Le papayer (Carica papaya)

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Le papayer (Carica papaya)
Un arbre aux usages multiples
Ethnobotanique et interactions bio culturelles
Cavé-Radet Armand
Introduction :
Le papayer (Carica papaya L.) est un arbre à fruits comestibles populaire et particulièrement
répandu au sein des régions tropicales et subtropicales. Son fruit, la papaye est consommée partout dans
le monde en tant que fruit frais, légume, ou bien encore pour la fabrication de nombreux produits.
Il fait partie dans l’ordre des Brassicales dans la famille des Caricacées, une famille de plantes
dicotylédones regroupant environ 30 espèces réparties en 4 genres, et qui comprend des arbustes, ou de
petits arbres à tronc charnu-fibreux, de peu de consistance, à l’aspect de palmiers.
Son nom vient du mot indien « papayana », qui signifie écraser, émietter. Son nom de genre (Carica)
aurait été donné par erreur par Linné qui supposait que cette plante était originaire de Carie, une ancienne
province d’Asie Mineure. Le papayer est également surnommé « l’arbre à melon » dans les régions
européennes.
I)
Origines, domestication et distribution
L’origine du papayer est largement discutée selon les auteurs, cependant on pense qu’il provient des
régions tropicales du continent Américain, des plaines de l’Amérique centrale jusqu’au Mexique, par
hybridation naturelle entre Carica peltata et d’autres espèces naturelles (Garrett et al. 1995). Une autre
hypothèse, moins soutenue, serait qu’il provienne des Moluques, un archipel de l’Est de l’Indonésie.
C’est au cours de la colonisation espagnole au XVIème siècle que sa répartition s’est répandue, l’arbre
aurait ainsi été introduit aux Antilles, en Inde, en Asie, dans le pacifique et jusqu’en Afrique (Villegas et al.
1997). On le cultive aujourd'hui aussi bien au Brésil, qu’en Amérique centrale, aux Antilles, en Thaïlande,
en Malaisie, aux Philippines et également à Madagascar.
On le retrouve aujourd’hui dans toutes les régions tropicales et subtropicales du monde. La production
mondiale était d'environ 9 millions de tonnes en 2008 avec l'Inde comme plus important producteur (2,7
M de tonnes), suivie du Brésil (1,9 M de tonnes) et du Nigeria (765 000 tonnes).
II)
Biologie et écologie :
• Morphologie, reproduction, fruit et graine :
Le papayer est un arbuste à durée de vie est courte, comprise entre 3 et 5 ans, qui pousse vite et produit
rapidement des fruits dès la première année, le plus souvent entre Aout et Décembre.
Il mesure entre 3 et 10 mètres et possède un tronc fibreux sans ramification rappelant le palmier. Sa
croissance est monopodiale. Le tronc est cylindrique, parfois creux, et un bouquet de feuilles persistantes,
de 30 à 50 cm de longueur sont rassemblées à son sommet.
C’est ordinairement un arbre dioïque, les pieds sont mâles ou femelles, mais il existe des types
hermaphrodites (bisexués).
La papaye est une baie ovoïde ou allongée, allant de 20 à 30 cm, dont la
pulpe est comestible, rappelant l’apparence d’un melon. La peau du fruit
est verte et vire au rouge orangé à maturité, tandis que sa chair juteuse
est jaune orangée. Il est intéressant de noter que les fruits issus des fleurs
femelles et hermaphrodites diffèrent, en effet les fruits provenant des
fleurs femelles sont arrondis alors que ceux provenant des fleurs
hermaphrodites sont allongés.
Ces fruits pèsent en moyenne 400 à 800 g, mais certains peuvent
atteindre parfois jusqu’à 5 kilos.
La pulpe de la papaye, possède une saveur musquée plus ou moins sucrée
et parfumée selon les variétés. La papaye renferme une cavité centrale
comportant de nombreuses graines noires non comestibles entourées
d’un• mucilage.
Ecologie :
Fleurs, fruit, plante et graines de papayer
(http://caribfruits.cirad.fr/fruits_des_antilles/papaye)
• Ecologie :
Le papayer est une plante de climat chaud à pluviométrie abondante (de 1800 à 2000 mm par an). Sa
température optimale est de 26 à 30°C, et ses besoins en lumière sont élevés surtout pendant la période
de fructification et de maturation. On le retrouve jusqu’à 1200 mètres d’altitude.
Ils poussent sur un sol humifère, aéré et parfaitement drainé, à un pH situé entre 5,8 et 7.
Ses principaux pollinisateurs sont les abeilles, les sphinx et certains thysanoptères (Garrett et al. 1995),
mais différents auteurs ont indiqués que la pollinisation par le vent occuperait également une place
importante.
