Hépatite C : situation épidémiologique et perspeCtives vaCCinales (2)

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REVUE MÉDICALE SUISSE
avancée thérapeutique
Hépatite C : situation épidémiologique
et perspectives vaccinales (2)
Jean-Yves Nau
[email protected]
LDD
Poursuivons et achevons la lecture des
communications faites dans le cadre d’une
séance thématique consacrée aux hépatites – séance organisée, le 12 janvier, par
l’Académie nationale française de médecine (Revue Médicale Suisse 502 du 20 janvier 2016). Question d’actualité : où en eston quant au développement des recher­ches
visant à la mise au point d’un vaccin con­
tre l’hépatite virale de type C ? La réponse
documentée a été apportée par le Pr Philippe Roingeard (Université François-Rabelais et CHRU de Tours ; Unité Inserm
« Morphogenèse et antigénicité du VIH et
des virus des hépatites »).
L’OMS résume assez simplement la situation. « A l’échelle mondiale, 130 à 150
millions d’individus sont porteurs chroniques de l’hépatite C, peut-on lire sur son
site.1 Pour un nombre important de personnes atteintes par la forme chronique
de la maladie, l’infection évolue vers la cirrhose ou le cancer du foie. Environ 500 000
personnes meurent prématurément, chaque
année, de pathologies hépatiques liées à
l’hépatite C. Actuellement, il n’existe pas
de vaccin contre l’hépatite C mais la recherche dans ce domaine se poursuit. »
L’OMS ajoute : « Les médicaments anti­
viraux permettent de guérir environ 90 %
des sujets infectés par le virus de l’hépatite C, réduisant ainsi le risque de décès
par cancer hépatique ou par cirrhose, mais
l’accès au diagnostic et au traitement est
insuffisant ». C’est là un terrible euphémisme qui justifie, s’il en était besoin, la
mise en place d’un vaccin – au même titre
induites par les virus. » De ce point de vue,
qu’était justifiée la mise au point d’un vacles travaux actuellement menés à Tours
cin contre l’hépatite virale de type B.
s’inscrivent pleinement dans la suite logique de ceux (menés dans cette même
« De nouvelles molécules antivirales
ville par le Pr Philippe Maupas) ayant, à la
sont désormais disponibles pour éliminer
fin des années 1970, conduit au premier
l’infection par ce virus. Cependant, ces
vaccin contre l’hépatite B.
médicaments sont très coûteux, et beaucoup de personnes contaminées par le virus
Jusqu’à présent, deux grands types de
ignorent qu’elles sont infectées jusqu’à ce
vaccins ont été proposés : ceux basés sur
que la maladie se déclare, ajoute pour sa
l’induction d’une réponse humorale dirigée
part le Pr Roingeard. A ce stade, ces molécontre les protéines d’enveloppe du virus,
cules sont moins efficaces car si elles perE1 et E2 (réponse destinée à neutraliser
mettent d’éliminer le virus,
l’entrée du virus dans sa cellule
elles ne permet­tent pas touhôte) et ceux visant à induire
l’accès au
jours de restaurer les foncune réponse cellulaire contre
diagnostic et
tions hépatiques. Il reste donc
les protéines non structurales
au traitement
très important de mettre au
du virus (destinée à éliminer
est insuffisant
point un vaccin contre le virus
les cellules infectées). Ces deux
de l’hépatite C, d’autant que
types de vaccin pourraient tou­
l’OMS estime que près de quatre millions
tefois être associés pour obtenir une stratégie vaccinale optimale. Lorsqu’ils ont été
de nouvelles infections surviennent chaque
testés chez des chimpanzés (le seul modèle
année dans le monde. »
animal pouvant être infecté par le VHC),
Les travaux en cours visent à la mise
ils ont donné des résultats encourageants.
au point d’un vaccin bivalent qui ressemblerait en de nombreux points au vaccin
Ils ne protègent certes pas totalement
contre l’hépatite B, mais qui présenterait
contre l’infection mais peuvent induire
l’avantage de protéger aussi contre le virus
une diminution de la virémie et de l’agression hépatique et, plus encore, enrayer la
de l’hépatite C. « Ce vaccin induirait une
mise en place d’une infection chronique
réponse équivalente à celle induite par un
par le VHC.
