique.
Pour une superficie à peu près équivalente à celle des Etats-Unis, l’Europe, comprise dans ses
limites de l’Atlantique à l’Oural, abrite une population deux fois et demie plus nombreuse et
produit le tiers de la richesse de la planète. Aux meilleures places des classements
internationaux en matière économique, on trouve toujours des Etats européens et c’est en
Europe que le niveau de protection sociale des populations et le progrès et le bien-être pour le
plus grand nombre ont atteint leur degré le plus élevé. L’Europe est aussi le premier pôle
marchand et financier du monde : elle capte près de la moitié des échanges internationaux et
de capitaux.
Pourtant, en ce qui concerne l’influence géopolitique et dans les relations internationales,
l’Europe est nettement en retrait par rapport à son rival américain. La puissance des Etats-
Unis est aujourd’hui incontestée dans le monde, car ce pays correspond à un seul Etat et
dispose d’une force militaire inégalée, à la disposition d’un pouvoir unique. La prééminence
planétaire des Etats-Unis s’est affirmée parce que ce pays neuf a su fédérer très tôt les Etats
qui le constituent et mettre cette unité politique au service de sa puissance économique. Au
contraire, le nombre et la variété des Etats européens, la longue histoire qui les a plus souvent
opposés, leur manque de cohésion politique et diplomatique ne permettent pas à l’Europe de
s’imposer aux yeux du monde, en dépit des atouts économiques, sociaux et culturels dont elle
dispose.
B) Des disparités de développement trop fortes.
L’Europe paie aujourd’hui le demi-siècle de division qui fait suite à la Seconde Guerre
mondiale. Le développement séparé, entre un bloc communiste de l’Est, replié sur lui-même
et inféodé à la Russie, et un bloc libéral à l’Ouest, sous tutelle américaine, a jeté les bases
d’une Europe à deux vitesses. L’éclatement de l’URSS en 1990 et l’échec du modèle
soviétique ont imposé à la Russie et à l’Europe de l’Est une dure reconversion et plongé une
partie importante de la population dans de graves difficultés économiques et sociales.
Le processus de mise à niveau de l’Europe de l’Est est engagé, mais sera long et difficile, tant
les écarts de développement sont importants. Ainsi, les régions orientales de l’Allemagne, qui
constituaient l’ex-RDA, sont encore très en retard par rapport au reste du pays, alors qu’elles
ont bénéficié d’aides massives de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Union européenne, depuis la
réunification en 1990.
La formation des Etats-Unis d’Amérique ne s’est pas faite sans heurts, alors que les héritages
historiques et les spécificités humaines et sociales de chaque Etat fédéré (chacun des 50 états
qui constituent les Etats-Unis d’Amérique. Ils étaient 13 au moment de l’indépendance
en 1783 ; Hawaï, territoire américain depuis 1898, est devenu le 50e Etat de l’Union en
1959, après l’Alaska, l’Arizona et le nouveau Mexique qui avait rejoint les Etats-Unis en
1912) étaient beaucoup plus homogènes que pour les nations de l’Europe. La construction
européenne se réalise dans un contexte nettement plus complexe mais doit s’accommoder de
cette diversité si elle veut poursuivre les objectifs de paix et d’unité qui furent ceux de ses
membres fondateurs.
Il faut parvenir à faire vivre en commun et à associer des Etats dont les niveaux de
développement, la qualité de vie des populations et la culture présente des écarts parfois
considérables. L’intégration de ces pays est sans doute le seul moyen de leur assurer un
développement rapide, en même temps qu’elle renforcera la position de l’Europe dans le
monde.
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