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commerciale" et de "dépression économique". En somme, une
"grande dépression", qui serait bien plus grave qu'une "crise", par
définition brutale mais courte. Ce terme n'est pas un création a
posteriori des historiens. Le mot est prononcé dans les clubs, dans
les journaux, à la Chambre des Communes et les réalités qu'il
recouvre font l'objet de rapports officiels (la Commission royale
d'enquête sur la dépression de l'économie diagnostique en 1886 la
triple baisse des prix, des taux d'intérêt et des profits). Les
socialistes, ainsi S.et B.Webb, y voient le premiers signes d'un
effondrement prochain du capitalisme, ce que confirme F.Engels
en 1892, parlant dans la préface d'une réédition de son livre sur la
Situation de la classe laborieuse en Angleterre(1845) de
"marasme chronique affectant tous les secteurs essentiels de
l'industrie". C'est particulièrement dans l'upper class (les riches
propriétaires fonciers, notamment) et la middle class bourgeoise
que l'inquiétude est la plus vive. Sur le plan psychologique, la
crise de la merchant bank Baring en 1890 — sauvée de la faillite
par la Banque d'Angleterre — frappe durablement les esprits et
ébranle la City. Quelques années plus tard, la publication de Made
in Germany (1896) par le journaliste E.E.Williams fait apparaître
la puissance à la fois commerciale et industrielle de l'Allemagne,
devenue depuis les années 1870 le principal concurrent
continental.
Dans les années 1930, un article de l'Economic History
Review, écrit par H.L.Beales, met en question la "légende" de la
Grande Dépression et ouvre un débat qui s'est largement poursuivi
après la guerre de 1945. Dans les annés 1960, C.Wilson estime
dans la même revue qu'il faut privilégier une position médiane sur
la question et, selon sa formule restée célèbre, que "l'économie
britannique ne fut ni figue ni raisin. Elle fut mi-figue, mi-
raisin"(44).En 1969 S.B.Saul semble mettre un terme à la
polémique avec son ouvrage sur "le mythe de la grande
dépression" (43). Son livre détruit la légende noire d'une
Angleterre en plein marasme, et s'il ne nie pas un manque de
compétitivité internationale et des retards sur le plan
technologique, il souligne à quel point la "dépression" doit se lire
avec les grilles d'une histoire quantitative rigoureuse. Cette
analyse inspire l'histoire économique anglo-saxonne postérieure,
jusqu'aux travaux récents dirigés par R.C.Floud et D.McCloskey
(28). Pour ces auteurs de la New Economic History, l'idée d'échec
ou d'insuffisance (failure est un terme difficile à traduire) de
l'économie britannique à la fin du XIXème siècle doit être
définitivement abandonnée. Les "inquiétudes" des Victoriens
étaient sans fondements : en dépit de progrès trop lents dans