536 ÀLA RECHERCHE DES ORIGINES D’UNE DIDACTIQUE DU PLURILINGUISME
juin 1794). Il en suit que pendant de nombreux siècles, la réalité socio-
linguistique des Français était plutôt caractérisée par des variétés que par
la présence de la langue nationale, ce qui souligne une fois de plus l’im-
portance historique de l’intercompréhension.
Il suffit de voir la codification tardive de nos langues européennes
entre le XVeet le XVIIIesiècle pour comprendre pourquoi leur enseigne-
ment devait rester dans la tradition du latin. L’utilisation de cet adstrat
savant servant de métalangue rendait l’ouvrage accessible à un grand
nombre de personnes. L’Ars grammatica d’Aelius Donatus au milieu du
IVesiècle (cf. Schönberger 2008) passe pour être l’exemple par excellence
de l’influence des grammaires latines. Toutes les grammaires du temps, y
compris le Donatz Proensals de Hugues Faidit au XIIIesiècle, suivent le
schéma d’Aelius Donatus, c’est-à-dire traitent des partes orationis
(noms, pronoms, verbes, adverbes, participes, conjonctions, prépositions,
interjections –auxquels se joignent dans le cas des langues vulgaires les
règles de prononciation prises dans telle ou telle variété).
La filiation grammaticographique ne pouvant être traitée dans le cadre
de cette contribution, nous nous contenterons d’évoquer le lien étroit que
l’on peut constater entre les schémas de description largement similaires
(du moins dans leurs bases) des langues anciennes et des grammaires
vulgaires.
Pour le français, on ne peut totalement exclure une relation sous-
jacente entre, d’une part, les «universalistes», avec leur œuvre pion-
nière –la Grammaire générale et raisonnée (1660) d’Antoine Arnauld et
Claude Lancelot, plus connue sous le nom de Grammaire de Port-
Royal –,et les ouvrages de François-Séraphin Régnier-Desmarais (1705),
Claude Buffier (1709), Pierre Restaut (1730), Gabriel Girard (1747),
Nicolas Beauzée (1767), dont l’œuvre porte le titre significatif de
Grammaire générale ou Exposition raisonnée des éléments nécessaires
du langage, pour servir de fondements à l’étude de toutes les langues et,
d’autre part, les méthodes et grammaires (pratiques) destinées à l’ap-
prentissage des langues.L’essence pédagogique au sens le plus strict de
la Grammaire générale repose sur la supposition que la connaissance de
principes universels facilitera l’entendement de «toutes les langues».
Mais évidemment, dans la Préface de la Grammaire générale, Beauzée
(1767) voit l’insuffisance de l’approche «universelle » pour décrire et
expliquer les formes et le fonctionnement concret des langues «particu-
lières». En même temps, il souligne la nécessité de différencier entre
«grammaire générale» et «grammaire particulière» (Monreal-Wicker
1976, p. 34 et suiv.). Néanmoins, on voit que la pensée d’une économie