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Alan Parker
USA, 1989, 2h08
Mississippi Burning s'inspire d'un fait divers authentique :
L’assassinat en 1964 de trois militants antiségrégationnistes par des membres du Ku Klux Klan d'une petite
bourgade du sud des Etats-Unis.
Le cinéaste Alan Parker plonge le spectateur dans le Mississippi du début des années 60.
Sur les traces des deux agents du FBI chargés d'enquêter sur ce meurtre, on découvre le « Sud profond » où
les Noirs sont rejetés dans des bidonvilles crasseux, ne peuvent pas s'asseoir à la même table qu'un Blanc,
sont dépossédés de tous leurs droits civiques et sont pourchassés par les hommes du Klan s'ils essaient de se
révolter...
Le dossier consacré à ce film a été publié à la sortie du film. Il comprend trois grandes parties :
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La première retrace l'histoire des Noirs américains depuis la période de l'esclavage jusqu'à la
ségrégation et la lutte pour la reconquête des droits civiques dans les années 60. Elle rappelle ainsi
tout le contexte historique nécessaire pour une bonne compréhension du film d'Alan Parker.
La seconde partie dresse un portrait de la communauté noire aujourd'hui [en 1989] aux Etats-Unis.
Sont notamment évoquées la situation défavorisée de cette communauté ainsi que les polémiques que
suscite cette situation dans l'ensemble de l'opinion publique américaine.
La troisième partie évoque l'accueil contrasté que le film reçut lors de sa sortie et les polémiques qu'il
a suscitées. Elle analyse notamment les reproches de falsification historique qui ont été faits à Alan
Parker. Enfin, elle fournit quelques pistes pour une analyse plus approfondie du film.
Mississippi Burning
quelques pistes d'analyse
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Les indices de la réalité historique
Cinéaste «commercial», Parker a choisi de traiter l’histoire non sur le mode du documentaire, mais
sur celui de la fiction: il a reconstitué l’enquête policière de façon tout à fait libre, et a repoussé la
principale. De ce fait, cette réalité historique n’apparaît que sous forme d’indices clairsemés qu’il
faut savoir décoder dans l’instant même de leur apparition.
Il y a dès lors deux lectures possibles de Mississippi Burning , l’une «naïve» qui voit le film de
Parker comme n’importe quel autre policier, et l’autre plus «instruite» (instruite de la réalité
historique) qui renverse la structure apparente du film et fait venir au premier plan un ensemble
d’indices que Parker livre au spectateur, mais qu’il n’expose pas explicitement.
Nous nous proposons d’en examiner quelques-uns.
C’est à une lecture approfondie que nous invitons les élèves: rien n’est innocent dans Mississippi
Burning, chaque détail est révélateur d’une situation historique, chaque «temps mort» (du point de
vue de l’action) est l’occasion pour Parker de souligner un aspect de la ségrégation ou de la
subordination des Noirs. Ici, il faudra nécessairement procéder dans le désordre (puisque ces indices
sont livrés dans le désordre) et se fier aux souvenirs des élèves et aux interrogations qu’auront pu
susciter chez eux certaines scènes ou certains détails du film. On pourra également s’appuyer sur les
informations données dans le premier chapitre de ce dossier sur l’histoire des Noirs aux États-Unis.
o 1) Dès la première image Parker rappelle la réalité de la ségrégation raciale dans le sud des
États-Unis: il nous montre deux fontaines séparées, l’une réservée aux Blancs, l’autre aux
gens de couleur. Un Blanc s’approche de la fontaine de gauche, boit, puis s’éloigne; un jeune
Noir s’approche et boit à la fontaine de droite: les deux hommes ne se sont pas rencontrés. On
peut en outre remarquer l’aspect sale et vieilli de l’endroit: ce n’est pas l’image habituelle que
nous avons des États-Unis, pays en pleine expansion économique.
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Mais cette image d’expansion est surtout celle du nord et de l’ouest des États-Unis: le Sud, très
agricole, est en retard du point de vue économique sur le reste du pays (du moins dans les années
60), et ce retard (dû notamment à la guerre de Sécession) explique, parmi d’autres facteurs, le
ressentiment des “Sudistes” à l’égard des hommes du Nord. A plusieurs reprises dans le film, Parker
soulignera l’aspect vieillot de la vie dans le Sud, notamment lorsqu’il nous fera pénétrer dans le
salon de coiffure (pour hommes) ou dans le tripot clandestin.
o 2) L’opposition entre le Nord et le Sud est un des facteurs déterminants de cette époque. La
guerre de Sécession qui les avait mis aux prises, était encore dans les mémoires: le Sud défait
et humilié avait répliqué en instaurant la ségrégation et en privant les Noirs de leurs droits
civiques (cfr. Chapitre I). Mais la Cour Suprême, instance fédérale installée à Washington,
c’est-à-dire dans le Nord, va juger cette ségrégation et ces mesures anticonstitutionnelles: les
hommes du Nord vont alors obliger le Sud à mettre fin à ces pratiques.
