Orbite nilpotente minimale
Thierry Levasseur et Patrice Tauvel
1. Notations
1.1. Dans toute la suite, kest un corps commutatif alg´ebriquement clos de caract´eristique
nulle et gune k-alg`ebre de Lie simple de dimension finie et de rang l. Toutes les notions
topologiques utilis´ees sont relatives `a la topologie de Zariski sur g. On d´esigne par Gle
groupe adjoint de get par Ksa forme de Killing. Le cardinal d’un ensemble fini Esera
not´e #E.
1.2. On fixe une sous-alg`ebre de Cartan hde g. Soient Rle syst`eme de racines du couple
(g,h), B une base de R,R+(resp. R) l’ensemble des racines positives (resp. n´egatives)
relativement `a B. Pour αR,gαest l’espace radiciel associ´e `a α. On pose :
n=X
αR+
gα,b=hn.
Si λ, µ h, on note (λ|µ) = K(Hλ, Hµ) o`u, pour νh, Hνest l’unique ´el´ement de h
v´erifiant K(Hν, H) = ν(H) pour tout Hh.
1.3. On note θla plus grande racine de Rd´efinie par B, H l’´el´ement de [gθ,gθ] v´erifiant
θ(H) = 2, et E, F des ´el´ements de gθet gθtels que [E, F ] = H.
1.4. Dans la suite, l’expression “sous-alg`ebre parabolique” signifiera “sous-alg`ebre pa-
rabolique de gdistincte de g”.
Soient Σ une partie non vide de Bet T(Σ) l’ensemble des racines combinaisons lin´eaires
`a coefficients n´egatifs ou nuls des ´el´ements de B\Σ. On pose :
p(Σ) = b+X
αT(Σ)
gα.
Alors p(Σ) est une sous-alg`ebre parabolique contenant bet toute sous-alg`ebre parabolique
contenant bs’obtient de cette mani`ere ([1], p.89). On notera l(g) la codimension minimale
des sous-alg`ebres paraboliques.
1.5. Pour Xg, on note gXle centralisateur de Xdans get OXla G-orbite de X.
On a dim OX= codim gX. Soit N(resp. D) l’ensemble des ´el´ements nilpotents (resp.
semi-simples) non nuls de g. On pose :
n(g) = min{dim OX;Xg\{0}},S={Xg; dim OX=n(g)},
n1(g) = min{dim OX;X N }, n2(g) = min{dim OX;X∈ D}.
Le but de ce travail est de retrouver, avec des m´ethodes ´el´ementaires n’utilisant pas les
tables des syst`emes de racines, les r´esultats de [4] concernant S. Indiquons aussi pourquoi
certaines preuves de [4] `a ce sujet sont inexactes. Nous utilisons, dans cet alin´ea, les
notations des tables de [1], p. 250-275.
2Orbite nilpotente minimale
Soit Γ = {αR; (α|θ)>0}. D´efinissons k(g) par 2k(g) = 1 + #Γ. Dans [4], lemme 3.1,
(qui est essentiel pour la preuve du r´esultat principal du paragraphe 3), il est affirm´e :
Si gn’est pas de type Al, et si pest une sous-alg`ebre parabolique v´erifiant 1+ codim p
2k(g), alors pest maximale. En outre, si la racine simple qui d´efinit pa un coefficient
strictement sup´erieur `a 1 dans θ, alors 1 + codim p= 2k(g).
Ces deux affirmations sont inexactes :
a) Dans une alg`ebre de type D4, on obtient k(g) = 5. Les sous-alg`ebres paraboliques
p(α1, α3),p(α1, α4) et p(α3, α4) ne sont pas maximales, et ont pour codimension 9. Elles
v´erifient l’in´egalit´e 1 + codim p2k(g).
b) Dans une alg`ebre de type B3(resp. B4), on a k(g) = 4 (resp. k(g) = 6). La sous-
alg`ebre parabolique maximale p(α3) (resp. p(α4)) est de codimension 6 (resp. 10). Elle
v´erifie l’in´egalit´e stricte 1 + codim p<2k(g). Pourtant, α3(resp. α4) a un coefficient ´egal
`a 2 dans θ.
