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La rencontre entre Christophe Colomb et les Indiens.
Cette épître, connue sous le nom de « lettre à Santangel », est sûrement assez
semblable à celle que Colomb adresse au même moment aux souverains
espagnols, Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille, mais qui n’est pas
parvenue jusqu’à nous. Elle rapporte le succès de son entreprise. Il y fait état de
ses bonnes relations avec les populations rencontrées (« sans rencontrer aucune
opposition »). Dans ses écrits, Colomb fait souvent mention de l’accueil que les
autochtones lui réservent et des cérémonies de don et de contre-don qui le
caractérise. Il se livre ici à une description de l’aspect physique (« tout nus », «
belle stature », « pas noirs ») et des traits de caractère de ces populations qu’il
présente comme dociles, naïves et inoffensives. Le Génois en fait une sorte de
peuple infantile. Leur innocence, décrite ici, commence alors à alimenter le
mythe du bon sauvage. !
Le texte de Colomb fait écho aux légendes entretenues autour de la cruauté
supposée des populations indiennes. En effet, les Européens ont assimilé le
nouveau monde tantôt à l’enfer, tantôt au paradis. Et l’indigène a pris la forme
soit du cannibale, soit du bon sauvage. Si Colomb insiste sur le caractère
vertueux et pacifi que des Indiens, contredisant l’image qu’on leur prête depuis
l’Europe (« je n’ai pas encore rencontré d’hommes monstrueux »), il écrit
néanmoins : « j’ai pourtant entendu dire qu’il y a une île peuplée de gens très
féroces qui mangent la chair humaine ». Ainsi, des récits du XVIe siècle nous
rapportent le culte sanguinaire des Aztèques, la cruauté de certains Indiens
Caraïbes (d’où vient le terme cannibale) qui apparaissent comme une résurgence
des récits antérieurs comme ceux de Marco Polo décrivant les cynocéphales, ces
hommes à tête de chien qui aboient au lieu de parler et se nourrissent de chair
humaine.
Si le portrait des Indiens tracé par Colomb est positif, il est aussi assez méprisant
dans la mesure où, le caractère pacifique et la bonté qu’il dépeint sont jugés
comme une faiblesse exploitable par les Européens. Son discours annonce les
dérapages de la colonisation future. Il propose en effet d’assujettir les Indiens et
d’exploiter les ressources nombreuses de leur territoire (or, épices, coton, mastic,
bois d’aloès…). On retrouve aussi dans ce texte la mission d’évangélisation que
se donne Colomb mandaté par les souverains espagnols : « je leur donnai mille
jolies choses pour qu’ils nous prennent en affection ; ils seront ainsi attirés à se
faire chrétiens ». En effet, la colonisation a d’abord un objectif religieux, dans le
prolongement de la Reconquista qui vient de se terminer avec la prise de Grenade
en 1492. On peut voir dans cette lettre les prémisses d’une domination fondée sur
des rapports de force, de mépris, d’exploitation et d’acculturation des
populations.
La conquête du Nouveau Monde
« Les Indiens sont propres à être commandés »
Dans cet extrait de son Journal de bord, Christophe Colomb rend compte de son
premier voyage, qui lui a permis de découvrir les « Indes occidentales ». Il
s’adresse à ses commanditaires, les Rois catholiques (« Vos Altesses »), Isabelle
de Castille et Ferdinand d’Aragon. Colomb justifie son premier voyage comme
une mission d’évangélisation : « convertir ces peuples à notre Sainte Foi ». La
colonisation a d’abord un objectif religieux, dans le prolongement de la
Reconquista (qui vient de se terminer, avec la prise de Grenade en 1492). Colomb
décrit les Indiens comme des êtres dociles et inoffensifs (« gens très pauvres en
tout », « nus », autrement dit à l’état sauvage, sans « aucun culte », « sans génie
pour le combat », « peureux », « propres à être commandés »). Vus par un
Européen, ils constituent une sorte de peuple infantile. Colomb fait miroiter des
richesses qui pourraient renforcer la position de l’Espagne. Les terres sont «
bonnes et fertiles » et il semble y avoir de l’or. Colomb se présente comme
l’envoyé du roi et de la reine d’Espagne. Il s’adresse à eux avec déférence, tout
en leur conseillant assez fermement la marche à suivre. Le 17 avril 1492, les «
capitulations » signées par les Rois catholiques confèrent à Colomb les titres
d’amiral, vice-roi et gouverneur « des îles et terre ferme » qu’il pourra découvrir.
Christophe Colomb débarque à Hispaniola (Haïti) en octobre 1492. Gravure de
Théodore de Bry, 1594. B.N.F., Paris.
Cette gravure est postérieure de presque un siècle à l’événement relaté et elle est
loin d’être une image neutre. Théodore de Bry, graveur et éditeur installé à
Francfort, est spécialisé dans la publication et l’illustration d’ouvrages dénonçant
Le voyageur français Jean de Léry livre en
1578 un véritable bréviaire d’ethnologie dans
le récit de son voyage au Brésil. Il y étudie la
peuplade des Indiens Toupinanbaou, et
s’intéresse notamment à leur langage.
Huguenot, il trouve dans les cannibales une
métaphore des catholiques, dévoreurs du
corps du Christ. Dans cet extrait, il fait la
description du tabac, qui commence à être
introduit en Europe et en Asie au XVIe
siècle. Jean de Léry décrit ainsi la pipe
rudimentaire qu’utilisent les indigènes pour
fumer la plante à laquelle la médecine
européenne prêtait des effets revigorants.
Mais l’approche de Léry se veut aussi
sociologique, puisque les dernières lignes
montrent la fonction sociale qu’occupe le
tabac, qui est un moyen d’échange entre
individus.
Les empires coloniaux
Les empires coloniaux de l’Espagne et du
Portugal sont de nature différente. Dans
l’océan Indien, les Portugais ont développé
un empire purement commercial qui repose
sur une chaîne de comptoirs fortifiés, sur les
côtes d’Afrique, d’Inde, jusqu’en Chine et au
Japon. Ils colonisent aussi le Brésil. Pour
prendre le contrôle de ce commerce, les
Portugais s’efforcent de briser les échanges
du monde musulman préexistants. Ils
s’attaquent donc aux clés de l’océan Indien :
Malacca (1511), Ormuz (1515). Pour payer
les produits asiatiques, les Portugais
exportent des produits européens comme le
cuivre, le mercure, l’alun… mais les
échanges sont déficitaires, ils doivent donc
payer en or et en argent, en particulier
d’Amérique.
Les Espagnols conquièrent un immense
territoire. Ils installent une administration et
exploitent les richesses des territoires conquis
(mines et plantations). Les produits expédiés
vers l’Europe sont : la soie de Chine, les
épices d’Inde, l’ivoire, les esclaves et l’or
d’Afrique, le sucre et le bois du Brésil, le
sucre des Antilles, l’argent du Mexique et des
mines du Potosi dans l’actuelle Bolivie, et
l’or de l’actuel Pérou.
Vue de Séville au XVIe siècle. Tableau de
Francisco Pacheco,musée des Amériques,
Madrid.
Ce tableau permet d’évoquer le
développement, à partir des grandes
découvertes, des ports de l’Atlantique, et en
particulier Séville. On fera observer l’activité
intense et fébrile qui semble y régner en
faisant relever le nombre de navires à quai et
les personnages qui s’activent pour
embarquer ou débarquer des marchandises.
Les bateaux arrivent du Nouveau Monde
chargés d’or et d’argent et repartent avec des
produits de la métropole : vin, huile, meubles,
chaussures, draps et soieries… Séville reste