Parker marque particulièrement bien ce caractère conflictuel des rapports entre le Nord et le Sud.
Dans les interviews réalisées par la télévision, les hommes et les femmes du Sud soulignent plusieurs
fois que les militants pour les droits civiques sont venus du Nord: on leur impose à eux, les hommes
du Sud, des décisions et des réformes qu’ils n’ont pas voulues et qui viennent de l’État fédéral.
Or les principaux représentants de cet État fédéral (qu’ils rejettent et dont ils ont voulu faire
sécession) sont les agents du F.B.I. qui vont entrer en conflit avec la police locale (c’est-à-dire
«sudiste»): le Nord vient faire la police dans le Sud et cette intrusion est inacceptable (pour les
Blancs du Sud).
Parker livre à ce propos un petit détail significatif: le choix des costumes. Ward (Willem Dafoe) et
les hommes du F.B.I. qu’il appelle à la rescousse portent des costumes noirs, très stricts, alors que les
hommes du Sud portent des vêtements plus clairs, et sont souvent en bras de chemise. Ainsi, lorsque
Ward pénètre pour la première fois dans le bureau du shériff, et qu’il s’adresse à l’adjoint, en lui
déclarant qu’il est un agent du F.B.I., celui-ci lui réplique: «Vous n’êtes pas incognito comme vous
êtes sapé là!».
Cette différence de costumes est révélatrice de différences de mœurs (comme le révèle la première
discussion entre Ward et Anderson qui, lui, est originaire du Sud): les hommes du Nord sont plutôt
des employés, des intellectuels, des hommes de bureau, installés en ville, alors que ceux du Sud sont
des hommes de terrain, de la campagne, des travailleurs manuels qui «tombent la veste». Il ne s’agit
bien sûr que d’une tendance générale traduisant des différences de développement économique entre
le Sud et le Nord.
Dernier détail à propos de ce conflit entre le Nord et le Sud: quand les hommes du Klan arrivent en
voiture au centre ville, on peut remarquer à côté de la plaque d’immatriculation un petit drapeau de
l’ancienne confédération sudiste. Les hommes du Klan n’ont pas oublié l’histoire et se réclament
fièrement de ce Sud qui a voulu faire sécession de l’Etat nordiste.
o 3) Parker livre par ailleurs plusieurs indications sur la situation des Noirs dans le Sud des
États-Unis à cette époque. Victimes de la ségrégation (voir la première image du film, la
scène dans le restaurant puis au tribunal), les Noirs occupaient l’échelon le plus bas de
l’échelle sociale, et servaient de main-d’oeuvre à bon marché pour les Blancs.
Lorsqu’on examine la répartition des lieux dans Mississippi Burning, on constate une nette
bipartition de l’espace entre d’une part le centre ville où ne semblent résider que des Blancs et où
les Noirs ne sont admis que pour travailler ou consommer (au restaurant par exemple), et d’autre part
la périphérie où se trouve un ghetto noir, et la campagne où les Noirs occupent, semble-t-il, des
maisons isolées. La ségrégation s’inscrit donc aussi dans la répartition de l’habitat.
En outre, les différences socio-économiques sont nettement marquées entre les quartiers. Si, comme
on l’a dit, le centre ville dégage un charme vieillot, les maisons des Noirs par contre sont de pauvres
cabanes de bois sans luxe ni décoration. La première scène d’interrogatoire est à cet égard fort
significative. Après s’être rendu au bureau du shériff, Ward et Anderson se rendent sur les ruines
d’une église incendiée par le Ku Klux Klan, puis interrogent une vieille femme noire, témoin du
méfait: la scène débute par un gros plan sur le visage de cette femme, visage ridé et marqué par la
vieillesse, et l’on entend, sans le voir, la voix de Ward posant des questions; puis la caméra recule et
révèle l’ensemble du décor: la vieille et son mari vivent dans un taudis misérable et pourri. Chaque
fois que le spectateur aura l’occasion de pénétrer dans des habitations de Noirs, la caméra révélera un
décor similaire, misérable, même s’il n’est pas toujours aussi sordide.
