Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, © Masson, Paris, 1987 nO MÉMOIRE 6, pp. 267-279 Cryothérapie : cinétique des températures cutanées et musculaires lors de différentes applications de froid M. NIRASCOU Directrice de l'École Cantonale Vaudoise de Physiothérapeutes, 2, avenue de la Sallaz, 1005 Lausanne, Suisse. Après avoir rappelé quelques notions physiologiques l'auteur cite les principales indications et contre-indications de la cryothérapie. Plusieurs modalités d'application sont décrites. Leur efficacité est discutée d'après les variations des températures cutanées et musculaires enregistrées lors de leur application. diverses modalités d'application d'après les variations de températures cutanées et musculaires qu'elles provoquent et d'en préciser les principales indications. Rappel physiologique ÉQUILIBRE THERMIQUE La cryothérapie est une méthode thérapeutique ancienne (Hippocrate) employée aujourd'hui comme moyen adjuvant à de nombreux traitements médicaux, chirurgicaux ou de physiothérapie (11,31). En physiothérapie, les modalités d'application et les indications sont nombreuses (15,24,34). Les protocoles de traitement actuellement établis sont souvent basés sur des critères empiriques (2,4). La littérature rapporte de nombreuses études sur les modalités d'application (5,29) et l'abaissement des températures cutanées et musculaires pendant une application de froid (3,19). Les travaux sur les cinétiques de réchauffement des températures cutanées et musculaires sont plus rares (20). Le but de ce travail est, après avoir rappelé quelques notions de thermorégulation, de citer les effets physiologiqu_es du froid, de discuter Remerciements pour leur collaboration au Dr O. Dériaz et à l'Institut de Physiologie de l'Université de Lausanne. Tirés à part: M. NIRASCOU, à l'adresse ci-dessus. L'homme doit maintenir sa température corporelle à 37° C environ. Certains facteurs tendent à l'abaisser, ce sont les pertes de chaleur qui s'effectuent principalement à la surface du corps. D'autres facteurs, les gains de chaleur dus entre autres à l'activité métabolique et aux chaleurs ambiantes extrêmes, tendent à élever cette température. Différents mécanismes existent pour maintenir constante la température corporelle dans toutes les situations. PERTES DE CHALEUR Le corps dissipe la chaleur par (fig. 1) : convection, conduction, radiation et évaporation. La convection est la transmission de chaleur d'un endroit à un autre grâce au déplacement d'une substance chauffée (par exemple un éventail, le bras à la fenêtre d'une voiture ...). La quantité de chaleur dissipée dépend de la vitesse et de la température de l'air qui passe à la surface du corps. La conduction est la transmission de chaleur entre deux objets de températures différentes qui 268 Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 6 RADIATION Les terminaisons libres de la peau réparties sur toute la surface du corps sont sensibles aux variations de l'environnement. Il n'est pas certain que les terminaisons nerveuses spécialisées (Krause sensible au froid ou Ruffini au chaud) servent aussi de récepteurs thermiques. Il est intéressant de noter que pour une température supérieure à 45° C, les récepteurs au froid sont à nouveau stimulés (16). \ .~ EVAPORATION CONDUCTION FIG. 1. - Pertes de chaleur. se touchent. La chaleur se déplace toujours du corps le plus chaud vers le plus froid. La radiation représente environ 60 % de la perte de chaleur d'une personne couchée dans une pièce à 20° C. Le principe de la radiation repose sur le fait que les molécules à l'intérieur du corps se déplacent constamment et que de la chaleur sous forme d'ondes électromagnétiques se dissipe constamment. L'évaporation de la sueur à la surface de la peau participe, même au repos, à l'élimination de la chaleur. LA THERMORÉGULATION (1) Le rôle de la thermorégulation est de maintenir à un niveau relativement constant la température interne du corps au repos et à l'exercice. Ce mécanisme d'ajustement met en jeu les principaux éléments suivants : - les récepteurs thermiques, - les effecteurs thermiques, - un centre de la régulation de la température situé dans le système nerveux central. Les récepteurs thermiques Ces récepteurs centraux ou périphériques