La ségrégation raciale
À la fin du 18C siècle, le texte de la Déclaration d'indépendance des États-Unis affirmait déjà que
tous les hommes naissent égaux » p. 133. Cette déclaration révolutionnaire pour l'époque ne
s'appliquait cependant pas aux esclaves noirs des plantations des États du Sud. Malgré
l'abolition de l'esclavage en 1865, il faudra attendre les années 1960 pour que leurs descendants
deviennent des citoyens à part entière. Voici un aperçu du mouvement en faveur des droits
civiques des Noirs aux États-Unis.
De l'esclavage à la ségrégation
Dans les années 1860, des amendements à la Constitution américaine abolissent l'esclavage,
donnent aux anciens esclaves la citoyenneté et leur garantissent le droit de vote. Sur papier, les
Afro-Américains sont officiellement les égaux devant la loi de leurs concitoyens à la peau
blanche. Dans les faits, l'égalité est loin d'être acquise. Plusieurs membres de la communauté
blanche des États du Sud s'opposent farouchement à l'émancipation des Noirs et refusent
même de cohabiter avec eux. Comme en Europe, plusieurs États-Uniens invoquent les théories
racistes, des motifs économiques et de vieux préjugés. Qui sont ces gens? Les anciens partisans
de l'esclavage comme les propriétaires de plantations et les grands commerçants ainsi que les
travailleurs blancs les plus pauvres qui voient les Noirs émancipés comme des voleurs d'emplois.
Peu à peu, les gouvernements des États du Sud comme la Louisiane, le Mississippi et l'Alabama
votent des lois pour séparer les Noirs des Blancs. C'est ce qu'on appelle la ségrégation raciale.
Les Noirs doivent prendre les moins bonnes places dans les trains et les bateaux. Ils ne mangent
plus dans les mêmes restaurants, n'attendent plus dans les mêmes salles d'attente, n'utilisent
plus les mêmes toilettes et ne boivent plus aux mêmes fontaines. Gare à celui qui se trompe! il
pourrait être réprimandé, arrêté ou même battu! Les Noirs fréquentent les écoles de Noirs, les
églises de Noirs, les hôpitaux de Noirs_ Même la Cour suprême des États-Unis, le plus haut
tribunal du pays, va reconnaître la légalité de la ségrégation. Comment cela est-il possible? À la
fin du 19e siècle, les juges déclarent que la séparation raciale est acceptable si chaque race a
accès aux mêmes services. Malheureusement, la communauté blanche, mieux nantie, peut
s'offrir une éducation et des soins de santé de bien meilleure qualité...
Les défenseurs de la supériorité des Blancs veulent aussi exclure les Afro-Américains de la vie
politique du Sud. Pour contourner la Constitution et empêcher leurs concitoyens noirs de voter,
la majorité blanche des hommes politiques adopte des mesures pour limiter le droit de vote. Il
devient nécessaire d'être propriétaire pour pouvoir voter. Dans certains États, on exige un test
de lecture et de compréhension de la Constitution. Or, la plupart des Noirs sont très peu
instruits puisqu'il était interdit aux esclaves d'apprendre à lire et à écrire. Par ailleurs, comme
une large portion de la communauté noire vit dans une grande pauvreté, les enfants sont
obligés de travailler très jeunes. Ils sont donc peu nombreux à fréquenter l'école, mal financée
d'ailleurs. Il existe bien dans les villes une bourgeoisie noire qui offre ses services (boutiques,
restaurants, services juridiques, etc.) aux autres Noirs, mais il s'agit d'une petite minorité. Les
Noirs occupent généralement des emplois manuels comme domestiques ou travailleurs
agricoles.
