Le 18 janvier 2007 Valérie BOUSSARD Maître de conférences à l’université de Versailles À QUOI PEUT SERVIR LA SOCIOLOGIE DANS UNE INSTITUTION ? Avant de traiter le sujet en profondeur, je vais commencer par reprendre des définitions assez simples. QU’EST-CE QU’UNE INSTITUTION ? La DGA, Renault, la SNCF et EDF sont des exemples d’institutions. Elles peuvent être définies comme des regroupements d’individus structurés en vue d’atteindre un objectif. Néanmoins, cette définition stricto sensu est celle d’une organisation, et une institution doit posséder une particularité supplémentaire : une épaisseur historique qui lui permet de représenter une référence symbolique pour la société tout entière. Les caractéristiques propres à une institution rendent l’approche sociologique plus pertinente. QU’EST-CE QUE LA SOCIOLOGIE ? La sociologie est la science des relations sociales. Elle s’intéresse à l’énigme qui se cache derrière la constitution des sociétés. En effet, le fait social n’est pas une évidence a priori. Comment une société tient-elle ? Quelles sont les modalités de ce lien social ? Ces questions sont d'autant plus pertinentes dans le cadre d’une institution. En effet, comment des individus rassemblés, organisés, structurés en vue d’atteindre un objectif parviennent-ils à créer le lien social sans que des conflits ne surviennent ? Quelle est alors l’utilité de la sociologie en tant que science ? À l’instar de toute autre science, la sociologie a pour but d’être utile au développement de la connaissance humaine, pour la connaissance en soi. Cette approche est celle de la science fondamentale. La sociologie est souvent critiquée en tant que science fondamentale. Elle ne serait pas "utile". Or, de nos jours, au regard de la société, une science doit non seulement être "utile" mais "productive" et "efficace". La sociologie peut répondre à cette demande en étant une science appliquée à l’action, au même titre que la physique ou la chimie. La construction d’ouvrages d’art, par exemple de ponts, nécessite l’utilisation de connaissances physiques et chimiques, en passant donc de la science fondamentale à la science appliquée. Comment la sociologie peut-elle devenir, elle aussi, une science appliquée ? LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE APPLIQUÉE Dans le cadre d'une science appliquée, la sociologie peut permettre de favoriser une action dans une organisation ou une institution : (réorganisation, réorientation des objectifs et des modalités, restructuration). Quelles sont alors les transformations nécessaires à mettre en œuvre ? La sociologie a montré qu’il existait un lien évident et complexe, entre l’organisation technique et l’organisation sociale. L’organisation technique constitue, l’ensemble des modalités pratiques et techniques d’une institution, c'est-à-dire les outils, les machines, les bâtiments, les hommes, les processus, etc. Elle définit des rôles techniques pour chacun. Mais les sociologues ont découvert, depuis les années 1920 et 1930, aux États-Unis, que chaque organisation technique entraîne une organisation sociale, c'est-à-dire la définition pour les individus de rôles sociaux (des positions, des statuts, des influences réciproques, des modalités relationnelles, etc.). La sociologie a même démontré qu’un type d’organisation technique amenait un certain type d’organisation sociale. À l'inverse, une organisation sociale peut créer des blocages dans la transformation de l’organisation technique, les deux étant donc intimement liées et interconnectées. En changeant les principes d’organisation technique, les rôles sociaux sont bouleversés et l’organisation sociale peut alors créer des blocages. L’objectif de la sociologie consiste alors à comprendre l’organisation sociale, sa dynamique et ses mouvements, afin de saisir comment faire évoluer l’organisation technique, et d’éviter que des actions incompatibles avec l’organisation sociale existante et ses possibilités de mouvements soient entreprises. LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE DE TERRAIN Je vais oser, dans ces lieux, faire une analogie entre la conduite du changement et la théorie de la guerre. Clausewitz, célèbre théoricien de la guerre, a écrit que pour gagner une bataille, il est nécessaire de bien connaître le terrain des opérations, c'est-à-dire la géographie des lieux, le relief et les conditions climatiques. La connaissance du terrain