Anneaux et corps Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 4 27 avril 2016 Quiz 7 Question 1. Soit K un corps, et f ∈ K[X] un polynôme de degré positif. Montrer que K[X]/(f ) contient un sous-corps isomorphe à K. Solution. On sait bien que un système de représentants des classes de K[X]/(f ) est donné par les polynômes de degré plus petit que le degré de f . En particulier, on a que ce système contient les polynômes constants. L’ensemble {k + (f ) | k ∈ K} est donc le corps cherché. Question 2. Soit A un anneau intègre. (1) Montrer que si A est un corps, alors le corps des fractions de A est isomorphe à A. (2) Montrer que le corps des fractions de A est le plus petit corps (à isomorphisme près) contenant A. Solution. (1) Soit K le corps de fractions de A et i : A → K défini par a 7→ (a, 1). On a que i est un homomorphisme d’anneaux (facile à vérifier). De plus, (a, 1) ' (0, 1) si et seulement si a = 0, de manière que i est injectif. Notons que l’on a pas encore utilisé le fait que A est un corps. Finalement, pour tout (a, b) ∈ A × A − {0} on a (a, b) ' (ab−1 , 1) (b−1 existe car A est un corps), de manière que i est surjectif aussi (i−1 ((a, b)) = ab−1 ). Donc i est un isomorphisme. (2) Soit K le corps de fractions de A. On sait par le cours (propriété universelle) que pour tout corps L et tout homomorphisme injectif d’anneaux φ de A dans L, il existe un unique homomorphisme de corps φ̃ de K dans L tel que φ = φ̃ ◦ i, où i est défini comme dans (1). Soit donc L un corps qui contient A. Alors il existe un homomorphisme injectif d’anneaux φ de A dans L (l’inclusion). Ainsi il existe un unique homomorphisme de corps φ̃ de K dans L, de manière que φ̃(K) ' K est bien un sous-corps de L. Tout corps qui contient A, contient un sous-corps isomorphe à K, c’està-dire le corps des fractions de A est le plus petit corps (à isomorphisme près) contenant A. Anneaux et corps Prof. E. Bayer Fluckiger Bachelor Semestre 4 27 avril 2016 Série 7 √ √ Exercice 1. On considère l’anneau intègre Z[ −5] := {a + b −5 | a, b ∈ Z}. √ (1) Montrer que l’idéal (2) de Z[ −5] n’est pas premier. (2) Montrer que 2 est irréductible. √ √ (Suggestion : considérer N : Z[ −5] → N, a + b −5 7→ a2 + 5b2 ). (3) En déduire que A n’est pas factoriel. Solution. √ √ √ √ (1) On a que (1 + −5)(1 − −5) = 6 ∈ (2), mais ni√1 + −5 ni 1 − −5 est dans (2), car 2 ne √ deux dans Z[ √5]. En effet, supposons √ √ divise aucun des que 2 divise 1 + −5 ; alors 1 + −5 = 2 · (a + b −5) = 2a + 2b −5, ce qui n’est pas possible si a, b ∈ Z. √ (2) On a que N(α·β) = N(α)·N(β) pour tout α,√ β ∈ Z[ −5] √ (facile à vérifier). De plus, il n’existe pas un élément α = a+b −5 ∈ Z[ −5] avec N(α) = 2 2 (en effet, si b 6= 0, alors N(α) ≥ 5 et √ si b = 0, alors a 6= 2 pour a ∈ Z). Soit donc 2 = α · β avec α, β ∈ Z[ −5]. Alors 4 = N(2) = N(α) · N(β) implique que N(α) = 1 ou N(β) =√1, ce qui implique que α = ±1 ou β = ±1, qui sont des unités dans Z[ −5]. (3) On a vu (cours) que si A est un anneau factoriel et a ∈ A, alors (a) est premier si et seulement si a est √ irréductible.√Or, (2) n’est pas premier, mais 2 est irréductible dans Z[ −5], donc Z[ −5] n’est pas factoriel. Exercice 2. Soit A un anneau commutatif. (1) On suppose que A est intègre et que A n’a qu’un nombre fini d’idéaux. Montrer que A est un corps. (2) On suppose que A n’a qu’un nombre fini d’idéaux. Montrer que les idéaux premiers de A sont tous maximaux. (3) On suppose que tout idéal de A (autre que A) est premier. Montrer que A est un corps. 