Libellules Rivières des Reconnaître les espèces des eaux courantes Dour ha Stêroù Breizh 2 3 Un peu de systématique Les libellules ou odonates (qui signifie « mâchoires dentées ») sont des insectes. Elles possèdent donc six pattes, une paire d’antennes, un corps en trois parties et un squelette externe. Mais quelques particularités les distinguent des autres insectes : - Un abdomen très allongé constitué de dix segments, - Deux paires d’ailes membraneuses souvent transparentes, - Des yeux composés énormes (utiles pour chasser !), - Des mandibules impressionnantes (utiles pour découper les proies !). Les odonates se divisent en deux sous-ordres : - Les zygoptères, ou demoiselles, sont frêles et possèdent quatre ailes identiques qu’elles replient presque toujours au-dessus du corps en position de repos. Rappel du cycle de vie d’une libellule 1.La larve se développe au fond de l’eau (de quelques semaines à plus de cinq ans selon l’espèce). Durant ce laps de temps, elle dévore des petites proies et effectue plusieurs mues. 2.La dernière mue la conduit hors de l’eau sur un support où elle effectue sa métamorphose (photo ci-contre). La libellule prend son envol et laisse derrière elle une enveloppe vide appelée exuvie. 3.L’insecte vit tout d’abord éloigné de l’eau jusqu’à atteindre la maturité sexuelle. Il chasse alors toutes sortes d’insectes volants (mouches, éphémères…). 4.Les mâles défendent ensuite un territoire au bord de l’eau. Ils chassent les concurrents et tentent de s’accoupler avec les femelles qui s’approchent. 5.La position lors de l’accouplement est caractéristique : le mâle saisit la femelle par la nuque à l’aide des appendices anaux et la femelle recourbe son abdomen pour mettre en contact ses organes sexuels (situés sous les derniers segments abdominaux) avec ceux du mâle (situés sous le deuxième segment). Les demoiselles sont gracieuses mais fragiles ! A B C Certaines espèces entrouvrent leurs ailes au repos. - Les anisoptères, ou libelles, possèdent des ailes antérieures moins larges que les postérieures. Au repos, elles restent ouvertes et à l’horizontale. Leur vol est puissant et rapide. D Cœurs copulatoires de demoiselles (à gauche) et libelles (à droite). 6.Les œufs sont déposés dans l’eau par la femelle, parfois accompagnée par le mâle. Certaines espèces insèrent les œufs dans des végétaux. De gros yeux et de grosses mâchoires ! Au repos, les ailes sont à l’horizontale (femelle de gomphe à crochets). Cette femelle d’agrion pond sur une plante immergée tandis que le mâle lui tient la nuque. 4 5 Le choix de l’eau vive Une cinquantaine d’espèces d’odonates vivent en Bretagne. Beaucoup d’entre elles se reproduisent dans les eaux calmes (mares, étangs, marais, canaux…). Pourtant, quelques spécialistes pondent dans les sources, ruisseaux et rivières plus ou moins rapides. Pour la plupart, ce sont des espèces exigeantes en terme de qualité d’eau. Les pages suivantes vous présentent l’essentiel des espèces que vous pouvez observer au fil des cours d’eau dans notre région. Quelques précisions : •Pour les photos, quand il n’y a pas de précisions quant au sexe, il s’agit d’un mâle. (Les femelles sont souvent plus discrètes et donc moins faciles à observer). •Les éléments importants pour la détermination sont surlignés en gras et indiqués par une flèche. • La période de vol est soulignée. Notez que suivant l’année et le lieu, vous pouvez observer l’espèce avant ou après les dates indiquées. • La longueur (L) indique la taille du front au bout de l’abdomen. Le calopteryx vierge et le calopteryx éclatant Ces grandes demoiselles aux