sont sensibles au chaud et au froid. Ils sont reliés par des fibres nerveuses au cortex, ainsi qu'au centre de régulation situé dans l'hypothalamus. Les récepteurs de l'hypothalamus sont sensibles aux petites variables de température (0,1 à 0,20 C) de sang artériel qui les irrigue. Les effecteurs thermiques Ils réagissent aux stimuli perçus par les récepteurs et produisent les changements régulateurs. Les organes effecteurs thermiques sont les muscles squelettiques, les muscles lisses entourant les artérioles qui irriguent la peau, les glandes sudoripares et certaines glandes endocrines. Un centre hypothalamique Situé dans l'hypothalamus, il coordonne les informations provenant des récepteurs avec l'action régulatrice des organes effecteurs. LE DÉBIT SANGUIN CUTANÉ La peau est le seul organe dont le débit sanguin n'est pas lié aux besoins métaboliques locaux. L'apport sanguin à la peau est déterminé par les nécessités de la régulation thermique. Quand le corps est trop chaud, les vaisseaux de la peau se dilatent. Du sang est envoyé à la peau pour que la chaleur puisse être évacuée à l'extérieur. Quand le corps est trop froid, les vaisseaux cutanés sont en état de vasoconstriction : le sang est tenu à l'écart de la peau et donc de l'extérieur. Ceci permet de conserver la chaleur et de maintenir la température du corps (13). Cette modification du débit sanguin est provoquée en partie par l'action indirecte de la chaleur sur les vaisseaux cutanés et en partie par le centre de régulation de la température qui modifie le tonus sympathique des vaisseaux sanguins cutanés. Avec la chaleur le tonus sympathique est réduit et les vaisseaux se dilatent. Avec le froid le tonus sympathique est accru et les vaisseaux se contractent. Ann. Kin ésithér., 1987, t. 14, n° 6 Vasodilatation paradoxale Quand la température cutanée descend en dessous de 15° C, une vasodilatation apparaît et le flot sanguin augmente localement entraînant une augmentation des pertes de chaleur. Cette réaction est qualifiée de paradoxale. Si l'exposition au froid est prolongée, des périodes de vasodilatation et de vasoconstriction s'alternent. Ce phénomène est appelé «hunting» ou «échappement». Cette vasodilata~ tion est aussi provoquée par les vaisseaux sanguins musculaires. Elle a pour but d'éviter une gelure des tissus cutanés et sous-cutanés (13,16). Effets physiologiques (8,9,10,12,23,25) 269 et capillaire démontrée par capillaroscopie et recherchée en cas de processus hémorragique. Cet effet est cependant suivi dans un délai variable selon l'endroit et la durée du traitement d'un échappement avec vasodilatation des vaisseaux plus profonds. L'abaissement de la température locale va ralentir le métabolisme tissulaire et diminuer les besoins en 02 cellulaire. Il entraîne également une augmentation de la perméabilité membranaire avec amélioration de l'absorption des liquides intersticiels. L'utilisation du froid permettra par son application locale immédiate de limiter les dégâts en cas de traumatisme tissulaire localisé en diminuant l'hémorragie locale, en limitant l'œdème et le métabolisme cenulaire du tissu lésé. EFFETS SENSITIVO-MOTEURS: analgésie, relaxation musculaire EFFETS NEUROMUSCULAIRES : diminution de la spasticité (22,27) Les récepteurs à la douleur (terminaisons Le froid modifie la spasticité d'un groupe libres) sont probablement rapidement sensibles musculaire en diminuant l'excitabilité neuroà l'application du froid. L'action exacte de la musculaire (boucle gamma). Il facilite d'autre cryothérapie sur ces récepteurs n'est pas encore parfaitement établie (dépolarisation membra- part le moto neurone alpha. naire ?). Le froid exerce aussi un effet inhibiteur central (<< gate control theory ») sur la douleur Indications - contre-indications transmise par des fibres de petit calibre. Un ralentissement de la vitesse de conduction nerveuse intervient lorsque la température tissuSans être exhaustif, nous rapportons quelques laire peut être abaissée en dessous de 15° C. La sensibilité au froid dépend du calibre et du taux indications cliniques à la cryothérapie en réabilide myélinisation des fibres nerveuses transmet- tation, médecine sportive et rhumatologie. tant l'information. Les petites fibres myélinisées transmettant la douleur