vaccin commercial contre l’hépatite B, ren­
« Le concept d’un vaccin basé sur les
forçant l’idée qu’il puisse potentiellement
protéines d’enveloppe E1 et E2 du VHC
se substituer aux vaccins actuellement
établi par l’équipe du Dr Michael Houghcom­mercialisés, résume le Pr Roingeard.
ton à Novartis semblait particulièrement
De plus, ce vaccin aurait l’avantage de pou­
prometteur, précise le Pr Roingeard. Testé
voir être produit selon les mêmes procédures établies pour le vaccin contre l’hédans un essai de phase I, ce vaccin s’est
patite B, réduisant ainsi les délais et coûts
avéré capable d’induire une bonne réponse humorale chez l’homme, permetde son développement industriel. A terme,
tant de neutraliser plusieurs génotypes du
ce vaccin pourrait sensiblement renforcer
VHC in vitro. Les difficultés du dévelopla prévention contre les maladies du foie
pement industriel d’un tel vaccin sont
toutefois liées au fait que ces protéines
d’enveloppe E1 et E2 du VHC sont très difficiles à produire et à purifier pour réaliser
un vaccin disponible à grande échelle. En
effet, le domaine transmembranaire de
ces protéines induit leur rétention dans
les compartiments cellulaires et il est très
difficile de les en extraire. Leur purification ne peut se faire sans présence de nom­
breux contaminants cellulaires. »
La très grande efficacité du vaccin
contre le virus de l’hépatite B tient au fait
que la protéine d’enveloppe de ce virus est
capable à elle seule de former des petites
particules sous-virales non infectieuses –
particules qui constituent le principe de
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Actualité
(Fin)
1OMS. Hépatite C – Aide mémoire N° 164, juillet 2015.
2 Beaumont E, Patient R, Hourioux C, Dimier-Poisson I,
Roingeard P. Chimeric hepatitis B virus/ hepatitis C virus
envelope proteins elicit broadly neutralizing antibodies
and constitute a potential bivalent prophylactic vaccine.
Hepatology2013;57:1303-13.
3 Beaumont E, Roingeard P. Chimeric HBV-HCV subviral
envelope particles induce efficient anti-HCV antibody
production in animals pre-immunized with HBV vaccine.
Vaccine 2015;33:973-6.
Carte blanche
Michèle Gennart
Dr Phil. psychologuepsychothérapeute FSP
Avenue Druey 1
1018 Lausanne
[email protected]
Aussi le droit de
ne pas se droguer
et d’ignorer le
sexe ?
Travaillant en clinique adulte,
je n’entends que peu d’histoires d’enfants, mais lorsque
j’apprends ce à quoi sont
confrontés nos jeunes, j’ai
quelquefois le cœur serré.
Voici les deux dernières histoires qui m’ont été contées.
Une jeune fille vient me trouver sur le conseil de son médecin traitant ; ensemble, il y
a deux-trois ans, nous avions
déjà reçu et accompagné
quelques mois la famille – la
mère et ses quatre enfants
tandis que le père mourait
d’un mauvais cancer. Cette
jeune fille, âgée aujour­d’hui
de 18 ans, arrive et pleure
abondamment : elle vient de
se séparer de son ami, qu’elle
aime avec ardeur mais chez
qui la consommation de
substances est devenue de
plus en plus envahissante et
à risque. Le couple est en
conflit depuis des mois autour
de ce point litigieux. Elle qui
a vu mourir son père, emporté
par une maladie immaîtrisée,
ne peut supporter de voir
l’homme qu’elle aime choisir
de s’exposer à des états physiques et psychiques aux
confins de la vie ; elle assiste,
impuissante, aux trips qui le
lui rendent totalement étranger. De son côté, il lui repro­
che de laisser la peur dominer sa vie et d’être incapable
de s’adonner au plaisir. Son
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entourage entier, me dit-elle,
collègues d’étude, enseignants, participent à ces soirées de consommation ; elle
se sent marginalisée, hors
norme et s’interroge sur sa
possibilité de trouver une
place dans ce monde. Et moi
qui suis de la génération des
années 60, je me surprends
en train de tenter de la rassurer qu’elle a bien le droit de
s’abstenir de participer aux
drogues-parties, qu’elle n’en
est pas pour autant anormale… Sa solitude, son égarement, son envie de vivre et
d’aimer si douloureusement
contrariée me touchent. Mais
l’on sent en elle une force
affirmative qui ne me fait pas
trop craindre pour la suite ;
elle trouvera son chemin et
ses liens d’appartenance avec
les « oui » et les « non » qui
balisent son destin.
