Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi

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Composantes pariétales et musculo-squelettiques
des algies pelvi-périnéales
J.-J. Labat, M. Guérineau, M. Bensignor et R. Robert
Les douleurs pelvi-périnéales chroniques posent des problèmes diagnostiques fréquents. Elles
sont trop souvent rapportées à une origine viscérale (avis spécialisés de « filières ») alors qu’une
origine myofasciale, neurologique ou articulaire en constitue le support pathogénique le plus
probable. Elles nécessitent un interrogatoire dirigé, une écoute compassionnelle et un examen
rigoureux. La dimension « émotionnelle » de ces douleurs chroniques invalidantes rend souvent difficile cette approche clinique.
INTRODUCTION
Les douleurs pelvi-périnéales sont souvent considérées comme d’origine viscérale et multiexplorées à ce niveau dans les domaines urologique,
gynécologique ou digestif. Cependant l’interrogatoire des patients permet souvent de soupçonner une origine pariétale parfois neurologique
parfois musculaire ou parfois ostéo-articulaire.
Ce démembrement est avant tout clinique et
devrait précéder toute exploration d’imagerie « à
l’aveugle ». Il est d’autant plus important qu’il
ouvre la perspective à des prises en charges nouvelles (et notamment kinésithérapiques) chez des
patients souvent en impasse thérapeutique.
DOULEURS PARIÉTALES
NEUROLOGIQUES
Les atteintes des nerfs ilio-inguinal, ilio-hypogastrique, génito-fémoral, cutané latéral de la
cuisse, obturateur sont en général liées à un traumatisme opératoire ou plus à distance d’une
fibrose postchirurgicale, laminant le nerf de façon
chronique. Ces douleurs ont trois caractéristiques : elles sont localisées à la région anatomique attendue, elles ont des caractères à la fois
neurogènes et mécaniques, elles surviennent chez
des patients qui ont des antécédents chirurgicaux.
Troubles sensitifs
Les troubles sensitifs subjectifs sont souvent le
motif d’alerte du patient, leur tonalité est très
particulière. Les douleurs peuvent prendre une
tonalité de paresthésies (à type de picotements,
d’engourdissements, de pelote d’aiguilles), de
décharges électriques ou de brûlures. Le patient
peut signaler une allodynie qui est une intolérance au contact cutané, au port d’un vêtement
par exemple.
L’examen clinique prend toute sa valeur quand
il retrouve des dysesthésies au contact (c’est le
contact, le frottement qui déclenche des sensations désagréables, des picotements), une hypoesthésie au piquer-toucher ou au chaud-froid.
Une stimulation mécanique locale peut provoquer une douleur qui persiste bien après l’arrêt de
la stimulation, c’est l’hyperpathie.
La découverte d’un signe de Tinel a un
intérêt topographique, car celui-ci est situé sur
un trajet nerveux identifié et un intérêt pathogénique en faveur d’un mécanisme compressif
puisque la pression locale déclenche la douleur à
distance, en aval, dans le territoire incriminé.
Topographie de l’atteinte
C’est elle qui va permettre de rattacher les symptômes à un tronc nerveux. Cette topographie est
directement liée aux données neuro-anatomiques.
368
Pelvi-périnéologie
Nerf ilio-inguinal et ilio-hypogastrique avec
des troubles sensitifs retrouvés dans la région
inguinale et pouvant irradier vers une grande
lèvre et entraînant une dyspareunie d’intromission ou vers un testicule.
Nerf génito-fémoral avec des troubles sensitifs
irradiant vers la face interne de la racine de la
cuisse et la région génitale.
Nerf cutané latéral de la cuisse avec une
atteinte tout à fait évocatrice en raquette à la face
externe de la cuisse.
Nerf obturateur à la face interne de la cuisse,
souvent jusqu’au genou.
Nerf saphène interne à la face interne de la
cuisse, du genou de la jambe vers la malléole
interne.
Troubles moteurs
La fonction motrice de ces nerfs est d’importance
variable. Le nerf obturateur intervient dans l’adduction de la hanche. Les patients qui ont des
douleurs de l’aine, irradiant à la face interne de
la cuisse avec des douleurs à l’appui du membre
inférieur sont suspects d’une atteinte du nerf
obturateur. Le nerf génito-fémoral intervient dans
la contraction des crémasters explorés lors de la
recherche du réflexe crémastérien (ascension testiculaire lors du grattage de la face interne de la
cuisse). La fonction motrice des autres nerfs est
des plus réduites. Le nerf cutané latéral de la
cuisse et le nerf saphène sont purement sensitifs.
Données de l’électro-neuro-myogramme
L’électromyogramme, en détection, réalisé avec
une électrode-aiguille peut retrouver des signes
de dénervation dans les muscles striés dépendant
d’un nerf somatique. L’étude des latences distales motrices et des mesures de conductions nerveuses motrices et sensitives n’est pas aisée au
niveau pelvien. L’étude des potentiels évoqués
somesthésiques est relativement peu sensible
dans les atteintes sensitives périphériques. Dans
la pratique clinique, les examens utiles sont
l’EMG analytique périnéal et la mesure de la
latence distale du nerf pudendal, l’EMG analytique des adducteurs dans les rares atteintes du
nerf obturateur.