2. Les r´esultats
2.1. Soit Xg\{0}. On d´efinit une forme bilin´eaire altern´ee sur gpar
KX(Y, Z) = K(X, [Y, Z]) (Y, Z g)
Le noyau de KXest gX, et la dimension dXd’un sous-espace totalement isotrope maximal
pour KXest donn´ee par 2dX= dim g+ dim gX. Un sous-espace totalement isotrope pour
KXest dit subordonn´e `a X. Une polarisation en Xest une sous-alg`ebre de gqui est un
sous-espace totalement isotrope maximal pour KX. On dit que X(ou OX) est polarisable
s’il existe une polarisation pen X. S’il en est ainsi, pest une sous-alg`ebre parabolique ([3],
lemme 1.1) et dim OX= 2 codim p.
2.2. Lemme. (i) Tout ´el´ement de Sest ou nilpotent ou semi-simple.
(ii) On a n(g) = n1(g)2l(g) = n2(g).
Preuve. (i) Soient Xun ´el´ement non nilpotent et non semi-simple de g, et X=S+N
sa d´ecomposition de Jordan avec Ssemi-simple. On a gX=gSgN. Pour montrer que
X /∈ S, il suffit donc de prouver que gS6=gN.
D’apr`es le th´eor`eme de Jacobson-Morosov, il existe Tgtel que [T, N] = 2N. Ecrivons
T=PλkTλ, avec [S, Tλ] = λTλpour tout λk. Il vient imm´ediatement [T0, N]=2N.
Ainsi, T0gSet T0/gN.
(ii) Soient pune sous-alg`ebre parabolique et Xun ´el´ement non nul du radical nilpotent
de p. On a K(X, p) = 0, donc pest subordonn´ee `a X. Il en r´esulte que dim pdX, puis
dim OX2 codim p. Par suite, n1(g)2l(g).
Soient Sun ´el´ement semi-simple non nul de g,h1une sous-alg`ebre de Cartan de g
contenant S, et R1le syst`eme de racines associ´e. Alors R0
1={αR1;α(S)=0}est un
syst`eme de racines dans le sous-espace vectoriel de h
1qu’il engendre et, pour toute base
B0
1de R0
1, il existe une base B1de R1contenant B0
1([1], p.165). A G-conjugaison pr`es, on
peut supposer h1=h, R1=R, B1=B. Si p=p(B\B0
1), il vient :
[p,p]X
αR0
1
kHα+X
αR
gα.
On en d´eduit imm´ediatement que pest une polarisation en S. Alors dS= 2 codim pet
n2(g)2l(g).
Soit Σ une partie non vide de B. Il existe un unique ´el´ement Sde htel que α(S) = 0
si αB\Σ et α(S) = 1 si αΣ. On voit alors comme pr´ec´edemment que p(Σ) est une
polarisation en S, et on en d´eduit n2(g)2l(g).
T. Levasseur et P. Tauvel 3
Compte-tenu de ce qui pr´ec`ede et de (i), on obtient alors n(g) = n1(g).
2.3. Soient Nun ´el´ement nilpotent non nul et (N, S, M) un sl(2)-triplet de g, avec S
semi-simple. A G-conjugaison pr`es, on peut supposer que Nn,Sh, et α(S)∈ {0,1,2}
pour tout αB([2], p.164). On a donc θ(S)α(S) pour tout αR. On pose :
gS(i) = {Xg; [S, X] = iX}(iZ)
pS=X
i0
gS(i),g2
S=X
i2
gS(i).
On a gθg2
S, et pSest une polarisation en S, donc une sous-alg`ebre parabolique. D’autre
part, compte-tenu des r´esultats bien connus concernant les repr´esentations de sl(2), on a
dim gN= dim gS(0) + dim gS(1), et l’application pSg2
S, X [X, N] est surjective.
2.4. Proposition. On conserve les notations de 1.3 et 2.3. Alors OEest l’unique G-
orbite nilpotente de dimension n(g)et, pour tout ´el´ement nilpotent non nul Nde g, on a
OEON.
Preuve. Soit PSle plus petit sous-groupe alg´ebrique de Gd’alg`ebre de Lie pS. Pour
gPS, on a g(N)gS
2, d’o`u une application PSg2
S, g g(N) dont la diff´erentielle
est l’application surjective pSg2
S, X [X, N]. Il vient donc g2
SP(N)⊂ ON.
Comme Eg2
S, on a obtenu OE⊂ ON. Comme toute G-orbite est irr´eductible et
ouverte dans son adh´erence, et que n(g) = n1(g) d’apr`es 2.2, on a obtenu le r´esultat.
