Master Mémoire épisodique et identité : élaboration et exploration d'une nouvelle méthode d'évaluation intégrant des conceptions théoriques actuelles GALLERNE, Elisa Abstract En clinique, les outils disponibles pour évaluer la mémoire épisodique sont élaborés à partir d’anciens modèles théoriques. Ceux-ci ne tiennent pas compte de facteurs clés impliqués dans le fonctionnement mnésique tels que les liens avec l’identité. L’objectif de cette recherche est (1) d’élaborer et (2) d’explorer un nouveau test de mémoire épisodique, le Test de la Mémoire en lien avec l’Identité (TMI). Ce test est basé sur un modèle théorique actuel de la mémoire épisodique et autobiographique, le « Self-Memory System » de Conway (2005), mettant en avant les relations entre mémoire, identité et buts de l’individu. Nous avons pris en considération des critères méthodologiques, récemment relevés dans la communauté scientifique (Pause, 2013) pour l’élaboration de ce test... Reference GALLERNE, Elisa. Mémoire épisodique et identité : élaboration et exploration d'une nouvelle méthode d'évaluation intégrant des conceptions théoriques actuelles. Maîtrise : Univ. Genève, 2014 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:41274 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. MÉMOIRE ÉPISODIQUE ET IDENTITÉ : ÉLABORATION ET EXPLORATION D’UNE NOUVELLE MÉTHODE D’ÉVALUATION INTÉGRANT DES CONCEPTIONS THÉORIQUES ACTUELLES MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE ORIENTATIONS PSYCHOLOGIE COGNITIVE PSYCHOLOGIE CLINIQUE PAR Élisa GALLERNE [email protected] DIRECTEUR DU MÉMOIRE Martial Van der Linden JURY Martial Van der Linden Caroline Bendahan Matthias Kliegel GENÈVE, août 2014 UNIVERSITÉ DE GENÈVE FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE ii iii Remerciements Je tiens à remercier vivement toutes les personnes qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à la réalisation de ce projet. Je remercie Caroline Bendahan, pour l’encadrement et la disponibilité dont elle a fait preuve au cours de ces deux dernières années ainsi que pour ses encouragements dans la conduite de ce projet, le Professeur Martial Van der Linden pour ses précieux conseils, ainsi que le Professeur Matthias Kliegel qui me fait l’honneur de faire partie du jury. Merci à toutes les personnes qui ont accepté d’être photographiées pour apparaître sur les stimuli, en particulier ma mère et mon père, mon beaufrère, mon frère et sa femme, mon neveu et mes nièces, ainsi que les messieurs du Café de la Place. Je remercie également les membres de mon entourage qui m’ont activement aidée dans la recherche des participants, en particulier MarieAnne, ainsi que toutes les personnes qui ont accepté de participer à l’étude et sans qui ce projet n’aurait pu aboutir. Et finalement, merci à ma famille et mes proches, qui ont su être présents en toutes circonstances durant ma formation universitaire. Merci à ma sœur Mélanie, ainsi qu’à mes amies Alice, Prune, Marta, et Maddalena pour leur soutien constant, leur écoute, et surtout pour m’avoir rendu le sourire dans les moments difficiles. iv v Résumé En clinique, les outils disponibles pour évaluer la mémoire épisodique sont élaborés à partir d’anciens modèles théoriques. Ceux-ci ne tiennent pas compte de facteurs clés impliqués dans le fonctionnement mnésique tels que les liens avec l’identité. L’objectif de cette recherche est (1) d’élaborer et (2) d’explorer un nouveau test de mémoire épisodique, le Test de la Mémoire en lien avec l’Identité (TMI). Ce test est basé sur un modèle théorique actuel de la mémoire épisodique et autobiographique, le « Self-Memory System » de Conway (2005), mettant en avant les relations entre mémoire, identité et buts de l’individu. Nous avons pris en considération des critères méthodologiques, récemment relevés dans la communauté scientifique (Pause, 2013) pour l’élaboration de ce test. Il est ainsi caractérisé par (1) un encodage incident de (2) matériel significatif et écologique pouvant être mis en lien avec le self, (3) un seul essai d’apprentissage, (4) une récupération non attendue, aussi bien de l’information cible que de (5) détails contextuels, en rappel immédiat et (6) différé à 7 jours. Le TMI a été testé sur une population de 40 personnes âgées de 60 à 77 ans et permet de mettre en évidence à la fois les effets classiques de variables telles que le genre sur la mémoire épisodique, mais également des profils très différents pouvant être interprétés en termes de correspondance (capacité à garder un souvenir proche de l’expérience vécue) et de cohérence (capacité à garder un souvenir qui soit en accord avec les valeurs, croyances et buts de l’individu). Les limites du TMI et perspectives futures sont discutées. vi vii Table des matières 1. Introduction ........................................................................................................ 1 2. Cadre théorique ................................................................................................. 2 2.1. La mémoire épisodique .............................................................................. 2 2.1.1. Définition ................................................................................................ 2 2.1.2. Facteurs influençant la mémoire épisodique ........................................... 4 2.1.3. L’effet d’autoréférence ............................................................................ 5 2.2. Une nouvelle conception de la mémoire épisodique ................................... 6 2.2.1. Définition du self ..................................................................................... 6 2.2.2. Le Self-Memory System de Conway (2005)............................................ 7 2.2.3. Dissociations au sein du Self-Memory System ..................................... 10 2.3. La mémoire épisodique en clinique .......................................................... 11 2.3.1. Les troubles de la mémoire épisodique ................................................ 11 2.3.2. L’évaluation classique de la mémoire épisodique ................................. 12 2.3.3. Critères pour les nouveaux tests de mémoire épisodique ..................... 13 2.4. 3. Problématique, objectifs et hypothèses théoriques ................................... 14 Méthodologie ................................................................................................... 15 3.1. Méthodologie de l’élaboration du TMI ....................................................... 15 3.1.1. Élaboration des stimuli.......................................................................... 16 3.1.2. Élaboration des consignes .................................................................... 18 3.2. Méthodologie de l’expérimentation ........................................................... 23 3.2.1. Population ............................................................................................ 23 3.2.2. Matériel................................................................................................. 24 3.2.3. Procédure ............................................................................................. 27 3.2.4. Recrutement ......................................................................................... 29 3.2.5. Analyses statistiques ............................................................................ 30 4. Résultats .......................................................................................................... 31 4.1. Statistiques descriptives sur le TMI .......................................................... 31 4.2. Liens entre les scores au TMI et les variables sociodémographiques ....... 36 4.3. Liens entre les scores au TMI et les questionnaires d’insomnie, d’autoefficacité, d’inquiétude et de dépression ................................................... 36 4.4. Liens entre les scores au TMI et les autres mesures de mémoire et mesure globale du fonctionnement cognitif ........................................................... 37 4.5. Liens entre rappel des détails et qualité de l’imagerie............................... 37 4.6. Liens entre le rappel des détails et le fait d’être imageur ou verbalisateur 38 4.7. Comparaison de profils ............................................................................. 38 viii 5. Discussion........................................................................................................ 42 5.1. Limites et perspectives futures ................................................................. 46 5.2. Implications cliniques................................................................................ 49 5.3. Conclusion ............................................................................................... 50 Bibliographie ............................................................................................................ 51 Annexes ................................................................................................................... 57 1 1. Introduction L’altération du fonctionnement de la mémoire épisodique constitue une plainte très régulièrement rapportée par les patients, en particulier adultes. Cette altération peut être consécutive à un accident (traumatisme crânien par exemple), une maladie (comme l’épilepsie), une hygiène de vie mal adaptée (citons le syndrome amnésique de Korsakoff) ou encore au vieillissement cérébral (par exemple chez les patients ayant reçu un diagnostic de « démences »). La mémoire épisodique permet de se souvenir et de prendre conscience des événements personnellement vécus, et de voyager mentalement dans le temps (Tulving, 2002). Dès lors, un trouble de la mémoire épisodique a des répercussions importantes, affectant directement l’adaptation des personnes dans leur vie quotidienne. Une réduction significative de l’autonomie est ainsi souvent observée chez les personnes qui souffrent de problèmes de mémoire épisodique (Van der Linden, 2014), ainsi qu’un sentiment d’identité et de continuité de l’existence plus difficile à construire. L’évaluation des troubles de la mémoire épisodique est donc une tâche importante pour les psychologues cliniciens. Cette évaluation doit non seulement mettre en évidence des déficits s’ils existent, mais également renseigner le clinicien sur les processus mnésiques qui font défaut. Les outils d’évaluation actuellement disponibles présentent des lacunes dans leurs deux missions. Ainsi, ils ne parviennent pas à dépister les personnes qui présentent des oublis à long terme. En effet, leurs performances sont normales au rappel différé de 30 minutes, mais déficitaires lorsque ce délai est augmenté à plusieurs semaines (Wroe, Breen, & McCarthy, 2000). De plus, ces outils sont basés sur des conceptions anciennes de la mémoire épisodique. Ils ne permettent donc pas d’évaluer des opérations mnésiques récemment reconnues comme étant impliquées dans