Atteintes postopératoires
Dans la chirurgie à ciel ouvert :
l’analyse des cicatrices
Dans la chirurgie à ciel ouvert, l’analyse topographique des cicatrices peut orienter vers le diagnostic de l’atteinte nerveuse. Les abords latéraux, comme ceux des néphrectomies, peuvent
léser les nerf ilio-inguinal et ilio-hypogastrique.
La chirurgie des hernies inguinales (1) est pourvoyeuse de complications neurologiques. Les
abords inguinaux peuvent conduire à des douleurs sur cicatrices avec signe de Tinel. Les
appendicectomies peuvent ainsi entraîner une
atteinte ilio-inguinale ou génito-fémorale. Les
cicatrices de hernie inguinale peuvent être des
gâchettes de douleurs ilio-inguinales, ilio-hypogastriques ou génito-fémorales. Dans les abords
antérieurs des cures de hernies de l’aine, l’incision de l’aponévrose du grand oblique, située
sous les plans cutanés et sous-cutanés, ouvre le
canal inguinal. Les éléments sensitifs entourent le
cordon : les nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique sont en position antéro-latérale et le génitofémoral est postéro-inférieur en émergeant de
l’orifice inguinal profond. Dans les abords postérieurs traditionnels des cures de hernie inguinale, médians, avec une incision sous-ombilicale
ou de type Pfannenstiel, le risque se situe plus au
niveau de l’abord qu’au niveau du cordon. Les
atteintes ilio-hypogastriques à l’extrémité d’une
cicatrice de Pfannenstiel se voient dans toute chirurgie, notamment lors des césariennes (2), mais
également sur les cicatrices d’abdominoplasties
réalisées pour chirurgie plastique (3).
Dans la chirurgie cœlioscopique
Les voies cœlioscopiques abordent la hernie
inguinale par voie postérieure. Les nerfs sont
exposés à l’agrafage dans le « triangle des douleurs » situé en dehors d’un angle délimité par les
vaisseaux spermatiques en bas et en dedans, et
par la bandelette ilio-pubienne en haut. Ce sont
le nerf fémoral, invisible sous le fascia iliaca, en
dehors de l’artère iliaque, la branche fémorale du
nerf génito-fémoral, proche des vaisseaux spermatiques, et le nerf cutané latéral de la cuisse,
plus latéral, en dedans de l’épine iliaque antérosupérieure. Par la voie extrapéritonéale, le nerf
obturateur est exposé quand il croise le bord inférieur de la branche ilio-pubienne pour traverser le
trou obturateur.
Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales
Dans la chirurgie cœlioscopique, si le point
d’insertion du trocart de W est situé très bas sur
la ligne joignant ombilic-épine iliaque antérosupérieure (hernie ; hystérectomie, colectomie
gauche (le côlon sort par un Mac Burnay élargi))
il existe alors un risque de traumatisme à l’émergence du nerf ilio-inguinal.
Dans la chirurgie par voie vaginale
Dans les cures d’incontinence urinaire a minima
par suspension à l’aiguille (Pereyra, Stamey,
Raz), le nerf ilio-inguinal peut être atteint dans un
peu plus de 2 % des cas (4). L’atteinte est liée à
la suture latérale sur le tubercule pubien dans les
cas où le nerf a un trajet très médial.
La mise en place des bandelettes sous-uréthrales type TVT peut de façon exceptionnelle
être génératrice de douleurs postopératoires rattachées à un traumatisme du nerf dorsal du clitoris ou du nerf obturateur par le passage du mandrin. On y pensera quand surviendront des
douleurs vives, à tonalité neurogène, sans douleurs déclenchées à la palpation de la bandelette.
369
s’attacher à rechercher des points douloureux fessiers. Le nerf cutané postérieur de la cuisse et le
nerf sciatique peuvent entrer en conflit avec le
bord inférieur du muscle piriforme (pyramidal du
bassin) ou le bord supérieur du muscle obturateur
interne.
Nerf glutéal supérieur
Muscle
piriforme
Nerf glutéal inférieur
Muscle
obturateur
interne
Nerf pudendal
Nerf obturateur interne
Nerf cutané postérieur de la cuisse
Nerf sciatique
Branche tibiale
Branche péronéale
DOULEURS
D’ORIGINE MUSCULAIRE
La constatation d’un muscle hypertonique et douloureux est toujours difficile à interpréter dans le
cadre d’un syndrome douloureux chronique :
s’agit-il d’une réaction réflexe locale par exagération du réflexe myotatique ou s’agit-il de la
cause primaire du syndrome algique ? La réponse
est rarement donnée, mais il est essentiel de
dépister ces réactions musculaires (5) qu’elles
soient au premier ou au deuxième plan du tableau
clinique, car elles pourront justifier une prescription de décontracturants ou de kinésithérapie. Le
point d’appel en est essentiellement l’existence
d’une composante douloureuse fessière, elle peut
être formulée par le patient de façon prépondérante, de façon accessoire ou n’être qu’une
donnée retrouvée à l’examen clinique.
Les sciatiques de la fesse
Une douleur sciatique n’est pas toujours d’origine
radiculaire. Quand la clinique ne retrouve pas de
point d’appel rachidien, l’examen clinique doit
Fig. 1 – Topographie des muscles piriforme et obturateur
interne.