sont les plus sensibles INDICATIONS à l'action du froid. Une application efficace du froid complète Traumatismes abarticulaires aigus (entorses, l'effet analgésiquepar une diminution de l'excita- déchirures musculaires, traumatismes des parbilité des fuseaux neuromusculaires et conduit ties molles) par là au relâchement d'une éventuelle contracLes effetsprincipaux recherchés ici par le froid ture musculaire. sont l'analgésie, l'hémostase et la lutte antiœdème. EFFETS VASOMOTEURS : vasoconstriction, diminution de l'œdème, diminution de l'inflammation Le refroidissement tissulaire s'accompagne d'une très rapide vasoconstriction artériollaire Pathologie abarticulaire subaigué' ou chronique (tendinites, ténosynovites, bursites, périarthrites) Les effets principaux recherchés ici sont l'analgésie et la lutte anti-inflammatoire. 270 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, nO 6 Pathologie algoneurodystrophique (Südeck du poignet, de la cheville, du genou, capsulite rétractile de l'épaule) La glace trouve ici et particulièrement à la phase initiale de la maladie de Südeck un champ d'application utile dans la lutte contre la douleur et l'oedème. locale d'une source réfrigérante à l'immersion du corps entier ou d'un membre. Le glaçage local exerce un refroidissement tissulaire qui varie selon le site d'application, la température locale initiale de la peau, le type de source froide utilisée et la durée de l'application. Contractures musculaires (cervico-dorso-Iombal- MASSAGE AVEC UN CUBE DE GLACE (6) (fig. 2) gies, contractures musculaires sur processus dégénératif) Les effets recherchés sont alors l'analgésie et la relaxation. Le colonel Grant et le Brook Army Medical Center sont les précurseurs de cette technique. Leur but était de permettre aux soldats de reprendre au plus vite leur entraînement. Les arthrites Le thérapeute tient un cube de glace par La glace reste un traitement·.adjuvant j de . l'intermé~iaire d'unpapieL ou d'un. morceau l'immobilisation et des mesures médicales ou d'étoffe. Le massage est effectué sur la zone douloureuse par un mouvement de balayage sans chirurgicales de toutes arthrites infectieuses. arrêt et sans pression des tissus. La cryothérapie est aussi préconisée en cas Le massage est poursuivi jusqu'à ce que le d'arthrite post-traumatique et d'hémathrose. patient ait une impression d'abord de brûlure Son utilité sera plus discutable et sa tolérance moins bonne en cas d'arthrite inflammatoire et puis de douleur et ensuite d'engourdissement. Il est recommandé d'avoir à portée de main un surtout de polyarthrite rhumatoïde. linge pour essuyer la glace fondante. La spasticité (hémiplégie) Le massage au glaçon s'utilise aussi dans le Diminuant l'excitabilité du fuseau neuromus- but de stimuler une activité musculaire. Rood culaire et facilitant l'activité motoneuronale préconise cette forme de màssage sur le trajet alpha, l'utilisation du froid est indiquée chez les tendineux des muscles extenseurs des doigts ou patients spastiques sur hyperactivité gamma. sur les zones cutanées sus-jacentes aux muscles Un test à la glace doit donc être réalisé pour releveurs des pieds. déterminer l'utilité du froid comme adjuvant à d'autres traitements (Bobath, Kabat..). CONTRE- INDICATIONS Il existe des patients qui présentent une intolérence personnelle (14) et non prévisible à la glace. Au début d'un traitement la glace peut être ressentie comme désagréable, voire doulourese (sensation de brûlure). Les principales contre-indications médicales sont les cas de cryoglobulinémie, d'urticaire au froid, de syndrome de Raynaud, d'insuffisance vasculaire périphérique et d'hémoglobinurie paroxystique a frigore. FlG. 2. - Massage au cube de glace. Modalités d'application POCHE A GLACE (fig. 3) Les techniques d'utilisation de la cryothérapie sont multiples et peuvent aller de l'application Ce mode de refroidissement est le plus utilisé. La glace pilée est fournie par une machine à Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 6 FIG. 3. - Poche à glace en linge éponge. FIG. 4. - Application d'une poche à glace. glace et placée dans un sachet. Elle est préconisée dans tous les cas où l'on ne recherche pas seulement un effet ponctuel (fig. 4). Dans un premier test, nous avons enregistré