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ments rencontre dans la Manche, à quelques milles de Cherbourg, une armée
navale anglo-hollandaise forte d’une centaine de vaisseaux de ligne. Réunie
sur la côte nord du Cotentin à l’initiative de Louis XIV et du roi d’Angleterre
Jacques II pour y embarquer des troupes d’invasions destinées à chasser de
Londres l’usurpateur protestant Guillaume III d’Orange, la flotte française
de l’Amiral Tourville livra à la flotte coalisée d’Edward Russell, Lord Amiral
de Guillaume III, un combat acharné mais trop inégal pour que la victoire lui
sourit. Au soir du 29 mai, les vaisseaux français furent en conséquence con-
traints à battre en retraite. Si nombre d’entre eux purent rejoindre les côtes
bretonnes, quinze des plus grands bâtiments de Tourville, repoussés par les
courants de marée, furent en revanche amenés à chercher refuge près du lieu
du combat. C’est ainsi que douze vaisseaux se présentèrent devant Saint-
Vaast La Hougue. Pénalisés par leur très fort tirant d’eau, les cinq plus gros
bâtiments de cette escadre s’échouèrent à proximité immédiate de l’île Tatihou,
qui jouxte le continent (Fig. 1), cependant que les autres, à l’exception d’un
seul qui se perdit sur une barre rocheuse, entraient dans une baie proche dite
du Cul de Loup. Cernés par la flotte anglaise et abandonnés par leurs équipa-
ges trop épuisés pour les défendre, tous ces vaisseaux de ligne furent finale-
ment détruits les jours suivants par des incendies allumés par des brûlots
anglais. On déplora ainsi la perte à Tatihou de l’Ambitieux, du Merveilleux,
du Saint-Philippe, du Foudroyant et du Magnifique, cependant que disparais-
saient dans la baie du Cul de Loup les deux vaisseaux de 76 canons, le Fier et
le Tonnant, ainsi que le Gaillard (68 canons), le Bourbon (64 canons), le
Saint-Louis et le Fort (60 canons).
La très faible profondeur de la baie conjuguée à l’importance des vais-
seaux incendiés expliquent que les années suivantes furent marquées par de
très actives campagnes de récupération directement organisées par l’admi-
nistration royale. Ce qui pouvait encore être sauvé fut à cette occasion récu-
péré puis les épaves sombrèrent pour près de trois siècles dans un quasi-
oubli.
2.2 ELABORATION D’UN PROJET DE FOUILLE
Il fallut en fait attendre 1985 pour qu’un plongeur normand, Christian
Cardin, fasciné par l’histoire de la Hougue recherche et découvre les épaves
des vaisseaux incendiés auprès de l’île Tatihou. Or, c’est à cette même épo-
que que le Conseil Général du département de la Manche décida la réhabili-
tation de cette île dont il souhaitait faire un pôle touristique et culturel et un
lieu muséographique consacré au monde maritime. Dans le cadre de ce pro-
jet global, il proposa donc fin 1989 de financer un premier diagnostic ar-
chéologique des épaves proches de l’île. Conduit par Michel L’Hour, un son-
dage réalisé dès 1990 conclut à l’intérêt archéologique des épaves. Avec l’ap-
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