Alain Collomb Jean-Yves Gauchet Claude Lagarde
PERTURBATEURS
ENDOCRINIENS
ET MALADIES ÉMERGENTES
Sous la direction
d’Odile Alleguede
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AVANT-PROPOS
Toute l’histoire du Vivant est sous-tendue par la capacité
d’adaptation des organismes à un environnement toujours
changeant. Changeant, oui, mais sur des millénaires.
Tout notre équilibre repose sur un phénomène adaptatif
débuté il y a 3-4 milliards d’années, quand les premières
algues ont pu, dynamisées par le rayonnement solaire,
synthétiser des pigments capables de capter l’énergie
solaire et de produire des éléments organiques à partir de
l’eau et du carbone.
L’« oxygénation » de notre future atmosphère commençait...
Devant ce premier choc environnemental, pour résister
à ce « poison » qu’était l’oxygène, les cellules primitives
ont « phagocyté » (endosymbiose) des bactéries aérobies
qui deviendront les mitochondries, véritables poumons
intérieurs de nos cellules.
Une adaptation graduelle qui s’est étalée sur des milliards
d’années, empruntant de nombreux cheminements.
Mais, très récemment (début xix
e
, explosion de l’ère
industrielle), notre environnement change radicalement :
alimentation de type industriel, hygiène implacable,
mondialisation et standardisation de tous objets courants,
mélange de populations...
C’est dans le champ très large de ces conditions
« artificielles » que nous trouvons les « perturbateurs neuro-
endocriniens ».
Nous savons désormais que dans notre vie, et déjà au
stade d’embryon, nous sommes exposés à divers types
de produits chimiques qui ont une action implacable sur
notre équilibre et notre santé. Les plus toxiques, comme le
pyralène ou le DDT, ont été repérés et désormais interdits,
mais il en reste des milliers de tonnes dans l’environnement.
Perturbateurs neuro-endocriniens et maladies émergentes
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AvAnt-propos
Des centaines de produits, sans utilité directe, sont
néanmoins utilisés par les industries alimentaires, de
l’habillement, de l’équipement de nos automobiles, de nos
habitations. Ces produits sont là pour « améliorer » un
processus de fabrication, de conservation, pour apporter
du goût ou du confort. À très faibles doses pour la plupart,
et pris indépendamment, sans toxicité mesurable.
Et pourtant, les populations sont sujettes à des
pathologies insidieuses, multiformes, difficiles à cerner,
qu’on peut selon les enquêtes épidémiologiques largement
attribuer à l’action de ces perturbateurs chimiques. Les
plus sournois d’entre eux agissent sur notre système
endocrinien, ce système d’organes dispersés dans le corps,
mais qui agissent de concert pour adapter en permanence
notre fonctionnement aux besoins et contraintes de
l’environnement.
Une perturbation de nos hormones, et c’est tout un
équilibre qui s’écroule, c’est une vie en danger, en particulier
chez les plus sensibles, les embryons pendant la grossesse
et les enfants en pleine croissance.
Dans un deuxième temps, on a constaté des désordres
nouveaux et intenses dans le fonctionnement cérébral des
enfants exposés à ces perturbateurs, d’où la terminologie
plus exacte de perturbateurs neuro-endocriniens.
Ces substances poisons nous atteignent de tous
côtés, dans l’air, l’eau, les aliments, les remèdes, les
vêtements. Leurs actions se combinent à celles d’ondes
électromagnétiques (téléphone, WiFi) dont, là aussi, on
reconnaît désormais l’action insidieuse.
Cet ouvrage a deux buts immédiats et pratiques.
D’abord, répertorier les informations utiles pour identifier
et comprendre nos risques personnels. Ensuite, organiser
notre protection individuelle et collective en apprenant à
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AvAnt-propos
évaluer simplement notre degré d’intoxication et à changer
nos habitudes de vie.
Les agences de santé reconnaissent désormais
l’étendue du problème. Mais leurs réactions sont lentes et
insuffisantes. C’est à chacun de s’informer et de prendre
en main son environnement immédiat, son alimentation
et l’avenir de ses enfants. Pour cela, deux impératifs : du
savoir, et de la méthode.
Dans cet ouvrage, nous apportons certainement
l’essentiel du savoir, qui, ne l’oublions pas, évolue chaque
jour.
Quant à la méthode, elle dépend de chacun de nous sur
des critères d’économie et de bon sens.
Les auteurs
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PARTIE 1
PERTURBATEURS
NEURO-ENDOCRINIENS :
QUI PERTURBE QUOI ?
Le lecteur non scientifique ou peu curieux des fonction-
nements métaboliques peut se dispenser des rappels
suivants et se reporter directement au paragraphe 1.2.
n 1.1 – Rappels physiologiques : le réseau hormonal,
les relations systèmes nerveux, hormonaux
et immunitaires
Les hormones ont été au cours de l’évolution les premières
molécules d’information apparues chez les unicellulaires,
puis au sein des organismes pluricellulaires. Les nouvelles
espèces ont développé par la suite deux systèmes
d’information parallèles, plus rapides, et aux actions plus
précises : le système nerveux et le système immunitaire.
En fait, il existe un chevauchement entre les systèmes
endocriniens, immunitaires et nerveux, qui utilisent bien
souvent les mêmes molécules. Mais toujours dans un but
permanent : un équilibre des fonctions vitales, et la survie
physique de l’individu.
Le mot « hormone » vient du grec hormôn, qui signifie
« exciter ». Donc hormones et filets nerveux, même combat,
sauf que le nerf viendra « exciter » une zone très précise,
alors que l’hormone est déversée dans le circuit sanguin,
et transmise dans tout l’organisme où seules des cellules
cibles possédant les bons récepteurs pourront utiliser cette
information.
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