Manger dans les tranchées
Cette semaine nous avons commémoré le souvenir de la Bataille de Verdun. A
côté des discours et des manifestations, je voudrais revenir sur un sujet qui
peut paraître un peu prosaïque, mais qui, pour les soldats dans les tranchées
ne l’était pas : la nourriture quotidienne. Comme d’ailleurs pour la majorité de
la population en temps de guerre.
Lorsque la guerre fut déclarée, la première conséquence, le 3 août 1914 fut la
prise d’assaut des épiceries, en particulier à Paris, chacun craignant d’avoir à
manquer si la guerre venait à s’intensifier ou à se prolonger. Réaction
classique, liée sans doute au douloureux souvenir de ravitaillement, pas si
lointain et encore présent dans les mémoires, de la guerre de 1870.
Très vite, les prix montent et les quantités de denrées baissent. Le
gouvernement réquisitionne pour nourrir les soldats et rationne la population
car la production de céréales diminuera de 60% de 1914 à 1917, par
conséquent celle de la viande baisse aussi considérablement, tout comme celle
des betteraves sucrières, dont les zones de production correspondent à celle
du front.
Justement sur le front, comment les hommes étaient-ils nourris ? Mal diront
tous ceux qui reviendront. Car la nourriture avait une importance considérable
dans les tranchées où les soldats vivaient dans la boue, le froid ou la chaleur,
entre les pluies d’obus et les invasions de rats. La « soupe » et le « rata »
apportés par la roulante redonnait un peu de réconfort et de chaleur et
chassait momentanément la peur et le cafard. La roulante était une cuisine
mobile, stationnée à l’arrière des tranchées, équipée d’une cuisinière et de tous
les ustensiles nécessaires à la préparation des repas d’ où partaient les
hommes chargés du ravitaillement des tranchées. On peut aisément imaginer
l’importance de la débrouillardise et du talent du cuisinier qui savait se
procurer du « rab » et qui cuisinait le mieux possible pour les « p’tits gars » du
front. Tout aussi important le dévouement et le courage des hommes qui
apportaient ces repas quotidiens. Plus les tranchées étaient exposées, plus le
ravitaillement était aléatoire.
Le petit déjeuner était constitué de pain et de café. Enfin de café, ce que les
poilus appelaient du « caoua » fait d’orge et de chicorée qui avait surtout le
mérite d’être chaud et d’aider à avaler le pain de guerre. Ce n’est qu’en 1917
que les poilus boiront de nouveau du vrai café, apporté par les américains,
mais ils diront que c’était de la lavasse, américains et français ne préparaient
pas le café de la même manière !
Midi et soir, quand les accalmies de bombardements permettaient un service
correct, les soldats se réconfortaient avec la soupe et le rata qui étaient
l’ordinaire du soldat. Le plus souvent viande dite « barbaque » et fayots,
morue souvent mal dessalée qui donnait soif, pommes de terre, du riz toutes
nourritures économiques, faciles à cuisiner et qui tenaient au corps. Parfois un
peu de fromage, peu de fruits et les légumes dans la soupe, du vin et de l’eau
de vie pour donner du cœur au ventre au moment des assauts. Durant cette
guerre, les conserves ont joué un rôle important car l’intendance va beaucoup
utiliser les boites de conserve pour y mettre les rations destinées aux soldats
des premières lignes : viandes, soupes. La ration de réserve était composée de