Syndrome du muscle piriforme
Le syndrome du muscle piriforme (pyramidal du
bassin) (6) est aussi contesté qu’il est sousévalué, car il s’agit la plupart du temps d’un diagnostic d’exclusion qui ne sera évoqué qu’après
une longue phase d’errance à la recherche d’une
pathologie rachidienne. Les femmes en sont
beaucoup plus souvent victimes que les hommes.
Le muscle piriforme est un muscle de la fesse
étendu en éventail du grand trochanter vers la
surface glutéale de l’ilium (près de l’épine iliaque
postéro-supérieure), de la capsule antéro-supérieure de l’articulation sacro-iliaque et du ligament sacro-tubéral. Le muscle piriforme est un
rotateur externe de la hanche lors de l’extension
de la jambe, et un abducteur de la hanche lorsque
la jambe est fléchie. Il intervient dans l’équilibre
du bassin. Il rentre en contact dans le canal souspiriforme avec le tronc sciatique et avec le nerf
cutané postérieur de la cuisse (« petit sciatique »
qui assure l’innervation de la face postérieure de
la cuisse).
370
Pelvi-périnéologie
Signes d’appel
Le patient se plaint avant tout d’une douleur fessière avec des irradiations plus ou moins descendantes à la face postérieure de la cuisse, voire
dans un trajet sciatique complet. Cette douleur
fessière est en général aggravée par la station
assise, parfois par un effort physique comme la
marche, un soulèvement, les escaliers ou par certaines positions extrêmes. À l’inverse, certains
patients sont soulagés, en station assise par la
mise en flexion et abduction passive du membre
inférieur (raccourcissement passif du muscle). Si
la douleur sciatique est unilatérale la douleur fessière peut être bilatérale, mais en général avec un
côté prépondérant.
Certains patients sont plus exposés que
d’autres, notamment les sportifs pratiquant la
course de fond ou les cyclistes. Ces douleurs
apparaissent parfois après une chute ou un traumatisme fessier (7). Une inégalité de longueur
des membres inférieurs, une atteinte de la sacroiliaque peuvent également être favorisantes. Parfois, ce sont des patients qui ont été traités, voire
opérés, pour une authentique sciatique discale,
mais qui gardent une sciatalgie sans syndrome
rachidien.
Le patient peut décrire une sensation de tension, de contracture, de spasme fessier. La douleur sciatique a parfois une tonalité de paresthésie.
Examen clinique
La douleur étant habituellement unilatérale,
toutes les manœuvres sont à exécuter de façon
comparative. L’examen clinique en décubitus
ventral retrouve un point douloureux à l’insertion du piriforme sur le trochanter (insertion voisine de celle de l’obturateur interne et les
jumeaux) pouvant en imposer pour une tendinite
du moyen fessier. Le deuxième point douloureux
est retrouvé au niveau de la portion moyenne du
muscle, sur une ligne verticale passant à mi-distance du trochanter et du sacrum, et sur une ligne
horizontale située environ 5 cm au-dessus du trochanter. La mise en rotation interne passive,
jambe fléchie à 90° peut réveiller la douleur. De
cette position en rotation interne, une résistance
peut être appliquée au niveau de la face interne
de la jambe sur la malléole.
Certaines manœuvres peuvent réveiller la douleur : en position debout, la rotation interne et la
flexion antérieure du tronc simultanées ; en décu-
bitus dorsal : la rotation interne passive, la mise
en flexion-adduction du membre inférieur, ou la
manœuvre de Lasègue sensibilisée par la mise
en rotation interne du membre inférieur. En décubitus latéral du côté non affecté, la jambe douloureuse est placée derrière l’autre jambe, le
genou reposant sur la table, la douleur fessière est
déclenchée quand le patient tente de soulever son
genou.
Examens complémentaires
Les examens complémentaires sont décevants.
Les explorations électrophysiologiques sont peu
contributives, les anomalies sont très inconstantes, la dénervation est rare, elle peut être évocatrice quand elle touche les deux territoires L5
et S1. Le réflexe H, explore l’arc réflexe S1 par
stimulation électrique du tronc sciatique au creux
poplité et recueil dans le soléaire, sa latence peut
donc être augmentée en cas de compression tronculaire du sciatique dans la fesse, mais cela n’est
pas spécifique puisque les mêmes anomalies
seront retrouvées dans les pathologies radiculaires S1. La découverte d’anomalies unilatérales
et l’apparition d’une augmentation de la latence
de la réponse H lors de l’étirement du muscle
piriforme écrasant le sciatique (membre inférieur
en flexion, adduction, rotation interne soit FAIR)
sont plus spécifiques (8, 9).
Des anomalies morphologiques du muscle
piriforme au scanner ou en IRM ont été rapportées (10) avec des aspects d’hypertrophie musculaire (11), ces images sont très inconstantes et
peu spécifiques, car un muscle spasmé se raccourcit et s’épaissit relativement.
Les variations anatomiques susceptibles de
comprimer les fibres sciatiques ont été observées
lors des explorations chirurgicales (12). Dans
20 % des cas, le tronc sciatique traverserait le
muscle piriforme.
Traitement
Le premier traitement est physique (cf. infra).
Les infiltrations d’un dérivé cortisoné sont en
général réalisées sur le tendon d’insertion rétrotrochantérien du muscle, sur son insertion sur la
sacro-iliaque ou dans le corps du muscle.