ailes colorées volent de mai à septembre. Les mâles sont très territoriaux. Perchés sur les végétaux de la berge, ils pourchassent les concurrents qui s’aventurent dans les parages. En revanche, ils courtisent en papillonnant les femelles de passage. Communes, on peut les observer dans toute la région. Les deux espèces peuvent cohabiter mais le calopteryx vierge semble occuper d’avantage les courants vifs. L : 45-49 mm Le caloptéryx vierge (Calopteryx virgo) Mâle Femelle Corps vert métallique et ailes brunes Un mâle de leste vert accompagne sa femelle qui insère ses œufs sur une branche de saule. Ptérostigma (cellule de l’aile colorée) Anatomie : Corps bleu vert métallique et ailes presque entièrement colorées Le caloptéryx éclatant (Calopteryx splendens) Femelle Mâle Thorax Apex de l’aile 8 10 9 7 Appendices anaux (cerques et cercoïdes) 6 5 4 3 Abdomen constitué de 10 segments 2 1 Corps vert métallique et ailes hyalines à verdâtres. Corps bleu vert métallique et ailes transparentes barrées de bleu. 6 7 Le leste vert L’agrion à larges pattes (Lestes viridis) Cette élégante demoiselle aux reflets métalliques fréquente les rives boisées de saules ou d’aulnes. D’ailleurs, la femelle insère ses œufs dans l’écorce de ces arbres (voir photo page 4) ! La larve n’aura plus qu’à se laisser tomber dans l’eau… Commune, cette espèce vole de fin juin à octobre. L : 40-48 mm Grands pterostigmas clairs (Platycnemis pennipes) Cette espèce bleu pâle s’accommode de tous les milieux aquatiques, dont les eaux courantes. Très commune, on l’observe de la mi-mai à septembre. L : 35-37 mm Corps très fin, vert métallique aux reflets cuivrés avec l’âge Grands appendices anaux clairs Ailes entrouvertes au repos La petite nymphe à corps de feu (Pyrrhosoma nymphula) Tibias très élargis avec de longues soies Abdomen bleu pâle avec plus de noir vers le bout de l’abdomen. L’agrion orangé (Platycnemis acutipennis) Cousine de la précédente, cette espèce aisément reconnaissable figure sur la liste rouge européenne. Elle semble plus commune à l’est de notre région. Elle vole de mi-mai à mi-août. L : 34-37 mm C’est la seule demoiselle de couleur rouge avec des pattes noires. En plus des eaux stagnantes, elle fréquente les eaux faiblement courantes. C’est la première libellule de l’année : on peut la voir dès le mois d’avril. Très commune, elle vole jusqu’à fin août. L : 33-36 mm Pterostigmas noirs Mâle Pattes noires Femelle Abdomen rouge avec du noir sur les derniers segments La coloration des femelles est variable et plus ou moins rouge Yeux bleus Pattes claires avec de longues soies Abdomen orangé 8 9 L’agrion de mercure L’aeshne paisible Nombreuses sont les espèces de petites demoiselles de couleur bleu ciel agrémentée de dessins noirs. Cependant, la plupart vivent plutôt dans les eaux stagnantes, au contraire de celle-ci qui fréquente les sources et les ruisseaux ensoleillés. Cette petite espèce est protégée et inscrite à l’annexe II de la Directive Habitats. Elle est plutôt rare et localisée. On peut l’observer de juin à août. L : 27-31 mm Cette libellule est également appelée spectre. Pas étonnant au vu de ses mœurs. Cette espèce discrète patrouille au ras de l’eau, à l’ombre et jusqu’après la nuit tombée ! Elle est sûrement moins rare qu’on ne le pense et est probablement présente dans tous les cours d’eau de la région. C’est une espèce estivale. L : 63-71 mm (Pyrrhosoma nymphula) (Boyeria irene) Yeux verts se touchant largement Dessin caractéristique sur le deuxième segment ressemblant au caducée du dieu romain Mercure FG Dessins verts et gris type « camouflage » La