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Revue Ezzaitouna 3 (1 et 2), 1997,39-51
"LE JAUNISSEMENT DES OLIVIERS A LA FIN DE L'HIVER :
I – CONSIDERATIONS BIOLOGIQUES ET PHYSIOLOGIQUES"
Ahmed TRIGUI *
Résumé:
Espèce pluri-pérenne à feuilles persistantes, l'olivier subit tout au long
de sa vie l'effet des aléas extrinsèques engendrant des réactions intrinsèques
dont les manifestations extérieures, souvent peu perceptibles, se traduisent
parfois par des phénomènes de changement de couleur des feuilles qui vont
souvent d'un jaunissement miti à un brunissement franc.
Ce changement de couleur intervient chaque année à la fin de l'hiver et au
début du printemps et touche particulièrement les feuilles, organes sensibles
dont l'importance est capitale dans les échanges des arbres avec le milieu
extérieur. Il intervient au cours de la période de reprise de leur activité et donc
d'établissement d'un feuillage nouveau et de mobilisation conséquente des
réserves.
L'étude de l'origine de ces phénomènes montre que les causes sont
diverses et que les changements de couleur, assez variables, sont plus ou moins
accentués selon la zone, le cultivar, la période, l'année et l'état sanitaire,
physiologique et de production des arbres.
La mobilisation des réserves au cours des cycles de croissance et de
floraison de cette espèce pluri-pérenne, la persistance des feuilles et
l'accroissement ponctuel des besoins en éléments minéraux faisant souvent
défaut accentuent les manifestations et leurs répercussions sur le capital végétal
et la production.
Mots clés: Olea europaea 1., biologie, physiologie, propriétés optiques des
feuilles et des arbres, manifestations visibles.
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Abstract :
Being a pluri-perennial species with persistent leaves, the olive tree is
subject along its life duration to external risks engendering internaI reactions
whose external manifestations, not very often visually perceptible, are
expressed by some colour changes of the Jeaves, from the dark green to a
mixed yellow one or at an extreme case to a brownish aspect.
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* Directeur de recherche, Institut de J'Olivier BP 2633018 Sfax
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At the end of the winter and the beginning of the spring, the external
colour of the tree crowns shows some changes depending on the aerea
concened, the cultivar, the period, the climate conditions and the sanitarial and
physiological states of trees.
It appears specially on the leaves, sensitive and very important organs,
insuring the exchanges of the trees with the external milieu, and intervenes
during the period of the trees activity recovery involving an important
mobilisation of trees mineraI reserves.
The study of those phenomena origines shows that the causes were too
diverse and that the manifestations were often accented during the years with
an important rainfall and/or on trees expecting a good yield, on sandy soils
very poor in organic matter.
The perennity of the olive tree, the persistence of its leaves and the
absence of mineraI fertilization in poor soils increase those manifestations and
their repercussions on the trees and the yields.
Key words : Olea europaea L., yellowness, spectral properties of leaves and
trees, mineraI deficiencies, perceptible manifestations.
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1 - Introduction:
S'étendant du Nord au Sud de la Tunisie dans des conditions
environnementales très contrastées, l'olivaie tunisienne est conduite à 90 % en
sec, ce qui rend l'état des arbres, leur vigueur et leur production tributaires des
conditions édapho-climatiques et culturales.
A la fin de l'hiver et au début du printemps de chaque année, période
qui correspond à la reprise de l'activité intense de l'arbre et à la mobilisation
conséquente des réserves, on observe des phénomènes de jaunissement de
l'oliveraie, plus ou moins perceptibles à l'oeil nu selon la zone, l'année et l'état
des arbres qui inquiètent aussi bien les agriculteurs que les techniciens.
Ce jaunissement s'accentue notamment lors des années à pluviotrie et/ou à
production (attendue) abondante.
Grâce à ses feuilles persistantes, l'olivier cultivé est un arbre toujours
vert. Son développement dépend des conditions climatiques, de la qualité et de
la fertilité du sol et des soins culturaux qui lui sont prodigués.
Le maintien de cette espèce dans des conditions de milieu aussi variées
est à un développement approprié et modulable des structures racinaires et
aériennes (feuilles et rameaux) en fonction des conditions intrinsèques et
extrinsèques qui ont fait l'objet de plusieurs études agronomiques.
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Espèce pluri-pérenne, l'olivier est sujet pendant sa longue vie à des
aléas intrinsèques et extrinsèques dont les manifestations extérieures, souvent
peu perceptibles, se traduisent parfois par des phénomènes de changement de
couleur des feuilles qui vont du jaunissement mitigé au brunissement.
L'objectif de la première partie de cette synthèse est de faire
comprendre comment ces manifestations touchent les feuilles, véritables usines
de transformation qui jouent un rôle de miroir extériorisant l'état des arbres.
II - Données biologiques et physiologiques
Pour expliquer les réactions des arbres aux aléas extrinsèques et
intrinsèques, il faut d'abord rappeler les particularités de l'espèce, du cycle
biologique de l'arbre, de ses besoins et des variations temporelles de son état
qui peuvent induire des manifestations très variables allant, selon le ,cas, de la
décoloration (carence) au dessèchement (sécheresse).
1 - L'olivier et son développement:
L'olivier est une espèce pérenne dont les cycles biologiques de
croissance et de développement se déroulent en deux ans :
- au cours de la première année a lieu la croissance des rameaux qui
restent entièrement végétatifs. Elle s'opère en vagues dont les deux principales
ont lieu au printemps et en automne et dont l'importance varie en fonction des
conditions du milieu (température et alimentation hydrique et minérale
notamment),
- les phénomènes de reproduction débutent avant la deuxième année
avec l'induction florale et s'étendent sur une année environ jusqu'à la
maturation des fruits.
