
les changements climatiques actuels, avec une tendance
au réchauffement général, permettant la persistance
plus aisée des vecteurs en hiver et l’apparition d’Aedes
albopictus,d’origine asiatique, dans de nombreuses
régions peuvent permettre l’installation d’un cycle vec-
teur–vertébré et d’épidémies dans des populations
aujourd’hui indemnes. La situation est proche dans
d’autres régions du monde pour le moment indemnes
mais où les conditions climatiques et la présence de vec-
teurs potentiels laissent envisager de futures épidémies.
Une modélisation mathématique récente amême mon-
tré que 50 à60%de la population mondiale pourrait
devenir àrisque avant la fin du xxi
e
siècle, au lieu de
30 %actuellement.
Clinique
Comme d’autres arbovirus, le virus de la dengue peut
provoquer un large éventail de formes cliniques, allant
de la forme totalement asymptomatique àlaforme
hémorragique (DH), souvent mortelle, en passant par
le syndrome fébrile aigu sans gravité, heureusement le
plus fréquent, dit «dengue classique »(DC).
—Dengue classique
Àune incubation courte, de 5à8jours en moyenne,
succèdent l’installation brutale d’une fièvre élevée
(39–40 °C), un malaise général intense associé àdes
frissons, céphalées, nausées, myalgies et arthralgies,
photophobie, parfois adénopathies. Une phase de
rémission, inconstante, peut se produire après 2à
3jours, avec disparition pendant 12 à36heures des
signes généraux, avant un retour de la fièvre en plateau
à40°C, accompagnée de céphalées intenses, frontales
et rétro-orbitaires, myalgies, arthralgies des membres,
photophobie, insomnie. Nausées, vomissements, diar-
rhées sont fréquents et un rash maculopapuleux du
tronc et des membres, parfois purpurique, peut s’obser-
ver. L’asthénie est constante. La biologie montre au
début une leucopénie avec lymphocytose relative, suivie
parfois d’une leucocytose. Une thrombopénie est sou-
vent présente. Une cytolyse hépatique modérée est plus
rarement constatée. L’évolution est spontanément réso-
lutive en 1à2semaines, sans séquelles, avec la persis-
tance d’une asthénie parfois intense pendant quelques
jours àquelques semaines.
—Dengue hémorragique
Dans le cas de la DH, après une phase de début iden-
tique, le plus souvent sans rémission, s’installe une
phase d’état hémorragique avec une altération rapide
de l’état général, rash morbilliforme purpurique et pété-
chial, extrémités froides et cyanosées et survenue de
Guide des analyses spécialisées
manifestations hémorragiques multiples :épistaxis, gin-
givorragies, hémorragies conjonctivales, hématémèse,
méléna, hématomes spontanés. La fièvre tend àdispa-
raître vers le cinquième jour, avec une évolution soit
vers la guérison sans séquelles en une dizaine de jours,
soit vers un choc hypovolémique et un collapsus cardio-
vasculaire fatal. La DH est plus fréquente et plus sévère
chez l’enfant en zone de forte endémie (Asie du Sud-
Est), mais de nombreux cas ont été constatés au cours
d’épidémies récentes en Amérique tropicale, aux
Antilles et en Polynésie.
La physiopathologie de la DH est mal connue. Les qua-
tre virus peuvent en être responsables. Les principales
perturbations biologiques àl’origine des signes hémor-
ragiques sont une augmentation de la perméabilité vas-
culaire et des troubles de l’hémostase avec une
thrombopénie souvent profonde et une activation du
système du complément, entraînant une CIVD. L’hypo-
thèse la plus souvent retenue est celle de la facilitation
immunologique. La DH ne se produirait qu’au cours
d’une dengue secondaire, hétérologue, avec facilitation
de la réplication virale dans les macrophages par la pré-
sence d’anticorps préexistants non neutralisants àfaible
taux, et production par ces cellules de thromboplastine
déclenchant la CIVD ainsi que de médiateurs agissant
sur la perméabilité vasculaire et l’activation du complé-
ment. La dengue primaire, toujours bénigne, serait un
facteur de risque pour une future DH au cours d’une
dengue secondaire. Ce schéma n’explique pas tout et
d’autres hypothèses ont été avancées :pathogénicité dif-
férente selon les souches, intervention du vecteur, fac-
teurs liés àl’hôte. Il existe en particulier une réceptivité
différente selon les populations humaines, des diffé-
rences liées àl’âge, au sexe, au statut immunologique,
et d’autres facteurs qui pourraient intervenir sur la gra-
vité de la maladie.
—Dengue et grossesse
Chez la femme enceinte, les conséquences de la dengue
peuvent être graves. Des observations récentes effec-
tuées en Polynésie font état d’hémorragies utérines sui-
vies d’avortement sans que l’on sache àquel moment
de la grossesse ils se situent. Plusieurs cas de dengue
maternofœtale ont aussi été décrits, ressemblant àla
DH et survenant en fin de grossesse.
Diagnostic biologique
Le diagnostic biologique de la dengue repose sur l’isole-
ment du virus, peu pratiqué car réservé àdetrès rares
laboratoires de référence spécialisés, sur la détection
directe du virus par PCR et surtout sur la sérologie.