DOSSIER DU MOIS (janvier 2015)

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DOSSIER DU MOIS (janvier 2015)
La cystite aiguë simple chez la femme
On estime que 40 à 50 % des femmes ont au moins une infection urinaire au cours de leur
existence. Il s’agit le plus souvent de cystite simple, pour laquelle le pharmacien est
fréquemment consulté en premier recours.
L’arbre urinaire est normalement stérile, à l’exception des derniers centimètres de l’urètre
distal qui sont colonisés par une flore diverse d’origine digestive, cutanée et génitale.
L’urine, normalement stérile, peut constituer un excellent milieu de culture. La colonisation
survient, lorsqu’un micro-organisme, le plus souvent d’origine intestinale, atteint la vessie par voie
ascendante et commence à se multiplier1. Lorsque les micro-organismes stimulent une réponse de
l’hôte et entraînent une réaction inflammatoire, des signes cliniques d’infection apparaissent.
Les cystites urinaires sont des inflammations d’origine infectieuse de la vessie et de l’urètre.
On parle de cystites urinaires simples quand elles surviennent chez des patients sans facteur de
risque de complication2. L’évolution d'une cystite simple vers une pyélonéphrite aiguë (PNA) est un
événement très rare, les facteurs de virulence des souches responsables de cystites étant différents
de ceux des souches responsables de PNA.
Quand suspecter une cystite aiguë simple ?

Un certain nombre de signes cliniques sont révélateurs, lorsqu’ils surviennent en l’absence
de vulvovaginite, de fièvre ou de douleurs lombaires :
- brûlures et douleurs à la miction,
- pollakiurie3,
- mictions impérieuses.
Isolés ou associés entre eux, ces signes apparaissent de façon plus ou moins brutale. Dans 30
% des cas, ils sont accompagnés d’une hématurie macroscopique, sans que cela constitue un
signe de gravité de l’infection.

1
Le diagnostic est conforté par un test de la bandelette urinaire (BU), seul examen
recommandé dans la cystite aiguë simple, qui permet de détecter simultanément une
leucocyturie4 et une bactériurie5.
Néanmoins, la présence de bactéries ne signifie pas forcément infection. En effet, des germes peuvent être présents dans
les voies urinaires, sans qu’il y ait une agression vis-à-vis des tissus.
2
Facteurs de risque de complication : anomalie organique ou fonctionnelle de l'arbre urinaire,-sexe masculin, du fait de la
fréquence des anomalies anatomiques ou fonctionnelles sous-jacentes, grossesse, sujet âgé de plus de 65 ans avec au
moins trois critères de fragilité (parmi : perte de poids involontaire au cours de la dernière année, vitesse de marche lente,
faible endurance, faiblesse/fatigue, activité physique réduite) ou patients de plus de 75 ans, immunodépression grave,
insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 mL/min).
3
Augmentation de la fréquence des mictions.
4
Les leucocytes sont mis en évidence grâce à la détection de la leucocyte estérase provenant à la fois des leucocytes intacts
et des leucocytes lysés, témoignant d’une inflammation.
5
Les bactéries produisant une nitrate réductase sont détectées par la recherche de nitrites. La principale limite du test de la
BU est qu’il ne peut détecter que les entérobactéries (toutes productrices de nitrate réductase) et non les bactéries à Gram
positif, telles que les entérocoques et les staphylocoques.

Il n’y a pas lieu de réaliser un examen cytobactériologique des urines (ECBU). En effet,
l’épidémiologie microbienne des cystites urinaires simples est bien connue, permettant
d’emblée un traitement probabiliste6. Les germes les plus couramment rencontrés sont :
-
Escherichia coli (70 à 95 %) ;
Autres entérobactéries : Proteus spp et Klebsiella ssp (15 à 25 %) ;
Staphylococcus saprophyticus (1 à 4 %).
La bonne utilisation des bandelettes urinaires

Le prélèvement d’urine doit être effectué, de préférence le matin, à partir du deuxième jet
urinaire. Une toilette périnéale préalable n’est pas nécessaire. La bandelette doit être mise
au contact d’urines fraîchement émises, recueillies dans un récipient non stérile, mais
propre et sec. Toutes les zones réactives de la bandelette doivent être plongées dans le
récipient et au contact de l’urine et retirées immédiatement. L’excès d’urine est éliminé en
tapotant légèrement les bandelettes sur le bord du récipient. Utilisée à domicile par le
patient, la bandelette peut aussi être directement immergée sous le jet d’urine en cours de
miction.

