Biais attentionnels associés à l’anxiété 413
cela dans le but de déterminer l’impact du matériel
menac¸ant sur l’orientation de l’attention. En examinant
l’impact d’un mot de menace sur les latences de détection
de sondes dans les deux endroits de l’écran, il devient alors
possible de déterminer si l’attention visuelle s’oriente vers
les stimuli de menace ou s’en détourne. Il se révèle donc
une mesure sensible de l’attention sélective.
Peu d’études se sont penchées sur l’influence relative
des variables anxiétés trait et état sur les biais préatten-
tionnels des individus non cliniques. Toutefois, les résultats
semblent relativement homogènes. Parmi les cinq études
répertoriées employant une tâche Stroop, trois [21,23,37]
montrent clairement le rôle joué par l’interaction anxiété
trait ×état dans les scores d’interférences. Le déclenche-
ment du biais au niveau préattentionnel serait donc dû à
l’interaction anxiété trait ×état. Par ailleurs, Verhaak et
al. [41] ne mettent en évidence aucun lien entre l’anxiété
(état et trait) et les scores d’interférence alors que Mogg
et al. [31] montrent un effet de congruence entre l’anxiété-
état et le matériel positif : plus l’anxiété-état est basse, plus
l’interférence vis-à-vis du matériel positif augmente.
Parmi les quatre recherches employant une tâche de
détection de sondes, trois d’entre elles [1,22,30] mettent
en avant le rôle de l’interaction anxiété état ×trait dans
le déclenchement du biais attentionnel. Seule la recherche
de Mogg et al. [29] propose que l’anxiété-état ait un rôle
central dans l’apparition du biais. Ce décalage de résultat
peut sans doute s’expliquer par le temps de présentation
du matériel qui est de 100 ms dans cette étude alors qu’il
est inférieur à 30 ms dans toutes les autres. Il ne s’agit
donc pas réellement d’une condition subliminale permet-
tant d’appréhender ce qui se passe au stade préattentionnel
du traitement de l’information.
D’un point de vue général, il semble d’une part que
le biais attentionnel associé à l’anxiété se déclenche à
un stade précoce du traitement de l’information, stade
permettant majoritairement la mise en jeu de proces-
sus automatiques. D’autre part, c’est l’interaction anxiété
état ×trait qui semble permettre son apparition. Ces résul-
tats sont en accord avec les propositions de Williams et al.
[42] qui indiquent que le déclenchement du biais anxieux
s’opère à un niveau préattentionnel et est préférentielle-
ment observé chez des individus anxieux-trait élevés mis en
situation stressante (anxiété-état élevée). L’anxiété-état a
alors pour fonction d’amplifier le biais obtenu sous l’effet
d’une anxiété-trait élevée.
Les conclusions issues des recherches tentant de séparer
les rôles des anxiétés trait et état à une étape tar-
dive du traitement de l’information, étape permettant la
mise en œuvre de processus stratégiques, sont plus par-
tagées. En effet, sur la dizaine de recherches utilisant le
paradigme modifié de Stroop, trois études n’obtiennent
aucun effet des variables anxiété-état et trait [21,33,41].
Contrairement aux attentes des auteurs, aucun biais atten-
tionnel associé à l’anxiété-état ou trait n’est mis en
évidence. L’interprétation est faite en relation avec l’étape
de traitement de l’information et la nature des proces-
sus mis en jeu. En effet, les participants, tous anxieux
non-cliniques, auraient contrecarré, grâce à des proces-
sus stratégiques, le bais attentionnel apparu à une étape
plus précoce du traitement. L’étude de Mogg et al. [31]
indique quant à elle un effet de non congruence vis-à-vis de
l’information menac¸ante dans la condition de présentation
supraliminale. Ainsi, un faible niveau d’anxiété-état est
associé à une augmentation de l’interférence à la tâche
Stroop vis-à-vis des stimuli menac¸ants. La moitié des
recherches [10,13,35,37] privilégie par ailleurs le rôle joué
par l’interaction trait ×état et est donc en accord avec
la proposition théorique de Williams et al. [42]. Seule une
étude utilisant le paradigme Stroop [23] met en avant le rôle
spécifique de l’anxiété-état dans le maintien du biais atten-
tionnel. En effet, un biais attentionnel est mis en lumière
dans la condition non masquée lorsque l’état émotionnel
des participants augmente, et ce quel que soit leur niveau
d’anxiété-trait. Par ailleurs, l’orientation du biais dépend,
dans cette recherche, de la nature du matériel et de la
source du stress. D’une part, tous les sujets répondent à
l’augmentation de l’état émotionnel par une augmentation
des latences de réponses vis-à-vis du matériel non relié à
l’examen (la source du stress). D’autre part, tous les sujets
montrent une diminution des latences pour les stimuli direc-
tement liés à l’examen. Les processus stratégiques sont donc
adaptatifs puisqu’ils contribuent à éviter de traiter les items
émotionnels reliés à l’examen, ce qui a pour conséquence
d’éviter d’augmenter l’état émotionnel. Notons cependant
qu’un effet d’interaction anxiété état ×trait a été mis en
évidence dans cette étude dans la condition de présentation
subliminale.
Par ailleurs, les recherches utilisant le paradigme modifié
de détection de sondes indiquent des résultats allant dans
deux directions différentes. Quatre des huit études recen-
sées obtiennent un effet d’interaction anxiété état ×trait
[8,22,24,30]. Ces recherches rejoignent clairement celles
suscitées utilisant une tâche Stroop. L’autre moitié des
études indiquent cependant que les individus d’anxiété-état
élevée allouent plus de ressources attentionnelles vis-à-
vis du matériel menac¸ant, et ce quel que soit le niveau
d’anxiété-trait des individus [1,7,29,32]. Un biais atten-
tionnel spécifiquement associé à l’anxiété-état est donc
observé dans ces études qui mettent en lumière son rôle cen-
tral et indispensable dans le maintien du biais attentionnel
anxieux.
La recherche de Fox et al. [16] vient renforcer l’idée
du rôle central de l’anxiété-état en montrant, sur la base
d’un paradigme de recherche visuelle «cueing task »que
les sujets à haut niveau d’anxiété-état présentent de plus
grandes difficultés à désengager leur attention des sti-
muli menac¸ants. Le rôle central de l’anxiété-état est ainsi
systématiquement souligné dans les cinq études de cette
recherche. Enfin, une étude récente [27] explore, à l’aide
de mesures de potentiels évoqués, les indices directs de
l’activité cérébrale attentionnelle, le rôle joué par des
contextes aversifs dans l’apparition du biais attentionnel.
Ils montrent que la quantité de ressources attentionnelles
allouée est fonction de la combinaison entre le caractère
menac¸ant du contexte et le niveau d’anxiété-état. Aucune
relation avec l’anxiété-trait n’est établie.
Il s’avère donc que l’analyse du comportement attention-
nel associé aux anxiétés trait et état révèle des résultats
contradictoires, soulevant différentes interrogations. Si au
niveau préattentionnel, les choses semblent plutôt claires,
il n’en est pas de même à un stade plus tardif du traite-
ment de l’information, stade où deux pistes de résultats se
confrontent : une partie des recherches proposent que le