la mémoire épisodique. Par exemple, Conway (2005) a élaboré un modèle de la mémoire épisodique qui prend en considération l’importance de l’identité, des valeurs et des buts de l’individu dans la construction des souvenirs. Enfin, ils évaluent les compétences de la mémoire épisodique dans des conditions très éloignées de la vie de tous les jours, rendant difficile de conclure par rapport au fonctionnement de la personne au quotidien. Dans le cadre de ce mémoire, nous avons créé un nouveau test de la mémoire épisodique, destiné à une population adulte. Ce test est basé sur un modèle théorique actuel, le Self-Memory System de Conway (2005), et permet d’évaluer les fonctions de correspondance (capacité à garder un souvenir proche de l’expérience vécue) et de cohérence (capacité à 2 garder un souvenir qui soit en accord avec les valeurs, croyances et buts de l’individu) de la mémoire épisodique. Il a également été élaboré en fonction de critères méthodologiques récemment relevés dans la littérature (Pause et al., 2013). Suite à l’élaboration, nous avons exploré les caractéristiques de ce test en le faisant passer à une population non clinique de personnes âgées. La population des personnes âgées a été choisie, car elle présente une variabilité importante dans ses performances en mémoire épisodique (Astin, Simon, Kurth, Collette, & Salmon, 2013). Les premiers résultats nous permettent de conclure quant aux propriétés psychométriques du test, ainsi qu’aux liens existants entre ce test et d’autres variables connues dans la littérature pour influencer la mémoire épisodique. Ce mémoire s’inscrit donc dans une volonté de fournir aux psychologues cliniciens des outils d’évaluation mieux adaptés. Il constitue les étapes d’élaboration et d’exploration d’une nouvelle tâche permettant d’évaluer la mémoire épisodique. Suite à ce travail, des adaptations vont pouvoir être proposées afin de rendre cet outil, à terme, disponible à l’utilisation des cliniciens dans une population clinique adulte. 2. Cadre théorique 2.1. La mémoire épisodique 2.1.1. Définition Selon la conception des systèmes de mémoire multiples (Schacter, Wagner, & Buckner, 2000), la mémoire épisodique fait partie du système plus général de mémoire à long terme, tout comme la mémoire sémantique, la mémoire procédurale et les systèmes de représentation perceptive. Elle permet de se souvenir et de prendre conscience des événements personnellement vécus, dans un contexte spatial et temporel particulier (Tulving, 2002). Elle permet également de voyager mentalement dans le temps, c’est-à-dire à la fois de revivre les expériences passées et de se projeter dans le futur, dans un état particulier de conscience (appelé conscience autonoétique). Le fait de pouvoir effectuer ces voyages mentaux dans le temps contribue grandement au sentiment d’identité et de continuité de l’expérience d’un individu. Pour Klein, German, Cosmides et Gabriel (2004), il existe au moins trois capacités nécessaires afin de ressentir un contenu mnésique comme étant épisodique. La première 3 capacité est la réflexion sur soi, c’est-à-dire le fait de pouvoir réfléchir sur ses propres états mentaux. La seconde capacité est le sentiment d’agentivité personnelle, qui correspond à la croyance d’être la cause de ses propres pensées et actions, associée à un sentiment de propriété personnelle (sentiment que mes pensées et mes actions m’appartiennent). La troisième capacité est le fait de pouvoir prendre conscience de la dimension temporelle de ses propres expériences. Ainsi la mémoire épisodique nous permet de récupérer des souvenirs épisodiques. Les souvenirs épisodiques sont des enregistrements de moments psychologiques de réalisation de buts à court terme, portant sur des périodes d’une durée allant de quelques secondes à quelques heures (Conway, 2009). Ce sont des résumés proches de l’expérience vécue, qui contiennent à la fois une information cible en lien avec la réalisation d’un but, mais également des détails phénoménologiques, à savoir des détails sensoriels, perceptifs, affectifs, et contextuels (Conway, 2009). Ils sont pour la plupart formés automatiquement, en dehors du contrôle intentionnel. Selon Conway (2009), les souvenirs épisodiques s’expriment fréquemment sous forme d’images mentales visuelles. Pour que la mémoire épisodique fonctionne correctement, il faut que les événements personnellement vécus ou épisodes soient d’abord encodés, puis consolidés et enfin récupérés efficacement. Nous rappelons maintenant brièvement le fonctionnement de ces trois processus fondamentaux de la mémoire épisodique. Encodage. L’encodage est le processus par lequel les caractéristiques d’un stimulus ou d’un événement sont traitées et converties en une trace mnésique (Van der Linden, 2014). La qualité de cette trace mnésique dépend de la profondeur du traitement (plus l’information est traitée sémantiquement, mieux elle est rappelée) (Craik & Lockart, 1972), mais aussi de l’élaboration et du caractère distinctif du souvenir (Lockart & Craik, 1990). Ainsi, la trace mnésique peut être plus ou moins forte selon les opérations de traitement qui sont effectuées durant l’encodage. Cette trace mnésique inclut à la fois l’information cible, mais également les détails concernant le contexte dans lequel cette information a été encodée (Van der Linden, 2014). Consolidation. La consolidation est la stabilisation graduelle d’une trace mnésique. Pour être utilisable, le souvenir d’un épisode doit être consolidé. La première consolidation est synaptique : les changements induits par l’épisode sont stabilisés au niveau neuronal. La 4 seconde consolidation est liée au nombre de réactivation de l’épisode : plus il y a de réactivations, plus la trace est stable. En effet, chaque réactivation de la trace mnésique crée une nouvelle trace qui indexe en partie le réseau de la trace initiale (théorie des traces multiples ; Nadel & Moscovitch, 1997). Récupération. La récupération est le processus qui permet d’avoir accès aux traces mnésiques. Notons que les indices contextuels encodés en même temps que l’information cible peuvent servir d’indices de récupération. Les phénomènes d’encodage, de consolidation et de récupération sont extrêmement dépendants d’autres facteurs, que nous allons maintenant développer. 2.1.2. Facteurs influençant la mémoire épisodique Un premier facteur qui influence la mémoire épisodique de plusieurs manières est l’activation émotionnelle. En effet, l’activation émotionnelle influence l’encodage en permettant une focalisation émotionnelle de l’attention et ainsi un encodage plus élaboré (Brendan, Holland, & Kensinger, 2013). La consolidation des épisodes émotionnels est également modulée par des mécanismes neurobiologiques spécifiques tels que la libération d’hormones et l’activation amygdalienne influençant les processus hippocampiques (Brendan et al., 2013). Enfin, la récupération des souvenirs émotionnels est également facilitée, car ceux-ci sont rendus plus accessibles (Brendan et al., 2013). Le sommeil semble également avoir un rôle privilégié quant à la consolidation des souvenirs. En effet, durant le sommeil, les souvenirs non pertinents sont « effacés » (Hardt, Nader, & Nadel, 2013) alors que les autres sont maintenus et réactivés (Born & Wilhelm, 2012), favorisant ainsi leur consolidation. Une méta-analyse datant de 2012 montre d’ailleurs que les personnes qui souffrent d’insomnie ont des performances significativement inférieures en mémoire épisodique que des sujets contrôles qui ne présentent pas de difficulté de sommeil. De même, les ruminations ou les inquiétudes, souvent présentes dans les tableaux cliniques anxieux ou dépressifs, peuvent affecter l’encodage (moins de ressources attentionnelles disponibles) et la consolidation (en ayant un effet d’interférence avec le souvenir qui doit être consolidé) (Van der Linden, 2014). Une étude de Pietrzak et collaborateurs (2012) montre que les personnes qui présentent plus d’inquiétudes ont de 5 moins bonnes performances en mémoire épisodique au moment du rappel différé, les performances au rappel immédiat étant similaires à celles de sujets contrôles moins inquiets. Un autre facteur qui influence les performances cognitives, y compris celles de mémoire épisodique, est le sentiment d’auto-efficacité. En effet, les croyances quant à sa propre efficacité influencent l’accomplissement des objectifs puisque les individus ont tendance à s’engager dans les tâches qu’ils se sentent capables de réussir (Schunk & Pajares, 2010). Le sentiment d’auto-efficacité influence également l’effort qui va être fourni pour atteindre un objectif. Plus particulièrement, le sentiment d’efficacité de sa propre mémoire est positivement lié à ses véritables performances (personnelles) en mémoire (Beaudoin & Desrichard, 2011). Ce lien est toutefois modéré par la difficulté de la tâche, de sorte que ce lien est plus fort dans les tâches de rappel libre (considérées plus difficiles) que dans les tâches de reconnaissance. La force de ce lien dépend également de la façon dont l’autoefficacité de la mémoire est évaluée : elle diminue lorsque ce sont les capacités de mémoire de manière générale qui sont considérées par rapport aux capacités effectives pour réaliser une tâche de mémoire. Enfin, il a été montré qu’une intervention visant le sentiment d’autoefficacité de la mémoire permet d’améliorer les performances mnésiques des personnes âgées (West, Bagwell, & Dark-Freudeman, 2008). Nous avons déjà vu que la qualité de la trace mnésique dépendait entre autres des processus de traitement mis en place au moment de l’encodage. Nous allons maintenant revenir plus en détail sur un de ces processus de traitement, qui est l’encodage en référence à soi. 2.1.3. L’effet d’autoréférence Décrit pour la première fois dans la littérature par Rogers, Kuiper et Kirker (1977), l’effet d’autoréférence rend compte d’une probabilité plus grande de rapporter les épisodes encodés en référence à soi par rapport à d’autres types d’encodage. Dans leur procédure, les auteurs proposent aux participants quatre conditions d’encodage : structurel (jugement de la taille des lettres), phonémique (jugement de rime), sémantique (jugement de synonymie) et autoréférentiel (jugement de la qualité autodescriptive de l’adjectif) pour les mêmes adjectifs. Ils rapportent que les adjectifs encodés en référence à soi sont mieux mémorisés que les autres. Depuis cette étude princeps, d’autres auteurs se sont plus récemment intéressés à cet effet. Serbun et Gutchess (2011) ont comparé les performances mnésiques suite à un 6 encodage en référence à soi par rapport à un encodage en référence à un proche ou en référence à Bill Clinton (est-ce que j’achèterai cet objet / ma mère achèterait cet objet / Bill Clinton achèterait cet objet ?). Ils ont mis en évidence que les objets encodés en référence à soi ou en référence à un proche étaient mieux reconnus que les objets encodés en référence à Bill Clinton. Grilli et Glisky (2010) ont étudié des patients avec des déficits en mémoire épisodique suite à des troubles neurologiques (traumatisme craniocérébral pour la plupart). Les participants étaient soumis à une tâche de reconnaissance de phrases suite à différents types d’encodage. Les auteurs montrent que les meilleures performances sont observées suite à l’encodage autoréférentiel durant lequel les participants devaient s’imaginer être physiquement présents dans la scène décrite par la phrase. Enfin, Lalanne, Grolleau et Piolino (2010) rapportent différentes études indiquant que l’effet bénéfique de l’encodage en référence à soi semble également être présent chez des personnes ayant reçu le diagnostic de Maladie d’Alzheimer. Notons que l’encodage en référence à soi est une stratégie d’encodage à la fois familière, naturelle et conservée dans le vieillissement. Ainsi, ces études confirment l’effet bénéfique sur la mémoire épisodique de la référence à soi et nous indiquent que le self est un élément particulièrement pertinent à prendre en considération dans l’évaluation de la mémoire épisodique en clinique. Ainsi, dans la suite de ce travail nous allons nous focaliser plus particulièrement sur le self et les liens qu’il entretient avec la mémoire épisodique. 