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Kant, parlant de la logique, déclarait que « depuis Aristote elle n’a été obligée
de faire aucun pas en arrière [et] jusqu’à présent, elle n’a pu faire non plus aucun
pas en avant et, par conséquent, selon toute apparence, elle semble close et
achevée ». On pourrait croire qu’il ne s’agit là que d’une déclaration impru-
dente de quelqu’un qui aurait mieux fait de ne pas se er aux apparences et qui
aura tiré un peu trop hâtivement des conclusions dénitives de l’état de stagna-
tion de la logique à son époque. Ce n’est en eet qu’en mai que Bolzano
achève d’écrire La Théorie de la science (Wissenschaftslehre) publiée en .
Mais il y a plus grave. Kant estime que son propos est philosophiquement
fondé et que sa philosophie donne les raisons qui justient qu’on mette un point
nal à la logique : « Nous n’avons que faire de nouvelles découvertes en logique
puisque celle-ci ne contient que la simple forme de la pensée. » Comment faut-il
entendre cette déclaration péremptoire ?
Kant veut distinguer la vérité objective ou matérielle qui consiste dans l’ac-
cord avec la réalité, de la vérité formelle que l’on rencontre dans la logique.
Cette distinction repose sur l’idée que la logique concerne « l’usage général
de l’entendement [...] sans avoir égard à la diversité des objets auxquels il peut
s’appliquer » car, plus précisément, elle « fait abstraction [...] de tout contenu
de la connaissance, c’est-à-dire de toute relation de celle-ci à l’objet, et elle ne
considère que [...] la forme de la pensée en général ».
Faut-il alors en conclure que la logique ne nous fait rien connaître puisque
connaître c’est connaître des objets et que, dans la logique générale, il n’y en
a pas ? Kant doit pourtant bien admettre qu’elle est une science, « brève et
aride », croit-il nécessaire d’ajouter ! Mais, alors, de quoi est-elle la science ?
Il répond que c’est « la science des lois nécessaires et universelles de la pensée
en général », mais que ces lois ne sauraient être les lois d’un objet parce que
nous avons « fait complètement abstraction de tout objet ».
. Kant, Critique de la raison pure. Logique transcendantale, préface de la e éd. de , Paris, PUF,
, p. ; Paris, Flammarion, , p. .
. Bernard Bolzano (-) est le premier à contester l’idée que la logique formelle est une science
sans contenu qui a fait abstraction de tout objet et qui ne s’occupe que des formes de la pensée.
. Kant, Logique, introd. II, Paris, Librairie Vrin, , p. .
. Kant, Critique de la raison pure, introd. III, PUF, p. ; Flammarion, p. . Logique, introd. VII,
p. -.
. Kant, Critique de la raison pure. Logique transcendantale, introd. I, PUF, p. ; Flammarion, p. .
. Ibid., introd. II, PUF : p. ; Flammarion : p. .
. Ibid., introd. I, Flammarion, p. .
. Kant, Logique, introd. I, p. .
. Ibid., p. .