Étude JOBADOC: Conséquences sur la quête du premier emploi du jeune adulte traité pour un cancer survenu dans l’enfance-adolescence Financement du projet par les 4 régions du Grand-Ouest dans le cadre de l’AAP du CGO F. Millot, I. Ingrand Cancers enfants-adolescents En France : • 2000 nouveaux cas par an (Registres nationaux 2006) chez l’enfant < 15 ans: un enfant sur 600 seconde cause de mortalité chez l’enfant > 1 an • 700 nouveaux cas de cancer par an chez les 15-20 ans Cancer/emploi Travail avec ou après un cancer [France, DRESS 2006] : • 2 patients / 10 : perte de l’emploi après le diagnostic • 4 sur 10 : sentiment que le cancer les a pénalisés de façon significative dans leur activité professionnelle Emploi/cancer dans l’enfance • Meta analyse (De Boer, Cancer 2006) risque x2 de ne pas avoir d’emploi (tumeurs cérébrales x5) • USA (Pang, Pediatr Blood Cancer 2008) absence d’emploi: 5.6% si cancer /1.2% fratrie • Allemagne (Dieluweit, Pediatr Blood Cancer 2011) adolescents/population générale niveau de qualification plus élevé pas de différence significative sur l’obtention d’un emploi Emploi/cancer dans l’enfance • Étude concernant des adolescents et jeunes adultes (Parsons, J Clin Oncol 2012) : mise en évidence de difficultés propres à la recherche du premier emploi après survenue d’un cancer • Extrapolation des résultats d’études internationales au système français avec ses spécificités sociales • En France, qu’en est-il des jeunes adultes ayant des antécédents médicaux de cancer dans l’enfance ou l’adolescence ? Objectifs principaux • Etudier la situation professionnelle et les trajectoires professionnelles de jeunes adultes traités pour un cancer dans leur enfance/adolescence • Analyser les difficultés auxquelles ces jeunes adultes ont été confrontés dans la recherche d’un emploi • Identifier les attentes de ces jeunes adultes Objectifs secondaires • Etudier les connaissances des professionnels de l’emploi sur les spécificités du cancer chez l’adolescent et le jeune adulte • Analyser l’attitude des professionnels de l’emploi face à ces jeunes. Plan cancer 2009-2013 Projet s’intégrant dans la cadre de la mesure 29 : « Lever les obstacles à l’insertion ou à la réinsertion sociale et professionnelle des patients atteints de cancer et en phase de rémission ou de guérison. » Méthodologie • Etude multi-méthode (qualitative et quantitative) à partir d’une cohorte rétrospective. • Autorisations réglementaires CCTIRS/CNIL Population de l’étude PATIENTS • Patients traités pour un cancer pédiatrique entre 2000 et 2010 dans les unités d’oncologie pédiatrique des CHU de l’inter-région GOCE (Angers, Brest, Caen, Nantes, Poitiers, Tours et Rennes) • âgés de 5 à 18 ans au moment du diagnostic • âgés de 18 à 31 ans à l’inclusion dans l’étude PROFESSIONNELS • Professionnels de l’emploi (médecin du travail, DRH, agents recruteurs de pôle emploi, sociétés d’intérim, maison de formation, avocats…) • Professionnels de santé (onco-pédiatres, médecins généralistes, médecins du travail …) Phase A - Entretiens individuels Patients du CHU de Poitiers • contact par courrier : lettre d’information, consentement, questionnaire • entretien conduit par une psychologue : - tester et valider le questionnaire (pour la phase B) - reconstituer des biographies (caractéristiques socio-démographiques, ressources, niveau de formation, cursus scolaire, trajectoire professionnelle, difficultés rencontrées, déclaration du cancer à l’embauche, adéquation du travail aux diplômes et aux souhaits…) • analyse par un groupe de travail pluridisciplinaire. Phase B: Questionnaires patients (7 centres) • Envoi des questionnaires pour recueil de données : caractéristiques socio-démographiques, ressources, niveau de formation, situation professionnelle, trajectoire professionnelle avant obtention du 1er emploi, difficultés rencontrées, adéquation du travail aux diplômes et aux souhaits • Recueil des données cliniques sur site et via les registres des cancers pédiatriques : âge au moment du diagnostic, localisation de la tumeur, traitements reçus, évolution, récidives, comorbidités Phase C: Entretiens professionnels (4 régions) • Professionnels de l’emploi, professionnels de santé, avocats - entretiens individuels - « focus groups » régionaux regard sur le cancer identification d’obstacles à l’emploi envisager des solutions aux obstacles qui auront été identifiés confrontation d’opinions, de représentations et de pratiques Résultats : phase A • 16 entretiens réalisés par une psychologue et une sociologue* 1) Une biographie repensée • la maladie peut être perçue comme un élément ayant entraîné des conséquences