2.2. Une nouvelle conception de la mémoire épisodique 2.2.1. Définition du self Il n’existe pas de définition consensuelle du « self » dans la littérature, celle-ci est encore très morcelée selon différentes approches (Duval, Eustache, & Piolino, 2007). Dans le cadre de ce mémoire, nous retiendrons comme définition générale du self la représentation mentale personnelle de sa propre personnalité ou identité (Kihlstrom et al., 1988), ou en d’autres termes, la conception que nous avons de nous-mêmes. Le self est donc notre sentiment d’identité et de continuité de l’existence, qui se construit étroitement en lien avec le récit de vie et les expériences personnelles vécues dans le passé (Van der Linden, 2014). 7 2.2.2. Le Self-Memory System de Conway (2005) Dans le cadre de la compréhension des liens qui existent entre la mémoire épisodique et l’identité, le modèle le plus abouti actuellement décrit dans la littérature est le Self-Memory System, développé par Conway (2005). Une version schématique de ce modèle, adapté de Van der Linden (2014) est proposé dans la Figure 1. Figure 1. Représentation schématique du Self-Memory System de Conway (2005), adapté de Van der Linden (2014). Selon Conway (2005), la mémoire épisodique doit pouvoir répondre à deux exigences principales en compétition : la correspondance et la cohérence (Conway, Singer, & Tagini, 2004). Le principe de correspondance exige de garder un souvenir proche de l'expérience vécue lors de la réalisation d'un but à court terme. Ainsi la correspondance permet d’avoir des souvenirs épisodiques très précis et détaillés des activités récentes, sur un délai de quelques minutes à quelques jours, afin notamment de ne pas répéter les actions déjà effectuées. Le principe de cohérence permet de maintenir un enregistrement sur le long terme qui soit cohérent avec l’identité du sujet. Ainsi la mémoire épisodique ne fait pas qu’enregistrer de manière passive chaque épisode que nous vivons au quotidien. Un grand nombre de souvenirs épisodiques sont formés chaque jour, mais seule une partie restreinte pourra être récupérée sur le long terme. La plupart des événements routiniers et non pertinents que nous vivons sont rapidement rendus peu accessibles à la récupération. Au contraire, les événements pertinents pour notre identité, en lien avec nos buts et nos valeurs, vont rester plus facilement 8 accessibles sur le long terme. Mais le souvenir qui va nous rester de ces événements n’est pas un copié-collé parfait de la réalité. Ce souvenir sera bien basé sur des fragments de l’expérience vécue, mais il sera également adapté en fonction de nos croyances, buts, et valeurs actuels. Par exemple, je dois me souvenir très précisément avoir fermé la porte de ma maison à clé ce matin, si ce n’est pas le cas je risque de vérifier de façon répétée que cette action a bien été réalisée (fonction de correspondance). De même, un échec à un examen est un souvenir qui n’est cohérent ni avec mes buts actuels ni avec mon identité. Sur le long terme, je me souviendrai peut-être avoir échoué à cause de la difficulté de l’examen plutôt que de mon manque de préparation (fonction de cohérence). Le Self-Memory System (Conway, 2005) comporte trois systèmes en interaction qui permettent de générer des souvenirs autobiographiques et de répondre à ces deux exigences de correspondance et de cohérence. Nous allons maintenant détailler chacun de ces trois systèmes. Le système de mémoire épisodique. Le système de mémoire épisodique permet de répondre à la fonction de correspondance. Il contient des souvenirs épisodiques, qui, rappelons-le, sont des enregistrements « résumés », proches de l’expérience vécue, des détails sensoriels, perceptifs, cognitifs et affectifs des événements personnellement vécus durant un épisode. Ces enregistrements sont principalement constitués automatiquement, en dehors de tout contrôle intentionnel. Conway (2009) souligne que les souvenirs épisodiques sont souvent représentés sous forme d’images mentales (visuelles) et la perte de la capacité à former des images mentales peut entraîner une amnésie rétrograde (amnésie qui touche les faits qui se sont produits avant l’installation de la lésion cérébrale) (Greenberg, Eacott, Brechin, & Rubin, 2005). Ainsi les images mentales sont particulièrement importantes pour la mémoire épisodique. Toutefois, sur tous les épisodes qui sont encodés en une journée, seuls quelques-uns (ceux qui sont pertinents avec les buts et les valeurs) seront maintenus accessibles après un délai d’environ 24 heures. C’est-à-dire que l’information stockée dans le système de mémoire épisodique est rapidement « oubliée » si elle n’est pas mise en relation avec le self à long terme. Le self à long terme. Le self à long terme est divisé en deux modules : la base de connaissances autobiographiques et le self conceptuel. La base de connaissances 9 autobiographiques regroupe les connaissances personnelles générales sur sa vie, qui sont hiérarchisées en trois niveaux de plus en plus concrets : les schémas de récit de vie (c’est-àdire la compréhension qu’une personne a de la construction de son récit de vie), les périodes de vie (qui renvoient à des buts très généraux, comme mes études de psychologie à l’université de Genève par exemple) et les événements généraux. Quant au self conceptuel, il est composé des connaissances sémantiques personnelles (qui ne font pas référence à un événement précis dans le temps) qui permettent de générer les croyances sur soi, sur autrui, sur le monde, les attitudes et les valeurs. Ce dernier module est connecté à la base de connaissances autobiographiques ainsi qu’au système de mémoire épisodique, ce qui permet d’illustrer une connaissance sémantique sur soi par l’exemple d’un épisode précis. Le self à long terme a plutôt une fonction de cohérence. Le self de travail. Le self de travail est une composante de la mémoire de travail, qui est la mémoire qui sert à maintenir et traiter une quantité restreinte d’information afin de réaliser des activités cognitives complexes (Baddeley & Logie, 1999). La principale fonction du self de travail est de gérer la réalisation des buts à court terme. Il est ainsi constitué de processus de contrôle dirigés par les buts actuels du sujet. Il intervient à la fois dans l’encodage des épisodes et dans la construction des souvenirs, en modulant l’accessibilité des représentations en fonction de leur pertinence pour le self. Il permet donc un équilibre entre les fonctions de cohérence et de correspondance : la trace maintenue doit correspondre à l’expérience réellement vécue tout en permettant une représentation de l’interaction entre soi et le monde stable et cohérente. Les souvenirs autobiographiques. Les souvenirs autobiographiques émergent ainsi de l’interaction de ces trois systèmes : le système de mémoire épisodique, le self à long terme et le self de travail. Ce sont des constructions mentales transitoires constituées de souvenirs épisodiques et de connaissances sémantiques sur sa vie et sur soi. Les souvenirs autobiographiques ne sont pas figés, mais constamment renouvelés en fonction des buts actuels de l’individu. Il existe deux types de récupération pour les souvenirs autobiographiques : une récupération stratégique et cyclique et une récupération directe. La récupération stratégique dépend des buts actuels du sujet, elle fait suite à l’élaboration d’un indice de récupération, l’accès à des connaissances autobiographiques, puis à des événements concrets, jusqu’à l’épisode précis. Ce qui est récupéré est d’abord évalué et un autre cycle de 10 récupération peut éventuellement être mis en place ou la récupération se termine. Les processus de contrôle qui sous-tendent cette récupération sont intentionnels. Contrairement à la récupération stratégique et cyclique, la récupération directe est spontanée (non intentionnelle). Elle fait suite à un indice de récupération externe suffisamment spécifique pour activer un souvenir particulier. L’observation des cliniciens, ainsi que des études de cas, tendent à montrer qu’il existe différents tableaux de troubles mnésiques liés à l’atteinte d’un (ou plusieurs) module du SelfMemory System ou de leur déconnexion. Nous nous intéressons à différentes dissociations objectivées au sein du modèle de Conway dans la section suivante. 2.2.3. Dissociations au sein du Self-Memory System Deux patients dont les symptômes permettent de mettre en évidence des dissociations au sein du Self-Memory System ont été décrits dans la littérature. Le cas d’AC, un homme de 38 ans, présentant une amnésie sévère suite à un accident (Van der Linden, Brédart, Depoorter, & Coyette, 1996) permet de mettre en évidence l’indépendance entre le système de mémoire épisodique et le self à long terme. AC présente une incapacité à rappeler des épisodes spécifiques datant de différentes périodes, y compris concernant sa vie contemporaine. Toutefois, les informations sémantiques personnelles de la base de connaissances autobiographiques sont relativement préservées, même pour les informations acquises après la lésion cérébrale. Le cas de CR, une patiente de 47 ans décrite par Loveday et Conway (2010), soutient l’hypothèse des deux voies de récupération. CR souffre d’une vaste lésion cérébrale de l’hémisphère droit suite à une encéphalite herpétique. Elle présente une amnésie profonde concernant les vingt-cinq dernières années, et une amnésie significative concernant son enfance et adolescence. CR présente également une amnésie antérograde l’empêchant de récupérer spontanément des événements qui se sont produits il y a plus de quelques jours. Toutefois, avec l’aide d’indices de récupération suffisamment spécifiques, comme des photographies prises avec la SenseCam, CR parvient à fournir des descriptions beaucoup plus détaillées de ses souvenirs (la SenseCam est un appareil photo qui se porte autour du cou et qui prend des photographies à intervalles réguliers et d’un point de vue personnel). Cette étude suggère donc l’existence d’un problème de connexion entre la mémoire épisodique et le self à long terme. 