La lecture se fait à température ambiante, 1 ou 2 minutes (selon le test) après le
« trempage » de la bandelette dans le récipient.

Le patient doit être informé des modalités de bonne conservation des bandelettes
réactives (dans un endroit sec, dans le flacon d’origine) et de la nécessité de vérifier les délais
de péremption.
L’interprétation des résultats

Une bandelette est considérée
- comme positive, si elle détecte une leucocyturie et/ou des nitrites : un traitement
probabiliste peut alors être débuté ;
- comme négative, si elle ne détecte ni leucocyturie, ni nitrites : chez la femme
symptomatique, l’absence simultanée de leucocytes et de nitrites présente une très
bonne valeur prédictive négative (>95%)7 en l’absence d’immunodépression grave et
doit faire rechercher un autre diagnostic (vaginite,…).
6
En dehors du cas particulier de la cystite aiguë simple, l’ECBU doit être prescrit devant toute suspicion clinique d’infection
urinaire.
7
Une bandelette urinaire négative permet d’éliminer le diagnostic d’infection urinaire et de ne pas réaliser d’ECBU. Il
convient alors de rechercher un autre diagnostic.

Correctement réalisée, la BU permet d’identifier ou non une infection urinaire avec une
excellente probabilité, même si on ne peut exclure de faux-positifs ou des faux-négatifs.
Concernant les leucocytes, de faux-positifs sont possibles en cas de contamination par la
flore vaginale ou de présence de Trichomonas. De faux-négatifs sont possibles en cas de forte
glycosurie, cétonurie ou protéinurie ou en présence d’acide borique, d’acide ascorbique ou
d’acide oxalique.
Concernant les nitrites, de faux-négatifs sont possibles en cas de bactériurie faible, de régime
restreint en nitrates, de pH urinaire acide, de traitement par diurétique.

L’association des deux tests (leucocytes et nitrites) permet de pallier les défauts de
sensibilité de chacun.
Traitement des cystites aiguës simples

Malgré une évolution spontanément favorable dans 25-45% des cas, un traitement par
antibiotique est indiqué. Son objectif est l’amélioration rapide des symptômes.
Pour l’antibiothérapie probabiliste, les antibiotiques utilisables sont ceux dont le taux de
résistance est inférieur à 20 % dans la population cible8. Ce seuil, arbitraire mais consensuel,
repose sur l’expérience clinique et sur des modèles mathématiques. Des données
récemment réactualisées9 proposent une prise en charge optimisée dans le contexte de
modifications de la résistance aux différents antibiotiques.
Sont non-indiquées : l’amoxicilline (taux de résistance élevé), l’amoxicilline + acide
clavulanique et le triméthoprime-sulfaméthoxazole (taux de résistance > 20 % et impact sur
le microbiote), les céphalosporines de 1ère, 2e ou 3e génération (impact sur le microbiote
digestif).

Le traitement probabiliste (toujours per os) recommandé est
-
en première intention, l’administration de 3 g de fosfomycine trométamol (liste 1), en
prise unique, à jeun ou 2-3 heures avant le repas10 (très peu de résistance acquise11,
bons coefficients d’éradication clinique et microbiologique) ;
La fosfomycine trométamol possède un large spectre antibactérien comprenant les
germes gram négatifs et gram positifs, y compris les germes habituellement responsables
d'infections urinaires: E.coli, Proteus, Klebsiella, …
La fosfomycine est peu active vis-à-vis d’infection suspectée ou prouvée à
Staphylococcus saprophyticus.
Le traitement en prise unique n’est pas adapté aux cystites compliquées, aux bactériuries
asymptomatiques et cystites chez la femme enceinte, aux pyélonéphrites, aux infections
urinaires chez l’homme.
-
8
en 2eme intention, l’administration de pivmécillinam (liste 1) : 400 mg 2 fois /j, pendant
5 jours ;
Contre 10 % pour les autres infections urinaires.
Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), Diagnostic en antibiothérapie des infections urinaires
bactériennes communautaires de l’adulte, Recommandations 2014.
10
La prise concomitante de nourriture ralentit l’absorption de la fosfomycine.
11
Cependant, l’expérience de l’Espagne où les résistances ont notablement augmenté parallèlement à un usage large incite
à surveiller l’épidémiologie française.
9
-
en 3ème intention :
 fluoroquinolones en prise unique12 (ciprofloxacine, 500mg) ou ofloxacine, 400
mg), liste 1 : très bonne efficacité clinique et bactériologique sur les souches
sensibles. Mais l’évolution de leur résistance et leur impact écologique sur le
microbiote intestinal justifient une « épargne » de cette classe thérapeutique
indiquée dans un nombre limité de cystites aiguës simples.
 ou nitrofurantoïne (liste 1), 100 mg trois fois /j, pendant 5 jours13 : prévalence
très faible des résistances acquises, absence de résistance croisée avec les autres
antibibiotiques, efficacité sur S. saprophyticus, mais effets indésirables graves
décrits (rares, essentiellement en cas de traitement prolongé14). La
nitrofurantoïne est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale connue
(clairance de la créatinine < 40 mL/min)15.
Surveillance