positives; « relativiser » • caractère indélébile de cette expérience • maladie-évènement - ayant décalé les expériences adolescentes dans le temps; envie de « rattraper le temps » - provoquant la fin précoce d’une période • toutes les scolarités ne sont pas perturbées avec la même intensité: - comportement distancié vis-à-vis de l’enjeu de la réussite scolaire; - réévaluation de ses priorités : prise de distance avec la contrainte scolaire • - le processus de soin efface les obligations sociales préexistant à la maladie *Mélissa Hervaud, Psychologue et Sabine Lambert, Sociologue Résultats : phase A 2) A propos de leur entretien de recrutement • Tous les enquêtés ne sont pas égaux face au choix de dire (6/16) ou de taire (10/16) leurs antécédents médicaux. • Dire : séquelles visibles ou nécessitant une adaptation du poste de travail (5), la maladie fait partie du parcours (1) • Taire : trois registres de réponses mêlés : caractère personnel, caractère passé de la maladie et/ou absence de séquelles physiques • Un sentiment de discrimination à l’embauche pour certains • Aucune adaptabilité au poste • Statut de travailleur handicapé : pour certains, il est vécu comme un handicap pour l'emploi, pour d’autres, il est valorisé • Le médecin du travail : une ressource qui n’est pas mobilisée extérieur à la relation avec les soignants; relation perçue comme superficielle Résultats : phase A 3) Au-delà de l’entretien d’embauche : le rapport à l’emploi • l’expérience de la maladie peut être un atout professionnel • impact de la maladie sur le capital physique, constituant pour certains la principale ressource mobilisable • la relation aux collègues : la gestion du stigmate séquelles visibles ou nécessité d’adapter le poste de travail entraînent l’impossibilité de contrôler ce que l’on veut dire de soi, de son passé, de ses antécédents médicaux. Résultats : phase C* • 30 participants • 5 entretiens de groupe (Rennes, Brest, Poitiers, Tours, Le Mans) 4 entretiens individuels (Avocats, Médecins militaires) Constat: • peu de connaissance de parcours d’anciens patients atteints du cancer • image négative de la médecine du travail • problème de la confiance en soi des jeunes et valorisation de leurs compétences Réflexion autour: • des représentations et de l’image de la maladie • de l’amélioration des connaissances relatives à l’aptitude à l’emploi • des pistes sur l’accompagnement- formation /mieux appréhender la recherche d’emploi • de la notion de temporalité : jusqu’à quand accompagner, quand vont-ils revenir dans un poste, à quel moment le dire à son employeur, à ses collègues, etc. *Clément Devaux, sociologue Résultats : phase C* Dans le cadre des pistes de réflexion, il est évoqué : • Une visite médicale avant une entrée en formation pour éviter les erreurs d’orientation et ne pas former quelqu’un pour un métier qu’il ne pourra pas exercer • L’incitation envers les jeunes à ne pas en parler, et même au médecin du travail s’il n’y pas de séquelle • La mise en place d’un bilan de compétences pluri disciplinaires à la fin de la maladie pour une appréciation de l’individu dans sa globalité • La création d’un système de parrainage par des employeurs pour accompagner des jeunes dans la recherche d’emploi • Une révision du guide de la Ligue du cancer sur l’accompagnement ou rien n’est mentionnée sur la thématique en question Phase B + analyse • 380 questionnaires actuellement, en cours d’analyse • Résultats préliminaires sur Poitiers/Tours (mémoire de DES*) • taux de réponse important (70,5%) intérêt des jeunes adultes pour la question (65.8% hémopathies – 34.2% tumeurs solides) • Plusieurs anciens patients ont dit avoir des séquelles dans leurs commentaires, alors que celles-ci n'étaient pas notées dans le dossier médical : essentiellement de séquelles psychologiques et neuropsychologiques • Les jeunes ayant déclaré avoir arrêté leurs études trop tôt ont plus de difficultés dans la quête de leur premier emploi Phase A+B+C • Analyse intégrative des résultats qualitatifs / quantitatifs, mise en regard avec le point de vue des professionnels * Anne-Sophie Meunier, Assistante spécialiste Intérêt de la recherche et perspectives • Créer une dynamique de recherche pluri disciplinaire faisant appel à un croisement des méthodes pour traiter la question • Favoriser la rencontre entre plusieurs univers professionnels, en vue de diffuser les connaissances • Identifier des freins, et les pistes pour y remédier • Mise en place d’actions de sensibilisation pour changer l’image du cancer de l’enfant ou l’adolescent, et ainsi contribuer à une meilleure insertion professionnelle du jeune adulte