« Peut-on penser par soi-même sans se soucier de ce que
pensent les autres ? »
J’ai une activité intellectuelle donc je pense, de là je constate mon existence, « je pense,
je suis ». Mais, je constate aussi que j'ai constaté mon existence : je constate donc qu'il
existe en moi une capacité de réflexion sur moi-même dés lors, je pense par moi-même.
Suis-je pour autant solitaire dans ma pensée ? Non ! Je suis un être social et de ce fait je
vis avec autrui, avec lequel je me confronte afin qu’il me reconnaisse. Cet
« impitoyable » combat que décrit Hegel, peut aboutir à l’asservissement intellectuel du
plus faible par Autrui qui détermine alors sa pensée.
Peut-on toujours considérer l'homme, substance pensante par elle-même, comme un être
libre et indépendant dans la pensée alors même que celle-ci semble de plus en plus
déterminée par autrui ?
Nous verrons que, dans un premier temps, l’homme est un être capable de penser par lui-
même, mais que, cette faculté est liée à la présence d’autrui, qui va chercher à imposer sa
pensée au détriment de celle des autres.
"Un être qui pense par lui-même" tel est pour de nombreux philosophes ce qui
distingue l'homme des autres êtres vivants et qui apparaît comme la définition même du
sujet.
Car l'homme est une substance pensante, doté d'intelligence pour réfléchir et de raison
pour penser.
En plus d'être un homme pensant, il possède une conscience et se considère à ce titre
"soi-même comme soi même : une chose pensante" comme l'affirme Locke.
C'est donc cette faculté qu'à l'homme à penser, autrement dit, à appliquer son esprit à
concevoir, à juger quelque chose, mais surtout à en être conscient, qui lui permet de
s'affirmer en tant qu'être humain libre et responsable.
Pour de nombreux philosophes, l’homme est le seul être conscient et donc le seul à
pouvoir penser par lui-même et de ce fait est unique et irremplaçable.
Kant affirme même que c’est là, la marque de dignité de l’homme qui se distingue ainsi
des animaux qui ne sont pas dotés de la pensée et qui ne constituent que des "machines"
dont les actions, les réactions, ainsi que les pensées ne sont pas régies par une quelconque
conscience mais obéissent à un processus biologique bien précis.
cette conception "classique" de l'homme, de Descartes à Kant, comme substance pensante
et consciente à contribuée au "mythe" de l'homme libre, indépendant pensant par lui-
même et pour lui-même et dont la pensée ne serait en aucun cas déterminée par une
quelconque "force". L’homme serait donc naturellement capable de penser par lui-même.
Pourtant l'existence de la conscience comme conscience de soi, qui permet à l’homme de
penser par lui-même n’est pas pleinement exprimée sans relation à autrui. Car ce n'est
qu'en voyant autrui, qui est différent, que je prends conscience de moi-même comme être
pensant, différent des autres. De plus je n'existe que si autrui me reconnaît lui aussi
comme conscience, d'ou le désir humain de reconnaissance de soi par autrui afin
d'exprimer pleinement sa conscience.
Sans autrui je ne suis donc rien, je n'existe pas, L'homme n'est donc absolument pas
indépendant d'autrui mais Autrui apparaît même comme nécessaire à la constitution de la
conscience de soi qui permet à l'homme d'être une substance pensante par soi-même.
En effet, La conscience qui permet, nous l'avons vu à l'homme, être pensant, de
penser par lui-même, n’est pas entièrement séparée d’autrui, c'est à dire "l'autre, le moi
qui n'est pas moi" comme le définit J. P. Sartre, elle est même au contraire ouverte sur les
autres et sur le monde qui l'entoure.
Cette nécessité d'Autrui dans la constitution d'une personne humaine tient du fait que je
suis tel que j'apparais au regard d'autrui, Sartre affirme même "qu'Autrui est le médiateur
entre moi et moi-même".
Ainsi, par exemple, Je ne peux avoir d’ambition seul, car l’ambition implique la
reconnaissance d'Autrui, le désir que les autres adhèrent à ma pensée, peut-on alors
penser dans ce cas, sans se soucier de ce que pensent les autres ?