les cinétiques des températures cutanées et musculaires sous application de glace pilée fondante contenue dans un linge éponge mouillé. Ces mesures ont été faites sur huit sujets sains, de sexe masculin, entre 23 et 46 ans. Après anesthésie locale, une thermistance musculaire (fig. 5) est introduite dans le muscle vaste externe du quadriceps par l'intermédiaire d'une aiguille péridurale. Cette aiguille graduée permet de connaître la profondeur de la mesure musculaire (3 cm). Des thermistances cutanées sont placées sous et à distance de la source de froid (fig. 6). Quand les valeurs enregistrées sont stables, la glace pilée fondante placée dans un linge éponge mouillé est appliquée (fig. 8) durant FIG. 5. - Thermistance musculaire 271 YS 520. FIG. 6. - Mise en place des thermistances cutanées. FIG. 7. - Pose de la glace. 20 minutes. Elle est maintenue par une bande élastique (fig. 9). L'enregistrement est poursuivi 3 heures et demie après le retrait de la glace, les sujets restant toujours assis sans activité musculaire. 272 Ann. Kinésithér., ]987, t. 14, n° 6 Les enregistrements montrent que (fig. 9) : - La température cutanée chute rapidement dès l'application du froid. En 4 minutes, 50 % de la baisse de la température cutanée est atteinte et en 20 minutes c'est plus de 95 % de cet abaissement qui est réalisé. La température cutanée atteint un plateau vers 10° C. - La température cutanée remonte dès le retrait de la glace. Au bout de 210 minutes, elle tend à se stabiliser sans avoir retrouvé sa valeur initiale. - La température musculaire s'abaisse plus lentement que la température cutanée et sa valeur la plus basse est atteinte après le retrait de la source de froid (5 minutes), 6° C en dessous de sa valeur initiale. La remontée de la température musculaire s'effectue suivant une courbe exponentielle sans retrouver sa valeur initiale après trois heures et demie d'enregistrement. - Les températures cutanées enregistrées· à distance du lieu d'application de la glace ne sont pas influencées par cette dernière. Dans notre collectif nous n'avons pu mettre en évidence aucune relation entre les valeurs de la remontée de la température musculaire et le pourcentage de graisse des sujets, la profondeur de la mesure et la section de cuisse au point d'implantation de la thermistance. Le demi-temps de réchauffement est le temps au bout duquel la température mesurée a atteint la moitié de son amplitude de réchauffement. Fra. 8. - Application de glace maintenue 20 minutes .. TeMpérature (OC) 40 Detti-temps T. muscle (min) 50 35 Moyoannes et ESM n=8 30 40 T. cutanée 25 30 20 15 20 10 10 -30 30 60 90 120 150 180 FIG. 9. - Températures cutanée et musculaire sous glace. 210 Muscle Peau FIG. 10. - Demi-temps de réchauffement musculaire et cutané. Ann. Kinésith ér., 1987, t. 14, n° 6 Le demi-temps de réchauffement cutané est de 22 minutes (fig. 10). Ceci signifie qu'au bout de 22 minutes il ne reste plus que la moitié des effets du refroidissement au niveau de la peau. Le demi-temps de réchauffement musculaire est de 45 minutes (fig. 10). Ceci signifie qu'après 45 minutes il ne persiste plus que la moitié des effets du refroidissement au niveau musculaire. Nous avons ensuite comparé les différences de températures cutanées enregistrées lors de l'application de 20 minutes de glace pilée fondante placée dans différents enveloppements. Ces courbes mettent en évidence que pour les deux critères retenus (vitesse et amplitude du \"ll ...,\j ------ -------c ______ ~_. A 3VJ 25 Lini'(e'cponl!" 20 !5 10 Li"g •.•épongerruuiJJé o 10 Ti me / i 20 (m n J 30 40 FIG. 11. - Températures cutanées lors d'application dans un linge mouillé et dans un linge sec. de glace \"C) refroidissement de la température cutanée), la glace placée dans un linge éponge mouillé est plus efficace que la glace dans un linge éponge sec (fig. Il), elle-même plus efficace que la glace dans un sachet plastique (fig. 12). Nous pouvons retenir de ces tests que l'application de glace pilée fondante dans un linge éponge mouillé est plus efficace que la glace dans un linge éponge sec ou dans un sachet plastique. La durée d'application doit être de 20 minutes mais répétée fréquemment (environ toutes les deux heures). COMPRESSE MIDALCOLD ® (26) C'est une