permet, en effet, de déduire les positions et les mouvements possibles des belligérants. En sociologie, la connaissance de l’organisation sociale nécessite également de bien connaître les différentes "caractéristiques du terrain". En agissant ainsi, un sociologue pourra savoir quels sont les mouvements qui peuvent être ou non demandés aux différents acteurs de l’institution, et quelles actions peuvent être menées. Ces "caractéristiques du terrain" sont de différents types. Identités et culture Les activités spécifiques et l’histoire d’une institution engendrent pour ses acteurs, une certaine perception de leur propre rôle et de celui de l’institution. Elles définissent également des modes de relations spécifiques entre les acteurs. Sur un champ de bataille par exemple, le même ordre ne peut pas être donné à un fantassin et à un cavalier. Leurs identités et la définition de leurs rôles sont différentes, donc un commandant ne peut pas exiger la même activité de l’un et de l’autre. Par ailleurs, au sein des institutions, l’épaisseur historique et la relation symbolique avec la société rendent les identités et les cultures plus fortes. L’armée est une belle illustration de ce propos. Il est en effet plus délicat de transformer des acteurs au sein de cette institution que dans un centre d’appels téléphoniques, par exemple. Règles du jeu (formelles / informelles) Au sein d’une institution, un ensemble d’enjeux, de contraintes et de ressources vont déterminer l’action des différents acteurs. Les enjeux des acteurs peuvent être différents de ceux de l’institution en elle-même. L’Éducation nationale a pour enjeu d’assurer l’éducation, mais un professeur, dans sa salle de classe, peut avoir des enjeux différents et spécifiques. Les enjeux doivent être compris à tous les niveaux afin de connaître l’ensemble des règles formelles et informelles qui sous-tendent une institution. Les règles formelles sont écrites dans les différentes procédures, mais d’autres, mentionnées nulle part dans les textes, sont connues de tous. Dans les hôpitaux par exemple, un des enjeux majeurs pour les médecins est la recherche et la publication d’articles. Ainsi, au sein de leurs services, ils ont intérêt à soigner des patients qui leur permettent d’effectuer les recherches qu’ils désirent. Le réseau de médecins généralistes en amont est alors un élément clé de la réussite. Cet élément informel détermine des règles du jeu des différents acteurs entre eux, qui dépassent le simple cadre hospitalier et son but initial de soigner des patients. Pour le sociologue, ce type de règles informelles est déterminant à comprendre s'il veut saisir une institution. Cartographie du pouvoir Où se situent les zones d’influence ? Cet élément est très important car une modification technique peut entraîner une cartographie du pouvoir différente, en donnant du pouvoir à certains qui n’en avaient pas, en en enlevant à certains qui en avaient. Cette nouvelle répartition du pouvoir crée un nouvel équilibre et peut évidemment constituer un blocage de la part d’acteurs lésés par la nouvelle situation. Le sociologue ne peut donc rien entreprendre avant de comprendre les détails de la cartographie du pouvoir. Il doit saisir qui détient le pouvoir, comment ce dernier s’obtient et comment il se garde. Trajectoire et parcours Les caractéristiques démographiques, c'est-à-dire l’âge, le sexe, le type d’emploi (stage, CDD, CDI...), la formation sont également des éléments à prendre en compte par le sociologue. Ces éléments donnent des trajectoires et des parcours propres à chacun d’entre eux. L’exigence n’est pas la même vis-à-vis d’un individu en fin de carrière ayant un niveau de formation faible que d’un autre, plus jeune et plus diplômé. Les possibilités de mouvements et de dynamiques sont différentes. Finalement, si le sociologue a bien compris le terrain, il lui sera plus facile de participer aux changements de l’organisation technique. Il est essentiel de s’intéresser alors aux conditions de faisabilité des actions envisagées. LA SOCIOLOGIE POUR QUELLE ACTION ? Clausewitz définit la guerre comme un acte de violence dont l’objet est de contraindre l’adversaire à se plier à notre volonté. Le but est de mettre l’ennemi hors d’état de résister. Au sein d’une institution, l’assertion inverse doit être prise ne compte : il faut au contraire favoriser les coopérations, c’est-à-dire éliminer les résistances, mais