Une remarque sur la m´ethode de Cardan
Si P admet une racine r´eelle et deux racines complexes conjugu´ees, la formule
de Cardan donne une expression de cette premi`ere au moyen d’extraction de
radicaux r´eels uniquement. En revanche, on ne peut ´eviter d’en passer par des
complexes lorsque P a ses trois racines dans R. Plus pr´ecis´ement :
Th´eor`eme 1 Soit P(X) = x3+a2x2+a1x+a0un polynˆome irr´eductible sur
K0=Q[a0, a1, a2]et ayant ses trois racines r´eelles. Alors il n’existe pas de
tour d’extensions K0⊂ ··· ⊂ KnRtelle que pour tout i,Kis’obtienne par
adjonction `a Ki1d’une racine pi-i`eme (o`u piest un nombre premier), et telle
que Kncontienne une racine de P.
N.B. La restriction pipremier n’en est pas une. En effet, pour rajouter une
racine pq-i`eme d’un nombre a, il suffit de rajouter la racine p-i`eme de a, puis `a
l’´etape suivante la racine q-i`eme du nombre obtenu.
D´emonstration : Proc´edant par l’absurde, supposons donn´ee une tour d’ex-
tensions K0⊂ ··· ⊂ KnRtelle que pour tout i,Kis’obtienne par adjonction
`a Ki1d’une racine pi-i`eme (pipremier), telle que Kncontienne une racine de P,
et que le nombre nsoit minimal parmi toutes les tours v´erifiant ces propri´et´es.
Distinguons deux cas, selon que pnvaut 2 ou vaut au moins 3.
Supposons d’abord pn= 2, de sorte que Knest une extension galoisienne
(car quadratique) de Kn1. Soit xune racine de P contenue dans Kn. Si l’unique
Kn1-automorphisme non-trivial de Knenvoie la racine xsur elle-mˆeme, cela
signifie que xest dans Kn1, ce qui contredit la minimalit´e de n. Sinon, si yest
l’image de xpar cet automorphisme, alors Kncontient deux racines de P, xet
y, donc contient la troisi`eme racine z. En effet la somme x+y+z=a2est
dans K0donc dans Kn, et donc zKn. Et alors zest n´ecessairement stable
par cet automorphisme, car envoe sur une racine qui ne peut ˆetre ni xni y. Et
l’on retrouve la contradiction pr´ec´edente en consid´erant zplutˆot que x.
Supposons maintenant pn3. Nous allons utiliser le :
Lemme 2 Si p3est un nombre premier, si Kest un sous-corps de R, si aest
un ´el´ement de Kqui n’est pas une puissance p-i`eme dans K, alors le polynˆome
Xpaest irr´eductible sur K. Si L=K[p
a]est le sous-corps de Robtenu en
adjoignant `a Kl’unique racine p-i`eme r´eelle de a, et si σest un K-plongement
non trivial de Ldans C, alors l’intersection de σ(L)et de Rse r´eduit `a K.
Appliquons le lemme avec K=Kn1et L=Kn. Soit xune racine de P
contenue dans L. Tout K-plongement de Ldans Cva permuter les racines de P,
donc envoyer xdans Ret donc, par la derni`ere assertion du lemme, va stabiliser
x. Cela signifie que xest dans K, et contredit `a nouveau la minimalit´e de n.
1
D´emonstration du lemme : Tout d’abord, le polynˆome Xpaest irr´eductible
sur K. En effet, si au contraire Xpas’´ecrit sous la forme Q(X)R(X), avec Q et
R deux polynˆomes de K[X] de degr´es respectivement qet pq(1 qp1),
alors les termes constants de Q et R sont respectivement (au signe pr`es) ( p
a)q
et ( p
a)pq. Pour voir cela, il suffit de d´ecomposer sur Cnotre polynˆome :
Xpa=
p
Π
k=0 Xe
2ikπ
pp
a
Les polynˆomes Q et R sont donc les produits de q(resp. pq) termes de
la forme X e
2ikπ
pp
a, donc leurs termes constants sont eux des produits de
q(resp. pq) termes de la forme e
2ikπ
pp
a. En particulier, ils sont donc de
module respectivement ( p
a)qet ( p
a)pq. Comme par hypoth`ese ce sont des
´el´ements de Kdonc de R, on obtient la forme annonc´ee.
En particulier, le corps Kcontient les nombres ( p
a)qet ( p
a)pq, avec qun
entier compris entre 1 et p1. Il contient donc toutes leurs puissances (enti`eres).
Nous allons voir qu’il contient alors le nombre p
a, ce qui contredit l’hypoth`ese
que an’est pas une puissance p-i`eme dans K, et ´etablit donc l’irr´eductibilit´e du
polynˆome Xpadans K[X].
Comme 1 qp1, on n´ecessairement qpremier `a p, donc par le th´eor`eme
de Bezout on peut trouver deux entiers net mtels que qn +pm = 1, et donc
q(n+m)+(pq)m= 1 (i.e. qest premier `a pq). On a donc :
p
a= ( p
a)q(n+m)+(pr)m=(p
a)qn+m·(p
a)pqm
Et donc p
aK, ce qui on l’a vu est absurde.
Soit σun K-plongement non trivial de L=K[p
a] dans C, c’est-`a-dire un
morphisme (injectif) de corps qui fixe les ´el´ements de K. Alors l’image σ(L) de
σest un sous-corps de C. Comme Rest bien sˆur lui-aussi un sous-corps de C,
σ(L)Run sous-corps de σ(L).
Notons ensuite que tout ´el´ement de Lest de la forme Q ( p
a), avec Q un
polynˆome de K[X] de degr´e au plus p1 (les polynˆomes constants correspondant
aux ´el´ements de K)
L’application σest un morphisme de corps qui fixe les ´el´ements de K, donc
pour tout ´el´ement tde Let pour tout polynˆome Q `a coefficients dans K, on a
σ(Q(t)) = Q (σ(t)). En particulier, σenvoie donc p
asur une racine de Xpa,
donc σ(p
a) est de la forme e
2ikπ
pp
a, avec 1 kp1. (Si l’on avait k= 0, on
aurait σ(p
a) = p
a, et alors σfixerait tous les polynˆomes en p
a`a coefficients
dans K, c’est-`a-dire Ltout entier, or on a suppos´e σnon trivial.)
Un ´el´ement xde L, de la forme Q( p
a) (avec Q K[X] de degr´e au plus
p1) est alors envoe par σsur Q(e
2ikπ
pp
a). Et donc σ(L) est en fait le corps
K[e
2ikπ
pp
a], en particulier c’est une extension de Kde degr´e ppremier. Les seuls
sous-corps de σ(L) contenant Ksont donc Ket σ(L) tout entier. (Le degr´e d’une
extension de Ksous-corps de σ(L) doit ˆetre un diviseur de p). Comme σ(L)R
un sous-corps de σ(L), on a soit σ(L)R=σ(L) soit σ(L)R=K.
Comme σ(L) contient l’´el´ement e
2ikπ
pp
aqui n’est pas r´eel, on conclut :
σ(L)R=K
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