compresse sans traIpe (fig. 13) qui contient un gel. Le froid provient de la préréfrigération ainsi que du pouvoir tampon de la couche de gel appliquée sur un support et intégré dans une enveloppe en matière plastique. La température du gel est de - 20° C, celle de la surface de la compresse de - 10° C. Il est intéressant de relever que pendant les 50 premières minutes d'utilisation ces températures ne s'élèvent que très lentement (fig. 14). La compresse Midalcold ®, sortie du réfrigérateur ou du congélateur, est placée dans une bande de gaze permettant sa fixation et évitant d'éventuelles brûlures (fig. 15). Nous avons réalisé des enregistrements de température cutanée pendant l'application de ces compresses et les avons comparés à ceux obtenus dans les mêmes conditions avec la glace pilée dans un linge éponge mouillé. 30 25 20 ~ o 10 FIG. 12. - Température un sachet plastique. lIme [min] 20 30 cutanée lors d'application 273 40 de glace dans FIG. 13. - Compresse et bande à gel pré-réfrigéré. ~ 274 Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 6 35" 30 25 20 Lilf;E'épûr"en'OuiJlé 15 ~ 10 10 o Ti me 20 [ml nJ 30 40 FIG. 16. - Températures cutanées lors d'une applicatio,fl de glace et lors de l'utilisation de la compresse' à gel pré-réfrigéré. FIG. 14. - Température du gel de la compresse. FIG. 17. - Application FIG. 15. - Application de la compresse. L'enregistrement montre (fig. 16) : - une vitesse de refroidissement significativement plus rapide lors de l'application de glace ; - une amplitude de refroidissement significativement plus grande lors de l'application de glace. Ces résultats montrent que l'utilisation des compresses Midalcold ® (préalablement mises au réfrigérateur) ne permet jamais d'abaisser la température cutanée en-dessous du seuil de 15° C (7). Les valeurs mesurées pourraient varier légèrement avec des compressés préalablement mises dans un congélateur. On peut également se de la bande à gel pré-réfrigéré. demander si l'utilisation de la gaze mouillée ne rendrait pas ces compresses plus efficaces. La bande Midalcold ® (fig. 17) pourrait cependant avoir un effet compressif non négligeable en traumatologie sportive (18). COLD PACK Il s'agit de produits réfrigérants artificiels. Les Cold Pack sont des sachets à usage unique contenant dans une première poche des cristaux et dans une seconde un dilutif. Lorsque les deux agents sont mis en contact par pression, il en résulte une réaction endothermique. Les travaux de Vaillant (32) comparant l'utilisation de ces sachets plastiques avec enveloppe- . Ann. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 6 275 FIG. 19. - Co/d pack composé d'une substance gélatineuse. ..-~.,. ~ .•.. FIG. 20. - Spray. FIG. 18. - Application d'un cold pack avec un enveloppement humide. ments secs et enveloppements humides (fig. 18) ont mis en évidence l'efficacité de ces derniers. Le seuil de 15° C n'est pas atteint chez tous les sujets avec un enveloppement sec. D'autres produits de type Cold Pack sont constitués d'une substance gélatineuse (fig. 19). Ils doivent être placés dans un congélateur avant leur utilisation. Un enveloppement est nécessaire pour une application sans risque de brûlure. Ils sont réutilisables de nombreuses fois. SPRAY (fig. 20 et 21) FIG. 21. - Application d'un spray. Ces sprays contiennent du chlorure d'éthyle, du cryofluorane ou du nitrate d'amonium le plus souvent. Ces liquides ont des points de vaporisation très bas. C'est par évaporation locale au niveau de la zone atteinte que l'on obtient un refroidissement. LINGES GLACÉS FIG. 22. - Récipient contenant de l'eau et de la glace. Des linges éponges sont placés dans un récipient rempli d'eau et de morceaux de glace (fig. 22 et 23). On utilise de préférence des linges éponges pour retenir les morceaux de glace. L'application se fait sur toute la partie à traiter y compris les insertions des muscles concernés (fig. 24). Les linges sont renouvelés toutes les minutes. .Cette modalité d'application est très utilisée en neurologie pour obtenir le relâchement d'un groupe musculaire spastique. FIG. 23. - Préparation des linges glacés. IMMERSION SEGMENT AIRE Un récipient est rempli d'eau et de glace. Le pied ou la main avec une partie de la jambe ou de l'avant-bras si nécessaire