2.5. Envisageons le cas o`u (N, S, M)=(E, H, F ). Comme θ(H) = 2, on obtient α(H)
{0,1,2}pour tout αR+. D’o`u gH(i) = {0}si i3.
Soient αR+\{θ}erifiant α(H)>0, et β=θα. On a (θ|α)>0, donc βR
([1], p.148). Comme 2(θ|α) = (θ|θ) ([1], p.165), on obtient β(H)>0. Par cons´equent,
α(H) = β(H) = 1. On en d´eduit gH(2) = kE, et p=gH(0) + gH(1) + kE.
D’autre part, comme dim gE= dim gH(0) + dim gH(1) et [H, E] = 2E, il vient pH=
gEkH.
2.6. Posons
π={αB; (α|θ)>0}, δ =X
αB
α.
On a pH=p(π) et δR([1], p.160).
Lemme. On suppose l2. Alors :
(i) Pour αB, on a α(H)∈ {0,1}.
(ii) On a 0<#π2et #π= 2 si et seulement si δ=θ.
Preuve. (i) Comme gH(2) = kE, si αBerifie α(H) = 2, on obtient α=θ, donc
l= 1. Contradiction.
(ii) De gH(2) 6={0}, on d´eduit π6=. Si #π3, on obtient δ(H)3, ce qui est
absurde.
Supposons π={α, β}, avec α6=β. D’apr`es (i), on a α(H) = β(H) = 1, donc δ(H) = 2,
et δ=θ. La r´eciproque est claire d’apr`es (i).
2.7. Lemme. (i) Si Eest polarisable, alors pHqpour toute polarisation qen E.
(ii) Si #π= 1 et l2, E n’est pas polarisable et n(g)<2l(g).
4Orbite nilpotente minimale
Preuve. (i) Soit qune polarisation en E. On a K(E, H) = 0 et K([E, q],q) = K(E, [q,q]) =
0. On en d´eduit que l’´el´ement nilpotent Eappartient au radical nilpotent de q, donc
K(E, q) = 0. Il en r´esulte que q+kHest subordonn´e `a E, d’o`u Hq. On sait que
gEq, donc pHqd’apr`es 2.5.
(ii) Comme pH=p(π), si #π= 1,pHest une sous-alg`ebre parabolique maximale de
g. Si Eest polarisable, pHest donc l’unique polarisation en Ed’apr`es (i). Comme pHest
aussi une polarisation en H, on obtient dim gH= dim gE= dim gH(0) + dim gH(1). Ainsi,
gH(1) = {0}. C’est absurde car, #πdim gH(1) d’apr`es 2.6.
Si n(g) = 2l(g), toute sous-alg`ebre parabolique contenant bet de codimension l(g) est
une polarisation en E. Contradiction.
2.8. Il est bien connu (et ceci, sans utiliser les tables des syst`emes de racines) que δ=θ
si et seulement si Rest de type Al. On a donc obtenu le r´esultat suivant :
Proposition. Si gn’est pas de type Al, il existe dans gune unique orbite non nulle O
de dimension minimale. Cette orbite est nilpotente et, pour tout ´el´ement nilpotent non nul
Nde g, on a O ⊂ ON.
2.9. Conservons les notations de 2.5, et supposons #π= 2, soit Rde type Al, avec l2.
Comme θest la seule racine positive αtelle que α(H) = 2, on voit que les ´el´ements de π
sont n´ecessairement les sommets terminaux d’un graphe de Dynkin associ´e `a B. Notons
ces sommets α1, αl. On a pH=p(α1, αl). Les seules sous-alg`ebres paraboliques contenant
strictement pHsont p(α1) et p(αl). Elles sont subordonn´ees `a Eet ont pour codimension
l. D’apr`es 2.7,(i), ce sont donc les seules polarisations en E.
Bibliographie
[1] N. BOURBAKI, Groupes et alg`ebres de Lie, Chap. IV-VI, Masson 1981.
[2] N. BOURBAKI, Groupes et alg`ebres de Lie, Chap. VII-VIII, CCLS Diffusion, 1975.
[3] J. DIXMIER, Polarisations dans les alg`ebres de Lie II, Bull. Soc. math. France, 104,
(1976), 145-164.
[4] A. JOSEPH, The minimal orbit in a simple Lie algebra and its associated maximal
ideal, Ann. scient. Ec. Norm. Sup., 9 (1976), 1-30.
Universit´e de Poitiers
D´epartement de math´ematiques
40, Avenue du Recteur Pineau
86022 Poitiers Cedex, France
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