non les acteurs qui les portent. Dans ce but, le sociologue est alors amené à analyser les freins et les différents leviers de l’action, en essayant de mobiliser le maximum d’acteurs possible. Deux types de modalités sont alors envisageables. Une fois l’analyse effectuée, le sociologue peut être capable de déterminer si certains freins peuvent être levés. Dans ce cas, il suffit juste de changer les modalités de l’action prévue et l’objectif ne change pas. À l’inverse, l’analyse sociologique peut conclure que les freins sont trop importants pour être contournés. L’objectif initial de l’action envisagée s’avère incompatible avec les données recueillies. Dans ce cas-là, l’action doit d’abord être réévaluée, et la sociologie doit aider les acteurs de l’institution dans ce processus. L’approche sociologique entraîne donc une action évolutive, interactive, très pragmatique. L’objectif n’est jamais d’imposer des mesures à l’encontre des acteurs de l’institution. Bien au contraire. Le sociologue ne peut pas se permettre d’agir de la sorte car il doit éviter la démobilisation des acteurs. En effet, au sein d’une institution, utiliser la force, la violence, la guerre est extrêmement risqué et compromet forcément la coopération souhaitée. Les transformations sans effets, ou aux effets pervers, sont également à proscrire. Je prendrai l’exemple d’une entreprise pétrochimique qui a investi énormément de moyens financiers dans la création d’une base de données, permettant de centraliser toutes les informations de toutes les équipes de recherche dans le monde. Finalement le système a été très peu utilisé, alors qu’une analyse sociologique préalable aurait immédiatement compris l’inutilité d’un tel procédé, à cause, par exemple, des questions de confidentialité ou de concurrence chères aux chercheurs. Enfin, les souffrances et les malaises inutiles doivent absolument être évités. Je parle ici en tant que sociologue du travail. S'il est possible d’éviter les souffrances des travailleurs parce que l’action et ses modalités ont été extrêmement mal pensées, alors l’analyse sociologique devient non seulement utile, mais nécessaire. L’objectif est de minimiser les souffrances, car il s’agit de destins humains et beaucoup de drames peuvent dans ce cas être évités. LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE L’INTERVENTION SOCIOLOGIQUE Comment les sociologues peuvent-ils aider une institution de manière très concrète ? Analyse sociologique L'objectif d'une analyse sociologique est de fournir un état des lieux, une connaissance du terrain. Elle nécessite une enquête quantitative (questionnaires) ou qualitative (entretiens approfondis et observation de l’activité). Elle peut durer assez longtemps, plusieurs années parfois. Actuellement j’en mène d’ailleurs une, pour le ministère des Affaires étrangères, qui consiste à analyser l’évolution des métiers diplomatiques. Je me déplace dans les consulats et les ambassades pour comprendre le terrain. La direction des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères aura, à la fin de l’analyse sociologique, des éléments qui lui permettront de prendre les décisions les plus adéquates en terme de ressources humaines. Généralement, les analyses sociologiques sont réalisées par des universitaires, soit par des titulaires de postes de chercheurs, soit par de jeunes doctorants. Intervention sociologique L'intervention sociologique consiste à la fois en une analyse et en un accompagnement de l’action, la conduite du changement. L’objectif est de posséder suffisamment d’éléments de connaissance du terrain, afin de pouvoir proposer des modalités d’action, à l’institution. Les questions auxquelles il nous faut répondre peuvent être par exemple, de savoir quels groupes de travail constituer ? Comment les constituer ? Comment les réunir ? Les modalités sont alors très précises. Les intervenants endossent quasiment, dans cette situation, un rôle de consultants. Ils vont rester dans l’institution, faire partie des équipes, mais en les accompagnant plus qu’en réalisant des actions. Par exemple, la réforme du calcul des indices de facturation de la Sécurité sociale dans les hôpitaux est une question qu’un collègue universitaire a eu à aborder sous la forme d’une intervention sociologique. Ce chantier énorme entraînait quantité de remous au sein de l’institution hospitalière, et les chercheurs ont travaillé, avec les