LES PLAIES C H R O N I Q U ES du sujet âgé Dermite associée à l’incontinence Définition de la DAI • Dermatite irritative de contact (inflammation de la peau) observée chez les personnes présentant une incontinence fécale et/ou urinaire – Excès d’humidité qui fragilise la couche cornée (macération) – Frottements répétés – Risque en cas d’alitement prolongé ou de mobilité réduite Épidémiologie • Prévalence et incidence sous-estimées en raison de l’absence de standardisation du diagnostic • Prévalence variable selon les études, la population étudiée – 7 % des patients incontinents en EHPAD – 42% des patients adultes et âgés hospitalisés incontinents – 50% des patients à domicile incontinents fécaux 3 Physiopathologie de la DAI • Peau normale protégée par la couche cornée + acidité de la surface – Couche cornée renouvelée constamment – pH acide entre 4 et 6 • 2 mécanismes principaux de la DAI 1/ Macération hyperhydratation de la peau altération de la couche cornée de la peau inflammation, dermabrasions • Sensibilité aux irritants mécaniques (frottements) • Sensibilité aux irritants chimiques – Activité enzymatique fécale, notamment en cas de selles molles – Ammoniums urinaires • Risque infectieux (bactéries, champignons) 2/ Augmentation du pH Facteurs de risque de DAI • Facteurs liés à l’incontinence – Type d’incontinence (urinaire et/ou fécale) • Risque lié à incontinence fécale >> incontinence urinaire • En cas d’incontinence fécale, risque accru si selles molles – Caractère fréquent des pertes urinaires et/ou fécales – Prise en charge inappropriée • Changements peu fréquents des produits pour l’incontinence ou nettoyage limité • Utilisation de changes (ou couches) ou de produits topiques protecteurs occlusifs • Nettoyage agressif pour la peau (savon, frottements, etc.) 5 Facteurs de risque de DAI • Autres facteurs – Peau fragilisée • Vieillissement, traitement par des corticoïdes, diabète, etc. – Perte d’autonomie • Mobilité réduite • Atteinte des fonctions cognitives • Incapacité à effectuer sa toilette personnelle – Mauvais état nutritionnel, déficits en vitamines – Maladies (comorbidités) et traitements • • • • Antibiothérapie par voie générale Diabète Immunosuppression Infections vaginales, etc. – Obésité et/ou transpiration excessive 6 Aspects cliniques • Lésions d’aspect vernissé, rose à rouge, parfois squameux, à bords mal définis • Localisations = convexités ! – Pli interfessier, fesses, scrotum chez l’homme, grandes lèvres chez la femme, racine des cuisses, périnée, bas du dos, etc. • Évolution – Aspect érosif superficiel douloureux = classique – Aspect érosif étendu, parfois hémorragique – Lésions de grattages possibles en cas de démangeaisons, voire aspect lichénifié – Aspect nécrotique = rare • Nécrose en général unilatérale de la fesse • À distinguer d’une escarre notamment 7 Aspects cliniques Des exemples 8 Présentation clinique Sévérité Signes** Absence de rougeur, peau intacte À risque de DAI Peau normale comparée au reste du corps (aucun signe de DAI) CATÉGORIE 1 Rouge* mais peau intacte (dermatite légère) Érythème ± œdème CATÉGORIE 2 Rouge* avec rupture de la peau (dermatite modérée – sévère) Signes de la catégorie 1 ± vésicules, bulles, érosions ± dénudation de la peau ± infection cutanée * Ou plus pâle, plus sombre, violet, rouge foncé ou jaune chez les patients dont les teintes de peau sont plus sombres ** Si le patient n’est pas incontinent, l’affection n’est pas une DAI Source : Principes relatifs aux bonnes pratiques - DAI, faire progresser la prévention. Actes du groupe d’experts internationaux 2016, Wounds International Aspects cliniques Catégories de sévérité 9 Aspects cliniques Signes associés • • • • Gène Douleur Sensation de brûlure Démangeaisons ou picotements – Risque de lésions de grattage, voire aspect lichénifié L’évaluation de la DAI s’appuie sur l’observation clinique et l’inspection visuelle Aucun outil diagnostic n’est disponible au chevet du malade pour faciliter l’évaluation et le diagnostic de la DAI 10 