est immergé (fig. 25). Le patient maintient son membre dans l'eau jusqu'à ce que cela devienne désagréable. L'extrémité retirée est essuyée dans un linge sec. 276 Ann. Kin ésith ér., 1987, t. 14, nO 6 FIG. 26. - Bain de glace. FIG. 24. - Application de linges glacés pour relâcher le triceps surral. FIG. 25. - Immersion segmentaire. obtenue que quand la température est inférieure à 10° C .. L'immersion en eau froide est indiquée dans le traitement de spasticité importante telle qu'on peut les rencontrer chez les patients atteints de sclérose en plaque ou présentant des séquelles de traumatisme crânio-cérébral (fig. 26). LE CRIOJET La même opération est répétée pendant cmq minutes. Comme l'utilisation des linges glacés, cette immersion permet d'obtenir le relâchement immédiat d'une extrémité spastique. C'est un adjuvant qui précède la mobilisation. IMMERSION COMPLÈTE Une baignoire ordinaire est remplie d'eau et de glace. La température de la salle de bains doit· être élevée et il ne doit pas y avoir de courants d'air. Le patient est passivement introduit dans la baignoire. Pour éviter les spasmes ou les réactions de retrait des membres inférieurs, ce sont les fesses qui sont en premier en contact avec l'eau froide. La durée maximale du bain est de 4 minutes mais il faut tenir compte de la tolérance du patient. A la sortie du bain, le patient est rapidement réchauffé. Certains auteurs décrivent un abaissement de la température de l'eau plus progressif mais relèvent que l'efficacité du traitement n'est Le criojet (fig. 27) est une bonbonne d'azote liquide avec un vaporisateur et un manomètre, un boîtier de commande avec réglage de deux pressions différentes, un tuyau isolant se terminant par une buse. L'appareil est monté sur roulettes et présente un encombrement de 120 cm de haut et de 50 cm de diamètre. Il doit être branché sur secteur (220 volts, 50 Hertz, 6.3 A). Le chariot peut être modifié ou encastré dans un petit meuble. FIG. 28. - Tableau de commande. FIG. 27. - Criojet. Ann. Kin ésithér. , 1987, t. 14, nO 6 277 FIG. 30. - Balayage de la cuisse. FIG. 29. - Buses. Le patient est confortablement installé en La température de fusion (transformation de fonction de la zone à traiter. Le. fabriquant l'état solide à l'état liquide) de l'azote est de préconise de placer la buse à 2 ou 3 cm de la - 210° C. La température d'ébullition (transfor- peau. L'application se fait toujours par un mation de l'état liquide à l'état gazeux) est de mouvement de balayage pour éviter toute - 196° C. La température critique d'ébullition brûlure (fig. 30). se situe vers - 147°C. La pression maximale Le temps d'application est limité par le patient du gaz augmente avec la température d'où les qui ressent une sensation de picotement. Généradeux positions du bouton de pression. lement il ne dépasse pas 2 à 3 minutes mais La bonbonne contient 60 litres d'azote liquide. dépend de la région traitée, de sa surface, de la La consommation étant de 12 litres par heure, pression choisie. La notion de répétition du une bonbonne peut servir pendant 5 heures. traitement ne repose actuellement que sur des Le tableau de commande (fig. 28) de l'appareil critères subjectifs. est très simple. Un bouton permet d'allumer Nous avons enregistré les cinétiques des l'appareil et un autre de régler la pression températures cutanée et musculaire lors d'une ou II). La position permet une application d'azote liquide et les avons compa(position température de sortie de la vapeur à-160° C rées à d'autres modalités de cryothérapie. et la position II à-174° C. Ces mesures ont été faites sur un sujet sain Le tuyau construit d'après les données de la de 30 ans de sexe masculin. Le muscle vaste NASA est parfaitement isolant. Le thérapeute externe du quadriceps a été choisi comme région peut le tenir sans se brûler les mains. Sa à refroidir. Des thermistances cutanées sont consistance semi-rigide, la longueur de 450 cm placées sur ce muscle et à distance. Après et son diamètre de 6 cm en font un élément peu anesthésie locale à la xylocaïne, une thermismaniable. tance musculaire YS 520 est introduite à 3,5 cm Il existe trois buses différentes (fig. 29). Deux dans le vaste externe. Le sujet est placé dans ont un diamètre circulaire de 1,2 ou 1,7 cm et une