Et voici la deuxième histoire.
Une maman me raconte que
son fils de 10 ans, Kilian, est
accusé d’agressions sexuelles
sur un petit voisin de 4 ans…
Il devra être entendu par la
police et passer en jugement.
J’ai déjà rencontré cet enfant
à qui j’ai parlé de la maladie
chronique de sa mère (trou­
ble dépressif et somatoforme), et du fait que cette
maladie ne comportait pas
de menace vitale. C’était un
enfant sensible, un peu maladroit, en sérieux souci pour
sa maman. Après des semaines
d’enquête et d’audition, il est
innocenté ; la responsabilité
des allégations d’abus est
attribuée à la mère de l’enfant victime qui, en plus de le
maltraiter physiquement, le
baigne dans une ambiance
hypersexualisée. Reste que le
jeune Kilian s’est trouvé plongé, lui aussi, dans une sexualité traumatique dont il aura
bien de la peine à se dégager
– d’autant que des rumeurs
circulent à présent dans le
quartier et les cours d’école,
laissant entendre qu’il serait,
du haut de ses 10 ans, un
sombre pédophile… Moi qui,
comme enfant, avais tant
envi­e de savoir ce qu’il en
était des mystères de la vie,
je me surprends à lui souhaiter de pouvoir tout oublier
de ses connaissances sexuel­
les et de se retrouver, comme
ma génération à son âge, dans
un état de curiosité interrogative à la mesure de l’ignorance où nous étions plongés.
Et toute ma compassion va à
cette jeune génération à qui
nous laissons un monde bien
complexe, aux risques et aux
charmes desquels nous
n’avons pas forcément les
moyens de les initier, qui nous
devancent largement dans
l’exploration de ce monde
nouveau, tout en croyant –
généreusement – que nous
pouvons les y soutenir…
CC BY Sonia Sevilla
ce vaccin contre l’hépatite B. Or, des protéines chimères entre les enveloppes du
VHB et du VHC ont récemment été mises
au point.2 Elles ressemblent à celles du
vaccin contre le VHB et ont l’avantage de
contenir la totalité des protéines d’enveloppe du VHC, permettant ainsi de résoudre les problèmes de production et de
purification des protéines d’enveloppe de
ce virus.
Ces particules vaccinales entraînent
une réponse équivalente à celle induite par
un vaccin commercial contre l’hépatite B.
Ceci renforce l’idée que de telles particules
vaccinales pourraient se substituer au vaccin actuel contre l’hépatite B, avec l’immense avantage de pouvoir aussi protéger
contre le VHC. Ces particules ont aussi
l’avantage de pouvoir être produites comme
celles du vaccin contre le VHB, réduisant
les délais et coûts de mise au point industrielle d’un tel vaccin. Enfin, ce vaccin pour­
rait être un vaccin « bivalent », protégeant
à la fois contre le VHB et le VHC, qui sont
tous les deux transmis par exposition à du
sang contaminé.
Plus récemment encore,3 il a été montré qu’une immunisation préalable avec le
vaccin contre l’hépatite B ne gêne pas l’induction des anticorps anti-VHC par les par­
ticules chimères d’enveloppe VHB-VHC.
Ce résultat est important car de nombreux
pays ont adopté la vaccination contre l’hépatite B dès la naissance. Ce vaccin bivalent pourrait ainsi être utilisé soit en première intention pour induire une immunité
contre les deux virus, soit en rappel de vac­
cination hépatite B pour restimuler la réponse immunitaire contre le VHB et induire
une immunité protectrice contre le VHC.
« Pour des raisons éthiques, le modèle
du chimpanzé ne peut plus être utilisé pour
tester l’efficacité de vaccins contre les hépatites virales, conclut le Pr Roingeard. Les
résultats prometteurs obtenus en modèle
de petit animal devront maintenant être
confirmés par des essais d’immunisation
chez l’homme. Ils nous indiquent d’ores et
déjà que la mise au point d’un vaccin bivalent qui protégerait de l’infection par ces
deux agents majeurs des hépatites virales
humaines est une éventualité crédible. »
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