Médecine Clinique endocrinologie & diabète • n° 52, Mai-Juin 2011 39
que l’on assiste une nouvelle fois à une
vague d’apoptose massive des ovocytes.
En conséquence le ratio entre le nombre
de cellules de la lignée germinale et le
nombre de cellules de la lignée granu-
losa se modifie en faveur de ces dernières
(Figure 2). Chaque ovocyte survivant est
entouré progressivement par les cellules
épithéliales de la prégranulosa. Il se
forme ainsi un follicule délimité par une
membrane basale continue le séparant
du tissu mésenchymateux qui s’insinue
entre les follicules en formation, ce qui
a pour conséquence la fragmentation et
donc la disparition du cordon ovigère
(Figures 2 et 3).
L’histogenèse folliculaire débute à
partir de la 16ème semaine chez le fœtus
humain. Les follicules qui se sont formés
au cours de cette étape sont des folli-
cules primordiaux caractérisés par
une assise de cellules de la granulosa
aplaties (ou squameuses). La grande
majorité d’entre eux va rester à l’état
quiescent et constituer la réserve folli-
culaire qui assurera l’intégralité de la vie
reproductive de la femelle.
Folliculogenèse
A partir de la puberté, la matura-
tion ovocytaire se fait en étroite rela-
tion avec la folliculogenèse, processus
regroupant les étapes de sélection et de
croissance folliculaire depuis le stade
follicule primordial jusqu’au stade
préovulatoire. La folliculogenèse dont
la durée chez la femme est estimée à
200 jours [9] est classiquement subdi-
visée en deux étapes, la folliculogenèse
basale et la folliculogenèse terminale.
Au cours de la folliculogenèse
basale, les follicules initient leur crois-
sance et passent successivement du
stade primordial, au stade primaire
jusqu’au stade petit antral. Cette phase
de croissance n’est pas contrôlée par
les hormones gonadotropes hypophy-
saires mais par des facteurs locaux agis-
sant de manière autocrine ou paracrine.
L’hormone anti-Müllerienne (AMH)
sécrétée par les follicules en croissance
régule la croissance folliculaire en inhi-
bant le recrutement des follicules de la
réserve [10]. Plus directement dans le
cadre des interactions entre ovocyte et
cellules de la granulosa, certains facteurs
de croissance ainsi GDF9 (Growth
Differentiation Factor 9) et BMP15 (Bone
Morphogenetic Protein 15) sécrétés par
l’ovocyte stimulent la croissance du
follicule [11, 12]. Réciproquement le
Kit-ligand sécrété par les cellules de la
granulosa intervient sur la croissance
ovocytaire [13].
La folliculogenèse terminale qui
aboutit à l’ovulation est sous le contrôle
des hormones gonadotropes hypo-
physaires LH et FSH et se déroule en 3
phases successives : recrutement de folli-
cules qui entrent en croissance, sélec-
tion du ou des follicules destiné(s) à
ovuler et dominance, étape au cours de
laquelle les follicules non sélectionnés
vont devenir atrétiques.
A partir de la formation de l’antrum
et au cours de la croissance du folli-
cule antral, les cellules de la granulosa
vont se subdiviser en deux populations :
les cellules du cumulus proches de
l’ovocyte et les cellules murales, à
la périphérie du follicule, proches de
la membrane basale. Ces populations
cellulaires se distinguent par leurs carac-
téristiques morphologiques et fonction-
nelles, ainsi dans le follicule préovula-
toire l’expression des récepteurs de LH
est forte dans les cellules murales et
faible dans les cellules du cumulus ; ces
dernières synthétisant l’acide hyaluro-
nique, glycosaminoglycane participant
à l’expansion du cumulus, nécessaire à
l’ovulation.
Le rôle de l’ovocyte dans le contrôle
de la différenciation des cellules de la
granulosa a été mis en évidence par
des expériences déjà anciennes d’ovo-
cytectomie (chez le lapin ou le rat).
La suppression par microchirurgie de
l’ovocyte d’un follicule préovulatoire
entraîne la lutéinisation des cellules de
la granulosa et la production de proges-
térone normalement observées après
l’ovulation [14] (Figure 1). Cet effet
est réversible si, en culture in vitro, un
ovocyte est ré-associé aux cellules de la
granulosa [15]. Ces approches expéri-
mentales au cours desquelles sont réali-
sées des co-cultures d’ovocytes et de
cellules de la granulosa ont confirmé
l’importance de l’ovocyte dans la diffé-
renciation des cellules de la granulosa
et spécifiquement dans l’établissement
de la différence fonctionnelle entre
cellules du cumulus et cellules murales
[16, 17] (Figure 1). En l’absence d’ovo-
cyte, les cellules de la granulosa, sous le
contrôle des hormones gonadotropes,
suivraient une voie de différenciation
« par défaut » qui les transformerait en
cellules murales puis en cellules lutéales,
alors que la présence de l’ovocyte indui-
rait la différenciation des cellules du
cumulus [18, 19].
L’ensemble des étapes nécessaires à
la différenciation ovarienne et au bon
déroulement de la folliculogenèse fait
appel à un dialogue étroit entre cellules
de la lignée germinale et de la lignée
granulosa, dialogue qui, a cependant
la particularité de s’établir alors que
près de 99 % des cellules de la lignée
germinale disparaissent tout au long
de la vie reproductive. L’identification
de nouveaux facteurs contrôlant les
interactions entre lignage germinal et
lignage granulosa (oocyte-granulosa cell
regulatory loop [18]), aussi bien que ceux
intervenant dans l’établissement du
stock d’ovocytes est un objectif majeur
qui permettra de progresser dans le
domaine des recherches fondamentales
sur la physiologie ovarienne mais aussi
dans la perspective de recherches appli-
quées sur la fertilité humaine.
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