11 Différents tableaux cliniques illustrent donc l’intérêt du modèle de Conway dans la compréhension des processus mnésiques pouvant être préservés ou atteints chez certains patients. Nous allons maintenant nous intéresser à la mémoire épisodique en clinique et à la manière dont elle est actuellement évaluée, nous verrons en quoi cette évaluation présente des lacunes, et quels sont les critères que devront respecter les futurs tests de mémoire épisodique. 2.3. La mémoire épisodique en clinique 2.3.1. Les troubles de la mémoire épisodique Les problèmes de mémoire épisodique sont relativement fréquents dans la mesure où l’encodage et la récupération des épisodes sont sensibles à d’autres facteurs que nous avons déjà évoqués tels que l’activation émotionnelle ou le sommeil, ainsi que d’autres facteurs plus généraux, comme la vitesse de traitement, les ressources disponibles en mémoire de travail et les capacités d’inhibition (Van der Linden, Meulemans, Belleville, & Collette, 2000). De même, un vaste réseau cérébral est impliqué dans les processus sous-tendant la mémoire épisodique (régions préfrontales, temporales, diencéphaliques et pariétales) (Guillery-Girard, Quinette, Piolino, Desgranges, & Eustaches, 2008). Ceci explique que les troubles de la mémoire épisodique soient également très fréquents suite à une lésion cérébrale. Nous avons déjà vu que la mémoire épisodique était influencée par la qualité du sommeil et les inquiétudes. Un tableau clinique qui est souvent associé à des difficultés de sommeil et des pensées répétitives telles que les ruminations ou les inquiétudes est la dépression. Ainsi, il apparaît que les symptômes dépressifs sont souvent accompagnés de difficultés en mémoire épisodique (Söderlund et al., 2014). Les troubles de mémoire épisodique sont également prépondérants dans le vieillissement problématique, notamment chez les patients ayant reçu le diagnostic de Maladie d’Alzheimer, mais apparaissent aussi dans le vieillissement normal (Taconnat & Isingrini, 2008). En effet, dans la population tout-venant, il existe une variabilité importante des capacités de mémoire épisodique chez les personnes âgées (Astin, Simon, Kurth, Collette, & Salmon, 2013). Chez les personnes pour qui la mémoire épisodique décline, on observe souvent une diminution de l’autonomie en parallèle, ainsi qu’une réduction des capacités d’insertion (Van der Linden, 2014). C’est en partie pourquoi les déficits de mémoire épisodique constituent une plainte fréquemment émise par les personnes âgées ou leur entourage. L’évaluation des troubles de la mémoire épisodique est donc une tâche extrêmement importante pour les cliniciens. 12 2.3.2. L’évaluation classique de la mémoire épisodique Les tâches d’évaluation de la mémoire épisodique se divisent traditionnellement en deux étapes. La première étape consiste en une phase d’encodage du matériel faisant l’objet dudit test. La seconde étape a lieu après un délai variable et constitue la phase de récupération, durant laquelle il est explicitement demandé de rappeler le matériel précédemment encodé. La phase de récupération peut se décliner en rappel libre, rappel indicé ou reconnaissance. En rappel libre, on demande simplement à la personne de rappeler le plus d’items possible, dans n’importe quel ordre. Dans une tâche de rappel indicé, on fournit à la personne un indice de récupération lié à l’item cible. Enfin, dans une tâche de reconnaissance, la personne ne doit pas produire l’item, contrairement au rappel, mais le reconnaître parmi une série de distracteurs, à savoir des items proches des items cibles. Bien que la conception de la mémoire épisodique ait beaucoup évolué au cours des dernières décennies, l’évaluation de la mémoire épisodique est souvent effectuée grâce à l’utilisation d’épreuves que nous qualifierons de « classiques », issues de la tradition psychométrique (Van der Linden, Meulemans, Belleville, & Collette, 2000). Ces tâches présentent l’intérêt d’avoir des normes par genre, pour différentes tranches d’âge, et parfois par niveaux socioculturels (établis grâce au nombre d’années d’études réussies). En effet, ces trois variables sociodémographiques peuvent influencer les performances en mémoire épisodique. Plus particulièrement, les femmes obtiennent de meilleures performances en mémoire épisodique (Herlitz, Nilsson, & Bäckman, 1997), les capacités de mémoire épisodique déclinent avec l’âge (Taconnat & Isingrini, 2008), et les personnes de niveau socioculturel plus faible ont tendance à avoir de moins bons résultats (Dessi et al., 2009). Ces tâches classiques permettent ainsi de situer l’individu par rapport à son groupe de référence. Toutefois, elles présentent certains désavantages que nous allons expliciter. Quelques exemples de ces tâches classiques incluent le test d’apprentissage d’une liste de quinze mots de Rey (Rey, 1966) ou la tâche de rappel libre / rappel indicé 16 items (Grober & Buschke, 1987). Au niveau méthodologique, ces épreuves font appel à un encodage intentionnel, ce qui signifie qu’au moment de l’encodage, le sujet sait qu’il doit mémoriser l’information en vue d’un rappel ultérieur. Il nous paraît intéressant de relever ici que dans la vie quotidienne, nous encodons la plupart des épisodes de manière incidente. Quant aux stimuli, il s’agit pour les tâches précitées, de listes de mots. Comme nous l’avons vu, l’identité des personnes est un facteur très important à prendre en considération 13 lorsqu’on s’intéresse à la mémoire épisodique. Ce genre de matériel est critiquable puisqu’il ne véhicule pas de signification pour les participants qui y sont soumis. De plus, ce matériel est peu écologique, à savoir que nous ne rencontrons que rarement ce genre de stimuli dans la vie quotidienne. Le rappel libre / rappel indicé 16 items (Grober & Buschke, 1987) et la tâche des quinze mots de Rey (Rey, 1966) proposent un rappel différé, mais celui-ci n’a pas lieu au-delà de 40 minutes. Comme nous l’avons vu dans le modèle du Self-Memory System (Conway, 2005), seuls les épisodes intégrés au self sont maintenus à long terme. Ce processus prend toutefois du temps, et un délai de 40 minutes seulement paraît limiter les conclusions possibles quant au maintien de l’information sur le long terme. Enfin, ces tests classiques, relativement anciens, ne tiennent pas compte des conceptions théoriques actuelles de la mémoire épisodique, en particulier de ses liens étroits avec l’identité et les buts, ni du caractère phénoménologique des souvenirs épisodiques, puisqu’ils ne permettent d’évaluer que les informations cibles. Plusieurs auteurs ont ainsi souligné l’inadéquation des tests de mémoire épisodique classiques et édité des critères pour les nouveaux tests (Pause et al., 2013), que nous développons dans le paragraphe suivant. 2.3.3. Critères pour les nouveaux tests de mémoire épisodique Dans un article de 2013, Pause, Zlomuzica, Kinugawa, Mariani, Pietrowsky et Dere ont ainsi énuméré sept critères méthodologiques auxquels doivent répondre les nouveaux tests de mémoire épisodique. Ces critères sont résumés ci-après. Le premier critère est d’induire les souvenirs épisodiques en laboratoire. En effet, pour être en mesure d’évaluer les souvenirs épisodiques, il faut pouvoir les contrôler. Le deuxième critère est de ne pas donner aux participants l’instruction explicite de mémoriser les informations épisodiques. Contrairement aux tests classiques de mémoire épisodique, les nouveaux tests doivent en effet proposer un encodage incident. Rappelons que pour Conway (2005), les connaissances épisodiques sont mises en place en dehors d’un contrôle intentionnel. De plus, comme nous l’avons déjà vu, les situations de la vie quotidienne sont largement caractérisées par un encodage incident. Le troisième critère concerne la valence émotionnelle des souvenirs épisodiques. En effet, les événements pertinents pour une personne, en lien avec ses valeurs et ses buts, suscitent des émotions (Scherer, 2001). Selon le quatrième critère, les participants ne doivent être soumis qu’à un seul essai d’apprentissage. Plus la présentation de l’information est répétée, plus il y a 14 de risque d’impliquer la mémoire sémantique. Le cinquième critère spécifie que les épisodes doivent contenir des informations concernant le « quoi, où et quand ». C’est-à-dire que les épisodes ne doivent pas se résumer à une information cible, mais proposer également un contexte spatial et un contexte temporel. Ces différents aspects du souvenir épisodique peuvent également être testés. Le sixième critère spécifie que le test de mémoire doit être inattendu. C’est-à-dire qu’à la fin de l’encodage incident, le participant ne doit pas être prévenu qu’il sera testé par la suite. De même, si la récupération inclut une phase de rappel différé, le participant ne doit pas se douter qu’il sera à nouveau testé. Enfin, le septième et dernier critère concerne les intervalles de rétention. Pause et collaborateurs recommandent d’utiliser un intervalle d’au moins soixante minutes pour que les souvenirs puissent être considérés comme intégrés à la mémoire à long terme. À ce propos, notons que certains patients épileptiques obtiennent des performances normales aux tests classiques de mémoire, mais se plaignent néanmoins de difficultés mnésiques. Une étude de Blake, Wroe, Breen et McCarthy (2000) révèle que les patients épileptiques (lobe temporal gauche) présentent des performances normales suite à un délai de trente minutes, mais déficitaires après un intervalle de huit semaines, ce qui met en évidence l’intérêt de proposer un rappel à plus long terme. 