Le cumul des inégalités sociales et écologiques à travers le cas de

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Pauline Abadie
Mémoire de DEA
Septembre 2005
LE CUMUL DES INEGALITES SOCIALES ET
ECOLOGIQUES A TRAVERS LE CAS DE LA JUSTICE
ENVIRONNEMENTALE AUX ETATS-UNIS
UNE ANALYSE JURIDIQUE DES INEGALITES FACE À LA
LOCALISATION DES INDUSTRIES POLLUANTES
Sous la direction du professeur M. Laurent Fonbaustier
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TABLE DES MATIERES
Introduction
Chapitre liminaire
- I. L’historique du mouvement de la justice environnementale
A. Les tensions entre anthropocentristes et écocentristes
B. Les tensions entre environnementalistes et militants pour les droits civiques
- II. Anatomie d’un cas d’injustice environnementale
A. Usines polluantes pour les communautés noires
B. Le lien entre la composition ethnoraciale et la proximité d’usines polluantes :
une réalité corroborée par des études
C. Les objections faites par les détracteurs de la justice environnementale
1°) L’œuf ou la poule ?
2°) Faiblesse méthodologique : quelle unité d’analyse ?
3°) La proximité est-elle synonyme d’exposition ?
-III. Les pays européens connaissent-ils des injustices environnementales ?
A. La Justice environnementale en Grande-Bretagne : un nouvel ordre du jour chez
les britanniques ?
B. Le mouvement a-t-il un avenir en France ?
Chapitre Premier : Fondements théoriques : Quelle idée de justice ?
- I. Qu’est ce que la justice environnementale ?
A. Définir l’environnement : l’utilité du concept de LULU
B. Définir la justice
1°) La justice environnementale comme justice distributive
2°) La justice environnementale comme justice politique
3°) La relation entre justice distributive et justice politique
4°) La justice environnementale comme justice sociale
- II. Comment l’atteindre ?
A. La justice distributive selon le modèle de distribution égale des LULUs : le cas
de la justice compensatoire
B. La justice distributive selon le modèle des préférences exprimées par les
communautés
C. Les mécanismes urbanistiques de sélection des sites permettent-il d’atteindre les
objectifs de justice distributive selon le modèle des préférences exprimées par les
communautés ?
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1°) Les règlements de zonage
2°) Les forces politiques affectant une décision de localisation
Chapitre Second : Les approches législatives et jurisprudentielles pour
remédier au processus de sélection discriminatoire d’un site accueillant une
industrie polluante
- I. Lutter contre les injustices environnementales sur le fondement des
lois sur les droits civiques
A. Le Titre VI § 602 de la loi sur les droits civiques : les plaintes
administratives devant l’Office of Civil Rights de l’Agence de Protection de
l’Environnement (EPA)
1°) La procédure de plainte administrative
2°) L’analyse de l’impact inégal et l’existence d’alternatives moins
discriminantes de même efficacité
B. Le Titre VI § 602 de la loi sur les droits civiques : les contentieux privé
devant les tribunaux judiciaires
- II. Lutter contre les injustices environnementales sur le fondement des
lois environnementales : la National Environmental Policy Act (NEPA)
A. La loi NEPA et la procédure d’étude d’impact
B. La loi NEPA et la participation du public
- III
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Zonage et droit des nuisances : entre prévention et réparations aux
injustices environnementales
A. Les actions d’ anticipatory private nuisances
1°) Nuisances per se et nuisances per accidens
2°) L’imminence de la survenance du trouble
3°) La gravité du trouble
B. Le droit des nuisances comme outil de contrôle de la planification urbaine ?
Conclusion
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Introduction
Depuis longtemps, les décideurs politiques américains et membres des collectivités
locales sont confrontés à l’épineux problème du Not In My Backyard (NIMBY) (Pas Dans Ma
Cour) lorsqu’ils décident de l’emplacement géographique des Locally Undesirable Land Uses
(LULUs) (Utilisation des Sols Localement Indésirables). De telles utilisations comprennent
entre autres les foyers pour sans domicile fixe, les centres de désintoxication, les prisons, les
décharges et autres usines polluantes. De manière nérale, les LULUs sont néfiques pour
l’ensemble de la société, et beaucoup s’accordent à dire qu’il faut bien leur trouver un
emplacement quelque part. Toutefois, ces mêmes citoyens protestent vigoureusement le choix
d’un site destiné à recevoir une LULU lorsqu’il est situé à proximité de leurs domiciles. Cette
opposition est pour le moins rationnelle. En effet, les bénéfices d’une LULU sont
généralement diffus à travers toute la société, alors que ses risques et ses coûts se concentrent
sur une petite communauté de quartier. Pour résumer, personne ne veut être le malchanceux
qui supportera ces coûts.
