Logique propositionnelle modale
Logique avancée
2014
1 Rappel : relations d’accessibilité et axiomes
C’est la relation d’accessibilité Rqui détermine les spécificités sémantiques de 2et 3.
1.1 Formules remarquables (axiomes)
(d1)¬3ϕ2¬ϕet ¬2ϕ3¬ϕ(dualité)
(d2)¬3¬ϕ2ϕet ¬2¬ϕ3ϕ(dualité)
(K) 2(ϕψ)(2ϕ2ψ) (nommé d’après Kripke)
(T) 2ϕϕ(nécessité)
(P) ϕ2ϕ
(L) 2(2ϕϕ)2ϕ
(M) 23ϕ32ϕ
(4) 2ϕ22ϕ
(5) 3ϕ23ϕ
(B) ϕ23ϕ
(D) 2ϕ3ϕ
(Q) 3ϕ2ϕ
(f)3ϕ2ϕ
(R) 22ϕ2ϕ
(G) 32ϕ23ϕ
1.2 Propriétés de relations binaires
Soit Aun ensemble non vide et Rune relation binaire sur A.x,yet zsont des éléments de A.
Réflexive : pour tout x,x R x ;
Symétrique : pour tout xet y, si x R y alors y R x ;
Asymétrique : pour tout xet y, si x R y alors il est faux que y R x ;
Antisymétrique : pour tout xet y, si x R y et y R x, alors x=y;
Sérielle : pour tout x, il y a (au moins) un ytel que x R y ;
Transitive : pour tout x,y,z, si x R y et y R z, alors x R z ;
Euclidienne : pour tout x,y,z, si x R y et x R z, alors y R z ;
Totale : pour tout xet y,x R y ou y R x ;
Partiellement fonctionnelle : tout xest en relation avec au plus un élément de A;
Fonctionnelle : tout xest en relation avec un et un seul élément de A;
Faiblement dense : pour tout xet y, si x R y alors il existe un ztel que x R z et z R y.
Si Rest réflexive, symétrique et transitive, Rest une relation d’équivalence.
Si Rest réflexive et euclidienne, alors elle est aussi symétrique et transitive, et c’est donc
une relation d’équivalence.
Si Rest réflexive, antisymétrique et transitive, Rest un ordre partiel. Si en plus Rest
totale sur A, on dit que Rest un ordre total (ou un ordre linéaire) sur A.
1
1.3 Équivalences entre axiomes et propriétés de R
Le procédé est toujours le même : il s’agit de démontrer une équivalence de la forme :
La formule ϕest valide ssi la relation d’accessibili de la structure a la propriété P.
Il y a deux implications à démontrer.
D’abord on suppose que Ra la propriété Pet on montre que dans n’importe quel monde
w,ϕest vraie.
Comme ϕest normalement une implication de la forme ψχ, on pose d’abord l’hypo-
thèse que VM,w(ψ) = 1, et en utilisant la propriété Pde R, on en déduit qu’on a forcément
VM,w(χ) = 1.
Puis on doit montrer que si ϕest valide dans la structure alors Ra la propriété P. Une
manière simple de procéder est de démontrer la contraposée de cette implication (i.e. de
raisonner par l’absurde) : on suppose que Rne respecte pas la propriété Pet on montre
alors que ϕn’est pas valide, en construisant un contre-exemple, un modèle où ϕest fausse.
Table 1 – Rapport entre validité de formules et propriétés de R
validité de : Propriété de R
T Réflexive
BSymétrique
D Sérielle
4 Transitive
5 Euclidienne
Q Partiellement fonctionnelle
fFonctionnelle
R Faiblement dense
La formule 32ϕϕest aussi valide ssi Rest symétrique.
Exercice 1
1. Démontrez les équivalence du tableau ci-dessus pour les formules T, B (et sa variante) et
D.
2. Une relation est dite convergente ssi pour tout x,yet z, si x R y et x R z, alors il existe
utel que y R u et z R u.
Démontrez que la formule Gest valide ssi Rest convergente.
2 Mondes possibles, relations d’accessibilité et sens des
modalités
2.1 Modalités aléthiques
w R wsignifie que wrespecte les mêmes lois logiques que w.
