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maladie à virus ebola en guinée : évolution de l’épidémie de son émergence en décembre 2013 à novembre 2015
Stratégies de lutte
La riposte à une épidémie d’Ebola est globale et
s’appuie sur différentes stratégies complémentaires
nécessitant, pour leur mise en œuvre, une forte
coordination et des moyens financiers, matériels,
logistiques et humains adaptés à l’importance de la
flambée (16). Les principales stratégies de lutte sont :
– la mobilisation de la population et de ses leaders
crédibles pour l’engagement communautaire associée
à la communication sanitaire pour faire connaître la
maladie, ses modes de transmission et ses modalités de
prévention ; pour l’adhésion individuelle et collective
aux stratégies de lutte, pour lutter contre les rumeurs et
pour la prévention des réticences (refus parfois violent
des activités de riposte) ; par l’écoute et le dialogue
avec l’aide de socio-anthropologues, de mobilisateurs
sociaux, de spécialistes de la communication sanitaire
et de ressortissants (personnalités ne vivant plus dans la
localité) ; ces activités s’appuient sur les médias et divers
supports (messages, débats et causeries radiodiffusés
en langues vernaculaires, distribution de dépliants,
utilisation de boîte à images,…) ;
– la mise en place d’un système d’alerte précoce par
les agents de santé, les agents communautaires, les
tradipraticiens et les comités de veille des villages et
des quartiers des villes, lors de l’apparition de cas et/
ou de décès communautaires suspects pour une prise
en charge médicale en Centre de transit (CDT pour
l’isolement et la confirmation biologique du cas) ou
Centre de traitement Ebola (CTE), tous centres mettant
en œuvre des procédures de biosécurité maximales ; la
formation des soignants, l’organisation du triage des cas
suspects, la fourniture de moyens pour la Prévention
et le Contrôle des infections (PCI) complètent cette
stratégie (kits de lavage des mains, gants, tenues de
protection individuelles (TPI)) ;
– la mise en place d’un réseau de laboratoires de
qualité pour la confirmation de l’infection à virus Ebola
chez les cas suspects et tous les décès communautaires ;
– la mise en place d’un système de notification des
cas et des décès confirmés et probables pour suivre
l’évolution de l’épidémie et guider la riposte ;
– la sécurisation, dans la dignité, des enterrements
des sujets décédés d’Ebola associés à des mesures
d’accompagnement aux familles des défunts
(sensibilisation préalable par les comités et les autorités
traditionnelles de village/de quartier, condoléances,
offrandes) ;
– l’identification des sujets contacts des cas et décès
confirmés, leur suivi médical biquotidien pendant une
durée maximale de 21 jours avec des mesures d’incitation
au maintien à domicile par la fourniture de denrées
alimentaires adaptées ; l’alerte par l’entourage, le comité
de village/de quartier ou les agents communautaires en
cas de départ d’un contact ;
– la prise en charge médicale rapide et l’isolement
des cas suspects, probables ou confirmés vivants et des
contacts présentant des signes de MVE avec transport
médical sécurisé dans le CDT ou le CTE le plus proche.
Le pronostic des patients infectés est influencé par la
rapidité et la qualité de la prise en charge, notamment
la réhydratation.
Lutte contre Ebola en Guinée
Ces stratégies de lutte sont celles mises en œuvre
en Guinée pour lutter contre l’épidémie d’Ebola. La
coordination de la lutte, dans la première période de
l’épidémie, a été assurée par la cellule nationale de crise
du ministère de la Santé. Puis elle a été restructurée et
renforcée avec l’aide des partenaires internationaux après
la déclaration d’Urgence de santé publique de portée
internationale (USPPI) en août 2014 par l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) (17). Un coordinateur
national, placé sous l’autorité directe du chef de
l’État, a été nommé en septembre 2014, ainsi que des
coordinateurs préfectoraux dans les zones actives à partir
de novembre 2014. Les coordinations sont composées
d’unités techniques (communication, surveillance, prise
en charge, gestion des corps) et d’unités de soutien
(finances, logistique, sécurité, formation, recherche).
Plusieurs milliers de personnes, des centaines de
véhicules et près d’une quarantaine d’organisations
nationales et internationales, notamment les agences de
l’organisation des nations unies (OMS, UNICEF, PAM,
OCHA, FNUAP…) et les « Centers for Disease Control
and Prévention » (CDC), sont déployés sur le terrain
pour aider à la mise en œuvre de ces stratégies (18). Les
nations unies ont créé en septembre 2014 une mission
pour l’action d’urgence contre Ebola (MINUAUCE –
« UNMEER ») pour renforcer la lutte contre le virus
sur le terrain et rassembler sous une même bannière les
différents intervenants en appui des pays épidémiques.
Quinze centres de prise en charge (CDT et CTE)
ont été construits au fur et à mesure de l’évolution
de l’épidémie, notamment à partir d’octobre 2014.
Le programme alimentaire mondial (PAM), plusieurs
pays et organisations non gouvernementales (ONG)
en ont assuré le financement, la construction et le
fonctionnement : Médecins sans frontières Belgique
(MSF-b) (3 CTE), Croix rouge française (3 CTE), Alima
(1 CTE), Guinée-Cuba (1 CTE), Service de santé des
armées-France (SSA) (1 CTS-Centre de traitement des
soignants), Waha-France (1 CTE), Russie (1 CTE),
Guinée (3 CDT), MSF France (1 CDT). En dehors des
cadres des ONG en charge de la gestion de plusieurs
centres et de quelques Cubains et africains, les personnels
étaient et sont en majorité des Guinéens (médecins,
infirmiers, hygiénistes, lavandières, magasiniers,
ambulanciers, gardiens). En novembre 2015, trois
centres, tous situés en Basse Guinée, continuent à
prendre en charge essentiellement des cas suspects
tous négatifs pour le moment. Le CTS du SSA a pris
en charge des personnels de santé infectés entre le
19 janvier et le 19 juillet 2015. Depuis la fermeture du
CTS, les personnels de santé infectés sont pris en charge
par le CTE de Conakry dirigé par MSF-b. Différents
laboratoires sont intervenus dans le cadre du diagnostic
et en soutien des centres (Instituts Pasteur de Dakar,
Institut Pasteur de Paris, laboratoire mobile européen,
Institut national de santé publique de Guinée, laboratoire
mobile russe, laboratoire mobile canadien, laboratoire
mobile des armées belges, laboratoire mobile du SSA,
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