Représentations linéaires des groupes finis Une - IMJ-PRG

Repr´
esentations lin´
eaires des
groupes finis
Une introduction
Daniel FERRAND
(Aut 2004. R´evision en octobre 2005)
Ce fascicule r´esume 12 heures d’un cours, donn´e `a l’automne 2004, et destin´e
`a des ´etudiants de quatri`eme ann´ee, dont le bagage alg´ebrique est l´eger (en par-
ticulier, ils ne sont pas suppos´es connaˆıtre le produit tensoriel). Ces contraintes,
et le souhait que les auditeurs puissent quand mˆeme acqu´erir une certaine in-
tuition de ce qu’est une repr´esentation lin´eaire, m’ont conduit `a m’´ecarter de la
pr´esentation habituelle : les caract`eres sont rel´egu´es `a la fin car ils ne sont indis-
pensables que pour des d´eveloppements d´epassant le cadre modeste de ce cours
d’introduction. Les r´esultats fondamentaux sur la d´ecomposition en irr´eductibles
et sur les repr´esentations induites sont ainsi d´emontr´es directement, de fa¸con
peut-ˆetre plus effective. Il m’a sembl´e qu’utiliser d’embl´ee la puissante th´eorie
des caract`eres risquait de rendre les d´emonstrations un peu magiques aux yeux
de d´ebutants qui doivent plutˆot ˆetre d’abord confrones `a des repr´esentations
en chair et en os, chair et os que le caract`ere ne peut ´evoquer qu’apr`es une
longue pratique de la chose. Pour «l’induction `a Gd’une repr´esentation d’un
sous-groupe H»j’ai repris la d´efinition initiale de Frobenius (1898) plutˆot que
celle pr´ef´er´ee aujourd’hui, c’est-`a-dire l’adjoint `a droite (plutˆot qu’`a gauche) de
la restriction au sous-groupe H, parce que cette construction utilise juste un
espace d’applications, objet familier mˆeme `a des ´etudiants d´ebutants, alors que
l’adjoint `a gauche repose sur le produit tensoriel. Par ailleurs, dans le cas de
groupes finis, ces deux inductions sont des foncteurs isomorphes.
Le livre de r´ef´erence est ´evidemment celui de J.-P. SERRE, Repr´esentations
lin´eaires des groupes finis, 3`eme ´ed., Hermann, Paris 1978, cit´e [S].
Ces notes exposent les principaux r´esultats des §§1 `a 8 de ce livre, mais,
comme d´ej`a dit, par une d´emarche diff´erente ; sorte d’introduction, donc, mais
en contrepoint.
0. Rappels sur les espaces d’applications lin´
eaires.
Ce paragraphe ne comporte pas de d´emonstration bien que les ´enonc´es soient
tr`es utilis´es dans la suite ; un lecteur qui ne devinerait pas les d´emonstrations
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par simple inspection devrait consid´erer tout cela comme des exercices indis-
pensables.
Dans ce paragraphe le corps de base Kest quelconque, mais d`es le pa-
ragraphe suivant, il s’agira du corps des complexes. On ne consid`ere que des
K-espaces vectoriels de dimension finie. On notera Hom(V, W ), `a la place de
HomK(V, W ), l’espace des applications K-lin´eaires de Vvers W. Idem pour
End.
0.1. Soient xet ydeux ´el´ements non nuls d’un espace vectoriel V. Il existe
un automorphisme v:VfVtel que v(x) = y; autrement dit, le groupe GL(V)
op`ere transitivement sur l’ensemble des ´el´ements non nuls de V.
Soit WVun sous-espace tel que pour tout vGL(V), on ait v(W)W.
Alors W= 0 ou W=V.
0.2. L’application KEnd(V), a 7−(x7→ ax) est un homomorphisme
d’anneaux ; il est injectif si l’espace Vest non nul, bijectif si dim(V) = 1. Pour
dim(V)1, cet homomorphisme permet d’identifier Kau centre de End(V).