3 Solution. (1) Soit x ∈ A \ {0}. Comme A n’a qu’un nombre fini d’idéaux, il existe n > m ≥ 0 tels que (xn ) = (xm ). Cela signifie qu’il existe a ∈ A tels que axn = xm . Or A est intègre et xn = xm xn−m , donc axn−m−1 x = 1. Ainsi x est bien inversible. (2) Soit I un idéal premier de A. Alors A/I est intègre et n’a qu’un nombre fini d’idéaux. D’après la question précédente, A/I est un corps. Par conséquent, I est un idéal maximal de A. (3) Comme {0} est premier, A ' A/{0} est intègre. Soit x ∈ A non nul. Alors (x2 ) est un idéal premier de A. Or x2 = x.x donc x ∈ (x2 ). Par suite, il existe a ∈ A tel que x = ax2 . Comme A est intègre, on en déduit que 1 = ax. Ainsi x ∈ A∗ . Exercice 3. (1) Donner la caractéristique de chacun des anneaux suivants : Z/25Z F 5 × F5 F5 [X]/(X 2 + 1) F5 [X]/(X 2 + X + 1). (2) Ces anneaux sont ils intègres ? des corps ? isomorphes ? Solution. (1) L’anneau Z/25Z est de caractéristique 25. Les trois autres anneaux sont de caractéristique 5. (2) L’anneau Z/25Z n’est pas intègre puisque sa caractéristique n’est pas première. Ce n’est donc pas un corps. Il n’est isomorphe à aucun des autres anneaux de la liste, puisqu’il est le seul à être de caractéristique 25. Comme ([1]5 , [0]5 )([0]5 , [1]5 ) = ([0]5 , [0]5 ), l’anneau F5 × F5 n’est pas intègre. Ce n’est donc pas un corps. On a X 2 + [1]5 = (X + [2]5 )(X + [3]5 ). De plus, les idéaux (X + [2]5 ) et (X + [3]5 ) sont tels que (X + [2]5 ) + (X + [3]5 ) = ([1]5 ) = F5 [X]. D’après le théorème chinois, on a donc F5 [X]/(X 2 + [1]5 ) ' F5 [X]/(X + [2]5 ) × F5 [X]/(X + [3]5 ) ' F5 × F5 . En particulier F5 [X]/(X 2 + [1]5 ) n’est ni intègre, ni un corps. Comme X 2 + X + [1]5 est de degré 2 et sans racine dans F5 , il est irréductible sur F5 . Il s’ensuit que F5 [X]/(X 2 + X + [1]5 ) est un corps. L’anneau F5 [X]/(X 2 + X + [1]5 ) est donc aussi intègre. De plus, l’anneau F5 [X] / (X 2 + X + [1]5 ) n’est isomorphe à aucun des autres anneaux de la liste, puisqu’il est le seul à être intègre. 4 Exercice 4. Soit p un nombre premier. Montrer que l’idéal (p) est premier dans Z[i] si et seulement si X 2 + [1]p est irréductible dans (Z/pZ)[X]. Solution. Par l’Exercice 5. de la Série 5, on a Z[i]/(p) ' Z[X]/(p, X 2 + 1) ' (Z/pZ)[X]/(X 2 + [1]p ). On a donc que l’idéal (p) est premier dans Z[i] si et seulement si Z[i]/(p) est intègre (cours) et donc si et seulement si (Z/pZ)[X]/(X 2 + [1]p ) est intègre, c’est-à-dire si et seulement si (X 2 + [1]p ) est premier. On sait que (Z/pZ)[X] est factoriel, donc, par le cours, (X 2 +[1]p ) est premier si et seulement si X 2 +[1]p est irréductible. Exercice 5. On considère l’anneau C 0 ([0; 1], R) de fonction continues sur [0; 1] à valeurs réelles. (1) Soit I un idéal propre de C 0 ([0; 1], R). Montrer l’existence de x0 ∈ [0; 1] tel que f (x0 ) = 0 pour toute fonction f ∈ I. (2) Soit x0 ∈ [0; 1]. Montrer que Mx0 := { f ∈ C 0 ([0; 1], R) : f (x0 ) = 0 } est un idéal maximal de C 0 ([0; 1], R). (3) En déduire que les idéaux maximaux de C 0 ([0; 1], R) sont exactement les idéaux de la forme Mx0 avec x0 ∈ [0; 1]. Solution. Dans cette solution, abrégeons C 0 ([0; 1], R) par C. (1) Par contradiction, supposons que pour tout x0 ∈ [0, 1] il existe fx0 ∈ I tel que fx0 (x0 ) 6= 0. Puisque fx0 est continue, il existe un voisinage U (x0 ) ⊂ [0, 1] de x0 tel que 0 6∈ f (U (x0 )). On obtient un recouvrement ouvert [ [0, 1] = U (x). x∈[0,1] Par compacité de [0, 1], il existe x1 , . . . , xn ∈ [0, 1] tels que ∪x∈[0,1] U (x) = U (x1 ) ∪ · · · ∪ U (xn ). Considérons la fonction n X f= fi2 ∈ I. i=1 Si x ∈ [0, 1], alors il existe 1 ≤ i ≤ n tel que x ∈ U (xi ), d’où fi (x) 6= 0. Par conséquent, f (x) > 0. Ainsi, 1/f ∈ C, d’où 1 = f · (1/f ) ∈ I, ce qui implique que I = C, une contradiction. (2) Considérons l’homomorphisme d’évaluation en x0 evx0 : C → R f 7→ f (x0 ). 5 Cet homomorphisme est surjectif (utiliser les fonctions constantes) de noyau Mx0 . Par conséquent, C/Mx0 ∼ = R, d’où l’on conclut que Mx0 est un idéal maximal de C puisque R est un corps. (3) Soit M un idéal maximal de C. Par le premier point, il existe x0 ∈ [0, 1] tel que M ⊂ Mx0 . Par maximalité de M , on en déduit que M = Mx0 , puisque Mx0 est un idéal propre par le second point.