chambre isotherme (280 C). L'enregistreune autre une fente de 4 cm de large et de 0,5 cm ment des différentes températures débute et, de long. Le premier modèle est le plus utilisé. après 40 minutes nécessaires à la stabilisation L'appareil est branché sur le secteur. Le des températures et à l'annulation de l'effet de thérapeute prend le tuyau, enclenche le criojet la xylocaïne, l'azote liquide du criojet est et sélectionne la pression. Une attente d'une à appliquée. deux minutes est nécessaire pour que le tuyau Le bouton de pression est en position II. La se refroidisse et que la vapeur à sa sortie soit buse de petit diamètre est maintenue à 5 cm de à la température indiquée. la peau pendant exactement 2 minutes. L'enre- l l 1 1 .•.•...•.•1 \ Il /,.X ----\ 0 '-' VAnn. nO 6 2535SA1 0 Azote..;.1987, 20 30 600 Kinésithér., 50 40 15 ~.•. t. 14, 20 -._, __~, 30 34 '!27831 510 10 /1 Glace 111 .••...•.• J./ .joJ <.Q) i~ Q) Q) ~'" ur..~ ~ 37 r.. ro 40 Glace 10 30 40 50 60 Temps (min) Temps (min) FIG. 31. - Cinétiques des températures 20 cutanées. FIG. 32. - Cinétiques des températures musculaires. gistrement est poursuivi pendant encore 80 minutes. Nous avons ensuite comparé les températures obtenues avec celles résultant de l'applic~tion de 10 minutes de glace fondante dans un linge éponge mouillé. L'enregistrement est poursuivi encore 100 minutes. Les courbes enregistrées montrent que: - les cinétiques des températures cutanées (fig. 31) avec l'azote et la glace sont parfaitement comparables. L'amplitude est cependant plus grande avec l'azote, la valeur minimale atteinte par la peau n'ayant pas pu être mesurée. - Les cinétiques des températures musculaires (fig. 32) avec l'azote et l'application de glace sont parfaitement comparables. Les enregistrements montrent que l'effet obtenu sur les cinétiques de réchauffement des températures musculaire et cutanée après l'application de 2 minutes d'azote liquide est comparable à celui obtenu après 10 minutes d'application de glace. La valeur minimale atteinte par la température cutanée n'a pu être mesurée pour des raisons d'étalonnage des thermistances cutanées. En dessous de 00 C, aucun signal n'est enregistré. Il apparaît dès lors que le risque de brûlures existe (fig. 33) et que l'utilisation du criojet peut être dangereuse. Quand les récepteurs au froid ne sont plus stimulés et que le seuil de perception FIG. 33. - Brûlure provoquée par une application d'azote liquide. de la douleur est dépassé, il n'y a plus de limite à la durée d'application. La subjectivité du patient dépend d'abord de sa sensibilité cutanée. Les hypoesthésies cutanées ne sont pas rares. Les thérapeutes ne contrôlent pas toujours la sensibilité de leurs patients avant une application de froid. Combien de sportifs, même prévenus, essaieront de prolonger la durée d'application étant convaincus que trois minutes de froid seront plus efficace que deux. Certains auteurs (22) préconisent d'arrêter l'application quand la peau devient blanche. Il nous est apparu cependant que pour un sujet dont le système pileux abondant est rapidement givré, il devient difficile de contrôler réellement la coloration de la peau. Ann. Les chutes rapides et importantes des températures cutanée et musculaire lors de l'application d'azote nous amènent à nous poser la question des variations de températures dans les petites articulations superficielles des doigts par exemple. Certains utilisateurs nous ont fait part de l'intérêt de garder lin contrôle visuel de la zone qu'ils traitent et de pouvoir facilement combiner la mobilisation articulaire à une application instantanée de froid. Cependant, en utilisant de la glace fondante, nous ne risquons pas de brûlures. La glace fondante ne descend pas en dessous de 0° C et le liquide intercellulaire ne peut donc pas geler. En conclusion, cette source de froid intense, bien que préconisée dans le traitement des atteintes rhumatologiques (17,33), offre peu d'avantages par rapport à la glace. En outre elle peut être dangereuse et est beaucoup plus coûteuse. Bibliographie 1. ASTRAND P.O., RODAL K. - Précis de physiologie de l'exercice musculaire. Masson, Paris, 1980. 2. BALISSAT E. - Action de la médecine physique. 3" Ed. ECVP. Lausanne, 1978. 