B) Une quête ancienne d’unité et de stabilité
La volonté d’unifier politiquement des ensembles plus ou moins vastes de l’Europe remonte à
l’empire romain. Les tentatives de Charlemagne, de Napoléon et d’Hitler, dont les conquêtes
connurent leur extension maximale respectivement en 814, en 1812, et en 1942, furent
éphémères et ont rapidement avorté. Il en a été de même du processus d’unification mis en
œuvre par l’Union soviétique après 1945, qui n’affecta que la partie orientale du continent
pendant moins d’un demi-siècle.
Quels que soient leur forme et les moyens dont elles disposaient, ces constructions ont été des
échecs car elles se fondaient sur la conquête militaire, la loi du plus fort et la domination d’un
centre sur des périphéries annexées ou contrôlées, la puissance dominante cherchant à
imposer partout son propre modèle.
L’Union de l’Europe, que des esprits éclairés souhaitaient depuis le 19e siècle, est entreprise
depuis 50 ans, par la bonne volonté des éternels ennemis que furent la France et l’Allemagne,
en associant au départ l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg : elle est sans
exemple dans le monde et de nature bien différente des tentatives précédentes. Elle apparaît
plus durable car elle se réalise dans un contexte de paix, sur la base d’un fonctionnement
démocratique et d’une libre adhésion de chaque Etat membre au projet commun.
Ce projet n’est plus un modèle imposé mais une construction commune élaborée avec
l’accord de tous. C’est une entreprise lente et difficile, qui peine parfois à avancer, mais dont
l’attractivité est forte, si on juge par les succès obtenus et par le nombre d’Etats qui ont rejoint
les six membres fondateurs ou vont le faire. Elle est la seule voie qui permette de garantir une
paix durable à ce continent divisé depuis toujours.
III ) Un centre du monde à consolider
Pourquoi, malgré un poids économique largement équivalent, l’Europe apparaît-elle comme
une puissance de second rang par rapport aux Etats-Unis ?
A) L’Europe : « poids lourd » économique et financier, « poids léger » politique.
Pour une superficie à peu près équivalente à celle des Etats-Unis, l’Europe, comprise dans ses
limites de l’Atlantique à l’Oural, abrite une population deux fois et demie plus nombreuse et
produit le tiers de la richesse de la planète. Aux meilleures places des classements
internationaux en matière économique, on trouve toujours des Etats européens et c’est en
Europe que le niveau de protection sociale des populations et le progrès et le bien-être pour le
plus grand nombre ont atteint leur degré le plus élevé. L’Europe est aussi le premier pôle
marchand et financier du monde : elle capte près de la moitié des échanges internationaux et
de capitaux.
Pourtant, en ce qui concerne l’influence géopolitique et dans les relations internationales,
l’Europe est nettement en retrait par rapport à son rival américain. La puissance des Etats-
Unis est aujourd’hui incontestée dans le monde, car ce pays correspond à un seul Etat et
dispose d’une force militaire inégalée, à la disposition d’un pouvoir unique. La prééminence
planétaire des Etats-Unis s’est affirmée parce que ce pays neuf a su fédérer très tôt les Etats
qui le constituent et mettre cette unité politique au service de sa puissance économique. Au
contraire, le nombre et la variété des Etats européens, la longue histoire qui les a plus souvent
opposés, leur manque de cohésion politique et diplomatique ne permettent pas à l’Europe de
s’imposer aux yeux du monde, en dépit des atouts économiques, sociaux et culturels dont elle
dispose.