Amour: les animaux à la parade

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72 | MM7, 13.2.2017 | AU QUOTIDIEN
Environnement
Amour: les animaux
à la parade
Décidément généreuse et fascinante, la nature ne manque pas non plus d’imagination
en matière de séduction animalière.
Ou quand nos amies les bêtes ne ménagent pas leurs efforts pour conclure.
Texte: Pierre Léderrey
Sa parade nuptiale vaut le détour. Véritable
fête à l’amour, elle peut se poursuivre
jusque pendant la construction du nid.
Face à face, mâle et femelle dressent la tête
et la secouent de concert, les plumes de la
double huppe et de la joue érigées. Puis, ils
nagent côte à côte, en se frottant le cou et
en poussant des cris sonores. Ils batifolent,
plongent et réapparaissent ensemble
parfois avec des algues dans le bec, avant
de se dresser poitrine contre poitrine
dans l’eau, tournant la tête de droite et de
gauche.
L’albatros
Baudelaire
a chanté
l’envergure
épatante
de ses ailes de géant, mais le
poète français n’a rien dit de la
véritable chorégraphie dans laquelle
se lance l’albatros lors de la saison
des amours pour convaincre son élue.
En fait, il s’agit plutôt d’une parade
commune qui se répète inlassablement
entre deux oiseaux formant un couple
inséparable (on dit qu’il y a zéro divorce
chez l’albatros). Chorégraphie aérienne
mais aussi sur terre, de façon pourtant
moins majestueuse, entre gloussements et
tendres coups de becs.
La marmotte
Monsieur marmotte choisit avec soin un
site riche en nourriture (avant tout des
plantes, racines et fleurs) pour y attirer les
femelles. Comme la plupart des mammifères vivant en groupe, ce sont les mâles
dominants qui ont les faveurs des femelles,
car considérés comme les plus aptes à défendre leur progéniture en cas de problème. La parade nuptiale commence une
à deux semaines après la sortie de l’hibernation, en général mi-avril, mais la femelle
ne fait des petits qu’une année sur deux. Le
couple sautille alors face à face en se gratifiant de petites tapes amicales. A noter que
chez les marmottes, qui vivent une quinzaine d’années, la maturité sexuelle est atteinte à 3 ans, et que le terrier est fermé
aux visites par madame dès la naissance
des petits et jusqu’à leur première sortie,
quelques semaines plus tard.
Le phoque à capuchon
Pour plaire à sa belle, le phoque à
capuchon fait dans l’éprouvé: il gonfle
son bel organe pour épater la galerie. Sauf
que chez lui, ce sont les narines qui vont
travailler. A la saison des amours, le mâle
fait enfler la petite membrane qui pend
entre les yeux et devient comme un ballon.
Le cerf
Pas facile pour le cerf de conserver les
faveurs des femelles du groupe. L’automne
venu, période de rut, les cerfs éliminent
les jeunes prétendants en marquant (en
urinant, quoi) aux quatre coins d’une jolie
clairière. Puis commence une véritable
joute vocale dont le but est de montrer à
ces jeunots que les vieux en ont encore
sous la patte. Ou plutôt dans les bois,
certains devant joindre le geste au chant.
Parvenant à faire descendre le larynx au
fond de la gorge, le mâle augmente les
fréquences graves, synonyme comme
chacun sait de grande virilité. La science a,
paraît-il, prouvé que le brame provoquait
même l’ovulation des femelles.
Photos: iStock, DR
Le grèbe huppé
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L’hippocampe
Juste avant de s’accoupler, mâle et femelle de ces curieux
chevaux marins (d’où le préfixe «hippo») exécutent
ensemble un joli ballet aux allures de valse viennoise. Dans
des mouvements où la lenteur le dispute à la grâce, ils
tournent sur eux-mêmes, s’inclinent et se redressent de
concert. A noter qu’il existe une cinquantaine d’espèces
d’hippocampes vivant en eaux tropicales et tempérées.
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Le paon
Là, c’est un mythe qui s’effondre. La magnifique roue déployée par le paon
pour séduire la femelle est un grand classique. Darwin l’a même prise comme
exemple pour démontrer l’hypothèse selon laquelle la sélection sexuelle peut
s’effectuer sur la base d’attributs censés démontrer l’individu le plus apte à la
reproduction. Mais selon certains chercheurs, la paonne ne se montre guère
captivée par cet impressionnant déploiement, regardant ses pattes quand ce
n’est pas ailleurs. Heureusement que cette queue de près de 300 grammes n’a
aucune conséquence fâcheuse sur la capacité du paon à décoller et voler. Ouf.
Le manakin
moonwalk latéral, avec des pas glissés sur
sa branche dans les deux sens. Hélas, il
semble que la femelle manakin privilégie
le plus endurant et pas forcément le plus
artistique.
Photos: iStock, DR
La demoiselle
Le manakin à cuisses jaunes (et tête
rouge), charmant petit volatile d’Amérique
centrale, n’a pas que sa panoplie colorée
à offrir pour séduire. La compétition
étant apparemment féroce pour séduire
une Madame toute de vert vêtue, voici
Monsieur obligé de battre des ailes pour
attirer l’attention puis d’entamer un
Les demoiselles sont une espèce cousine
des libellules, mais plus petites et fines,
avec des ailes repliées au-dessus du
corps au repos. Mais alors que chez les
libellules, les mâles n’hésitent pas à se
battre violemment pour conquérir l’élue
de leur coeur, le romantisme prévaudrait
plutôt chez les demoiselles. Occupant un
petit territoire le long d’un cours d’eau, le
mâle vient ainsi voler quelques instants
aux côtés d’une femelle passant par hasard
dans le coin. Pour la séduire, il rase la
surface de l’eau, ajoutant une coloration
des ailes qui évoque aussi bien ses propres
capacités reproductives que les bienfaits
de son territoire. Si la femelle se montre
réceptive à l’étalage de tant de qualités,
le duo s’accouplera alors en un vol qui
peut durer plusieurs heures, et formera
un cœur en courbant l’extrémité des deux
corps. MM
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