2.4. Problématique, objectifs et hypothèses théoriques Nous faisons donc état d’un manque de conformité des tests utilisés en clinique, en regard de la littérature récente (encodage intentionnel, type de stimuli, non prise en compte des liens entre mémoire, identité et buts, rappel différé à une quarantaine de minutes seulement, etc.). L’objectif de cette recherche est donc (1) d’élaborer un nouveau test de la mémoire épisodique qui soit basé sur le modèle du Self-Memory System (Conway, 2005), c’est-à-dire qui intègre l’identité et les buts de la personne et permette d’apprécier les fonctions de correspondance et de cohérence ; et (2) de l’explorer dans la population des personnes âgées. L’élaboration de ce test se veut aussi fondée méthodologiquement, en respectant les critères explicités dans la littérature par Pause et collaborateurs (2013). Ainsi, nous avons baptisé ce nouveau test le « Test de Mémoire en lien avec l’Identité » (TMI). Il se veut basé sur des situations plus proches de la vie quotidienne, en proposant un encodage incident et multimodal d’un matériel significatif et écologique (des photos d’activités de la vie quotidienne) qui puisse être mis en lien avec le self, un seul essai d’apprentissage, une récupération non attendue, aussi bien de l’information cible que de détails contextuels, en rappel immédiat et différé à sept jours. Le choix d’un délai de sept 15 jours est principalement logistique. En effet, la plupart des bilans cognitifs sont effectués lors d’au moins deux entretiens qui sont fixés à une semaine d’intervalle. Nous allons tout d’abord nous intéresser aux caractéristiques du TMI : scores au rappel immédiat et au rappel différé, temps d’encodage, questions de contrôle (comme le fait de s’être douté qu’il s’agissait d’un test de mémoire) et aux liens entre ces variables et les scores observés au TMI. Nous vérifierons entre autres que la tâche soit suffisamment sensible, que toutes les activités soient potentiellement rappelées et que chaque photo permette de rappeler un nombre équivalent de détails. Nous faisons l’hypothèse que le TMI permettra de mettre en évidence les effets classiques de l’âge, du genre et du niveau de formation sur la mémoire épisodique. Nous postulons également un lien entre les scores au TMI et la qualité du sommeil, le sentiment d’auto-efficacité généralisée et d’auto-efficacité de la mémoire, ainsi que le niveau d’inquiétude (en particulier au rappel différé) et de dépression. Ensuite, nous nous attendons à ce que la qualité de l’image visuelle mentale prédise la qualité du souvenir épisodique. Puisque les souvenirs épisodiques s’expriment fréquemment sous forme d’images visuelles mentales, nous faisons aussi l’hypothèse d’un lien entre le fait d’avoir l’habitude de se représenter les pensées sous forme d’images mentales et la qualité des souvenirs. Enfin, nous nous intéresserons aux différents profils mnésiques que permet de mettre en évidence le TMI. Dans la suite de ce travail, nous présentons d’une part la méthodologie qui a été mise en place afin d’élaborer le TMI (élaboration à la fois des stimuli et des consignes), et d’autre part la méthodologie qui concerne la partie expérimentale de cette recherche, à savoir l’exploration du TMI dans une population de personnes âgées. 3. Méthodologie 3.1. Méthodologie de l’élaboration du TMI Le TMI a beaucoup évolué au cours de ces deux dernières années. Toutefois, sa structure globale est restée inchangée : encodage incident de stimuli (photos d’activités de la vie quotidienne avec titre de l’activité), phase interférente de quelques minutes, rappel immédiat (des activités et des détails des photos), rappel différé (des activités et des détails des photos) à sept jours. Le rappel des activités consiste à rappeler librement le nom d’un 16 maximum d’activités et le rappel des détails consiste à rappeler librement un maximum de détails qui apparaissait sur la photo. Nous proposons dans la section suivante un récapitulatif des principales évolutions qu’a subi le TMI. Ces changements se sont souvent faits en parallèle, mais nous les présentons ici de manière sérielle afin de faciliter la compréhension. 3.1.1. Élaboration des stimuli Choix des activités. Les stimuli du TMI sont des photographies qui représentent toutes des mises en scène d’activités de la vie quotidienne. Le choix des activités a été effectué en tenant compte de plusieurs critères. Tout d’abord nous avons choisi des activités qui représentent la vie quotidienne, mais qui ne sont toutefois pas trop routinières (contrairement à l’activité « Se brosser les dents » par exemple), et que tout un chacun est susceptible d’avoir déjà effectuées. Nous avons donc essayé de sélectionner des activités qui soient relativement indépendantes de l’âge et du genre (contrairement à l’activité « Jouer au basket-ball » que les jeunes effectuent probablement plus que les personnes âgées, et l’activité « Préparer un dessert » qui est en général davantage effectuée par les femmes que par les hommes, pour citer deux exemples). Étant donné que ce test est destiné à une population adulte, présenter des activités plus familières pour les jeunes adultes versus les âgés ou pour les femmes versus les hommes comporte un biais. En effet, les personnes risquent potentiellement de mieux se rappeler des activités qu’elles ont l’habitude d’effectuer (en lien avec l’agentivité personnelle). Dans la version finale du TMI que nous avons utilisée dans le cadre de ce mémoire, nous avons retenu comme activités : « Jouer avec des enfants », « Trier les déchets », « Lire le journal », « Parler au téléphone », « Dîner en famille », « S’occuper d’un animal », « Jouer aux cartes », « Arroser les plantes », « Boire un café avec un ami », « Faire les courses », « Se promener dans la nature », « Regarder la télévision », « Acheter des habits », « Offrir un cadeau », « Faire sa toilette » et « Fêter un anniversaire ». Photographies. Les photographies ont été prises par Caroline Bendahan, Michalina Radomska et moi-même. Nous avons utilisé différents appareils photo, aux caractéristiques similaires, prêtés par l’atelier multimédia de l’Université de Genève, à Uni Mail. Au moment de réaliser les mises en scène de chaque photographie, nous avons fait attention d’inclure un ou plusieurs acteurs (en train de faire l’activité en question), un contexte, un lieu, et des éléments de détails qui ne soient pas « devinables », afin d’éviter le rappel de connaissances sémantiques et non pas épisodiques. Par exemple, « une coupe de fruits » n’est pas un élément 17 sémantiquement lié à l’activité « Jouer aux cartes », contrairement à « des cartes » (un exemple de stimulus incluant cette photographie est montré plus loin dans la Figure 2). Il était important que les photographies soient de complexité équivalente (chaque stimulus devant contenir à peu près la même charge de détails), ceci afin de s’assurer que le nombre de détails rapporté pour chaque photographie soit équiprobable. Nous avons par ailleurs exclu les photographies trop émotionnelles, en particulier celles jugées négativement puisque les stimuli négatifs ont pour effet d’améliorer le rappel des détails du souvenir (Kensinger, 2007). Pour ce faire, nous avons présenté vingt-cinq de nos photographies à vingt sujets (âge : M = 27.8, ET = 9) et leur avons demandé de les juger, en terme de complexité et de valence émotionnelle. La complexité était évaluée sur une échelle de Likert en neuf points, allant de « pas du tout détaillée » à « extrêmement riche en détails » ; et la valence émotionnelle sur une échelle de Likert en neuf points, allant de « émotions très négatives » à « émotions très positives ». Cette procédure nous a permis d’exclure les photos jugées trop complexes ou trop peu complexes et les photos émotionnellement négatives. Nous avons refait a posteriori un ensemble de photos en prêtant attention à ces deux critères. Nous avons essayé de balancer le genre (56.7% de femmes), ainsi que l’âge (5 enfants, 13 adultes et 12 personnes âgées) des acteurs apparaissant sur les photographies. En effet, ce test est destiné à une population d’adultes dès 18 ans et nous voulions éviter un effet d’identification aux acteurs du même genre et du même âge facilitant un encodage en référence à soi. Il est à noter que la plupart des acteurs sont des membres de nos familles respectives ou de notre entourage, qui ont signé un formulaire de consentement nous autorisant à utiliser leur image dans le cadre du TMI. Afin de déterminer l’ordre de présentation des photos dans la procédure du TMI, nous avons tenu compte de différents critères : nous avons essayé de balancer le genre des acteurs (alterner entre une photo mettant en scène un homme puis une photo mettant en scène une femme), leur âge (alterner entre une photo mettant en scène une personne jeune puis une personne âgée), les photos prises en extérieur / à l’intérieur ainsi que le caractère social de la photo (alterner entre une photo « sociale » comme « Jouer avec des enfants » puis une photo sans caractère social comme « Trier les déchets »). Présentation des photographies. Les photographies ont été imprimées sur un support papier (Premium NeverTear indéchirable) assez épais (155 g), au format A4 (21 x 29.7 cm). Une seule photo par page apparaissait aux dimensions de 16.5 x 22 cm (en orientation 18 paysage). Le titre de l’activité était inscrit au-dessus de la photo de manière à être bien lisible : police Calibra, taille 44 points, gras et centré. Un exemple de stimuli en taille réelle est présenté dans la Figure 2. Une version en taille réduite de chaque stimulus est proposée en Annexe I. Nombre de stimuli. Nous avons d’abord testé notre tâche sur six sujets (âge : M = 37, ET = 17) en proposant douze stimuli lors de l’encodage. Les résultats mettant en évidence un effet plafond (rappel immédiat : score Min = 7, score Max = 11, Md = 9.5 ; rappel différé : score Min = 7, score Max = 12, Md = 9), nous avons décidé d’augmenter le nombre de stimuli à 16 afin d’améliorer la sensibilité de notre tâche. 3.1.1. Élaboration des consignes L'élaboration des consignes a été une tâche ardue. Nous les avons régulièrement prétestées sur un nombre restreint de participants, la plupart du temps jeunes, avant de les modifier en fonction de nos observations et des remarques des participants. Cover story. Puisque nous effectuons un encodage incident, les participants ne doivent pas savoir qu’ils sont soumis à un test de mémoire. Toutefois, nous leur faisons bien passer un test, qu’il faut dès lors justifier. Afin d’introduire la tâche, nous avons donc dû mettre au point une cover story, qui explique aux participants dans les grandes lignes en quoi consiste la tâche, en évitant d’éveiller leurs soupçons. Nous avons élaboré différentes cover story, pour n’en garder qu’une, qui se voulait à la fois simple et directe : « Ce qui m’intéresse, c’est de mieux connaître vos habitudes et l’importance que vous accordez à certaines activités dans votre vie quotidienne. Je vais vous montrer différentes photos d’activités et vous devrez m’expliquer quelle est l’importance que ces activités ont dans votre vie actuelle ou ont eue dans votre vie passée. C’est vraiment votre avis personnel qui m’intéresse, c’est pourquoi il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse ». Jouer aux cartes Figure 2. Exemple du stimulus « Jouer aux cartes » en taille réelle. 