De façon récente, certains ont proposé très
logiquement des injections intramusculaires de
toxine botulique (13, 14) avec des résultats favorables (15) (environ 75 % de patients améliorés,
9/10 d’entre eux de plus de 50 %) sans avoir
Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales
besoin de répéter les injections, le relâchement
musculaire induit permettant de reprendre la physiothérapie de façon plus efficace. Ces résultats
sont meilleurs que ceux obtenus avec les infiltrations de corticoïdes (16).
La chirurgie (17, 18) consiste à disséquer les
fibres du muscle et à réaliser une neurolyse du
sciatique. Elle est peu pratiquée et non évaluée.
« Hamstring syndrome »
Le « hamstring syndrome (19) » concerne des
patients qui se plaignent d’une douleur débutant
dans la région de la tubérosité ischiatique irradiant le long de la face postérieure de la cuisse.
La douleur se rencontre essentiellement chez les
sportifs. Elle survient volontiers en position
assise, à la course ou lors de l’étirement de la
cuisse en hyperflexion sur le bassin, jambe
tendue. L’examen clinique retrouve une douleur
dans la région de la tubérosité ischiatique sur
l’insertion du biceps fémoral et reproduit la douleur lors de la recherche du signe de Lasègue. Ce
syndrome doit être différencié d’une bursite
ischiatique (possibilité de douleurs nocturnes et
données de l’imagerie). Les examens complémentaires ne sont pas contributifs, le diagnostic
est purement clinique et les douleurs sont rattachées à un syndrome compressif du sciatique par
le bord latéral du muscle biceps fémoral juste
sous son insertion ischiatique, éventuellement par
une bande fibro-tendineuse. Ces bandes pourraient parfois être observées en échographie. Le
traitement consiste à libérer chirurgicalement le
sciatique de cette bande tendineuse.
Syndrome du muscle obturateur interne
Le tableau clinique se différencie du précédent
par l’association à la douleur fessière et du
membre inférieur prédominant en station assise,
d’irradiations douloureuses inguinales et périnéales pouvant faire évoquer une participation
pudendale. L’examen clinique retrouve le même
point douloureux trochantérien, mais le point
douloureux fessier est situé sur l’axe vertical
médian, 5 cm plus bas que dans la situation précédente, sur une ligne horizontale allant du grand
trochanter à la pointe du coccyx. Une coupe de
scanner réalisée sur le point douloureux fessier
permet de situer avec certitude la topographie
musculaire en cause (piriforme ou obturateur
interne). Beaucoup de patients « étiquetés » syndrome du pyramidal ont en fait une douleur de
371
l’obturateur interne contigu. On retrouve également une douleur à la pression endo-ischiatique
profonde (par appui périnéal ou endorectal
latéral) correspondant à la portion endopelvienne
du muscle.
Le tronc sciatique peut être soumis à des
contraintes dans le passage entre le bord inférieur du muscle piriforme et le bord supérieur de
l’obturateur interne qui dans cette portion fessière est essentiellement tendineux. Le nerf
pudendal peut être soumis à des tensions dans le
canal pudendal d’Alcock puisqu’il chemine dans
l’aponévrose du chef pelvien de l’obturateur
interne. Un syndrome de l’obturateur interne peut
expliquer des irradiations à la fois sciatiques et
pudendales.
Certains ont même estimé récemment que le
syndrome du piriforme était avant tout un syndrome douloureux liés à une atteinte du complexe muscles piriforme, obturateur interne et
jumeaux (« deep gluteal syndrome » (20)), voire
même du simple obturateur interne (21). Nous
partagerons volontiers cette opinion d’autant que
dans notre expérience, les injections de toxine
botulique dans le chef pelvien de l’obturateur
interne associées à une injection de corticoïdes
dans le chef tendineux fessier de ce muscle sont
plus souvent efficaces que les injections de toxine
dans le piriforme.
Il s’agit d’un syndrome qui peut sûrement
relever de mécanismes différents, pas toujours
identifiés. Après injection de toxine botulique
dans le corps du muscle obturateur interne, nous
avons constaté une fois sur deux, une amélioration très nette du syndrome algique. Ces succès
correspondent aux douleurs localisées, souvent
post-traumatiques ou associées à des névralgies
pudendales. Une section du muscle obturateur
interne (22) peut être envisagée dans les cas où
le test est positif. Dans l’autre moitié des cas, on
peut éliminer le rôle de la contracture musculaire, ce qui ne permet pas d’expliquer la douleur
et le point gâchette, ces échecs sont retrouvés
quand le syndrome du piriforme évolue dans un
contexte de douleurs plus diffuses et notamment
fibromyalgique. L’injection de toxine botulique
paraît donc utile à titre de test physiopathologique quand le syndrome du piriforme est isolé,
elle n’est pas logique si on constate au scanner,
un muscle obturateur interne atrophique (qui
serait plus un facteur de risque de pathologie tendineuse, au niveau de son chef fessier).
372
Pelvi-périnéologie
Association douleur périnéale, douleur
de la fesse et sciatique tronquée
et d’un moment à l’autre dans des schémas assez
spécifiques pour chaque muscle impliqué.