Il est recommandé de ne pas prévoir de consultation ou de BU de contrôle.

La patiente doit être informée que les symptômes peuvent persister pendant 2 à 3 jours
après le début du traitement.

Un ECBU n’est réalisé qu’en cas de persistances des signes cliniques après 3 jours ou de
récidives dans les deux semaines.
Prévention des récidives : rôle +++ du pharmacien

Rappel des mesures hygiénodiététiques :
 boire au moins 1,5 L d’eau /j, au cours de la journée, souvent, en petites quantités ;
 avoir des mictions régulières, non retenues et complètes espacées de moins de 3
heures ;
 respecter une bonne hygiène périnéale : toilette avec un savon doux ne risquant pas
de perturber la flore vaginale ;
 porter des sous-vêtements en coton et éviter le port de pantalons trop serrés ;
 après une selle, s’essuyer d’avant en arrière ;
 éviter d’être constipé ;
 éviter les spermicides ;
 uriner après un rapport sexuel.

Traitement prophylactique non antibiotique :
 compléments alimentaires tel que la canneberge à la dose de 36 mg/j de
proanthocyanidine ;
 probiotiques.
12
Les traitements en monodose associent l’avantage d’une administration moins contraignante et d’une moindre
exposition aux antibiotiques.
13
Posologie préconisée par le groupe d’experts de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF). Celle
recommandée dans l’AMM est de 50 mg 3 fois /j à 100 mg 3 fois /j pendant 5 j.
14
ère
En dehors de la France, les recommandations internationales continuent à recommander la nitrofurantoïne en 1
intention sans message d’alerte pour les traitements brefs. En revanche les experts des différents pays s’accordent pour
proscrire la nitrofurantoïne en traitement prolongé.
15
Pour mémoire, les traitements prolongés (> 10 j) et l’antibioprophylaxie au long cours sont contre-indiqués en raison du
risque d’effets indésirables graves, notamment hépatiques et pulmonaires.

Antibioprophylaxie : la prise d’une antibioprophylaxie, continue ou discontinue, permet de
diminuer la fréquence des cystites.
 L’antibioprophylaxie est proposée chez les patientes ayant au moins une crise de
cystite par mois, lorsque les autres mesures ont échoué. Un ECBU doit être réalisé
une à deux semaines avant le début de l’antibioprophylaxie. Il doit être négatif avant
de débuter la prophylaxie.
 Les antibiotiques recommandés sont le triméthoprime-sulfaméthoxazole et la
fosfomycine trométamol.
 Lorsque les récidives sont inférieures à une par mois, on préfère traiter chaque
épisode. Le traitement est alors similaire à celui des cystites aiguës simples, à
l’exception de la nitrofurantoïne qui ne doit pas être prescrite dans cette indication.
Danielle Roquier-Charles
Pharmathèmes Edition Communication Santé
© UTIP Association
Documents consultés :
-Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), Diagnostic en antibiothérapie des infections
urinaires bactériennes communautaires de l’adulte, Recommandations 2014.
- Ministère chargé de la santé, Plan national d’alerte sur les antibiotiques, 2011-2016.
- Anses, Avis relatif à l’évaluation des effets potentiels de la canneberge dans le champ des infections urinaires
communautaires, 18 mars 2011.
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