gestionnaires de l’hôpital, pour mettre en place le nouveau système et trouver les meilleures modalités envisageables. Ces interventions sociologiques sont menées généralement soit par des universitaires, soit par des consultants spécialisés. Équipes internes formées à la sociologie L’objectif est de former des équipes à la sociologie. Le volet "analyse" est alors beaucoup plus réduit en temps. Le sociologue est maintenant moins dans l’accompagnement que dans la réalisation. Des cadres vont être formés aux outils d’analyse sociologique afin qu’ils puissent les réutiliser dans l’action. En s’appuyant sur leurs connaissances du terrain, ils vont ainsi pouvoir conduire et accompagner le changement en ayant les outils d’analyse adéquats. Je suis responsable d’un diplôme de master à l'université de Versailles–Saint-Quentin-enYvelines qui dispense ce genre de formation, et j’ai également écrit plusieurs ouvrages dans lesquels je propose une aide méthodologique aux responsables d’entreprises. J e reviens à la pensée de Clausewitz. Des critiques peuvent être adressées à l'encontre de l’analyse sociologique. En particulier du fait que le temps de l’action manque parfois, au sein des institutions. Certaines solutions doivent être envisagées dans l’urgence, ne permettant pas de conduire des analyses qui durent plusieurs mois ou plusieurs années. De plus, dans le domaine social, des aléas ou des imprévus peuvent, à tout moment, perturber le cours des événements. Clausewitz était arrivé à la même conclusion au sujet de la guerre. « La caractéristique de la guerre, c’est l’immixtion constante du hasard. Le responsable se trouve toujours placé devant des situations différentes de celles qu’il escomptait, et dans le feu de l’action, il faut prendre des décisions pressantes sans avoir le temps de tout reprendre. » Mais dans le feu de l’action, les connaissances accumulées du terrain, des batailles sont primordiales, d’après Clausewitz, car elles garantissent ce qu’il nomme "le coup d’œil". Je pense que le même raisonnement est valable en sociologie. La créativité et la réactivité, au moment de faire face à des situations critiques, viennent de la préparation préalable et des connaissances accumulées. De manière similaire à la préparation à la guerre, la sociologie ne se donne pas pour objectif de déterminer des schémas d’action à appliquer à la lettre. Le cadre n’est donc pas déterministe, mais probabiliste. L’intérêt et la pertinence de la démarche sociologique sont de pouvoir ouvrir des possibilités, et, dans le flou inhérent à l’action, de donner des éléments permettant de prendre la décision la moins néfaste possible, et de réajuster si nécessaire. Au bout du compte, la démarche sociologique est donc à la fois très modeste, et très ambitieuse. Débat Je m’intéresse beaucoup à l’innovation, et j’aurais voulu savoir s'il existait une sorte de méthodologie concernant la recherche, permettant de la structurer de manière optimale. Des groupes réduits sont-ils plus efficaces que des grandes équipes par exemple ? Valérie BOUSSARD La question de l’évaluation de l’efficacité de la recherche constitue un débat immense au sein de la communauté des chercheurs, et je n’ai pas de réponse définitive à vous offrir. Des évaluations sont proposées aux chercheurs. Elles portent sur le nombre d’articles parus dans les revues spécialisées, ou sur le nombre de brevets déposés pour la recherche dans les sciences exactes. La recherche actuelle est, à mon sens, trop orientée vers la productivité et le résultat immédiat. Ce qui pose problème en terme d’innovation à proprement parler. Cette façon de concevoir la recherche engendre donc des effets pervers. Prenons un exemple révélateur. Les chercheurs sont évalués par rapport au nombre d’articles qu’ils ont écrits dans des revues cotées. Les équipes les plus publiées sont celles qui sont, au préalable, les plus renommées, les plus légitimes institutionnellement, et qui ne proposent donc pas de ruptures par rapport aux théories généralement admises. Or les équipes innovatrices, celles qui sont les plus en avance, et qui proposent généralement une rupture par rapport à l’institution, ont plus de difficultés pour publier des articles et sont marginalisées. Or l’innovation est toujours en rupture par rapport aux institutions. Ce système devrait donc être remis en question afin de favoriser une plus grande innovation. Un des autres effets