La douleur périnéale de type névralgique n’est
jamais présente au cours des sciatiques même compliquées. Elle ne semble pas devoir être l’expression
d’une souffrance radiculaire. Dans les névralgies
pudendales, la douleur est de type chronique, à type
de brûlure, siégeant au niveau du périnée, aggravée
par la station assise. Il s’y associe fréquemment une
douleur sciatique en général tronquée, s’arrêtant au
niveau de la face postérieure de la cuisse ou du
creux poplité, mais la lombalgie est absente, la fesse
douloureuse, ainsi que la région trochantérienne.
Nous avons vu qu’il pouvait s’agir d’un syndrome
du muscle piriforme ou de l’obturateur interne avec
compression tronculaire du sciatique ou du nerf
cutané postérieur de la cuisse, entre le bord inférieur
du piriforme et le bord supérieur de l’obturateur.
Cette contracture pourrait être réflexe et secondaire
à la douleur périnéale, mais la douleur sciatique
pourrait aussi être secondaire à des phénomènes de
convergence et d’hypersensibilisation centrale au
niveau du cône terminal où les structures centrales
intégratrices de la douleur sont sensibilisées par les
influx afférents issus du nerf pudendal.
Examen clinique
Cliniquement, on peut identifier ces points musculaires afin de les rattacher à un muscle d’origine, la douleur est déclenchée par la pression
locale ou parfois par l’étirement du muscle, mais
pas par sa contraction volontaire (contrairement à
une tendinite), en revanche cette mise en tension
musculaire permet de rattacher la zone douloureuse à un muscle donné. Pour la région qui nous
concerne, les points douloureux sont en général
retrouvés lors de l’examen des muscles élévateurs
de l’anus, piriformes, obturateurs internes, droits
fémoraux, psoas et transverses profonds.
Syndrome myofascial
Certains patients ont des douleurs assez mal définies mais centrées sur la région périnéale, fessière
ou abdominopelvienne. L’examen clinique
retrouve souvent des points gâchettes (myofascial trigger point). Il s’agit en fait d’un syndrome
douloureux local s’intégrant dans le contexte
d’un syndrome myofascial (23).
Définition, douleurs myofasciales,
fibromyalgies
Définition
Une douleur myofasciale est définie (24) par la
présence d’un point douloureux gâchette (trigger
point) au sein d’un muscle traduisant une hyperirritabilité du muscle ou de son fascia. Ce point
gâchette est considéré comme « actif », c’est-àdire responsable d’une réaction symptomatique
locale et à distance. Cette réaction locale perturbe
l’allongement du muscle, contribue à sa faiblesse,
génère des douleurs référées, et perturbe le bon
équilibre musculaire de la région. La douleur myofasciale s’exprime donc par une douleur régionale
complexe, mais reproductible à l’examen clinique
Élévateur de l’anus : la douleur est déclenchée à la pression de la région ano-coccygienne
et au toucher rectal lors de la pression en arrière
sur le faisceau puborectal, un effort de retenue
permet de constater que cette zone douloureuse
appartient au muscle puborectal.
Muscle piriforme : le point gâchette est situé
en regard de celui-ci (cf. supra), le muscle est
rotateur externe de hanche, et il se contracte lors
de la rotation externe de hanche contrariée, jambe
en extension, il est étiré par la flexion, adduction,
rotation interne de hanche.
Muscle obturateur interne : le point gâchette
est situé en regard de celui-ci dans sa portion fessière (cf. supra) et dans la région endo-ischiatique profonde. Lui aussi est un rotateur externe
de hanche et il est possible de le palper lors des
touchers pelviens sur la face latérale ou on ressent le muscle se contracter quand on fait réaliser
simultanément une flexion et une rotation externe
de hanche contrariée en décubitus dorsal.
Muscle obturateur interne
Fig. 2 – Recherche
d’une zone gâchette
en regard du muscle
obturateur interne.
D’après Weiss (29).
Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales
Psoas : le point gâchette est situé en profondeur lors de la palpation de la paroi abdominale, latéralement aux droits de l’abdomen. Le
muscle est fléchisseur de hanche et rotateur
externe.
Droit fémoral : le muscle est biarticulaire, fléchisseur de hanche et extenseur de genou, il est
mis en tension par la flexion passive du genou le
patient étant en decubitus ventral, hanche
étendue.
Transverse profond : le point gâchette est
situé en endo-ischiatique, mais plus en superficie
que celui de l’obturateur interne.
373
Traitement
En l’absence de mécanisme physiopathologique
identifié (ischémique, hyperexcitabilité musculaire, hypersensibilisation périphérique ou centrale…), la prise en charge de ces syndromes
myofasciaux reste empirique et repose sur la
kinésithérapie, les infiltrations anesthésiques des
points gâchettes, la relaxation, les étirements ou
l’injection de toxine botulique si le rôle d’une
contracture musculaire est envisagé (cf. supra).
Les inhibiteurs des récepteurs NMDA, comme la
kétamine peuvent constituer un appoint intéressant dans ce contexte, par le biais d’une « désensibilisation » des neurones centraux et périphériques.
Fig. 3 – Points sensibles de la fibromyalgie définis par le Collège américain de rhumatologie (ACR) en 1999 (26) (avec
une pression digitale d’une force d’environ 4 kg).
1, 2- Occiput : bilatéral, à l’insertion du muscle sous-occipital.
3, 4- Cervical bas : bilatéral, situé antérieurement en regard des espaces intertransversaires entre C5 et C7.
