John Libbey Eurotext
Faut-il délocaliser les dosages d'hémoglobine glyquée ?
Annales de Biologie Clinique. Volume 59, Numéro 1, 8-9, Janvier - Février 2001, Editoriaux
Résumé
Auteur(s) : P. Gillery, Laboratoire central de biochimie, Hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, 51092
Reims cedex.
Résumé : L'hémoglobine glyquée constitue un reflet rétrospectif de l'équilibre glycémique des quatre
à huit semaines précédant le prélèvement. Son dosage, sous la forme de son constituant majeur,
l'HbA1c, est utilisé en routine pour la surveillance des patients diabétiques, et prend une importance
croissante par rapport aux moyens conventionnels d'évaluation : les variations de l'HbA1c
conditionnent les stratégies thérapeutiques chez un patient donné. Évaluée par différentes méthodes
reposant sur des principes variés, l'HbA1c a fait l'objet de travaux de standardisation en France sous
l'impulsion de la Société française de biologie clinique (SFBC), en relation avec les sociétés
internationales [1, 2]. Cependant, une pression insistante des cliniciens pour son évaluation dans les
unités de consultation se développe. Les enjeux de la biologie délocalisée ont été analysés avec
pertinence dans de récents numéros des Annales de biologie clinique [3, 4]. La situation propre à
l'HbA1c peut être considérée dans ce cadre, en répertoriant d'abord les motivations de la demande
avant d'envisager les moyens d'y répondre.
ARTICLE
L'hémoglobine glyquée constitue un reflet rétrospectif de l'équilibre glycémique des quatre à huit
semaines précédant le prélèvement. Son dosage, sous la forme de son constituant majeur, l'HbA1c,
est utilisé en routine pour la surveillance des patients diabétiques, et prend une importance
croissante par rapport aux moyens conventionnels d'évaluation : les variations de l'HbA1c
conditionnent les stratégies thérapeutiques chez un patient donné. Évaluée par différentes méthodes
reposant sur des principes variés, l'HbA1c a fait l'objet de travaux de standardisation en France sous
l'impulsion de la Société française de biologie clinique (SFBC), en relation avec les sociétés
internationales [1, 2]. Cependant, une pression insistante des cliniciens pour son évaluation dans les
unités de consultation se développe. Les enjeux de la biologie délocalisée ont été analysés avec
pertinence dans de récents numéros des Annales de biologie clinique [3, 4]. La situation propre à
l'HbA1c peut être considérée dans ce cadre, en répertoriant d'abord les motivations de la demande
avant d'envisager les moyens d'y répondre.
Contrairement à la plupart des analyses de biologie délocalisée, le dosage de l'HbA1c ne correspond
jamais à une situation d'urgence : il n'y a pas de mise en jeu du pronostic vital. La demande exprimée
par les cliniciens porte en réalité sur deux points. Le premier est l'obtention d'un résultat d'HbA1c au
cours de la consultation de diabétologie, pour valider les résultats du contrôle glycémique instantané
et adapter le traitement de façon extemporanée. L'évaluation de ce paramètre biologique joue en
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effet un rôle majeur dans l'éducation du patient et son incitation à l'observance du traitement. Le
second point est la réalisation d'un prélèvement capillaire pour préserver le capital veineux des
patients. Le véritable besoin est donc celui d'un résultat instantané obtenu après prélèvement non
traumatisant, dans le cadre de la consultation spécialisée de diabétologie. Dans toutes les autres
situations (hospitalisation, suivi en pratique courante, urgence), le dosage délocalisé de l'HbA1c ne se
justifie pas.
La réponse à la demande des cliniciens doit faire la part entre les deux éléments. Le simple motif de
prélèvement non traumatisant ne justifie en aucun cas une délocalisation : le prélèvement capillaire
est compatible avec de nombreuses techniques classiquement utilisées au laboratoire. La solution la
mieux adaptée doit être étudiée au cas par cas dans chaque centre. En revanche, le motif de rapidité
d'obtention des résultats doit être sérieusement considéré car il correspond à un besoin clinique réel.
La délocalisation peut être envisagée si aucune autre solution satisfaisante ne peut être mise en
place. La première possibilité est le dosage de l'HbA1c au laboratoire pendant la consultation ; les
techniques les plus spécialisées comme la CHLP (chromatographie liquide haute performance)
peuvent alors être utilisées. Ce choix nécessite la mise en œuvre de moyens adaptés (prélèvement
capillaire, transport immédiat, méthode de dosage rapide), et la solution doit être acceptable en
termes de locaux, de personnel et de coût. La seconde possibilité est de réaliser le dosage quelques
jours avant la consultation. Il faut alors que le résultat soit comparable d'un laboratoire à l'autre, ce
qui implique l'utilisation d'une technique standardisée, et que la contrainte de déplacement soit
acceptable pour le patient.
Si une solution de délocalisation est décidée, elle doit répondre aux recommandations générales
édictées par la SFBC [4], aux règles de qualité du Guide de bonne exécution des analyses de
biologie médicale (GBEA), et la technique mise en place doit être standardisée selon les
recommandations de la SFBC [1]. Ces critères rendent obligatoire l'implication du biologiste dans le
choix des méthodes, le contrôle et la validation des résultats, et ne peuvent être respectés sans
l'instauration d'un véritable dialogue clinicien-biologiste prenant en compte les compétences
respectives des protagonistes. En particulier, l'étude analytique des méthodes doit être très
soigneuse. Par exemple, les appareils délocalisés utilisent le plus souvent des méthodes
immunologiques et ne permettent pas la détection des hémoglobines anormales. Ce point doit être
pris en compte en fonction du recrutement du service. Par ailleurs, l'évaluation du coût est
indispensable. Comme dans les autres cas de biologie délocalisée, il existe un surcoût notable (un
dosage par méthode immunologique vaut environ deux fois plus cher qu'un dosage par CLHP). Celui-
ci doit faire l'objet d'une étude approfondie, et les conséquences budgétaires doivent être clairement
identifiées. Cela implique un respect des indications des dosages délocalisés et un contrôle régulier,
bilatéral, de l'évolution des dépenses.
Au total, la délocalisation des dosages d'HbA1c ne concerne en réalité qu'une situation bien précise
(la consultation spécialisée de diabétologie) et ne remet pas en cause son évaluation dans les
laboratoires. Dans la plupart des autres situations (hospitalisation, suivi par le médecin traitant), le
problème ne se pose pas. Des alternatives acceptables à la délocalisation sont possibles et, le plus
souvent, souhaitables. Elles nécessitent toujours une qualité optimale des techniques. Si, dans
certains cas, le principe de délocalisation est admis, la solution doit respecter les compétences
respectives des cliniciens, des biologistes et les exigences de moindre coût.
Références
1. Gillery P, Bordas-Fonfrède M, Chapelle JP, Hue G, Périer C. Hémoglobine glyquée : le temps de
la standardisation est venu. Ann Biol Clin 1998 ; 56 : 249-51.
2. Gillery P, Bordas-Fonfrède M, Chapelle JP, et al. HbA1c : concertation clinico-biologique pour la
standardisation des méthodes de dosage. Diab Metab 1999 ; 25 : 283-7.
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3. Groupe de travail « Biologie délocalisée » de la SFBC et du Collège national de biochimie des
hôpitaux. Recommandations concernant la biologie délocalisée. Ann Biol Clin 1998 ; 56 : 114-5.
4. Sachs C. Les véritables enjeux de la biologie délocalisée : méthodologie d'avenir, mode passagère
ou tout simplement escroquerie ? Ann Biol Clin 2000 ; 58 : 261-6.
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