Dès le début du 20' siècle, de nombreux Noirs quittent le Sud pour les villes du Nord. De 1910 à
1970, plus de 6 millions de Noirs font le voyage. Bien qu'ils y retrouvent leur droit de vote et des
écoles sans ségrégation, ils souffrent tout de même de la discrimination et des préjugés. Ils se
regroupent dans les mêmes quartiers. Dans les entreprises, ils sont les derniers embauchés, bien
qu'ils gagnent un salaire moins élevé qu'un travailleur blanc, et les premiers mis à la porte. De
plus, les immigrants de race blanche n'hésitent pas à leur disputer leurs emplois.
LA FORMATION D'UN GHETTO NOIR: HARLEM
Au début du 20' siècle, Harlem, au nord de la ville de New York, est un beau quartier aux
immeubles cossus habité par une petite bourgeoisie d'immigrés européens. Les choses changent
avec Première Guerre mondiale. Des Noirs et des immigrants italiens s'établissent à Harlem:
notamment par les emplois offerts dans les usines d’armement de la région. La population du
quartier augmente, mais les restrictions de guerre empêchent la construction de nouveaux
logements. Les propriétaires divisent les appartements pour satisfaire cette arrivée de locataires
moins fortunés. La crise économique des années 1930 n'arrange rien. Les immeubles se
dégradent, certains sont abandonnés. Faute de taxes, les rues sont mal entretenues. La
pauvreté, le chômage et la criminalité gagnent du terrain chez la majorité noire. Plus personne
ne veut investir dans le quartier. À partir de 1945, les Blancs quittent Harlem, bientôt suivis par
la classe moyenne afro-américaine.
UNE SOCIÉTÉ SECRÈTE, VIOLENTE ET RACISTE
Après l’abolition de l'esclavage, de nombreuses société$ sécrètes sont mises sur pied pour
terroriser les Noirs et rétablir la suprématie des 8laricS dans les États du Sud des États-Unis. Un
de ces groupes tristement célèbres se nomme le Ku Klux Klan (KKK), du grec kuklos qui signifie
«cercle», Ses membres adoptent une structure militaire> revêtent des cagoules blanches et se
rassemblent autour d'un chef, le Grand Sorcier. Frappant la nuit, le KKK assassine des anciens
esclaves et ceux qui les supportent. Le gouvernement y met fin au début des années 1870.
En 1915, le nom, la structure et la pensée du premier KKK sont repris par un ancien pasteur pro-
testant. La nouvelle société entend défendre la moralité blanche et protestante. Cette fois-ci, les
cibles du KKK sont plus nombreuses: les Noirs, bien entendu, mais aussi les contrebandiers
d'alcool, les adultères, les socialistes, les immigrés et les juifs. Leur moyen d’action? Des
congrès, des défilés, des réunions nocturnes, des incendies, de l'intimidation et des lynchages.
Le KKK connaît une grande popularité. Dans les années 1920, il compte des millions de membres
dans tout le pays ! Sa sympathie pour l'ennemi nazi ainsi qu'une série de scandales entraînent sa
dissolution en 1944. Cette disparition officielle ne marque cependant pas la fin du mouvement
raciste qui se divise alors en plusieurs petits groupes extrémistes.
La conquête des droits civiques
Malgré la terreur qui pèse sur eux, malgré le manque de moyens financiers et de pouvoir
politiqué les anciens esclaves et leurs descendants ont toujours lutté pour obtenir l'égalité des
droits. Un des premiers chefs de file de la communauté noire des États-Unis, Booker T.
Washington (1856-1915), considère que le plus important est d'éduquer les Noirs et d'améliorer
leur situation économique. Il se dit prêt à accepter la ségrégation afin d'obtenir le soutien des
Blancs. Pour Washington, la lutte contre la ségrégation paraît sans espoir puisqu'elle est elle-
même renforcée par la Cour suprême du pays.