L'olivier peut donc être, en l'absence d'alternance de production, le
siège de deux cycles biologiques consécutifs au cours de la même période de la
même année qui se traduisent par une croissance végétative et un
développement reproductif simultanés. Ils créent une activité biologique
intense très concentrée dans le temps.
Les modifications de l'activité métabolique de diverses parties de la
plante, l'apparition de nouvelles feuilles, dont le bilan photo synthétique est à
peu près nul pendant plusieurs mois et/ou le développement de nouveaux
organes récepteurs entraînent des changements dans la distribution des
assimilats. En effet, une importante compétition nutritive s'établit entre les
fleurs dont la formation et la croissance sont rapides (ALMEIDA, 1940 ;
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HARTMAN et PANETSOS, 1962; HACKETT et HARTMANN, 1966;
VILLEMUR, 1983) et les apex en croissance. Elle tourne au désavantage de
ces derniers bien que la croissance végétative soit alors la plus active.
VILLEMUR et al (1978) constatent que la croissance végétative s'arrête vite
après la floraison; ALMEIDA notait déjà (1940) que les rameaux très fleuris
donnent naissance à une pousse très courte.
La ramification' de l'olivier a fait l'objet d'études qui ont permis de
distinguer trois types selon la longueur de leurs entre-noeuds: rameaux long,
court et très court. Ces rameaux diffèrent selon la tendance de développement
de l'arbre qui peut être végétative, florale ou mixte (VILLEMUR et al, 1978).
La structure du rameau (importance respective des différents organes
tels que les feuilles, les complexes gemmaires et les bourgeons axillaires)
détermine les corrélations qui s'y établissent.
En effet, les feuilles, selon leur âge, taille et position sur le rameau,
contribuent à l'établissement de cette structure (VILLEMUR, 1983). Elles
contrôlent la formation de la pousse végétative et son évolution. Leur présence
sur le rameau d'un an, à des moments précis du cycle biologique, active
certains processus (élongation de la pousse herbacée) et en inhibe d'autres
(développement des bourgeons surnuméraires). Poli (1979) rapporte qu'une
croissance végétative intense se traduit par une surface foliaire importante et
une reconstitution des réserves nutritives.
Les feuilles persistantes de l'olivier jouent, leur vie durant, des rôles
importants de transformation, de stockage et de distribution des réserves qui
ont fait l'objet de plusieurs études.
L'assimilation dépend du rayonnement absorbé et de sa composition
spectrale: les feuilles fortement éclairées ont des surfaces plus grandes
(CHARTIER, 1975). TURNER (1986) rapporte que l'ouverture des stomates
est liée essentiellement à la présence de lumière quand les conditions sont
favorables, alors que dans les mêmes conditions, l'intervention de la variété est
rapportée par TRIGUI (1987).
Enfin, il est à noter que la même spécialisation des tissus des feuilles
qui se retrouvent chez presque toutes les espèces, masque, dans le détail, une
assez grande diversité dont l'importance est déterminante dans le
comportement biophysique et la réponse spectrale des feuilles.
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2 - La feuille d'olivier
Sempervirentes, les feuilles saines de l'olivier ont une durée de vie
moyenne de deux années et demie. Elles sont simples, entières, sans stipules et
oppositifoliées.
Le limbe peut être, selon la variété, plat, à bords refoulés ou
franchement en gouttières, de forme lancéolée ou elliptique, à angles basal et
apical aigus ou ouverts et de couleur vert-clair ou vert-grisâtre.
Le développement des feuilles d'olivier a lieu rapidement, atteignant
leur pleine expansion en deux semaines après leur déplissement (pour
cultivar "Mission" d'après LEON et BUKOV AC, 1978).
Les changements dynamiques dans le développement de la cuticule et la
morphologie de la surface ont lieu au fur et à mesure que se développe la
feuille. L'accrétion de la cuticule se fait uniformément et cesse au plein
développement du limbe.
La dissymétrie bifaciale des feuilles est maximale : sous l'épiderme
supérieur se superposent un parenchyme chlorophyllien palissadique et un
parenchyme lacuneux à méats.
L'étude des particularités de cette structure a permis de montrer qu'elles
influent sur :
a - les propriétés optiques des feuilles (TRI GUI, 1981, 1983
& 1987)
Dès 1981, TRI GUI et BALDY et TRI GUI ont montré que les
propriétés optiques des feuil~es d'olivier présentent des variations minimes
selon le cultivar.
Par ailleurs, dans la partie visible du spectre électromagnétique (figure
1), l'effet de l'âge est très marqué notamment les deux extrêmes (feuilles de
l'année et de deux années et plus) :
+ Les feuilles les plus jeunes (d'âge inférieur à un an) ont une couleur
vert pâle et des réflectances très élevée au cours des premiers mois de leur vie.
L'accumulation progressive des pigments, l'évolution rapide de leur
morphologie (formation de la cuticule, de la pilosité, ...) et l'augmentation de
leur masse surfacique entraînent une diminution rapide de la réflectance (TRI
GUI, 1983).
+ Chez les feuilles d'un an, les fluctuations des couleurs et par
conséquent des réflectances sont plus importantes que chez les feuilles de deux
ans. Elles correspondent aux principales phases de développement de l'arbre.
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