Cela implique que Rconnecte entre eux tous les mondes de W.
2
2.2 Modalités épistémiques
Les opérateurs modaux expriment la connaissance (d’un ou plusieurs agent(s) donné(s)).
Voici quelques interprétations informelles :
(1) a. 2ϕje sais que ϕ/ on sait que ϕ/ϕest sue / ϕest sûre et certaine / ...
b. ¬2ϕje ne sais pas si 1ϕ/ on ignore si ϕ/ϕn’est pas sue / ϕn’est pas sûre / ...
c. 3ϕ≡ ¬2¬ϕj’ignore si ϕest fausse 2/ on ignore si ϕ(est fausse) / ¬ϕn’est pas
sue / il se peut que (¬)ϕ/ peut-être que (¬)ϕ/ ...
w R wsignifie que tout ce que l’on sait dans west vrai dans w.
Autrement dit wet wsont semblables au regard de ce que l’on sait, mais ils diffèrent sur
les choses que l’on ignore. Rest une relation d’équivalence, et les schémas T, 4, 5, entre autres,
sont valides dans une logique épistémique.
(T) 2ϕϕce que je sais est vrai
(4) 2ϕ22ϕsi je sais quelque chose, je sais que je le sais
(5) 3ϕ23ϕsi j’ignore quelque chose, je sais que je l’ignore
2.3 Modalités déontiques & Cie
Interprétations informelles :
(2) a. 2ϕil est obligatoire que ϕ/ϕest obligatoire / il faut que ϕ/ ...
b. 3ϕϕest permis / on a le droit de ϕ/ ...
c. 2¬ϕ≡ ¬3ϕϕest interdit / ...
w R wsignifie que tous les commandements actifs dans wsont effectivement suivis dans w.
Le seul axiome possible est D :
(D) 2ϕ3ϕce qui est obligatoire est permis.
On peut adapter cela aux modalités boulétiques et téléologiques.
Boulétique : pour un individu donné, w R wsignifie que tous les désirs qu’il a dans wsont
effectivement réalisés dans w.
Téléologique : pour un individu donné, w R wsignifie que tous les objectifs qu’il s’est fixé
dans wsont effectivement atteints dans w.
2.4 Modalités habilitatives & Cie
C’est un peu plus délicat. w R wsignifie que west similaire à wpour ce qui concerne les
faits généraux (ou génériques), les propriétés intrinsèques et stables des choses et des individus,
mais wet wpeuvent différer quant aux événements particuliers et contingents.
1. Ne pas savoir que ϕprésuppose néanmoins que ϕest vraie dans la réalité où l’on se place. Donc pour
formaliser l’ignorance – qui ne se prononce pas sur la vérité de son objet – on doit utiliser la conjonction de
subordination si.
2. Donc forcément j’ignore aussi si ϕest vraie.
3
3 Multimodalité
On peut vouloir manipuler différents types de modalité dans un même langage (exemples :
des modalités épistémique, déontiques, aléthiques etc.). Cela implique de distinguer différentes
possibilités et différentes nécessités.
Formellement on a besoin de distinguer plusieurs opérateurs modaux.
On se donne un ensemble Ide symboles (par exemple des nombres). Chaque symbole (ou
indice) de Icorrespond à un type de modalité et les opérateurs modaux seront indicés par ces
symboles.
Notation 1
Si iI:
l’opérateur noté 3iou hiireprésente la possibilité de la modalité indicée par i;
l’opérateur noté 2iou [i] représente la nécessité de la modalité indicée par i.
Sémantiquement, ce qui distingue des types de modalité, ce sont les relations d’accessibilité
qui leur correspondent. On aura donc une relation différente pour chaque indice i, notée Ri.
Définition 1 (Modèle multimodal)
M=hW,{Ri|iI}, V i
Définition 2 (Interprétation dans un modèle multimodal)
Soit le modèle M=hW,{Ri|iI}, V i, avec Inon vide, et wun monde de W.