Complications • Surinfection mycosique +++ – Le plus souvent une candidose (Candida albicans ++) – Fréquente et rapide • Jusqu’à 32% des personnes atteintes de DAI Campbell JL et al. Int Wound J 2014 – Éruption érythémateuse à bords émiettés, s’étendant à partir d’une zone centrale • Papules, pustules • Facteur de risque d’escarre – Incontinence = facteur de risque d’escarres, mais DAI possible en l’absence de tout autre facteur de risque d’escarre et inversement • Diminution de la qualité de vie – Perte d’autonomie, perturbations des activités, du sommeil 11 Complications Des exemples Surinfection candidosique Escarre Diagnostics différentiels • Escarre +++ – Coexistence possible – Différenciation parfois difficile • Autres – Dermite de contact allergique (parfum, conservateurs, etc.) – Lésion infectieuse (herpès, érysipèle, etc.) – Psoriasis Un incontournable Si le patient n’est pas incontinent, l’affection n’est pas une DAI ! 13 Diagnostics différentiels Escarre Paramètres DAI Escarre Cause Incontinence Pression, cisaillements Signes associés Douleur, brûlure, démangeaisons, picotements Douleur Localisation Périnée, pli interfessier, fesses, haut des cuisses, bas du dos En regard d’une proéminence osseuse Aspects de la lésion - Étendue Diffuse, plusieurs zones fréquentes Limitée, localisation unique le plus souvent - Bordures Irrégulières ou atteinte diffuse Nettes - Couleur ± blanchiment à la pression Pas de blanchiment à la pression (stade I) - Profondeur Lésions superficielles Lésions profondes possibles - Nécrose Pas de nécrose Nécrose noire (stades 3 et 4= 14 Prévention et prise en soins • Incontinence urinaire et/ou fécale mise en œuvre systématique d’un protocole approprié de prévention de la DAI – Objectif = minimiser et prévenir l’exposition à l’urine et aux selles et de protéger la peau • Deux interventions principales 1/ Prise en charge de l’incontinence 2/ Mise en œuvre d’un protocole structuré de soins cutanés + Autres mesures 15 Prévention et prise en soins 1/ Prise en charge de l’incontinence 1/ Identifier et traiter les causes réversibles – Infection, diarrhée, constipation, fécalome • ± abus de laxatifs – Origine iatrogène (due à un médicament) • • • • • • • Diurétiques Anticholinergiques Psychotropes Myorelaxants Alphabloquants Antagonistes des canaux calcique Autres To i l e t t e s 16 Prévention et prise en soins 1/ Prise en charge de l’incontinence 2/ Interventions comportementales et environnementales – Accès aux toilettes facilité – Choix de vêtements faciles à enlever et remettre – Savoir-être • Encourager, valoriser, ne pas humilier – Sollicitations régulières • Repérage des signes physiques, comportementaux indiquant une envie d’uriner ou d’aller à la selle en cas de troubles de la communication verbale (agitation, agressivité, déambulation, etc.) – Accompagnement, aide si besoin • Répondre rapidement aux appels, notamment la nuit – Pas d’entrave à la mobilité par une contention To i l e t t e s 17 Prévention et prise en soins 1/ Prise en charge de l’incontinence 3/ Utilisation appropriée des changes – – – – Les réserver aux personnes peu mobiles Éviter les produits occlusifs Les changer dès que souillés Éviter d’utiliser toujours les mêmes modèles de changes (jour, nuit, ambulatoire, etc.) • Capacités d’absorption et maintien du pH améliorées To i l e t t e s 18 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 1/ Repérer – Le plus précocement possible 2/ Nettoyer – Pour éliminer l’urine et/ou les selles 3/ Protéger – Pour éviter ou minimiser l’exposition à l’urine et/ou aux selles et au frottement 4/ ± Réparer – Pour favoriser et préserver la fonction barrière de la peau 5/ Évaluer – Pour adapter le protocole si nécessaire 19 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 1/ REPÉRER la DAI* – Au moins une fois/jour chez toute personne incontinente, plus souvent selon nombre d’épisodes d’incontinence 1. Observer ‒ ‒ ‒ 2. Les zones susceptibles d’être touchées : périnée, zones périgénitales, fesses, pli