L’opposition locale pouvant être coûteuse, longue et parfois politiquement délicate, les
élus locaux qui prennent la décision de l’emplacement géographique de ces LULUs ont
souvent tendance à choisir des sites dans des quartiers les habitants sont peu susceptibles
de s’opposer efficacement. Ainsi, et sans surprise, nombre des quartiers sélectionnés sont
majoritairement habités par des gens pauvres et souvent des minorités ethniques. En 1983, Dr.
Robert Bullard, un des pionniers de la justice environnementale aux États-Unis, a constaté
qu’un nombre disproportionné de sites d’enfouissement sanitaire, d’incinérateurs et de
décharges étaient situés à proximité de collectivités noires. Il en a conclu que les entreprises,
les industries et les gouvernements profitaient tous de la vulnérabilité des pauvres et des
minorités visibles qui ne disposent d’aucun moyen de protestation efficace.1 Mais M. Bullard
fit le constat d’un autre type d’inégalité. En plus d’être systématiquement pressentis pour
accueillir les diverses industries polluantes du pays, les ménages à faible revenu, les minorités
noires, hispaniques et certaines tribus indiennes ont été inégalement traités face à la
dépollution. Dans le Superfund par exemple, le programme fédéral de traitement des zones
1 Robert D. Bullard, « Solid Waste Sites and the Black Houston Community », Sociological Inquiry 53 p. 273-
288 (1983).
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les plus polluées du pays, les sites contigus à des populations majoritairement blanches
apparaissaient plus rapidement que les autres dans les listes d’actions prioritaires, et les
amendes pour traitement illégal de déchets toxiques s’élevaient en moyenne à cinq fois le
montant imposé en cas de violation identique dans un site proche d’une population noire ou
hispanique.2 Parler des inégalités environnementales renvoie à l’idée d’une exposition
disproportionnée aux risques naturels, aux dégradations de la qualité de vie et d’une privation
de certains biens et services communs. Les principes de justice environnementale nous
invitent à nous demander si ces effets sont justes.
Depuis plus de vingt ans, le concept de justice environnementale a contribué à
redéfinir le débat sur l’environnement aux Etats- Unis. Loin de faire uniquement référence
aux écosystèmes, l’environnement englobe des questions aussi variées que l’état du logement
urbain, la qualité de l’eau potable et des produits alimentaires, les conditions de sécurité sur le
lieu de travail, etc. La justice environnementale postule que la distribution sélective des
dangers écologiques entre les différents groupes sociaux constitue une dimension largement
ignorée des inégalités sociales modernes. Cette approche a transformé la théorie et la pratique
des écologistes aux Etats-Unis. Sous la bannière de la justice environnementale des groupes,
sans vrai pouvoir politique mais mobilisés par les risques que provoquerait pour eux la
proximité d’industries polluantes, ont bâti des coalitions avec des militants des droits civiques
soucieux de justice raciale, des syndicalistes attentifs aux questions des droits des salariés et
de sécurité au travail, des féministes alarmées par les incidences de la gradation de
l’environnement sur le nombre de cancers du sein. Sans même parler des grosses
organisations de défense de la nature qui, comme le Sierra Club et Greenpeace, recrutent
prioritairement dans les couches sociales plus privilégiées et se sont longtemps vu reprocher
leur peu d’intérêt pour les questions des minorités raciales et des pauvres.
Les diverses solutions législatives au problème de la localisation disproportionnée des
industries polluantes dans les communautés à faible revenu et ethniquement minoritaires
reflètent des conceptions différentes de ce que constitue une localisation « juste ». Cette étude
examine le contenu des objectifs poursuivis par les tenants de la justice environnementale. Il
explore comment les diverses conceptions « d’égalité » pourraient se traduire dans des
programmes concrets de choix « justes » de sites d’industries polluantes. Pour appréhender
2 « Unequal Protection: The Racial Divide in Environmental Law », Nat'l L.J., Sept. 21, 1992, p. S5.
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