(Pour voir qu’un ´el´ement udu centre est une homoth´etie, montrer d’abord, en
utilisant 0.1, que s’il existe un x6= 0 tel que u(x) = ax, avec aK, alors uest
l’homoth´etie de rapport a. Montrer ensuite que pour un sous-espace WV, de
dimension 1, on a u(W)W, en utilisant un projecteur d’image W.).
0.3. Une application lin´eaire surjective α:UU00, de noyau U0= Ker(α),
induit un isomorphisme
U/U0gU00.
Pour qu’une application lin´eaire γ:UVpasse par U00, i.e pour qu’il existe
β:U00 V, avec γ=βα,
Uα//
γ
U00
β
~~
V
,
il faut et il suffit que γ(U0) = 0.
0.4. Soient v:VUet w:WUdeux applications lin´eaires. Pour qu’il
existe une application lin´eaire u:WVtelle que vu =w
Vv//U
W
u
``
w
OO
il faut et il suffit que l’on ait Im(w)Im(v). En particulier toute application
surjective v:VUadmet une section, c’est-`a-dire une application utelle que
vu = 1U.
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0.5. Soient v:UVet w:UWdeux applications lin´eaires. Pour qu’il
existe une application lin´eaire u:VWtelle que uv =w,
Uv//
w
V
u
~~
W
il faut et il suffit que l’on ait Ker(v)Ker(w). En particulier, toute injection
v:UVadmet une r´etraction c’est-`a-dire une application utelle que uv = 1U.
0.6. Une suite d’applications lin´eaires (ou mˆeme d’homomorphismes de
groupes)
Uu
Vv
W
est dite exacte si Ker(v) = Im(u). Ainsi l’exactitude de 0 Vv
W
´equivaut `a l’injectivit´e de v, tandis que celle de Uu
V0 ´equivaut `a la
surjectivit´e de u.
L’exactitude de 0 UVW0 implique la relation
dim(V) = dim(U) + dim(W).
Soit Vun espace non nul. Pour que la suite
0U0UU00 0
soit exacte, il faut et il suffit que la suite
0Hom(U00, V )Hom(U, V )Hom(U0, V )0
soit exacte (Attention : Hom(, V ) est contravariant, i.e cela renverse le sens
des fl`eches).
0.7. On consid`ere le diagramme commutatif suivant dont les lignes sont
exactes. 0U0UU00 0
u0
y
yu
yu00
0V0VV00 0
Si u0et u00 sont injectives, alors uest injective.
Si u0et u00 sont surjectives, alors uest surjective.
1. Repr´
esentations lin´
eaires.
Dans toute la suite Gd´esignera un groupe fini.
Tous les espaces consid´er´es seront des C-espaces vectoriels de dimension finie.
1.1. D´efinitions
3
On appelle repr´esentation lin´eaire de Gun homomorphisme de groupes
ρ:GGL(V).
Ainsi, ρassocie `a tout gGun automorphisme gV:VVdu C-espace vecto-
riel V, de telle sorte que 1V=IdVet que, pour g, g0G, on ait (gg0)V=gVg0
V
(le produit dans Gcorrespond donc `a la composition des automorphismes). Dans
cette d´efinition on ne suppose pas que l’homomorphisme ρest injectif, si bien
qu’il ne permet en g´en´eral pas de «repr´esenter »Gcomme un sous-groupe
du groupe lin´eaire contrairement `a ce que le terme (ancien) laisserait suppo-
ser. Cependant, dans bien des cas, le groupe Gest d´efini comme sous-groupe
d’un groupe lin´eaire ou d’un groupe sym´etrique particuliers, c’est-`a-dire qu’il
est donn´e a-priori avec une de ses repr´esentations. Par exemple, partant d’un
sous-ensemble fini Xd’un vectoriel V, qui l’engendre (penser aux sommets d’un
poly`edre !), on peut consid´erer le sous-groupe GGL(V) form´e des gtels que
gX =X; il est fini puisque c’est aussi un sous-groupe du groupe des permuta-
tions de X.