interfessier, cuisses, partie inférieure du dos, partie inférieure de l’abdomen et plis cutanés Les signes à rechercher : macération, érythème, érosion, dénudation, vésicules, papules, pustules, signes d’une infection, etc. Demander éventuellement à la personne si elle ressent une douleur, une brûlure, des démangeaisons, des picotements Consigner les observations et les mesures appropriées dans le dossier * Source : Principes relatifs aux bonnes pratiques - DAI, faire progresser la prévention. Actes du groupe d’experts internationaux 2016, Wounds International 20 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 2/ NETTOYER Objectif Trouver un équilibre entre l’élimination des agents irritants dus à l’incontinence et la prévention ou la minimisation de l’irritation liée au nettoyage 21 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 2/ NETTOYER – Choisir un produit nettoyant adapté • Préférer un nettoyant doté d’un pH similaire à celui de la peau normale plutôt qu’un savon classique, et dont le libellé précise qu’il est indiqué ou adapté pour une utilisation dans la prise en charge de l’incontinence • Nettoyants « périnéaux » cutanés • Nettoyants sans rinçage – Évitent le frottement lié au séchage manuel – Gain de temps pour les professionnels • Lorsque des nettoyants cutanés ne sont pas disponibles, utiliser un savon doux et de l’eau • Si un savon doux n’est pas disponible et s’il n’y a que des urines, nettoyer uniquement avec de l’eau 22 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré Principes de nettoyage dans la prévention et la prise en charge de la DAI* – Nettoyer quotidiennement et après chaque épisode d’incontinence fécale – Utiliser une technique douce avec un frottement minimal, éviter le frottement énergique de la peau – Éviter les savons standard (alcalins) – Choisir un nettoyant cutané liquide doux et sans rinçage ou une lingette préhumidifiée (conçue et indiquée pour les soins de l’incontinence), ayant un pH similaire à la peau normale – Si possible, utiliser du linge non tissé, jetable (gant et/ou serviette) – Sécher doucement la peau si nécessaire après le nettoyage * Source : Principes relatifs aux bonnes pratiques - DAI, faire progresser la prévention. Actes du groupe d’experts internationaux 2016, Wounds International 23 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 3/ PROTÉGER – Protecteur cutané = barrière artificielle entre la couche cornée et l’humidité ou l’agent irritant • + rôle de réparation de la barrière cutanée naturelle en cas de DAI – Différentes présentations • Crèmes, onguents, pâtes, lotions ou films (terpolymère d’acrylate) – Efficacité • Selon la formulation totale et pas uniquement par le(s) ingrédient(s) protecteur(s) de peau • Selon l’utilisation qui en est faite et qui doit être conforme aux instructions du fabricant 24 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré Principes d’utilisation des protecteurs cutanés dans la prévention et la prise en charge de la DAI* – Appliquer le protecteur cutané à une fréquence cohérente avec sa capacité à protéger la peau et conformément aux instructions du fabricant – S’assurer que le protecteur cutané est compatible avec les autres produits de soins cutanés utilisés, par ex., les agents nettoyants cutanés – Appliquer le protecteur cutané sur toute la surface de la peau en contact ou susceptible d’être en contact avec l’urine et/ou les selles * Source : Principes relatifs aux bonnes pratiques - DAI, faire progresser la prévention. Actes du groupe d’experts internationaux 2016, Wounds International 25 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 4/ ± RÉPARER – Objectif = favoriser et préserver la fonction barrière de la peau – Les produits protecteurs cutanés topiques (agents hydratants) • Large éventail d’émollients et d’humectants • Avant application, vérifier les ingrédients de chaque produit – Absence de substance à laquelle le patient est sensible ou allergique – Utilisation indiquée en cas d’incontinence. • Ne pas utiliser