Tous les activistes noirs ne sont pas de cet avis. Pour le sociologue afro-américain Web Du Bois
(1868-1963), il faut rejeter l'injustice et lutter contre toute forme de ségrégation. En 1909,
soutenu par un petit groupe multiracial, il fonde la National Association for the Advancement of
Colored People (Association nationale pour l'avancement des gens de couleur) afin de
promouvoir l'égalité des droits et de combattre la ségrégation. Cette jeune organisation intente
des poursuites judiciaires contre les villes et les États qui ne respectent pas la Constitution,
milite contre le lynchage et exerce des pressions auprès des hommes politiques.
Dans les années 1940, la Seconde Guerre mondiale donne un nouvel élan au mouvement noir
des droits civiques_ D'une part, des membres de la communauté noire participent aux côtés des
Blancs à la victoire contre l'Allemagne nazie. D'autre part, après leur lutte contre ce régime
totalitaire au nom de la démocratie et des droits humains, les États-Unis ne peuvent plus se
permettre de maintenir eux-mêmes un tel système raciste. En 1954, un jugement de la Cour
suprême interdit enfin la ségrégation dans le system scolaire. Cependant, plusieurs États du Sud
refusent de se soumettre à la décision des juges.
Qu’à cela ne tienne, la lutte continue! Le mouvement fait des gains à l’échelle locale. En 1955,
à Montgomery, une petite une petite ville de l'Alabama, une femme refuse de céder sa place à
un Blanc dans un autobus. Arrêté par la police, Rosa Packs (1913-2005) est reconnue coupable
d'avoir perturbé l'ordre public et violé la loi de l’État. Sous La direction du passeur Martin
Luther King Junior (1929- 1968), la communauté noire se mobilise et boycotte le transport en
commun de la ville pendant plus d’un an. Finalement, un tribunal déclare la loi contraire à la
Constitution. Par la suite, la ségrégation dans les transports publics sera déclarée illégale dans
les autres États du Sud.
King et les partisans militent pour l’intégration des Noirs dans la société états-unienne sans
utiliser de moyens violents. Ils préconisent la non-violence et les actes de désobéissance civile
comme les boycotts, les marches et les sit-in (du verbe anglais to sit, qui signifie « s'asseoir »).
Qu'est-ce qu'un sit-in? Un petit groupe d'étudiants afro-américains, par exemple, se rend dans
un restaurant qui refuse de servir des Noirs et s'assoient sans rien dire jusqu'à ce qu'ils en soient
chassés. Ils recommencent ainsi jusqu'à ce qu'on veuille bien les servir. Dans tout le pays, les
protestations prennent aussi la forme de grandes « marches de la liberté » au cours desquelles
Noirs et Blancs manifestent ensemble contre les inégalités. Ces gestes pacifiques provoquent
souvent la colère des Blancs. Les activistes sont insultés, bousculés, frappés, emprisonnés et
même assassinés. La télévision joue un rôle important dans le combat pour les droits civiques
des Noirs, car elle diffuse les actes brutaux des foules blanches et des forces policières. Peu à
peu, l'opinion publique, choquée, en vient à exiger l'abolition de la ségrégation.
Dans les années 1960, le gouvernement fédéral met fin officiellement à la ségrégation. En 1964,
le Civil Rights Act (la loi des droits civiques) interdit la ségrégation dans les lieux publics
(restaurants, théâtres, etc.). Cette loi empêche les employeurs d'embaucher quelqu'un en
fonction de son origine ethnique. Elle déclare aussi que les critères qui limitent le droit de vote
doivent être applicables à tous, sans distinction. Farinée suivante, le gouvernement va. plus loin:
le Voting Rights Act (la loi du droit de vote) défend aux États de restreindre le droit de vote. Le
système ségrégationniste en vigueur depuis 100 ans s'écroule Cependant, la lutte contre la
discrimination doit continuer pour que les Noirs soient véritablement intégrés dans la société
américaine. Cette victoire difficile va leur permettre peu à peu de se tailler une place sur la
scène politique. En 2005, une Afro-Américaine, Condoleeza Rice, sera nommée secrétaire d'État,
un des postes les plus importants de l'administration des États-Unis.
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