5, 6- Trapèze : bilatéral, au milieu du bord supérieur.
7, 8- Sus-épineux : bilatéral, à l’insertion au-dessus de l’épine de l’omoplate, près du bord interne.
9, 10- Deuxième côte : bilatéral, à la jonction du deuxième cartilage chondrocostal, juste à côté des jonctions sur les
surfaces supérieures.
11, 12- Épicondyle latéral : bilatéral, à 2 cm de distance des épicondyles.
13, 14- Fessier : bilatéral, dans le quart supéro-externe de la fesse, dans l’enveloppe antérieure du muscle.
15, 16- Grand trochanter : bilatéral, au niveau de la proéminence postérieure du trochanter.
17, 18- Genoux : bilatéral, au niveau du coussinet graisseux de l’interligne interne proximale.
© 2001, National Fibromyalgia Partnership
374
Pelvi-périnéologie
Fibromyalgie et syndrome myofascial
La fibromyalgie (25) est une maladie générale
contrairement au syndrome myofascial qui n’est
qu’une maladie régionale. Les points gâchettes de
la fibromyalgie sont bien définis, 18 possibles
sont dénombrés et les critères diagnostiques
retenus nécessitent la présence de 11 d’entre eux.
La fibromyalgie réalise un syndrome douloureux
chronique qui s’accompagne fréquemment d’une
fatigue générale, de troubles du sommeil, de
paresthésies, de céphalées et au cours duquel on
peut également noter la présence d’un syndrome
du côlon irritable, d’une instabilité vésicale ou
d’un syndrome urétral.
Les points douloureux gâchettes de la fibromyalgie sont plus nombreux, mais plus localisés
que dans le syndrome myofascial.
Il faut noter que si des points gâchettes sont
retenus au niveau fessier, il n’y en a pas au niveau
abdomino-pelvien, ce qui n’exclut pas leur présence surtout si les autres points gâchettes sont
retrouvés à l’examen clinique dans d’autres territoires.
Douleurs myofasciales
et douleurs pelviennes chroniques
Si on les recherche, il est fréquent de retrouver des
points douloureux gâchettes au niveau de la paroi
abdomino-pelvienne (transverses de l’abdomen,
droits de l’abdomen), et comme nous l’avons vu
au niveau des muscles fessiers profonds (piriforme, obturateur interne), transverses profonds,
élévateurs de l’anus et ceci dans de nombreuses
pathologies douloureuses pelviennes chroniques.
Cela a été rapporté au cours de la cystite interstitielle (27) ou de certaines pollakiuries douloureuses, au cours des syndromes douloureux chroniques pelviens (28) (« chronic pelvic pain
syndrome » ou CPPS dénomination actuelle des
prostatites chroniques abactériennes ou des prostatodynies), au cours des syndromes urétraux (29).
Cette mise en évidence est importante d’un point
de vue thérapeutique, car elle permet de proposer
à ces patients une prise en charge thérapeutique
basée sur des méthodes physiques manuelles permettant de traiter au moins une partie du syndrome algique (83 % d’amélioration dans les syndromes urgence-pollakiurie) et 70 % dans les
cystites interstitielles (30). Dans les vulvodynies,
le biofeedback du plancher pelvien (relaxation)
permettrait d’obtenir une diminution des symptômes douloureux dans près de 83 % des cas et
une reprise des rapports sexuels chez 79 % des
patientes ayant interrompu toute activité sexuelle
depuis treize mois en moyenne (31).
Surentraînement des élévateurs
de l’anus
Il n’est pas exclu que le surentraînement des élévateurs de l’anus soit responsable de syndromes
douloureux. Cela a été rapporté chez des
patientes présentant une dyspareunie et dont la
douleur était reproduite à l’examen clinique par
la palpation des élévateurs (32). Elles avaient pratiqué des exercices de Kegel (contractions des
élévateurs) de façon intense (l’une d’entre elles
jusqu’à 80 fois par jour), la limitation des
contractions a fait disparaître la douleur. Ce serait
un argument pour penser à l’existence de tendinites des élévateurs de l’anus.
Prise en charge rééducative
Les algies pelvi-périnéales peuvent être favorisées par un dérèglement mécanique (horizontalisation du sacrum, hyperlordose lombaire) ou bien
d’une action musculaire inadaptée : hypotonie
abdominale ou contracture des piriformes, droits
fémoraux et psoas. Le traitement kinésithérapique
devra tenir compte de ces différents éléments.
Reverticalisation du sacrum
La reverticalisation du sacrum se fait par pression
sur la moitié inférieure du sacrum avec le talon
de la main, pression synchronisée sur le rythme
respiratoire, patient en procubitus. En décubitus
dorsal, une manœuvre de rapprochement pubis
coccyx peut être obtenue par la main supérieure
qui exerce une pression verticale sur le pubis
alors que la main inférieure empaume le sacrum
en l’attirant vers le haut.
Délordose
Il s’agit d’une prise de conscience du positionnement du bassin : se tenir droit, ventre rentré,
bassin en rétroversion, s’asseoir confortablement
dans le fond d’un siège, au besoin diminuer la
surcharge pondérale.
Renforcement abdominal
Le renforcement des abdominaux se fera essentiellement en raccourcissement, c’est-à-dire en
Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales
course interne (contraction complète et étirement
incomplet). Les exercices seront indiqués au
patient pour être effectués régulièrement à la
maison, de préférence quotidiennement.