3. BASMADJIAN J.V., WOLF S.L., SHINE G.L. - Device for controller rapide localized cooling. American J: Physical Medecine, 1973, 52/2, 65-67. 4. BIERMAN W., LICHT S. - Physical Medecine in general practice. PB Hoeber. Medical Book Departement of Harper and Brothers, USA, 1952. 5. BLANC Y. - Étude réfiexométrique expérimentale comparative des techniques de la cryothérapie. Travaux de la SSBK, 1975, 3,2, 59-67. 6. BUCAJ R. - The cooling, analgesic and rewarming effects of ice massage on localized skin. Phys. Ther., 1975, 55,1, 11-19. 7. CASALI J., VRAUX J.P. - Bande réfrigérante «Midalcold ». Ann. Kinésithér., 1975, 9/12, 453. 8. CLENDEMIN M.A., SZUMSKI J. - Influence of cutaneous ice application on single motor units in humans. Phys. Ther., 1971, 51, 166-175. 9. COULTER J. - Physical Therapy : Heat and cold. Medical Physics, 2nd Ed. Chicago, 1947, 1043-1054. 10. DOUGLAS W. W., MALCOLM J.L. - The effects of localized cooling on conductions in cat nerves. J. Physiol., 1955, 130, 51-71. II. DuPUY A. - La cryothérapie locale. Ses applications dans la kinésithérapie des rhumatismes' arthrosiques et abarticulaires. Ann. Kin ésithér. , 1979, 6, 17-31. Kinésithér., 1987, t. 14, n° 6 279 12. ELRED E., LINDSLEY D.P., BUCHWALD J.S. - The elfects of cooling in mammalian muscle spindles. Exp. Neurol., 1960, 2, 144-162. 13. GANONG W.F. - Physiologie médicale. Masson, 1977. 14. GOMIS R. et coll. - Intolérance au froid. Séquelle fréquente et mal connue des plaies de la main. Actualités Rééd. Fonctionnelle et Réadaptation. 8· Série. Masson, Paris, 1983. 15. HAINES J. - Aperçu des développements récents de la cryothérapie. Physiotherapy, 1967, 53/7, 222-229. 16. HOUDAS Y., RING E.F. - Human body temperature. !ts measurement and Regulation. Plenum Press. New York and London, 1982. 17. JANSEN U., FRICKE R. - Andernung des Hauttemperatur unter lakaler Kaltlufitherapie (- 1400 C) bei KontrollperZ sonen und bei Patienten mit chronischer Polyarthritis. Phys. Med. Bain. Med. Klim., 1986, 15. 18. JENOURE P., FEINSTEIN R., SEGESSER B. - Traumatologie du sport, la place des soins immédiats. Der informierte Arzt/Gazette Médicale, 1985, 5. 19. JOHNSON D.J. and coll. - Elfect of cold submersion on intramuscular of the gastrocnemius Muscle. Physical Therapy, 1979, 59,10, 1238-1242. 20. KENNETH L., KNIGHT - Cryotherapy. Theory, technique and physiology. First Ed. Chatanooga Corporation, 1985. 21. KNUTSON E. - Topical cryotherapy in spasticity. Scand. J. Rehab. Med., 1970, 2, 159-163. 22. LUMECOR A.G. - Der Criojet eine Kaltlufllage nach dem Therapie. Prinzip des Dr Yamanchi. Werkstrasse 12, 8410 Winterthur (CH). 23. LEE J.M., WARREN C.G., STEWART M.S. - Elfect of ice on nerve conduction velocity. Physiotherapy, 1978, 64, 2-6. 24. LOWDON RJ., MOORE R.J. - Determinants and nature of intramuscular temperature changes during cold therapy. American J. Physical Medecine, 1975, 54,5, 223-233. 25. MEIER J.L., NIRASCOU M. - La cryothérapie: indications actuelles et moyens d'applications en rhumatologie et rééducation fonctionnelle. Annales Réadaptation Médecine Physique, 1986, 29, 197-205. 26. MIDALCOLD - Test du laboratoire Dr. L. Herzfeld AG, Basel, 1985. 27. MIGLIETTA O.M. - Action of cold on spasticity. Amer. J. Phys. Med., 1973, 52, 198-205. 28. NIRASCOU M. - Cinétique des températures cutanées lors de l'application d'une source de froid. Kinésithér. Scientifique, 1986, 249. 29. OLSON J.E., SRAVINO V.D. - A review of cryotherapy. Physical Therapy, 1952, 8/52, 840-853. 30. REVEL M., AMOR B. - Traitement des algodystrophies par cryothérapie intensive. Résultats préliminaires. Actualités en Rééd. Fonctionnelle et Réadaptation. 9" série. Masson, Paris, 1984. 31. STANGEL L. - The value of cryotherapy and thermotherapy on the relief of pain. Physiotherapy Can, 1975, 27, 135-136. 32. VAILLANT M., METTE F., VIEL E. - Mesure de la température cutanée pendant l'application d'une source de froid avec enveloppe sèche et mouillée. Cinésiologie XXIII, 1984, 451-456. 33. WILLIAMS J., HARVEY J., TANNENBAUM H. - Use of superficial heat versus ice for rheumatoid arthritic shoulder: a pHot study. Physiotherapy Can, 1986, 38,1, 8-13. 34. WOLF S.L., BASMAJIAN J.V. - Intramuscular temperature changes deep to localized cutaneous cold stimulation. Physical Therapy, 1973, 53/12, 1284-1288.