20 Consignes données lors de l’encodage. De même, nous voulions que nos participants observent les stimuli (sans savoir qu’ils devaient les mémoriser), et soient en mesure de faire un lien entre ces stimuli et leur identité (en activant leur Self-Memory System). Observation. Afin de garantir l’exploration visuelle des photos, nous avons d’abord demandé aux participants de dénommer deux éléments qui leur plaisaient dans la photo. Ils nous ont massivement donné comme retour que cette unique consigne ne leur permettait pas suffisamment d’explorer les photos. Il y avait également régulièrement des personnes qui n’arrivaient tout simplement pas à trouver deux éléments qui leur plaisaient dans la photo. Nous avons donc fait évoluer cette consigne en une phase d’observation simple, où la consigne était de regarder la photo pendant quelques secondes. Durant les prétests que j’ai effectués, il m’a semblé que les personnes ne respectaient pas toujours cette consigne. Dès la seconde photo, ils savaient que j’allais ensuite leur poser des questions concernant l’importance qu’ils accordent à cette activité. Au moment de la présentation de la photo, j’avais le sentiment qu’ils étaient déjà en train de penser à leurs réponses concernant les questions suivantes plutôt que d’observer la photo. Je comprends qu’ils aient agi ainsi puisque l’action d’observer passivement la photo n’était pas pertinente pour eux dans la compréhension qu’ils avaient de la tâche (mieux connaître leurs habitudes de vie). Nous avons donc décidé de modifier encore cette phase d’observation en supprimant le titre des photos. Les participants devaient observer la photo, puis dire de quelle activité il s’agissait selon eux. Ainsi il fallait qu’ils observent activement les photos pour produire euxmêmes les noms des activités. Rappelons ici que le rappel consiste d’abord à récupérer le nom d’un maximum d’activités. Cette consigne rendait donc la tâche difficile pour le clinicien, qui devait prendre note des réponses de chaque personne lors de l’encodage, puis faire le lien avec les réponses données au moment du rappel, qui pouvaient être différentes. Cela impliquait également beaucoup de variabilité entre les participants et de confusion. Par exemple, un participant a donné comme nom d’activité « Le dimanche en famille » pour l’activité « Jouer avec des enfants », qui peut ensuite facilement être confondu avec l’activité « Dîner en famille ». Pour finir, nous avons choisi de couvrir le titre de la photo durant la phase d’observation, en commençant par demander au participant de décrire ce qu’il observait. Après cette description succincte de la scène, nous découvrons le titre, avant de le lire : « il s’agit de l’activité « … » ». Ainsi la phase d’observation est mieux contrôlée. Les participants 21 doivent observer la scène un minimum pour la décrire verbalement, sans se contenter de lire le titre de l’activité qui est caché. Cette procédure permet également aux participants d’avoir le même indice de récupération (puisque le nom des activités est le même pour tous). Lien avec le self. Notre objectif était que les participants encodent les stimuli en référence à soi. Nous avons donc réfléchi à différentes manières de les pousser à créer un lien entre ces photos et leur identité. Pour cela nous leur avons d’abord demandé d’exprimer sur une échelle de Likert (en cinq points, allant de « pas du tout » à « extrêmement ») à quel point faire cette activité était important pour eux ; et à quel point cette photo leur rappelait des souvenirs personnels (sur la même échelle de Likert). Il nous est apparu qu’en demandant de faire des liens avec le self uniquement via des réponses sur des échelles, les participants n’avaient pas l’opportunité d’effectuer un traitement suffisamment profond. Au contraire, ils désignaient parfois une réponse sur l’échelle sans paraître se poser véritablement la question, et ce traitement nous semblait trop superficiel. Pour y remédier, nous avons introduit des questions ouvertes, permettant aux participants d’élaborer leur réponse et exigeant aussi d’eux un traitement plus poussé. Ainsi, nous avons d’abord demandé aux participants de nous dire, en une phrase ou deux, s’il y avait des éléments dans cette photo qui leur évoquaient des choses qu’ils avaient personnellement vécues. Cette consigne avait l’avantage de contraindre le participant à regarder la photo tout en faisant un lien avec sa propre identité. Mais les réponses que nous obtenions étaient souvent insatisfaisantes. En effet, cette consigne donnait souvent lieu à des réponses sémantiques très générales telles que « j’aime les animaux » ou encore « c’est bien de faire le tri ». Dès lors, nous avons repris la question de l’importance, en demandant aux participants à quel point l’activité est importante pour eux (échelle de Likert en cinq points, allant de « pas du tout » à « extrêmement », voir Annexe II). Après avoir fait leur choix sur l’échelle, les participants devaient expliquer en quelques mots pourquoi ils avaient fait ce choix. Il s’agit donc pour la personne de juger une activité par rapport à l’importance qu’elle lui accorde (pertinence par rapport au self) puis de dire pourquoi (traitement profond et lien avec le self). Si la réponse du participant est trop générale, peu claire ou non reliée à son identité, l’expérimentateur intervient et lui demande de préciser sa réponse, l’incite à donner un avis personnel, à dire ce qu’il pense. Cette procédure permet de maximiser les chances d’obtenir des réponses en lien avec le self. 22 Il est à noter ici que nous avons envisagé d’introduire une question concernant les émotions dans nos consignes d’encodage. Nous n’avons finalement pas retenu cette possibilité, mais voici un petit résumé de notre réflexion sur ce sujet. Les émotions ayant un rôle important dans la mémorisation des épisodes, nous avons essayé de demander aux participants si la photo leur évoquait des émotions (toujours sur une échelle de Likert en cinq points, allant de « pas du tout » à « extrêmement »). Ensuite, nous leur demandions d’indiquer la valence de l’émotion ressentie (sur une échelle composée de cinq figurines représentant une graduation entre un visage très triste et un visage très joyeux). Étant donné que nos photos ne suscitaient pas d’émotions négatives, nous avons d’abord abandonné la question de la valence, puis celle de l’émotion. En effet, nous avions fait attention de ne sélectionner que des photos qui dégageaient à peu près la même intensité émotionnelle, ce qui rendait cette question peu pertinente. Contrôle du temps d’encodage. Certaines questions posées durant la phase d’encodage ont également été supprimées ou adaptées en fonction du temps qu’elles nécessitaient. Durant les premiers prétests, le temps d’encodage pouvait être très variable d’un individu à l’autre (entre 9 et 18 minutes, ET = 3). Ceci pose problème dans la mesure où les effets observés ensuite sur le rappel peuvent être liés au temps consacré à encoder les stimuli, en partant du principe qu’une personne qui passe plus de temps à encoder aura de meilleures performances. Il était donc important pour nous de pouvoir contrôler au maximum ce temps d’encodage. Pour ce faire, nous avons déterminé le temps approximatif nécessaire au participant pour donner sa réponse. Une incitation est prévue si la réponse donnée est trop brève. Ainsi, pour la phase d’observation, une réponse d’environ dix secondes concernant la description de la scène est attendue. Si le participant s’arrête avant, l’expérimentateur l’incite systématiquement en lui demandant : « quoi d’autre ? ». De même, une réponse d’environ quinze secondes est attendue pour la justification de l’importance. Si la réponse est trop brève, le participant est invité à élaborer sa réponse : « dites-m’en un peu plus ». En cas de réponses trop longues, nous avons interrompu le participant afin de lui signifier que sa réponse était suffisante. Ainsi, la durée approximative d’encodage pour chaque photo est d’une minute, soit 16 minutes pour les 16 photos. Compréhension des consignes / essai. Afin de nous assurer que les participants comprennent bien les consignes de la phase d’encodage (quelle est l’importance de l’activité 23 et pourquoi), nous avons inclus un essai au début de la passation du TMI. En effet, après avoir donné les consignes et avant de montrer la première photo, le participant doit répondre aux deux questions d’encodage avec l’exemple de l’activité « Aller au cinéma ». Encore une fois, le participant ne voit pas de photo lors de cet essai, il doit simplement indiquer à quel point l’activité « Aller au cinéma » est importante pour lui puis dire pourquoi en quelques mots. Cet essai permet d’illustrer la consigne et est souvent l’occasion d’insister sur l’importance de donner des réponses personnelles et pas trop générales. La version définitive des consignes utilisées dans le cadre de ce mémoire durant la phase d’encodage est proposée en Annexe III. Consignes de rappel. Les consignes données pour le rappel libre et le rappel des détails apparaissent en Annexe IV pour la session 1 (rappel immédiat) et Annexe V pour la session 2 (rappel différé). Le temps accordé au rappel libre des activités a été fixé à deux minutes, et à approximativement trente secondes pour le rappel des détails de chaque photo. Nous avons décidé de ne procéder au rappel des détails que pour les activités qui ont été rappelées lors du rappel libre de la séance en cours. 3.2. Méthodologie de l’expérimentation 3.2.1. Population Nous avons recruté 41 participants. A posteriori, nous avons exclu un des participants, qui présentait des troubles cognitifs avérés suite à un AVC. Nous présentons ici les caractéristiques de notre échantillon après l’exclusion de ce sujet. L’échantillon est donc finalement composé de 40 individus tout-venant âgés de 60 à 77 ans (M = 67.5 , ET = 4.6), parlant couramment le français (c'est-à-dire de langue maternelle ou avec une très bonne expression / compréhension). Nous avons essayé de constituer un échantillon composé d’autant d’hommes que de femmes, mais au final le nombre d’hommes diffère significativement du nombre de femmes (40% d’hommes contre 60% de femmes, χ2(1) = 4.00, p = 0.045). Nos participants ont effectué entre 8 et 19 années d’études (M = 13.0, ET = 2.8). Seulement six d’entre eux (15%) exercent encore actuellement une activité professionnelle et quatorze ont une activité bénévole significative (35%). 