Lever des contractures musculaires
C’est un temps essentiel de cette prise en charge
kinésithérapique. L’objectif est de lutter contre
la contracture musculaire et le cercle vicieux
contracture-douleur. Chaque séance peut commencer par des applications de chaleur et des
massages des tissus environnants. Ces massages
doux auront pour but de réaliser une détente musculaire, une hyperémie tissulaire, une amélioration de la qualité mécanique des tissus et en particulier de leur mobilité.
Les assouplissements porteront en priorité sur
le piriforme, le droit fémoral, le psoas. La technique utilisée est celle du « contracter-relâcher ».
Une contraction musculaire légère sera demandée
au patient, non pas tant pour renforcer le muscle
déjà hypertonique, que pour obtenir une
meilleure relaxation postcontraction, ainsi qu’une
prise de conscience de la zone à relâcher. La
contraction se fera pendant l’inspiration, le relâchement pendant l’expiration. L’étirement sera
progressif, lent et indolore afin d’éviter l’apparition du réflexe de défense (réflexe myotatique).
Le retour à la position initiale sera également lent
pour éviter l’apparition du même réflexe. La validité de la technique résidera dans la bonne position à faire prendre au patient. Cette position sera
celle de « l’antiphysiologie » du muscle considéré. Par exemple, le muscle piriforme, pelvi-trochantérien, est rotateur externe de hanche et
abducteur, la position du patient sera donc décubitus, dorsal ou ventral, fémur en rotation interne
et adduction. Le même raisonnement s’appliquera pour le psoas et le droit fémoral ou l’obturateur interne.
Les manœuvres pourront être répétées plusieurs fois à chaque séance. Les mouvements
seront appris au patient, avec précision, pour un
entretien régulier personnel. Le nombre de
séances est de 10 à 15 par série, renouvelable
selon les cas, à raison de deux à trois séances
hebdomadaires.
Pour les muscles, élévateurs de l’anus et transverse profond du périnée, il n’est pas possible de
réaliser un contracter-relâcher appréciable, il faut
alors plutôt réaliser un raccourcissement de ces
muscles : pour l’élévateur de l’anus, celui-ci peut
375
se faire en décubitus ventral par un appui ferme
sur la région sacrococcygienne ; pour le transverse profond, en décubitus latéral en empaumant l’aile iliaque et en appuyant sur l’ischion
vers la table d’examen. Les manœuvres concernant ces deux muscles, sont réalisées sur des articulations amphiarthrosiques, c’est-à-dire semimobiles qui ne génèrent que des mouvements de
faible amplitude, de l’ordre de quelques millimètres. Il conviendra donc de rester prudent et de
ne pas « forcer » sur ces articulations.
Il est essentiel de ne jamais forcer pour ne pas
induire de contractures réflexes, la technique doit
être douce et progressive, le patient ne doit jamais
sortir de la séance, avec des douleurs aggravées.
Dans notre expérience, deux tiers des patients
sont améliorés.
Une telle prise en charge peut-être proposée à
des patients dont la clinique a priori n’orienterait
pas vers un tel choix, comme dans les vulvodynies par exemple. C’est dire la nécessité de
rechercher cliniquement ces points d’appels musculaires.
DOULEURS À COMPOSANTE
OSTÉO-LIGAMENTAIRE
Coccygodynies
Douleur nettement coccygienne, la coccygodynie
retrouve un regain d’intérêt depuis la description
des clichés dynamiques du coccyx par Maigne en
1992 (33). La coccygodynie est une douleur
aggravée par la station assise et souvent le
relever, elle est reproduite par la pression ou
l’ébranlement du coccyx par voie externe ou lors
du toucher rectal. Cette douleur doit être strictement localisée au niveau du coccyx et ne pas
avoir d’irradiation fessière ou périnéale. Elle peut
parfois être le témoin d’une instabilité du coccyx
démasquée par les clichés dynamiques du coccyx
comparant les clichés en station debout et assise,
une instabilité du coccyx avec un angle supérieur
à 25° peut être considérée comme pathologique.
L’instabilité peut être le fait d’une hypermobilité
ou d’une luxation postérieure ou plus rarement
antérieure du coccyx. La responsabilité d’un traumatisme local dans la genèse d’une lésion ligamentaire à l’origine d’une instabilité coccygienne
semble pouvoir être retenue quand la coccygo-
376
Pelvi-périnéologie
dynie s’est installée dans les trois mois suivant la
chute. Dans 50 % des cas, le coccyx reste stable
et l’on peut être conduit à découvrir une arthrose
intercoccygienne ou une épine coccygienne. Les
instabilités relèveraient pour certains d’infiltration intradiscale. Les infiltrations du ganglion
impar (ou ganglion de Walther dernier ganglion
sympathique prévertébral situé au niveau sacrococcygien) et des nerfs coccygiens (S5) à leur
émergence, en dehors de l’articulation sacrococcygienne, peuvent aussi donner des résultats
durables (34). Les rares indications de coccygectomie chirurgicale méritent une discussion
rigoureuse.
