QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC? 589
Au retour de voyage
Etat fébrile et éruption cutanée
Christophe Kosinskia, Olivier Lamya, Cathy Voideb, Elena Garciaa
a Service de Médecine Interne, CHUV, Lausanne; b Service des Maladies Infectieuses, CHUV, Lausanne
Description du cas
Un patient de  ans, en bonne sanhabituelle, consulte
pour un état fébrile jusqu’à °C depuis heures, sans
frissons. Il voyage souvent à l’étranger, dont dernière-
ment deux semaines en Asie. En raison d’une sensibilité
à la percussion de la loge rénale droite et d’un stix
urinaire pathologique, une antibiothérapie empirique
par ciprooxacine orale est débutée. Deux jours plus
tard, le patient psente des diarrhées non sanglantes en
grande quantité motivant un scanner abdominal qui est
sans particulari. L’antibiotrapie est poursuivie.
Dans le même temps apparaissent une éruption macu-
laire diuse non prurigineuse et une aphtose buccale.
En raison de la persistance de l’état brile, le patient
consulte les urgences. Le patient est en état général di-
minué, déshydraté, normotendu, normocarde, afébrile;
l’examen clinique ne reve que l’atteinte muco-cutanée
mentionnée précédemment (g.).
Question 1: Lesquels de ces examens vous semblent
lesmoins pertinents?
a) Culture de selles avec recherche de Clostridium difficile
b) Biopsie des lésions cutanées et buccales
c) Bilan biologique de base
d) Complément d’anamnèse ciblée (sexuelle, voyages)
e) Colonoscopie
Les quinolones étant fréquemment incriminées, il est
justié d’exclure une colite à
Clostridium (C.) dicile
. Le
lai d’installation des symptômes est évocateur
puisque, typiquement, les diarrhées débutent  à 
jours après le but de l’antibiothérapie. La culture de
selles ainsi que la recherche de toxine sont gatives
pour
C. dicile.
La biopsie des lésions cutao-muqueuses peut avoir sa
place dans un deuxième temps, lorsque, suite au bilan
préliminaire, les hypotses les plus probables ont été
écares et que le rash reste d’origine indéterminée.
Le bilan biologique initial montre une thrombopénie
àG/l (norme–G/l) ainsi qu’une leuconie à
,G/l (norme–G/l), une cytolyse hépatique modé-
e sans cholestase.
A l’anamse sysmatique, on apprend que le patient a
également séjouren Pologne trois semaines aupara-
vant. Ses vaccins sont à jour. Il n’y a pas de nouvel ani-
mal, ni de notion de contage dans son entourage (no-
tamment enfants). A l’anamse sexuelle, le patient ne
relate pas de relations extraconjugales. Par ailleurs, il
n’y a pas de prise de drogues, ni de médicaments.
Bien que la colonoscopie puisse également nous ren-
seigner sur la nature des diarrhées (colite infectieuse,
colite microscopique…), elle est à eectuer dans un
deuxième temps, si les sympmes persistent après
avoir écarté les étiologies les plus probables.
Question 2: Lequel de ces examens n’est pas nécessaire?
a) rologie hépatites virales
b) Dépistage VIH
c) TPHA («Treponema pallidum hemagglutination assay»)
d) Hémocultures (à croissance lente)
e) Ponction biopsie de moelle
Au vu de l’atteinte patique, il est indiq d’exclure une
atteinte virale. Dans ce cas-là, le bilan revient négatif
pour une hépatite virale.
Un dépistage VIH revient positif. A l’annonce de ce
sultat, le patient relate une anamnèse sexuelle dié-
rente en mentionnant des relations extraconjugales
datant de trois semaines. Ceci pose la question de la
abili de cette partie licate de l’anamse et de la
cessité d’eectuer un test VIH en cas de suspicion.
Les symptômes d’une syphilis primaire comprennent
une atteinte locale (ulcération indue et indolore:
«chancre dur»), ainsi que des adénopathies locales.
Cependant, l’exanthème (roséole) puis une éruption
papulo-squameuse touchant entre autres le tronc font
partie du stade secondaire d’une infection à
Trepo-
nema pallidum
. Il est donc indiqué d’eectuer un dé-
pistage (par «Treponema pallidum hemagglutination
assa, TPHA). Ceci d’autant plus que les patients ne
gardent pas systématiquement le souvenir d’un
chancre dur.
Christophe Kosinski
Figure 1: Une éruption maculaire diffuse non prurigineuse
seprésente sur la poitrine du patient.
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Au vu de l’état brile persistant, il est recomman de
prélever des hémocultures en deux points de prélève-
ments diérents an d’exclure une bacriémie.
Une ponction biopsie de moelle est excessive à ce stade
de la prise en charge, au vu de la psence d’un diag-
nostic de présomption.