24 3.2.2. Matériel TMI. La passation du TMI est divisée en deux sessions espacées d’une semaine. Les deux sessions sont enregistrées à l’aide d’un enregistreur vocal afin de pouvoir retranscrire les réponses des participants (en effet, dans un but exploratoire de ce test, nous voulions récolter les réponses dans le moindre détail, ce qui permettra par la suite d’imaginer un système de cotation plus simple pour les cliniciens). L’expérimentateur prend note des réponses du sujet sur un protocole prévu à cet effet (voir Annexe VI pour la séance 1 et Annexe VII pour la séance 2). La séance 1 commence par la cover story puis l’explication de l’échelle d’importance et enfin l’essai. Une fois que l’expérimentateur s’est assuré que le participant avait bien compris les consignes, il montre la première photo et la phase d’encodage commence. L’expérimentateur pose les deux questions d’encodage pour les 16 photos. Une période d’interférence d’environ cinq minutes fait suite à la phase d’encodage. Ensuite, une phase de rappel libre (immédiat) de deux minutes a lieu. L’expérimentateur prend note de toutes les activités dont le participant se souvient. À la fin du rappel libre, l’expérimentateur procède au rappel des détails. Ainsi, pour chaque activité dont le participant s’est souvenu lors du rappel libre, il lui est demandé d’essayer de voir la photo de l’activité en imagerie mentale (voir paragraphe suivant intitulé « Imagerie mentale ») et de rappeler le plus grand nombre de détails qui figuraient sur la photo. Lors de la séance 2, l’expérimentateur procède au rappel libre des activités, puis au rappel des détails des activités rappelées, selon la même procédure qu’à la séance 1. Le TMI donne finalement lieu à quatre scores : deux scores correspondant au nombre d’activités rappelées (un score au moment du rappel immédiat et un score au moment du rappel différé) et deux scores correspondant au nombre de détails corrects rappelés par photo (nombre de détails total – nombre d’erreurs) (un score établi sur la base de la performance du rappel des détails immédiat et un score pour le rappel différé). Les deux scores d’activité sont directement obtenus. Pour les scores de détails, la cotation est plus délicate. En effet, nous avons dû réécouter les enregistrements pour accorder un point par détail correct et soustraire le nombre de détails incorrects. Chaque pièce d’information correcte rapportée par le participant est accréditée (comme le nombre d’acteurs apparaissant sur une photo, leur sexe, leur âge approximatif, l’action en cours, les objets présents dans la scène, les positions spatiales entre les objets / acteurs, les couleurs, etc.). 25 Questions de contrôle TMI. Nous avons inclus quatre questions de contrôle en lien avec le TMI. Nous voulions savoir si les participants s’étaient doutés qu’il s’agissait en réalité d’un test de mémoire et s’ils avaient participé à la consolidation du souvenir en parlant ou en repensant aux photos. Ainsi, à la fin du rappel des détails immédiat, nous avons demandé aux participants s’ils s’étaient doutés qu’ils devraient rappeler les activités des photos (oui ou non). Puis, suite au rappel des détails différé, il leur était demandé s’ils s’étaient doutés qu’ils devraient à nouveau rappeler les mêmes photos aujourd’hui (oui ou non), s’ils avaient discuté de ces photos avec leur entourage au cours des sept derniers jours (échelle de Likert en quatre points allant de « pas du tout » à « presque tous les jours ») et s’ils avaient repensé à ces photos au cours des sept derniers jours (échelle de Likert en quatre points allant de « pas du tout » à « presque tous les jours »). Imagerie mentale. Pour tester notre hypothèse en lien avec l’imagerie mentale, les participants ont dû évaluer la qualité de leur image mentale sur une échelle de Likert en cinq points allant de « aucune image » à « image extrêmement claire et détaillée ». En effet, au moment du rappel des détails, le participant était enjoint de revoir la photo de l’activité dans sa tête, en essayant de se la représenter avec le plus de détails possibles. Puis il devait indiquer sur l’échelle à quel point son image mentale de la photo était claire et détaillée (voir Annexe II pour l’échelle d’imagerie mentale et Annexe IV et V pour l’explication de l’échelle d’imagerie mentale ainsi que les consignes). Chaque participant, en plus de passer le TMI, a dû remplir sept questionnaires en version papier-crayon, a passé un test évaluant le fonctionnement cognitif général et a répondu à diverses questions sociodémographiques. Ces mesures ont été effectuées pour évaluer empiriquement si les liens mis en évidence dans la littérature entre mémoire épisodique et d’autres variables se vérifient sur le TMI. Nous allons revenir en détail sur chacune de ces mesures dans la section qui suit. Un premier questionnaire, élaboré par Caroline Bendahan, assistante doctorante de l’unité de psychopathologie et neuropsychologie cognitive, a été utilisé pour la phase interférente du TMI. Étant donné que nous n’avons pas d’hypothèses particulières le concernant, nous n’allons pas le détailler ici. Il est toutefois consultable en Annexe VIII. 26 Nous avons également utilisé l’Index de Sévérité de l’Insomnie (Blais, Gendron, Mimeault, & Morin, 1997) qui évalue la sévérité des difficultés de sommeil grâce à sept items à coter sur une échelle de Likert en cinq points. Les dimensions suivantes sont évaluées : la sévérité de l’insomnie, la satisfaction avec le sommeil actuel, l’interférence avec le fonctionnement quotidien, l’apparence des difficultés pour l’entourage et le niveau d’inquiétude dû aux difficultés de sommeil. Cet index présente une bonne consistance interne (α de Cronbach = .86) dans notre échantillon. Chaque participant a rempli l’adaptation française du General Self-Efficacy Scale (GSES, Schwarzer & Jerusalem, 1995; traduit par Dumont, Schwarzer, & Jerusalem, 2000). Cet outil mesure les ressources personnelles et le sentiment d’auto-efficacité. Il est composé de dix énoncés à évaluer sur une échelle de Likert en quatre points allant de « pas du tout vrai » à « totalement vrai ». Il présente une bonne consistance interne (α de Cronbach = .84) dans notre échantillon. Nous avons utilisé le Questionnaire sur les inquiétudes du Penn State (Meyer, Miller, Metzger, & Borkovec, 1990 ; traduit de l’anglais par Letarte, Freeston, & Ladouceur, 1991) pour évaluer les intrusions cognitives ainsi que la fréquence et l’intensité des inquiétudes excessivement irréalistes (Bouvard & Cottraux, 2005). Sa consistance interne est très satisfaisante (α de Cronbach = .92) dans notre échantillon. Les participants ont également rempli l’échelle CES-D (Center for Epidemiologic Studies-Depression scale, Radloff, 1977 ; traduite de l’anglais par Führer & Rouillon, 1992). Elle permet d’évaluer le niveau actuel de la symptomatologie dépressive. Il s’agit encore d’un auto-questionnaire, composé de vingt items à évaluer en terme de fréquence sur la semaine écoulée. L’échelle de Likert utilisée est constituée de quatre points allant de « jamais ; très rarement » à « fréquemment, tout le temps ». La consistance interne de cette échelle est élevée (α de Cronbach = .82) dans notre échantillon. Dans une étude de validation française sur une population adulte (Morin et al., 2011), cette échelle présentait une corrélation importante (r = .89) avec le BDI-13 (Beck & Beck, 1972) qui mesure également la dépression. C’est un outil particulièrement intéressant dans le cadre de la recherche, car il s’adresse à la population générale. Afin d’assurer que notre échantillon ne présente pas de troubles cognitifs, nous leur avons également fait passer l’échelle d’évaluation de la démence de Mattis (Dementia Rating Scale, Mattis, 1976). Cette échelle a en effet été mise au point afin d’évaluer le fonctionnement cognitif des patients atteints de maladies neurodégénératives. Constituée de 27 trente-six épreuves pour un total de 144 points, l’échelle de Mattis permet de calculer cinq sous-scores afin d’évaluer cinq fonctions cognitives : l’attention, l’initiation, la construction, la conceptualisation et la mémoire. Les items les plus complexes de chaque dimension sont présentés en premier, et s’ils sont réussis, les items plus simples sont automatiquement validés, ce qui permet de limiter le temps de passation en s’adaptant au niveau de fonctionnement du patient. Dans une étude de 1997, Marson, Dymek, Duke et Harrel ont trouvé des corrélations significatives entre les sous-scores de la Mattis et d’autres épreuves standardisées mesurant la même aptitude (.56 < r < .70 pour chaque appariement). Le questionnaire d’habitudes de verbalisation et imagerie (VerIm, Burkard, in press) permet d’évaluer les habitudes de verbalisation et de visualisation dans la vie de tous les jours. Il est composé de huit items, dont quatre sont reliés aux stratégies verbales et quatre aux stratégies visuelles. Sa consistance interne dans notre échantillon est satisfaisante (α de Cronbach = .80). Le Questionnaire d’Auto-évaluation de la Mémoire (QAM, Van der Linden, Wyns, Coyette, von Frenckell, & Seron, 1989) est une mesure d’auto-efficacité de la mémoire. Il permet d’évaluer ses propres oublis concernant les conversations, les films et les livres, les oublis dus aux distractions, les oublis concernant les personnes, le mode d’utilisation des objets, les connaissances générales, les lieux, les actions à effectuer, la vie personnelle et divers facteurs pouvant perturber la mémoire (tels que la fatigue ou le stress). Il est composé de 64 questions permettant d’évaluer ces dix rubriques. Le participant estime la fréquence de ses oublis sur une échelle de Likert en six points allant de « jamais » à « toujours ». Dans notre échantillon, la consistance interne du QAM est excellente (α de Cronbach = .97). 3.2.3. Procédure Chaque personne était avertie que nous cherchions des participants âgés de 60 à 80 ans pour une étude en psychologie, portant sur les activités quotidiennes en lien avec l’identité. Il était précisé que la participation impliquait deux rendez-vous espacés d’une semaine, d’environ une heure chacun. Le choix était laissé au participant de faire les entretiens dans un laboratoire d’Uni Mail ou à domicile. Au final, six personnes ont été vues dans le laboratoire M6159 à Uni Mail, une personne sur son lieu de travail, une personne au domicile de quelqu’un d’autre, et la majorité à leur domicile (32 personnes). Lors de la première séance, tous les participants ont reçu un formulaire de consentement (voir Annexe IX) décrivant l’objectif de la recherche comme étant l’exploration d’un nouvel outil d’investigation portant sur les activités de la vie quotidienne et l’importance 28 que les gens y accordent. Aucune autre information n’a été mentionnée, de manière à éviter que les participants se doutent que nous nous intéressions à leur mémoire. Il était toutefois précisé qu’il serait demandé d’effectuer de courtes tâches évaluant les fonctions cognitives générales (par exemple : les capacités attentionnelles, langagières ou d’apprentissage), ainsi que de répondre à des questionnaires portant sur leur quotidien et sur leur fonctionnement psychologique. Le formulaire de consentement précisait également que les séances seraient enregistrées avec l’accord du participant afin de faciliter la passation des tâches et la retranscription exacte des réponses. Il soulignait enfin que les données seraient utilisées uniquement à des fins scientifiques et pédagogiques et que l’anonymat était garanti. Ensuite, le participant et l’expérimentateur signaient deux exemplaires de ce formulaire de consentement afin que chacun puisse en conserver un. Par sa signature, le participant signifiait qu’il participait volontairement à l’étude et l’expérimentateur