Douleurs projetées
d’origine rachidienne
Le syndrome de la charnière thoraco-lombaire a
été décrit il y a de nombreuses années par
Maigne (35). Les patients consultent pour des douleurs projetées parfois pseudo-viscérales (inguinales, pubis, testicules, grandes lèvres, urètre)
sans que l’on puisse retrouver de pathologie
locale. Ils ne se plaignent pas spontanément de
leur rachis et quand cela est le cas, leur plainte
concerne paradoxalement plus souvent le rachis
lombosacré que le rachis thoraco-lombaire. La
troisième projection douloureuse est plus inconstante, elle se situe au niveau de la face externe de
la hanche, dans la région trochantérienne.
L’examen clinique systématique retrouve les éléments du syndrome « segmentaire cellulo-périosto-myalgique » avec des douleurs de la charnière thoraco-lombaire au niveau des articulaires
postérieures qui ont d’autant plus de valeur
qu’elles sont unilatérales et du même côté que
celui de la projection douloureuse. On note également au palper-rouler ou au pincement des
zones de cellulalgie paravertébrale suspendues,
s’étendant latéralement vers la région sous-costale, souvent une zone douloureuse myalgique
dans toute la région sous-costale et s’étendant
vers le flanc et la région inguinale parfois une
douleur de crête iliaque. Dans ce contexte, les
douleurs lombosacrées sont en fait également des
douleurs projetées issues de la charnière thoracolombaire.
Ces projections douloureuses sont parfaitement compréhensibles, car toutes les irradiations
antérieures sont situées dans les métamères T12,
L1. Il s’agit rarement de douleurs radiculaires
vraies, le tableau habituel est celui de douleurs
référées d’origine articulaire postérieure évoluant
dans le cadre d’un dysfonctionnement intervertébral mineur. Par ailleurs, c’est également de cette
région qu’émergent les efférents sympathiques
destinés au pelvis et au périnée, expliquant probablement la composante sympathique de
nombre de douleurs.
Les techniques manuelles sont souvent utiles,
mais les récidives ne sont pas rares. Lorsqu’elles
sont insuffisantes pour obtenir un soulagement
durable, on peut proposer des infiltrations de corticoïdes au niveau des articulaires symptomatiques ou du rameau communicant blanc paravertébral sous contrôle radioscopique.
Autres situations
Fractures de fatigue
Insidieuses, incomplètes parfois visualisées uniquement à la scintigraphie osseuse ; elles peuvent
siéger sur le sacrum, les branches ilio- et ischiopubiennes.
Enthésopathies
Il s’agit de douleurs en rapport avec une atteinte
des insertions ligamentaires, il est possible que ce
soit le cas de l’insertion du ligament sacro-épineux sur l’épine sciatique, expliquant la douleur
au toucher rectal et parfois l’existence de calcifications au niveau de l’épine sciatique. En peropératoire, il est arrivé de retrouver un ligament
sacro-épineux pratiquement calcifié.
Tendinites
Il faut y penser et rechercher des signes évocateurs. Ce peut être une tendinite des adducteurs
(douleurs lors de la contraction contrariée en
adduction forcée de cuisse), une tendinite d’insertion ou une bursite des ischio-jambiers (douleurs lors de la contraction contrariée de la jambe
fléchie sur la cuisse, la cuisse en extension, lors
du décubitus ventral).
Douleurs des sacro-iliaques
Il s’agit de douleurs parfois difficiles à authentifier : douleurs localisées au niveau des sacroiliaques, douleur à la pression du bassin, déclenchée par le saut. On sera parfois amené à
rechercher des anomalies des sacro-iliaques sur
une imagerie plus ou moins sophistiquée. Il peut
Composantes pariétales et musculo-squelettiques des algies pelvi-périnéales
arriver qu’une infiltration test des sacro-iliaques
donne des résultats inattendus sur une douleur
située à distance.
CONCLUSION
Les douleurs pelvi-périnéales chroniques posent
des problèmes diagnostiques et thérapeutiques.
Il n’est pas toujours facile de faire un diagnostic
étiologique, mais la démarche clinique doit
s’orienter vers une analyse symptomatique qui a
l’avantage d’être axée vers les solutions. Ainsi,
ces douleurs pourront avoir une prépondérance
« neuropathique » orientant vers des propositions
de traitements médicamenteux (antidépresseurs,
antiépileptiques), certaines d’entre elles relèvent
d’infiltrations corticoïdes ou d’une libération chirurgicale dans l’hypothèse de syndromes compressifs de type canalaire. D’autres auront une
prépondérance « musculaire » : certaines avec
une participation de contractures justifiant une
kinésithérapie ou des injections de toxine botulique, d’autres s’accompagnent de points
gâchettes (syndrome myofascial) ou d’une
authentique fibromyalgie. Une participation
rachidienne doit être recherchée au niveau de la
charnière thoraco-lombaire qui est relativement
« silencieuse ». Cette démarche justifie donc de
« rechercher » ces éléments pariétaux, musculaires et rachidiens qui ne sont pas exprimés
spontanément par le patient.
La dimension « émotionnelle » de ces douleurs chroniques invalidantes rend souvent difficile cette approche clinique qui nécessite un
interrogatoire dirigé, une écoute compassionnelle
et un examen rigoureux. Si une approche multidisciplinaire est nécessaire pour la prise en charge
thérapeutique, le démembrement clinique de ces
douleurs relève de tout praticien confronté à la
périnéologie.
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