1. VM,w([i]ϕ) = 1 ssi pour tout monde w∈ W t.q. w Riw,VM,w(ϕ) = 1 ;
2. VM,w(hiiϕ) = 1 ssi il existe au moins un monde w∈ W t.q. w Riwet VM,w(ϕ) = 1.
On peut alors écrire des formules comme : [2]h4ip
4 Problèmes en suspens
Pourquoi les nécessités épistémiques ont l’air moins fortes que les affirmations non modales,
alors qu’elles quantifient sur tous les mondes possibles accessibles ?
(3) a. Marie est absente. Elle doit être malade.
b. Marie est absente. Elle est malade.
Comment rendre compte des gradations de modalités épistémiques ?
(4) a. Il est certain que Marie est malade.
b. Il est probable que Marie est/soit malade.
c. Il est possible que Marie soit malade.
d. Il est douteux que Marie soit malade.
e. Il est improbable que Marie soit malade.
Comment analyser les conditionnelles ? En particulier les conditionnelles déontiques qui
supposent la transgression d’un loi ? Et que faire si deux lois se contredisent ?
(5) a. Il est interdit de voler.
b. Si quelqu’un vole, il devra aller en prison.
D’après (5-a), dans tous les mondes accessibles au monde de départ, personne ne vole, et (5-b)
semble dire que dans tous les mondes accessibles, ceux qui volent vont en prison.
4
5 Logique temporelle
La temporalité peut être formalisée comme une modalité en utilisant une logique normale.
On considère une structure F=hW, Rioù les mondes possibles de Wne sont pas des
variantes synchroniques les uns des autres, mais des « continuations » d’autres mondes. Cela
veut dire que la relation Rest une relation d’ordre chronologique.
w1R w2=w1est un état du monde antérieur à l’état w2.
Pour clarifier ces notations, on écrira <à la place de R:
w1< w2=w1est un état du monde antérieur à l’état w2.
Une logique temporelle bien expressive a besoin en fait de deux modalités, c’est-à-dire deux
structures et plus exactement deux relations d’accessibilité, selon que l’on regarde vers l’avenir
ou vers le passé. La seconde relation d’accessibilité est bien sûr >:
w1> w2=w1est un état du monde postérieur à l’état w2.
On « temporalise » les formules grâce à deux opérateurs modaux Pet F. Informellement :
Pϕϕest vraie dans le passé
Fϕϕest vraie dans le futur
Ce sont des opérateurs de possibilité, comme le montre leur interprétation :
(P)VM,w(Pϕ) = 1 ssi il existe wt.q. w > wet VM,w(ϕ) = 1
(F)VM,w(Fϕ) = 1 ssi il existe wt.q. w < wet VM,w(ϕ) = 1
Le monde de départ wcorrespond au « monde présent » (c’est un présent relatif : tout monde
de West son propre présent).
On utilise également des opérateurs de nécessité temporelle, Het G, signifiant respective-
ment : toujours vrai dans le passé / dans le futur. Par définition : H=¬P¬et G=¬F¬.
(H)VM,w(Hϕ) = 1 ssi pour tout wt.q. w > w,VM,w(ϕ) = 1
(G)VM,w(Gϕ) = 1 ssi pour tout wt.q. w < w,VM,w(ϕ) = 1
On peut montrer que les deux schémas de formules suivants sont valides dans une logique
temporelle du fait que les relations <et >sont l’inverse l’une de l’autre (i.e. w1< w2w2> w1).
(6) a. ϕHFϕ
b. ϕGPϕ
Exercice 2
Soit M=hW,{<, >}, V i, avec W={w1;w2;w3;w4}, et w1< w2< w3< w4.
Vw1(p) = Vw1(q) = Vw2(p) = Vw3(q) = Vw4(p) = 1.
Calculez :
1. Vw1(Fp)
2. Vw3(Fq)
3. Vw3(Pp)
4. Vw1(Pq)
5. Vw2(F(pq))
6. Vw3(FpFq)
7. Vw3(PpFq)
8. Vw3(FPq)
9. Vw3(PFq)
10. Vw3(¬Pq)
11. Vw3(P¬q)
12. Vw3(P(PqFp))
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