pervers de la course à la publication réside dans la domination des revues anglo-saxonnes, qui contribue à la prédominance des pays de langue anglaise dans les domaines de la recherche. Valérie BOUSSARD La domination anglo-saxonne vient de la langue, autant que des canons académiques propres à la culture anglo-saxonne. Certes, la France pourrait reconstruire ses canons académiques sur le modèle anglo-saxon, mais elle devrait alors sacrifier les siens ce à quoi se refusent de nombreux chercheurs. Pour m’y être attelée, je peux vous assurer qu’écrire un article scientifique en langue anglaise, selon les canons en vigueur outre-Manche, ou outre-Atlantique, est un défi particulièrement ardu. L’Europe mène actuellement une bataille sur ce terrain. L’objectif serait de faire voir le jour à une revue européenne, certes de langue anglaise, mais qui permettrait aux chercheurs d’écrire selon les canons académiques auxquels ils sont familiers. La sociologie joue-t-elle un grand rôle au sein des institutions politiques ? Valérie BOUSSARD La sociologie ne joue pas un rôle assez important selon moi. Néanmoins, certains ministères comme celui des Affaires étrangères, dont je vous ai déjà parlé, ont recours à des analyses sociologiques. L’ancien ministère du Travail et de l’Emploi possède un service de la recherche, qui mène des travaux, mais son budget a été, récemment, extrêmement réduit. La sociologie est-elle enseignée de la même façon partout dans le monde ? Valérie BOUSSARD La réponse est négative. La sociologie n’est déjà pas enseignée de la même manière partout en France ! L’approche de la sociologie en tant que science appliquée, celle que j’ai développée, représente déjà un discours innovateur par rapport à une certaine tradition. Auparavant, la sociologie était de type critique, marxiste, dans le domaine de la sociologie du travail en particulier. Elle n’était pas au service de l’action, des organisations et des gestionnaires en général. En France, étaient formés, au sein des universités, des sociologues critiques. Du temps a été nécessaire pour voir apparaître en France des diplômes de masters professionnels de sociologie appliquée à l’action, et donc des sociologues soucieux de mise en pratique concrète au sein des institutions. Aux États-Unis, la sociologie est enseignée à la fois dans les universités et dans les cours de MBA, avec les théories de l’organisation. La France a encore un peu de retard au niveau de la sociologie en tant que science appliquée au management. Quels sont vos rapports avec les théories de Kurt Lewin, et la recherche-action en particulier ? Crozier et Sainsaulieu sont-ils plus proches de l’approche anglo-saxonne ou française de la sociologie ? Valérie BOUSSARD Je ne pratique pas la recherche-action telle qu'elle a été développée par Kurt Lewin. La recherche-action propose un ensemble de techniques de recherche qui permettent de réaliser des expériences réelles dans des groupes sociaux naturels. Ces techniques sont fondées sur l'idée que dans le cadre de l'expérimentation sociologique, la recherche et l'action peuvent être unifiées au sein d'une même activité. Pour l’instant, je me concentre davantage sur le volet "analyse" pure. Néanmoins, je suis tout à fait d’accord avec le principe même de la rechercheaction. L’action nourrit la connaissance et, en effet, le sociologue apprend beaucoup de l’action. Dans les institutions, des cadres formés à la sociologie sont véritablement capables d’apprendre de leurs actions. La cartographie du pouvoir a été théorisée par Michel Crozier. Il a développé cette théorie appelée "analyse stratégique", en s’appuyant sur des travaux anglo-saxons. Sa pensée est particulièrement enseignée aux États-Unis, et il représente un lien entre la sociologie américaine et française au même titre que Renaud Sainsaulieu. Ce dernier a collaboré avec lui, et a mené par la suite de nombreuses recherches sur la culture et la construction identitaire des individus dans les organisations. Dans mes caractéristiques du terrain, il représente le premier point, "identités et cultures". Michel Crozier et Renaud Sainsaulieu ont, tous les deux, marqué la sociologie appliquée. Je n’ai pas cité d’auteurs car je pensais qu’ils n’étaient pas primordiaux pour comprendre mon approche. En fait, outre ces deux éminentes figures, de nombreux chercheurs français ont fait avancer la sociologie en tant que science appliquée.