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Mais beaucoup d’indices sont nettement moins visibles. Il faut par exemple être fort attentif pour
remarquer que Hollis, le Noir avec qui Ward essaie de discuter au restaurant et qui est enlevé par le
Ku Klux Klan, se retrouve enfermé dans une cage au milieu d’un champ de coton (la «cage» servant
elle-même sans doute à entreposer le coton). Il s’agit évidemment d’un rappel de l’importance de la
culture du coton dans le sud des États-Unis, qui a fait des Noirs des millions d’esclaves puis une
main d’oeuvre à bon marché.
On retrouve le même genre d’allusion lors de l’arrestation finale du chef du Ku Klux Klan, qui,
menottes au poings, est emmené par les policiers devant ses ouvriers noirs éberlués: c’est encore une
fois pour Parker l’occasion de signaler que la ségrégation raciale se doublait d’une exploitation
économique.
o 4) Enfin, on remarquera les nombreuses allusions que Parker fait à l’histoire du combat des
Noirs pour la reconquête de leurs droits civiques dans les années 60. Outre le sujet même du
film (l’assassinat de trois militants pour les droits civiques), il y a dans Mississippi Burning
toute une évocation du climat effervescent qui régnait en Amérique à cette époque-là: en
soulignant le rôle de la presse omni-présente, Alan Parker montre bien que cette assassinat
n’était pas une «affaire» locale, et que tous les États-Unis se sentaient concernés par cette
disparition. La lutte pour les droits civiques traversait et divisait l’Amérique.
Ainsi, le sheriff local ne peut s’empêcher, devant Ward et Anderson, de faire un mauvais jeu de
mots sur le nom de Martin Luther King (en le transformant en Martin Luther King Kong): avec ce
jeu de mots, le sheriff s’en prend (maladroitement) au leader incontesté du mouvement pour l’égalité
des droits dont il ressent la pression (au moins morale) jusqu’au fond du Mississippi. Par ce détail,
Parker indique bien que les trois militants n’ont pas seulement été assassinés pour ce qu’ils étaient,
mais surtout pour ce qu’ils représentaient: l’émancipation possible des Noirs dans l’ensemble des
États-Unis qui était en train de se réaliser à cette époque.
Semblablement, Ward (Willem Dafoe) informe Anderson au début du film qu’il était à l’Université
du Mississippi pour protéger James Meredith, le premier étudiant noir à s’y être inscrit (cf. chapitre
I) et qu’il y a en outre reçu une balle dans l’épaule... Cette courte allusion (qui ne peut être comprise
que si l’on connaît le nom de James Meredith) permet encore une fois à Alan Parker d’indiquer que
le meurtre des trois militants ne fut pas une affaire isolée (même si elle fut particulièrement grave) et
qu’elle s’inscrivit dans tout un contexte de lutte politique qui concernait tous les États-Unis.
Par chacun de ces détails, le réalisateur essaie de montrer — ne serait-ce qu’allusivement — qu’il ne
s’agissait pas là d’un «fait divers», mais d’un épisode particulièrement dramatique d’un combat
beaucoup plus large et plus important. On signalera encore à ce propos l’allusion au fait que «dans
ce comté, il y a 5.000 nègres qui n’ont pas leur carte d’électeur...» (c’est un des membres du Klan qui
affirme cela à Anderson dans le bar clandestin): sans carte d’électeur, les Noirs ne pouvaient pas
voter. C’est là évidement un rappel de l’enjeu historique des événements que relate Mississippi
Burning.
Parker ne fait pas seulement un film policier, ou plus exactement, il essaie, à travers une intrigue
policière, d’évoquer tout un contexte historique nécessaire pour comprendre cet événement
apparemment isolé. Anderson souligne d’ailleurs à plusieurs reprises le rôle «néfaste» de la presse
dans le déroulement de l’enquête: «Tout a foiré, dit-il, quand on en a fait un show pour les médias».
Auparavant, il avait en outre affirmé à Ward que faire appel à l’armée (fédérale), c’était déclencher
une guerre civile.
L’armée, la presse représentent une intrusion du pouvoir fédéral, de l’opinion publique américaine
(perçus comme «nordistes») au Mississippi: celui-ci n’est pas un État isolé, mais ressent au contraire
la pression que lui fait subir le reste des États-Unis, et y réagit par une violence désordonnée.