d’humectant sur une peau surhydratée ou présentant une macération Un produit de soins cutanés ou un produit combiné doté des actions de protection/réparation de la peau est recommandé pour prévenir la DAI chez les patients présentant un risque Principes relatifs aux bonnes pratiques - DAI, faire progresser la prévention. Actes du groupe d’experts internationaux 2016, Wounds International 26 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré • NETTOYER, PROTEGER, REPARER par une association de produits – Certains produits associent les fonctions de nettoyage, protection, voire réparation – Permet de simplifier le soin, gagner du temps, voire d’améliorer l’adhésion au protocole 27 Prévention et prise en soins 2/ Protocole structuré 5/ ÉVALUER l’efficacité – Amélioration attendue de l’état de la peau et de la douleur dans les 1 à 2 jours suivant la mise en œuvre d’un protocole de soins cutanés approprié – Pas d’amélioration après 3 à 5 jours, réévaluer le protocole ± consultation spécialisée – Résolution attendue dans les 1 à 2 semaines 28 Prévention et prise en soins Autres mesures • Traitement de l’infection – L’infection la plus fréquente = candidose – Demander un avis médical • Affirmer et identifier l’infection • Prescrire ou non un prélèvement • Prescrire le traitement – Traitement habituel de la candidose = antifungique local (crème, poudre) + protecteur cutané • Traiter les pathologies associées • Prévenir la douleur lors des changes 29 Conclusion • La DAI est fréquente en cas d’incontinence • Elle ne doit pas être confondue avec une escarre • Le repérage et la prévention reposent sur la vigilance et la réactivité des IDE et des AS 30 QUIZZ - Exemple 1 • Qu’observez-vous ? • Que proposez-vous ? QUIZZ - Exemple 1 • DAI CATÉGORIE 1 – Peau rouge mais intacte (dermatite légère) • Utiliser une crème hydratante et protectrice, 1 fois par jour ou tous les 3 changements de couches QUIZZ - Exemple 2 • Qu’observez-vous ? • Que proposez-vous ? QUIZZ - Exemple 2 • DAI CATÉGORIE 2, peau rouge avec rupture de la peau • Utiliser un film protecteur de type terpolymère d’acrylate toutes les 72 heures QUIZZ - Exemple 3 • Qu’observez-vous ? • Que proposez-vous ? QUIZZ - Exemple 3 • Dermatite aiguë • Utiliser un film protecteur de type terpolymère d’acrylate toutes les 24 à 48 heures QUIZZ – Érythème fessier (1) • Une infirmière vous appelle car elle ne sait que faire pour cette patiente et vous demande conseil. Que proposer ? 37 QUIZZ – Érythème fessier (2) • Vous proposez de : – – – – – – Écouvillonner l’érythème pour rechercher une mycose, une infection Appliquer un antimycotique Sécher avec de l’éosine Appliquer un antibiotique cutané Appliquer un protecteur cutané Mettre un pansement 38 QUIZZ – Érythème fessier (3) • Que lui répondez-vous ? – – – – – – Écouvillonner l’érythème pour rechercher une mycose, une infection Appliquer un antimycotique Sécher avec de l’éosine Appliquer un antibiotique cutané Appliquer un protecteur cutané Mettre un pansement sur l’escarre associée ! 39 QUIZZ - Escarre sacrée (1) • Chute ayant entraîné une fracture du 1/3 inférieur du fémur • Immobilisation • Escarre sacrée depuis quelques semaines • Incontinence L’infirmière vous appelle car elle est ennuyée : décollement du pansement qui doit être changé 2 à 3 fois/jour car souillé par urines et selles liquides. Que lui proposez-vous ? 40 QUIZZ - Escarre sacrée (2) • Que proposez-vous à l’infirmière ? – – – – – – La pose d’une sonde urinaire La pose d’un tampon obturateur anal Un système de traitement par pression négative Augmenter la fréquence des changements de protection Réaliser des laxatifs par voie rectale Prescrire des ralentisseurs du transit 41 QUIZZ - Escarre sacrée (3) • Que proposez-vous à l’infirmière ? – – – – – – La pose d’une sonde urinaire La pose d’un tampon obturateur anal Un système de traitement par pression négative Augmenter la fréquence des changements de protection Réaliser des laxatifs par voie rectale Prescrire des ralentisseurs du transit 42