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les plus polluées du pays, les sites contigus à des populations majoritairement blanches
apparaissaient plus rapidement que les autres dans les listes d’actions prioritaires, et les
amendes pour traitement illégal de déchets toxiques s’élevaient en moyenne à cinq fois le
montant imposé en cas de violation identique dans un site proche d’une population noire ou
hispanique.2 Parler des inégalités environnementales renvoie à l’idée d’une exposition
disproportionnée aux risques naturels, aux dégradations de la qualité de vie et d’une privation
de certains biens et services communs. Les principes de justice environnementale nous
invitent à nous demander si ces effets sont justes.
Depuis plus de vingt ans, le concept de justice environnementale a contribué à
redéfinir le débat sur l’environnement aux Etats- Unis. Loin de faire uniquement référence
aux écosystèmes, l’environnement englobe des questions aussi variées que l’état du logement
urbain, la qualité de l’eau potable et des produits alimentaires, les conditions de sécurité sur le
lieu de travail, etc. La justice environnementale postule que la distribution sélective des
dangers écologiques entre les différents groupes sociaux constitue une dimension largement
ignorée des inégalités sociales modernes. Cette approche a transformé la théorie et la pratique
des écologistes aux Etats-Unis. Sous la bannière de la justice environnementale des groupes,
sans vrai pouvoir politique mais mobilisés par les risques que provoquerait pour eux la
proximité d’industries polluantes, ont bâti des coalitions avec des militants des droits civiques
soucieux de justice raciale, des syndicalistes attentifs aux questions des droits des salariés et
de sécurité au travail, des féministes alarmées par les incidences de la dégradation de
l’environnement sur le nombre de cancers du sein. Sans même parler des grosses
organisations de défense de la nature qui, comme le Sierra Club et Greenpeace, recrutent
prioritairement dans les couches sociales plus privilégiées et se sont longtemps vu reprocher
leur peu d’intérêt pour les questions des minorités raciales et des pauvres.
Les diverses solutions législatives au problème de la localisation disproportionnée des
industries polluantes dans les communautés à faible revenu et ethniquement minoritaires
reflètent des conceptions différentes de ce que constitue une localisation « juste ». Cette étude
examine le contenu des objectifs poursuivis par les tenants de la justice environnementale. Il
explore comment les diverses conceptions « d’égalité » pourraient se traduire dans des
programmes concrets de choix « justes » de sites d’industries polluantes. Pour appréhender
2 « Unequal Protection: The Racial Divide in Environmental Law », Nat'l L.J., Sept. 21, 1992, p. S5.