Question 3: Lorsque vous demandez un dépistage VIH en
cas de suspicion de primo-infection, que demandez-vous
exactement?
a) Test de dépistage rapide (anti-VIH-1/2 + Agp24)
b) PCR VIH (détermination de la virémie)
c) Dosage des lymphocytes CD4+
d) L’ accord du patient
e) Effectuer un seul test de dépistage
Il est primordial de doser l’antigène p(Agp), qui se
positive environ deux semaines après l’exposition, en
cas de primo-infection. Les anticorps sont par dénition
négatifs en cas de primo-infection. Le test rapide a une
mauvaise sensibilité pour la détermination de l’Agp.
Ainsi celui-ci doit être détermi au laboratoire sur un
prélèvement de sang veineux (tests en laboratoire de
type ELISA de e génération type Architect).
La PCR VIH étant un test de conrmation, elle n’est pas
indiquée lors de dépistage. Dans tous les cas, lorsque
lerésultat du dépistage est positif, la charge virale
(nombre de copies ARN virales plasmatiques par PCR)
doit être dosée.
Le dosage des lymphocytes CD+, reet du degré d’im-
munocience potentielle du patient, n’est pas à ef-
fectuer dans un premier temps. Il sera eect lors de
la consultation initiale et de suivi en infectiologie.
L’information et le consentement (oral) du patient sont
indispensables pour le test du VIH. Il nous incombe de
l’informer et de lui dire que ce test est «expressément
recomman» par la directive de l’Oce fédéral de la
santé publique (OFSP). Le patient est alors en droit de
refuser ce dépistage, ce qui doit être consigné dans le
dossier dical. En cas de dépistage, le médecin s’en-
gage à transmettre les résultats au patient.
En cas de test positif, an d’exclure toute confusion
possible, il est indispensable de conrmer ce test sur
un deuxième échantillon.
Question 4: Parmi les difrentes mesures entreprises lors
du diagnostic de primo-infection VIH, laquelle n’est PAS
indiquée?
a) Avertir le/la conjoint-e sans prévenir le patient
b) Proposer le dépistage du conjoint-e
c) Insister sur le port du préservatif pour les rapports sexuels
d) Initier une trithérapie empirique rapidement
e) Adresser le patient à une consultation spécialisée (infectio-
logie, VIH)
Au vu du risque de transmission du virus à la conjointe,
il nous incombe de recommander au patient d’informer
sa conjointe, mais en aucun cas de le faire nous-mêmes
sans l’accord du patient. En eet, un dépistage doit être
eectué chez le partenaire, ainsi que la mise en place
des mesures de protection (condom). Une infection à
VIH étant grevée d’une forte connotation négative et
discriminative dans la soc, il est judicieux de pro-
poser au patient une pparation de cette annonce. Un
soutien psychiatrique/psychologique peut également
être envisagé en cas de forte atteinte morale du patient
ou de son/sa conjoint-e.
Il est recommandé de débuter un traitement antiviral
aussi vite que possible, pour autant qu’il n’y ait pas de
contre-indications (par exemple refus du patient).
Le patient doit s lors être adres en urgence à une
consultation de maladies infectieuses où le bilan sera
eectué (dosage des CD, dépistage des autres infec-
tions sexuellement transmises, test de résistance no-
typique du virus…).
Discussion
Primo-infection à VIH
Seulement % des personnes infeces par le virus
VIH présentent un syndrome mononucléosique dans
les trois semaines suivant l’infection. Ce syndrome
allie une constellation de symptômes non spéciques
(tab.).
La plupart des symptômes sont ralement sponta-
ment résolutifs, mais la durée et la sévérité varient
d’un patient à l’autre. En cas d’atteinte des voies respi-
ratoires, ceux-ci concernent ralement la sphère
ORL, et les manifestations pulmonaires sont rares.
L’attei nte digestive associe nausées, diarres, inap-
tence, et perte de poids. Sur le plan neurologique, les
phalées sont les symptômes les plus fréquents. La
Tableau 1: Manifestations cliniques d’une infection aigue à VIH.
Fièvre (75%)
Asthénie (68%)
Myalgies (49%)
Rash cutané, ulcérations muco-cutaes (48%)
phalées (45%)
Pharyngite (40%)
Adénopathies cervicales (39%)
Arthralgies (30%)
Transpirations nocturnes (28%)
Diarrhées (27%)
Adapté de Daar ES, Pilcher CD, Hecht FM. Clinical presentation and
diagnosis of primary HIV-1 infection. Curr Opin HIV AIDS. 2008;3:10–5.
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QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC? 591
ningite aseptique est une complication redoutée,
car souvent dicile à diérencier d’une étiologie bac-
rienne en raison de l’état fébrile assoc à la primo-
infection VIH. Elle cessite une hospitalisation, une
ponction lombaire et une antibiothérapie intravei-
neuse jusqu’à réception des cultures du liquide pha-
lo-rachidien (LCR). L’atteinte cutanée est fréquemment
retrouvée. Elle apparaît ralement à jours après
le début des symptômes et peut durer une semaine.