L’enquête policière constitue ainsi un enjeu dans une lutte politique et sociale beaucoup plus large, à
savoir la capacité pour l’État fédéral d’imposer à chaque État local la fin de la ségrégation et des
discriminations raciales.
Une réalité fragmentaire et reconstituée
Par sa façon d’aborder la réalité historique, Mississippi Burning diffère sensiblement d’un
quelconque film policier. L’histoire réelle interfère avec la fiction, des images d’actualités
authentiques viennent s’insérer dans des images de cinéma, de multiples indices du contexte
politique et social de l’époque viennent se greffer sur la trame policière.
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Nous nous proposons d’analyser dans ce paragraphe ce qui différencie Mississippi Burning d’un
simple film policier. Outre les indices historiques dont on vient de faire un relevé, il y a dans la
construction même du film de Parker des éléments qui ne relèvent pas de la simple logique policière.
Il nous paraît utile d’attirer l’attention des élèves sur ces éléments, par exemple par un jeu de
questions réponses: qui sont en définitive les assassins? Qui est responsable des épisodes de lynchage
et d’incendie? Que faut-il penser des condamnations à la fin du film? Est-ce que l’image que donne
la presse de l’époque de cette affaire est exacte? La presse a-t-elle été manipulée? Si oui, par qui?
Est-ce que toute l’affaire est éclaircie pour le spectateur à la fin du film? Reste-t-il des zones
d’ombres? Si oui, à quoi sont-elles dues?
Ces quelques questions devraient permettre de montrer que Mississippi Burning a un aspect
fragmentaire dû au fait qu’il traite d’une matière historique reconstituée et, de ce fait, partielle.
Même si Alan Parker met cette intrigue policière à l’avant-plan de son film, il ne peut pas faire (et ne
le veut sans doute pas) abstraction du fait qu’il traite d’abord d’une réalité historique et non pas
seulement d’une histoire policière qu’il pourrait manipuler à sa guise. Mississippi Burning doit, par
la présence de cette réalité historique, déjouer la logique (habituelle) du film policier: le spectateur
verra par exemple s’afficher à la fin du film les diverses condamnations, mais aussi les acquittements
prononcés par la justice suite à l’enquête du F.B.I.; mais il ne pourra pas dire si ces jugements sont
bien conformes aux faits relatés. Si l’adjoint Pell est manifestement coupable, le shériff et Townley
(le chef du Ku Klux Klan) méritaient-ils d’être acquittés? Le film ne nous le dit pas: il y a là une
absence, un manque d’informations, qui est dû au fait que, dans la réalité, toute la lumière n’a pas
non plus été faite sur cette affaire.
Alors que, dans un film policier, l’accent est mis habituellement sur l’éclaircissement d’une intrigue
au départ obscure, Parker va au contraire souligner l’aspect fragmentaire, partiel, partial même, des
informations qu’il rapporte. C’est ainsi que nous ne saurons jamais exactement ce que Madame Pell
a révélé à Anderson (même si l’on peut en deviner l’essentiel) : lors du premier aveu de Madame Pell
dans son salon de coiffure, la caméra par exemple reste au-dehors, devant la vitre où nous voyons ses
lèvres s’agiter sans que l’on puisse comprendre ce qu’elle dit.
C’est pourquoi aussi Alan Parker multiplie tout au long de son film les images de la télévision de
l’époque, les interviews par la presse de témoins anodins ou au contraire d’acteurs essentiels de
l’histoire (comme le chef du Ku Klux Klan): la réalité, c’est-à-dire la recherche des assassins, est
masquée, déformée, par les multiples images que chacun, témoins, policiers, presse, en donne, et que
chacun essaie d’utiliser à son profit (ainsi le chef du Klan donne des interviews violemment racistes,
antisémites et anticommunistes à la presse).
La manipulation des images fait partie du combat que se livrent F.B.I. et hommes du Klan: l’une des
séquences de Mississippi Burning débute par exemple par des images en noir et blanc d’un défilé du
Ku Klux Klan. Puis la caméra recule et nous révèle que ce sont les hommes du F.B.I. qui se
projettent ces images, sans doute pour identifier dans ce défilé l’une ou l’autre personnalité du Klan.
La manifestation de force du Ku Klux Klan se retourne contre lui et devient un instrument
d’investigation policière.
Déformée par les images qu’on en donne, la réalité apparaît également de manière fragmentaire.