naïade aux yeux bleus (Erythromma lindenii) De l’étang à la rivière, tout convient à cette espèce qui semble étendre son aire de répartition. On l’observe très souvent éloignée de la rive, posée sur des végétaux flottants (comme sa cousine la naïade aux yeux rouges). Elle effectue des vols brefs et rapides au ras de l’eau. Elle vole surtout de mi-juin à fin-août. L : 30-36 mm L’apex des ailes est enfumé Le cordulégastre annelé (Cordulegaster boltonii) C’est l’une des plus grosses libellules de notre région. Comme l’aeshne paisible, on observe fréquemment les mâles parcourir les cours d’eau sans se poser, à la recherche d’une femelle. Cette espèce fréquente surtout les cours d’eau à fond sableux. Elle peut voler de mai à octobre, mais c’est en juillet qu’on l’observe le mieux. L : 74-80 mm FG Yeux bleus vifs Dessin du deuxième segment en forme de calice La naïade aux yeux rouges Longs cercoïdes Les yeux verts se touchent en un seul point. Grande, au corps noir et jaune. 10 11 Le Gomphe gentil (Gomphus pulchellus) Au contraire de ses cousines présentées après, cette espèce recherche les courants faibles ou nuls. Pourquoi gentil ? Peut-être parce qu’il n’est pas très farouche ! Il se pose souvent au sol. Vole de mai à août. L : 47-50 mm Yeux bleu clair bien séparés Les Gomphes à pinces et à crochets Ces deux espèces aux appendices anaux démesurés se ressemblent beaucoup. Le gomphe à pinces fréquente quelques rivières à l’est de notre région tandis que le gomphe à crochets, plus commun, est surtout présent sur les rivières vives de l’ouest (Scorff, Aulne, Ellé…). Ces deux libellules se posent fréquemment sur les rochers émergents. Les deux volent surtout en juillet-août. Le Gomphe à crochets (Onychogomphus uncatus) Yeux bleus Abdomen jaune et noir non élargi Lignes noires sur le thorax très fines Le Gomphe à pattes noires (Gomphus vulgatissimus) Appendices anaux (de profil) L : 50-53 mm C’est vers le mois de juin, au moment des émergences que l’on a le plus de chance d’observer cette libellule discrète. Au fil des rivières et ruisseaux ensoleillés, elle se pose alors fréquemment sur les pierres et autres éléments au cœur du courant. Rare dans notre région, on l’observe sur le bassin du Couesnon (35) et sur quelques cours d’eau des Côtes d’Armor. A rechercher ailleurs. L : 45-50 mm Le Gomphe à pinces (Onychogomphus forcipatus) Yeux verdâtres Yeux verdâtres bien séparés Appendices anaux (de profil) Abdomen noir et jaune vert en forme de massue Pattes noires L : 46-50 mm FG La cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii) Cette magnifique libellule Yeux est protégée et inscrite à verts l’annexe II de la Directive brillants Habitats. Elle fréquente surtout les parties calmes des rivières aux rives boisées. Les mâles, infatigables, font des allers-retours incessants Alignement quelques mètres aude taches dessus de l’eau. Juillet jaunes sur est la meilleure période l’abdomen pour l’observer…quand sombre on a de la chance ! L : 47-54 mm Léger élargissement de l’abdomen La cordulie métallique (photo couverture) fréquente aussi les eaux à faible courant. L’orthetrum bleuissant (Orthetrum caerulescens) Sensible à la qualité de l’eau, cette espèce recherche les tourbières, sablières, sources et ruisseaux. Mais, de mœurs vagabondes, on peut l’observer à peu près partout. Surtout en juillet-août. Moyennement commune, on peut l’observer dans toute la région. L :36-45 mm Face brune Thorax plutôt brun FG Abdomen entièrement bleu Avec le concours de : Photos : Michel RIOU et Florence Gully (FG) FG Plus rare, l’orthetrum brun est entièrement…bleu !