Elle touche le corps entier de façon diuse sous forme
de lésions maculaires et infracentimétriques, bien
limitées, non prurigineuses. L’hémogramme est
souvent contributif avec la mise en évidence d’une
leuconie (généralement lymphonique, mais une
neutronie peut également être retroue) assoce à
une thrombopénie et parfois une anémie modérée;
une cytolyse hépatique modérée est souvent présente.
Cependant, aucun de ces sultats n’est spécique d’une
primo-infection VIH.
Les autres causes fréquentes de syndrome mono-
nucléosique doivent être recherces: virus d’Epstein-
Barr (EBV), cytomégalovirus (CMV) et la toxoplasmose
(Toxoplasma gondii)
. Bien que les ulcérations muco-
cutaes ne fassent pas partie du tableau clinique des
étiologies susmentiones, le rash cuta aurait pu
correspondre à une action secondaire à l’administra-
tion d’antibiotique lors d’une mononucléose à EBV.
Une recherche pour la syphilis (voir précédemment,
question), le gonocoque et les hépatites virales est
également recommane an d’exclure une autre in-
fection sexuellement transmissible.
Prise en charge
Contrairement à l’infection chronique à VIH, il n’y a
pas de recommandations clairement établies concer-
nant la prise en charge de la primo-infection. Une vi-
mie très élee est ralement core avec une
sévérité des symptômes plus importante ainsi qu’un
risque de transmission élevé. Cependant, toutes les
séroconversions doivent être traies, quelle que soit la
virémie. Les buts du traitement sont de duire la mor-
bidi assoce à une infection VIH en supprimant la
virémie et en restaurant l’immuni, et de prévenir la
transmission du virus. Il est recommandé de débuter le
traitement aussi vite que possible, ralement avant
d’avoir établi de façon nitive le prol de résistances
du virus. Une fois le traitement débuté, il est à pour-
suivre au long cours. Un suivi du compte des CD est
recomman tous les à mois durant les deux pre-
mières années de traitement antiviral, puis une fois
par an au minimum en cas de suppression de la charge
virale. Un suivi rapproc de la formule sanguine et
des transaminases est indiqué à l’instauration du trai-
tement puis tous les à  mois. Si l’on obtient une vi-
mie intectable durant une année chez un patient qui
a des relations sexuelles stables avec la même personne
et pas d’autre infection sexuellement transmissible, le
port du préservatif n’est plus obligatoire (pour autant
que le/la partenaire soit d’accord)
.
En cas d’intolérance
au traitement, il n’est pas recomman de le stopper,
mais plutôt de modier la combinaison thérapeutique.
En eet, une interruption est fortement assoce avec
une augmentation de la morbidité et de la mortali
secondaires au VIH.
L’adsion au traitement est conditionnée par de mul-
tiples facteurs, incluant la condition sociale et l’état de
santé du patient, le traitement prescrit (nombre de com-
primés par exemple), et la relation que le patient entre-
tient avec son médecin. Il est primordial que le patient
soit infor et comprenne ces informations, que ce
soit les buts du traitement (suppression de la charge
virale, reconstitution immunitaire, diminution de la
morbi-mortalité sultant d’une infection à VIH, dimi-
nution du risque de transmission du virus), les eets
secondaires potentiels du traitement et la nécesside
poursuivre le traitement à long terme. Ce dernier point
est crucial, surtout le jour où la virémie sera intec-
table et le patient asymptomatique.
Dans le cas de notre patient, très rapidement après le
but du traitement, nous observons une disparition
du rash cuta, un amendement de l’état brile et des
diarrhées, ainsi qu’une normalisation du compte pla-
quettaire.
Disclosure statement
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien nancier ou personnel en rapport
avec cet article.
Références recommandées
Günthard HF, Aberg JA, Eron JJ, et al. Antiretroviral treatment of
adult HIV infection:  recommandations of the International
Antiviral Society-USA Panel. JAMA.;:.
pistage du VIH eectué sur l’initiative des médecins, mai
(http://www.bag.admin.ch/hiv_aids).
http://aidsinfo.nih.gov/guidelines (Last updated April, ; last
reviewed April, ).
Swiss Statement: Vernazza P, Hirschel B, Bernasconi E, et al.
Lespersonnes séropositives ne sourant d’aucune autre MST et
suivant un traitement antirétroviral ecace ne transmettent
pasle VIH par voie sexuelle. Bull Med Suisses. ;:–.
EACS guidelines octobre, version ..
http://www.eacsociety.org/les/guidelines_.-english.pdf
Correspondance:
Dr Christophe Kosinski
decin assistant
Service de médecine interne
BH-
Av du Bugnon 
CH- Lausanne
Christophe.Kosinski[at]
chuv.ch
ponses:
Question 1: b, e. Question 2: e. Question 3: d. Question 4: a.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(28–29):589–591
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