Beaucoup d’épisodes sont bruts sans que Parker ne nous en donne les tenants et les aboutissants:
c’est ainsi que les lynchages de Noirs, les incendies de maisons et d’églises sont montrés tels quels à
l’écran sans l’on connaisse les assaillants, ni leurs motivations, ni les conséquences de leurs actions
(seront-ils retrouvés ou non?). Les faits sont rapportés sans suite, et le spectateur doit reconstruire les
liens qui les unissent. Une part des événements restera définitivement cachée au spectateur parce
que, dans la réalité, l’enquête policière n’a pas complètement éclairci cette affaire et a laissé certains
éléments dans l’ombre.
C’est bien là l’impression que veulent donner les dernières images du film, celles de l’arrestation des
suspects dont l’image est fixée par les flashes des photographes avant que ne s’affiche le verdict de
la justice les concernant: le film s’arrête, mais sur une image problématique, sur une image qui est
ressentie comme telle, comme une photo de presse qui n’a saisi que l’apparence de la réalité.
Mississippi Burning ne se termine pas dans la clarté habituelle des films policiers: il s’achève au
contraire en indiquant qu’une part de la réalité échappe au film, comme elle a échappé à la presse et à
la télévision, ne saisissant que l’apparence des choses (ainsi les déclarations mensongères des
témoins).
Le vote de la loi sur les
droits civiques aux
Etats-Unis
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La loi sur les Droits Civiques aux Etats-Unis a été votée le 2 juillet 1964 pour
interdire toute discrimination raciale dans les lieux publiques et pour
l'inscription des Noirs sur les listes électorales ; elle a été votée grâce au
président démocrate Johnson, qui surmonte l'opposition des sénateurs du Sud.
En effet, depuis l'abolition de l'esclavage, c'est-à-dire le 18 décembre 1865 sous
Andrew Johnson (13e amendement), dans les Etats du sud des Etats-Unis, une
interprétation abusive de la constitution avait permis de maintenir les Noirs
dans une situation d'infériorité : "Noirs égaux mais séparés". La ségrégation
raciale existait aussi bien dans les lieux publics que sur les listes électorales :
dans le domaine de l'éducation (écoles pour Noirs, écoles pour Blancs), dans les
parcs publics (ils comportaient le plus souvent des écriteaux "White Only",
réservé aux Blancs), dans les transports en commun, les hôpitaux, les
restaurants et même sur les listes électorales. On écartait les Noirs des listes en
les soumettant, avant leur inscription, à des questionnaires du type: "Combien
y a-t-il de fenêtres à la Maison Blanche ?" ; très peu de Noirs étaient donc
inscrits sur les listes.
Le 17 mai 1954, une politique de déségrégation commence, à l'initiative de la
Cour Suprême qui déclare la doctrine "égaux mais séparés"
anticonstitutionnelle. Mais cela n'a pas suffit à supprimer la ségrégation raciale.
Les Noirs s'organisent alors pour faire respecter leurs droits et en 1955, Martin
Luther King, un pasteur servant la cause des Noirs, lance un mouvement
pacifique de protestation. Les Noirs manifestent, boycottent les bus qui
maintiennent la ségrégation, vont au travail à pied en chantant des cantiques.
Toute cette action spectaculaire a un retentissement immense.
Mais le mouvement est freiné par la passivité de l'Administration et le refus des
Blancs. Ainsi en 1956, malgré les manifestations, les extrémistes blancs
s'opposent à l'entrée d'une jeune fille noire à l'Université de l'Alabama le parti
démocrate réagit mais l'étudiante sera tout de même assassinée. En 1957,
Eisen Hower, un presbytérien républicain président des Etats-Unis de 1953 à
1961, finit par envoyer des parachutistes à Little Rock (Arkansas), où une foule
hystérique avait expulsé neufs lycéens noirs d'une école publique. En 1960, cinq
Etats du Sud pratiquent encore une totale ségrégation. En réaction, le président
démocrate Kennedy, met au point un projet de loi sur les Droits Civiques
(ensemble de lois régissant les droits de tout les citoyens des Etat-Unis), repris
plus tard par le président démocrate Johnson. C'est grâce à lui que la loi sera
votée, le 2 juillet 1964.
Cette loi était très mal considérée par les Blancs du Sud et il a fallu la faire
appliquer dans les faits, le vote de cette loi a été un premier pas vers la
déségrégation. Elle a d'ailleurs été suivie, l'année suivante, par le vote d'une loi
sur le Droit de vote permettant aux fonctionnaires fédéraux d'inscrire les Noirs
sur les listes électorales dans les Etats qui s'y opposaient. Mais ces lois n'ont
pas tout résolu.
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