En outre, lorsqu'un individu réalise un geste vulgaire ou maladroit, il ne ressent pas par lui
même le sentiment de honte, ce n'est que par la présence d'Autrui que le sentiment de
honte sera généré, la honte vient du fait qu'il y a une reconnaissance de sa conscience par
autrui, qui me fait être a mes propres yeux ce que je suis pour lui et qui rend alors difficile
l'expression de la conscience sans référence à Autrui.
Pareillement, l'influence d'autrui est présente dans toutes les marques de l'humanité, tel
que la sympathie qui n'est que la participation involontaire aux émotions d'autrui ou même
le dialogue, reconnaissance et intégration de la pensée d'autrui. Je ne suis donc une
conscience de soi que si je me forge et me forme à travers la négation d'autrui, une notion
d'"intersubjectivité" entre les individus mis en évidence par Hegel dans la dialectique du
maître et de l'esclave. Le cogito de Descartes, "je pense, je suis" provient, selon Hegel à la
fois de soi-même et d'Autrui : Autrui est indispensable à notre existence. la conscience est
donc indéniablement liée à Autrui et est en quelque sorte soudé aux autres et à leur
présence.
Si, l'homme est un être pensant et conscient, donc pensant par lui-même, mais que cette
conscience est nécessairement liée à la présence d'autrui qui renforce son existence, nous
verrons enfin que la relation d'intersubjectivité entre consciences apparaît être une
relation conflictuelle qui implique une domination intellectuelle par la pensée d’individus
au dépend d’autres individus.
En effet, dans un premier temps du moins, la volonté de reconnaissance d'autrui
rendue nécessaire pour la constitution d'une conscience, est une confrontation entre deux
êtres qui ne considèrent pas que la reconnaissance à autrui se face autrement que par
l'asservissement ou l'inégalité. Chaque individu veut alors asservir l'autre afin qu'il le
reconnaisse et même afin de montrer sa supériorité en détruisant l'autonomie et la liberté
"de penser" de l'autre. Hegel montre que ce "combat" entre "consciences" aboutit à la
relation maître esclave, et à une société ou les dominants imposent leur pensées qui sont
reconnues par les dominées, qui prennent conscience de leur infériorité. une vision de la
société quelque peu reprise par Marx qui considère que le sujet est déterminé par ses
conditions matérielles et historique, sa conscience étant investie et donc aliénée par les
représentations sociales dominantes. Les idées des hommes ne sont que les reflets des
existences matérialistes et de notre place dans la société. On peut aisément associer
cette domination à l’émergence d’un certain phénomène appelé le conformisme qui est un
processus très largement étudié en psychologie sociale et qui désigne le changement
d'opinion, de comportement ou même de perception, que l'on observe chez l'individu
dans certaines situations, sous l’influence de certaines pressions sociales existantes. Ce
conformisme peut être cultivés et recherchés par des groupes de pression dont les intérêts
sont économiques, politiques ou religieux, avec en arrière-plan l'idée commune d'asseoir
et consolider un pouvoir ou une hégémonie. Par exemple on dit d’une attitude comme
« suivre la mode » qu’elle est conformiste, en l’occurrence, les goûts vestimentaires ne
sont plus propres à la conscience de l’individu mais appartiennent bien à celui d’une
classe dominante qui veut imposer ses produits.
L’homme est donc naturellement un être pensant par lui-même, puisqu’il est pensant et
conscient de sa pensée, c’est sa marque de différenciation, de grandeur, de dignité par
rapport aux autres êtres. Cependant, nous avons vu que sa conscience, élément
indispensable à la liberté de pensée, n’est en fait pleinement exprimée que par la
confrontation à Autrui. Il apparaît à ce titre très difficile de considérer l’homme, pensant
par lui-même, totalement indépendant d’autrui, d’autant plus qu’autrui a pour but
d’imposer sa pensée en dominant intellectuellement l’autre, on peut alors dire que cette
indépendance d’esprit a même tendance à disparaître. Un phénomène de domination qui
peut aboutir au conformisme, à l’émergence de dogmes, idéologies, modes qui
anéantissent peu à peu la liberté de pensée de l’homme. Une pensée unique aisément
repérable en ces temps de campagne présidentielle où l’homme apparaît avoir de plus en
plus de mal à penser avec discernement et indépendance.
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