Lorsque gV=Id pour tout gG, on parle de repr´esentation triviale.
La tradition impose d’appeler degr´e d’une repr´esentation lin´eaire Vde Gla
dimension de V.
Le terme G-module (qui fait allusion `a la structure de C[G]-module `a gauche),
est exactement synonyme de repr´esentation lieaire ; il est plus court.
Soit Vune repr´esentation lin´eaire de G. On note VGle sous-espace form´e
des ´el´ements invariants :
VG={xV, gG, gV(x) = x}.
On d´esigne par VVGle plus grand quotient de Vsur lequel Gagit trivia-
lement ; c’est donc le quotient par le sous-espace engendr´e par tous les ´el´ements
de la forme xgV(x), avec xVet gG.
Lemme 1.1.1. Soit Vune repr´esentation de G. Consid´erons l’endomor-
phisme ede Vd´efini par
e=1
|G|X
gG
gV.
Alors :
i) Pour tout gG, on a gVe=egV=e; en particulier, eest un
idempotent.
ii) Im(e) = VG.
iii) Ker(e)est en gendr´e par les ´el´ements de la forme xgV(x), avec xV
et gG; par passage au quotient, edonne un isomorphisme ¯e:VGgVG.
iv) L’application compos´ee VGVVGest bijective.
D´emonstration : i) Pour gfix´e, les applications g07→ gg0et g07→ g0gsont des
bijections de G.
ii) Les ´egalit´es gVe=emontrent l’inclusion Im(e)VG; l’autre est claire.
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iii) D’apr`es ii), ¯eest surjective ; soit xVun ´el´ement dont l’image ¯xdans
VGsoit dans le noyau de ¯e; on a donc 0 = ¯e(¯x) = e(x) ; par suite,
x=xe(x) = 1
|G|X
gG
(xgV(x)) Ker(VVG).
iv) Constater que l’application ´evoqu´ee est la r´eciproque de ¯e.
Soient Uet Vdeux repr´esentations lin´eaires de G(donc deux G-modules).
On munit l’espace des applications lin´eaires de Uvers V, not´e Hom(U, V ), d’une
op´eration de Gen posant
gu=gVug1
U.
Ainsi, pour tout gG, le diagramme suivant est commutatif :
Uu
V
gU
y
ygV
U
guV
On appelle application G-lin´eaire une application lin´eaire u:UVqui est, de
plus, compatible aux op´erations de G, c’est-`a-dire telle que pour tout gG, on
ait ugU=gVu, ou encore : gu=u; on note le plus souvent HomG(U, V ) l’es-
pace des applications G-lin´eaires ; cet espace est parfois joliment nomm´e l’espace
d’entrelacement de Uet V. C’est le sous-espace des invariants pour l’op´eration
de Gsur Hom(U, V ) d´ecrite ci-dessus, ainsi HomG(U, V ) = Hom(U, V )G
Hom(U, V ).
Exercice 1.1.2. Si l’op´eration de Gsur Uest triviale, d´efinir un
isomorphisme
Hom(U, V G)gHomG(U, V ).
Si l’op´eration de Gsur Vest triviale, d´efinir un isomorphisme
Hom(UG, V )gHomG(U, V ).
Pour xV, on notera d´esormais le plus souvent gx pour gV(x).
1.2. Repr´esentations irr´eductibles
Un sous-espace WVd’une repr´esentation Vest dit stable ou (globale-
ment) invariant, si pour tout gG, on a gW W; cela implique que ginduit
un automorphisme de W, puisque West de dimension finie. On parlera donc
aussi de sous-repr´esentation de V.
Une repr´esentation Vest dite irr´eductible, ou simple, si V6= 0 et si les seules
sous-repr´esentations de Vsont 0 et V.
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