III)
De multiples utilisations
Au fil du temps le papayer s’est révélé comme un arbre à utilisations multiples dans de nombreuses
civilisations, et reste encore largement utilisé à travers le monde (alimentation, industries, médecine,…).
Trois propriétés principales lui sont reconnues, c’est un anti-ictérique (surtout les fruits), un diurétique
puissant (racines et feuilles), et un vermifuge efficace (graines et fruits).
• Le fruit :
La papaye est un fruit juteux, pauvre en calories et naturellement riche en vitamines et minéraux,
particulièrement en vitamines A et C, ainsi qu’en acide ascorbique et en potassium. On a identifié 106
composés volatiles possédant diverses propriétés (Avavin et al. 2013).
Le fruit est consommé généralement en confitures, en pickles, et en desserts. Quand il est vert, il est aussi
cuisiné comme légume (souvent en Thaïlande et au Vietnam), ou on peut le manger accompagné d’autres
légumes (c’est par exemple la base de la salade thaï appelée « som tam »).
À l'époque précolombienne, les peuples Caraïbes employaient le fruit vert en cataplasme contre les zones
rougies de la peau et contre les troubles gastro-intestinaux. Les fruits verts, bouillis, seraient très bons
contre la jaunisse, et aussi galactagogues (favorisent la production lactée). Ecrasé dans l'eau, ils
communiqueraient à celle-ci des propriétés qui feraient disparaître les taches de rousseur sur le visage. En
Inde ils seraient ingérés ou appliqués sur l’utérus pour provoquer l’avortement. Le fruit mur est très
agréable et très sain : il sert pour dégager le foie.
L’utilisation combinée d’extraits de fruits et de graines révèle des propriétés bactéricides, par exemple
contre Staphylococcus aureus, Bacillus cereus, Escherichia coli,…
• Les feuilles :
Les jeunes feuilles peuvent être consommées en guise d'épinards, cependant il persiste un petit goût
désagréable qui disparaît si on les mélange avec d'autres feuilles (manioc, goyave).
L’utilisation d’un cataplasme obtenu avec une décoction de feuilles peut soulager en cas de rhumatismes.
Elles sont également utilisées dans le traitement des hernies, des orchites, de la blennorragie (infection des
organes génitaux-urinaires), d’autres affections des voies urinaires, et dans les accouchements difficiles,…
Elles servent contre les céphalées, on met alors sur la tête une couronne épaisse de feuilles d'abord
séchées au-dessus du feu. La pulpe des feuilles, sur les plaies, est hémostatique et cicatrisante. De l’eau de
décoction des feuilles peut servir pour le lavage de certaines plaies et ulcères gangreneux.
La décoction des feuilles peut servir à purger les chevaux (au Ghana et Cote d’Ivoire). Les feuilles sèches
sont parfois fumées comme antiasthmatique.
Dans plusieurs cultures, elles sont utilisées pour attendrir la viande crue, ou le lambi, enveloppés dans des
feuilles de papayer avant de les consommer. Cet usage est longtemps resté une tradition aux Antilles.
• Le latex, ou suc du fruit : contient la Papaïne
Le latex est recueilli en incisant les fruits encore verts, un peu avant maturité. Il coagule rapidement et est
ainsi récupéré. On obtient de ce suc une protéase appelée papaïne, et la chymopapaïne. La papaïne
confère à la papaye de nombreuses propriétés, c’est une enzyme qui a la propriété de fragmenter les
protéines et de scinder de grosses molécules. Le papayer est une des seules plantes, avec l’ananas, à
posséder ce genre de protéase. Le latex des tiges, riche en caoutchouc, contient aussi de la carpaïne
(caricine) : c'est un alcaloïde doué de propriétés tonicardiaques.
Il est utilisé pour soigner les dyspepsies (malaises gastriques), les affections du foie et de la rate, et dans les
diphtéries (forme d’angine).
Le latex frais est employé comme vermifuge, contre le ténia, les ascaris, et les autres parasites intestinaux.
Ce suc est aussi utilisé contre la gravelle et les autres troubles urinaires.
Sa causticité permet de l'employer avec succès pour détruire les cors, les verrues, et, en général, toutes les
duretés de la peau. Le latex du fruit est employé en application sur les blessures, comme hémostatique.
La papaïne serait aussi associée à la protection de l’arbre contre les prédateurs frugivores et herbivores (El
Moussaoui et al. 2001).
Aujourd’hui la papaïne occupe une place importante dans la pharmacologie et l’industrie, même si elle est
utilisée depuis des milliers d'années en Amérique du Sud, d'où elle est originaire, pour attendrir la viande
au même titre que les feuilles. Dans l’alimentation, elle sert également dans la fabrication de chewing
gums, à la clarification à froid de la bière, la coagulation du lait, la préparation de céréales,…
On la retrouve dans l’industrie textile, pour augmenter la perméabilité de la laine et éviter le
rétrécissement des tissus, ainsi que dans l’industrie cosmétique, pour la fabrication de savons et
shampoings. Elle agit alors comme une gomme aux propriétés assouplissantes et lissantes, qui permet de
détruire les cellules mortes de la peau sans affecter les cellules saines. Le latex est souvent utilisé en
laboratoire, comme substitut peu couteux de protéases dans les extractions d’ADN, ou encore pour la
recherche d'anticorps en immunologie. C’est aussi un détergent utilisé en cosmétique, en photographie, en
optique et pour le traitement du cuir.
• Les graines :
Elles sont aussi vermifuges et ténicides mais moins actives que le suc issu du fruit vert. Les graines sont
aussi considérées comme emménagogues (stimulent le flux sanguin).
Les graines de papaye ingérées induisent des propriétés anti fertiles, elles sont par exemple utilisées en
Inde comme contraceptif oral chez les hommes (pouvant aller jusqu’à la stérilité).
• L’écorce et le tronc :
L’écorce du tronc et les feuilles ont des propriétés antivenimeuses et antirabiques (contre la rage). Le long
pétiole creux est utilisé par les enfants pour faire des trompettes, tandis que les guérisseurs l'utilisaient
comme canule pour administrer les lavements.
Il a été montré récemment que l’écorce du papayer révèle être un bon absorbant des métaux lourds, et
pourrait ainsi être utilisé dans les traitements des eaux usées.
Il semblerait également que du tronc brûlé οn retirait autrefois du sel.
• Les racines :
Les racines des jeunes plants peuvent être mangées en asperges.
Les racines du papayer seraient un excellent remède de la dysenterie (maladie infectieuse du côlon chez
l'humain) et de la blennorragie.
La racine présente des propriétés rubéfiantes très énergiques, elles sont dons utilisées dans le traitement
des convulsions.
• Les fleurs :
Elles sont utilisées comme savon, ce sont principalement les fleurs de l’arbre male qui servent pour frotter
le linge. Les feuilles broyées serviraient aussi à enlever les taches du linge.
Conclusion :
Le papayer est donc une plante largement répandue à l’heure actuelle sous les tropiques, qui
occupe une place importante dans de nombreuses cultures à travers le monde. Son origine est discutée,
même si la plupart des auteurs s’accordent pour dire qu’il proviendrait des régions tropicales d’Amérique
du Sud et sa domestication n’est également que peu renseignée.
C’est une plante peu contraignante à cultiver, qui se plait bien dans toutes les régions tropicales.
On lui attribue de nombreuses propriétés et utilisations, qui diffèrent selon les cultures, allant des usages
médicinaux, à l’alimentaire, en passant par diverses pratiques culturelles.
Il occupe encore actuellement une place prépondérante dans le monde, on lui consacre un rôle dans
l’industrie alimentaire, textile, ou industrielle, notamment grâce aux propriétés de la papaïne.
Bibliographie :
(1) Aravind G., Bhowmik D., Duraivel S. and Harish G. (2013) Traditional and Medicinal Uses of Carica
papaya. Journal of Medicinal Plant Studies.
(2) Mugnier J. ( 2008) Nouvelle flore du Sénégal et des régions voisines. p 369-373.
(3) Garrett A. (1995) The pollination biology of papaw (Carica papaya L.) in Central Queensland. Ph.D
Thesis, Central Queensland University, Rockhampton, Australia.
(4) Teixeira da Silva JA, Rashid Z, Nhut DT, Sivakumar D, Gera A, Souza MT Jr, Tennant PF (2007) Papaya
( Carica papaya L.) biology and biotechnology. Tree Forest Sci Biotechnol, 1(1):47–73
(5) Víctor M. Jiménez, Eric Mora-Newcomer, Marco V. Gutiérrez-Soto (2013) Genetics and genomic of
Papaya, Chapter 2: Biology of the papaya plant. Ed. by R Ming and PH Moore. New York, Springer, p
17-33
(6) OGTR. (2003) The Biology and Ecology of Papaya (paw paw), Carica papaya L., in Australia. Office of
the Gene Technology Regulator, Government of Australia. 20 pp
(7) El Moussaoui A., Nijs M., Paul C., Wintjens R., Vincentelli J., Azarka M., Looze Y. (2001) Revisiting
the enzymes stored in the laticifers of Carica papaya in the context of their possible participation in
the plant defence mechanism. Cell and Molecular Life Sciences
58: 556-570.
(8) Villegas, V.N. (1997) Edible fruits and nuts - Carica papaya L. In EWM Verheij, RE
Coronel, eds, volume 2. Wageningen University, The Netherlands
(9) http://en.wikipedia.org/wiki/Papaya
(10) http://caribfruits.cirad.fr/fruits_des_antilles/papaye
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