s’engageait à remplir les clauses d’anonymat et d’éthique et à décrire avec exactitude l’étude à la fin de la deuxième séance. Le participant répondait ensuite à des questions portant sur les données sociodémographiques. Ensuite, l’expérimentateur procédait à l’encodage des photos du TMI, avant de faire remplir au participant le questionnaire élaboré par Caroline Bendahan et l’index de sévérité de l’insomnie. Nous avons choisi ces deux questionnaires pour la phase d’interférence du TMI car ils n’impliquaient pas d’autres tâches mnésiques ou n’évoquaient pas d’activités de la vie quotidienne similaires ou autres que celles proposées dans le TMI, ce qui aurait pu comporter un biais. Suite à cette phase interférente, l’expérimentateur procédait au rappel immédiat des activités et des détails des photos (y compris la question sur la qualité de l’imagerie mentale) et posait la première question de contrôle. Cette première session se terminait par la complétion de la General Self-Efficacy Scale, du questionnaire sur les inquiétudes du Penn State et l’échelle CES-D. La seconde séance commençait par le rappel différé (des activités et des détails des photos, incluant la question sur la qualité de l’imagerie mentale), avant de clore la passation du TMI par les trois dernières questions de contrôle. Ensuite, les participants passaient l’échelle d’évaluation de la démence de Mattis. Puis ils devaient rapporter un récit de correspondance et un récit de cohérence (données non développées ici et en cours de traitement dans le cadre d’une autre étude), avant de remplir le questionnaire verbalisateur / imageur. La passation se terminait par la complétion du questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire. 29 Les expérimentateurs se sont tenus à disposition des participants s’ils avaient des questions ou s’ils voulaient parler de leur ressenti suite à la passation. Ils ont pris les adresses email des participants qui étaient intéressés de recevoir les résultats issus de l’étude une fois que celle-ci serait publiée. 3.2.4. Recrutement Pour ma part, le recrutement des participants a été une tâche délicate, car ceux-ci ne devaient connaître ni ma mère, ni mon père, ni la famille de mon frère, ni la famille de ma sœur, puisqu’ils apparaissent sur les photos. J’ai finalement recruté 34 participants par différents canaux. Avec l’accord du médecin généraliste pour qui je travaille depuis plus de 3 ans comme secrétaire, j’ai d’abord contacté dix patients qui fréquentent le cabinet médical, sept ont accepté de participer. Les 27 autres participants ont été recrutés par le bouche-àoreille : des parents, connaissances, voisins ou encore collègues d’amis, des amis de personnes qui avaient déjà participé, etc. Une personne s’est montrée très réticente lors du premier entretien, je l’ai sentie assez angoissée et dans ces conditions, j’ai préféré mettre un terme à la passation : aucune donnée n’a été récoltée. Une personne a souhaité décaler de quatre jours son second entretien, donc nous l’avons annulé, mais avons conservé les données obtenues lors de la première session. Pour cette même personne et une autre personne, mon enregistreur n’a pas fonctionné respectivement à la session 1 et à la session 2 donc il manque les données concernant les détails rappelés et les temps (d’encodage, d’interférence, de la tâche…) pour ces deux sessions. Nous avons toutefois inclus les données disponibles. Deux des participants ont reconnu par hasard les deux messieurs acteurs qui apparaissent dans la photo de l’activité « Boire un café avec un ami » et une participante a reconnu la dame actrice de la photo de l’activité « Faire sa toilette ». Nous avons décidé de conserver leurs données. Au final, nous avons utilisé les données de 33 de mes participants, parfois avec des données manquantes. Caroline Bendahan a également recruté six participants. Ses participants étaient pour la plupart des connaissances de connaissances qu’elle n’avait jamais rencontrées auparavant. Un stagiaire de l’unité de psychopathologie et de neuropsychologie cognitive a également recruté un participant. Étant donné que plus de 80% des entretiens ont été réalisés par moi-même, nous ne tiendrons pas compte des éventuels biais dus à l’expérimentateur dans la suite de ce travail. Sur les 40 participants dont au moins une partie des données a été incluse dans les analyses, sept ont été vus dans un environnement non familier (laboratoire d’Uni Mail ou 30 chez une tierce personne) et 33 ont été vu dans un environnement qui leur était familier (à leur domicile ou dans leur bureau au travail). 3.2.5. Analyses statistiques Nous avons effectué diverses analyses exploratoires sur les scores au TMI, nous avons entre autres effectué un test t de Student à échantillons dépendants pour vérifier statistiquement si les scores au rappel différé étaient différents des scores au rappel immédiat ; ainsi que des corrélations entre la durée de l’encodage, les questions de contrôle, et les scores au TMI. Nous avons calculé les fréquences moyennes de rappel de chaque photo, ainsi que le nombre moyen de détails rappelés par photo. Afin de tester l’hypothèse concernant le lien entre les variables sociodémographiques et les scores au TMI, nous avons effectué quatre régressions linéaires multiples en introduisant pour chaque régression un score au TMI en variable dépendante, et l’âge, le genre, le nombre d’années d’étude et le fait d’être actif en prédicteurs. Nous avons choisi de faire des régressions, car ces variables sont connues dans la littérature pour prédire en partie les scores aux tests de mémoire épisodique. Nous nous sommes aussi intéressés aux corrélations entre les scores au TMI et les scores à l’index de sévérité de l’insomnie, au General Self-Efficacy Scale, au questionnaire sur les inquiétudes du Penn State et à l’échelle CES-D afin de vérifier l’hypothèse concernant le lien entre notre test de mémoire et la qualité du sommeil, le sentiment d’auto-efficacité, les inquiétudes et la dépression. Nous avons également fait des corrélations entre les scores au TMI et d’autres mesures telles que le questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire et le sous-score mémoire de la Mattis. Nous avons aussi effectué une régression linéaire simple avec comme variable dépendante le nombre de détails rappelés par photo (rappel immédiat et rappel différé confondu) et avec comme prédicteur la qualité de l’image visuelle mentale pour vérifier l’hypothèse selon laquelle l’imagerie visuelle prédit la qualité du souvenir épisodique. De plus, nous avons fait des corrélations entre le fait de se considérer comme un imageur ou comme un verbalisateur et le nombre de détails rappelés par photo (rappel immédiat et rappel différé confondu) afin de vérifier l’hypothèse d’un lien entre l’habitude de former des images mentales visuelles et la qualité du souvenir épisodique. Enfin, dans une perspective plus qualitative, nous avons comparé les profils mnésiques de deux paires de sujets en nous intéressant d’une part à leurs scores au TMI (rappel immédiat versus rappel différé) et d’autre part à leurs réponses lors de l’encodage des photos-stimuli du TMI. 31 4. Résultats Nous avions fixé préalablement comme critères d’exclusion un haut niveau de dépression et des troubles cognitifs. Un participant a été exclu de nos analyses, car il présentait des troubles cognitifs avérés (score global à l’échelle d’évaluation de la démence de Mattis de 124). Concernant la dépression, même les participants qui scoraient le plus haut à l’échelle CES-D étaient proches du seuil donc nous les avons inclus dans les analyses. Au final, l’échantillon sur lequel portent les analyses comporte 40 participants. Une partie du rappel des détails a été coté par deux juges. En effet, bien que nous nous soyons mis d’accord au préalable sur les critères de cotation, il reste toujours une part de subjectivité au moment d’accorder des points pour les détails d’une photo. Un souséchantillon de 205 photos détaillées au moment du rappel immédiat ou différé sur les 709 totales a été double-coté (29% de l’échantillon). L’indice de fidélité inter-juges qui en ressort est excellent (.94). Nous n’avons donc pris en considération que le nombre de points accordé par le premier juge, en partant du principe que l’accord entre les juges était très satisfaisant. Pour la suite de la partie résultat, T1 désignera la session 1 (c’est-à-dire le rappel immédiat) et T2 désignera la session 2 (rappel différé). La variable « Activités » correspond au nombre total, sur 16 points, d’activités rappelées lors du rappel libre et la variable « Détails » au nombre de détails corrects rappelés par photo (c’est-à-dire le nombre total de détails moins les erreurs). 4.1. Statistiques descriptives sur le TMI Distribution des scores. À T1, les scores TMI s’étendent de 4 à 14 pour les activités et de 26 à 185 pour les détails. À T2, ils se situent entre 3 et 16 pour les activités et entre 16 et 142 pour les détails (voir Tableau 1). Tableau 1 Caractéristiques des quatre scores au TMI et indices de normalité. Scores TMI N Moyenne Min Max Écart-Type Skewness Kurtosis Activités T1 40 9.85 4.00 14.00 1.87 -0.85 1.79 Activités T2 39 8.26 3.00 16.00 3.00 0.67 0.27 Détails T1 39 92.08 26.00 185.00 36.30 0.56 0.31 Détails T2 38 63.71 16.00 142.00 33.41 0.79 0.12 32 Les distributions des scores au TMI ne montrent ni d’effet plancher ni d’effet plafond (voir Figure 3), mais apparaissent normales. Les critères de symétrie (Skewness) et d’aplatissement (Kurtosis) sont d’ailleurs globalement respectés (Skewness entre -0.85 et 12 12 10 10 8 8 Fréquence Fréquence 0.79 ; Kurtosis entre 0.12 et 1.79 ; voir Tableau 1). 6 6 4 4 2 2 0 0 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 3 14 4 5 6 7 14 14 12 12 10 10 8 8 Fréquence Fréquence 8 9 10 11 12 13 14 15 16 Activités T2 Activités T1 6 6 4 4 2 2 0 0 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Détails T1 180 200 220 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Détails T2 Figure 3. Histogrammes représentant les fréquences de score d’activités (en haut) et de détails (en bas) à T1 (à gauche) et T2 (à droite). Analyse T1 vs T2. La comparaison des boxplots (voir Figure 6) entre T1 et T2 montre une diminution du score aussi bien pour les activités que pour les détails. En effet, à T1 les participants se souviennent en moyenne de 9.85 activités (ET = 1.87), contre 8.26 activités à T2 (ET = 3.00). De même, dans notre échantillon, les participants rapportent en moyenne 92.08 détails (ET = 36.30) à T1 contre 63.71 détails (ET = 33.41) en tout à T2 (voir Tableau 1). 33 11.0 110 10.5 100 10.0 90 9.5 9.0 80 8.5 70 8.0 60 7.5 7.0 Activités T1 Activités T2 Moyenne Moyenne +- ET Moyenne +- 1.96*ET 50 Détails T1 Détails T2 Moyenne Moyenne +- ET Moyenne +- 1.96*ET Figure 6. Boxplots représentant le nombre d’activités (à gauche) et le nombre de détails (à droite) rappelés à T1 versus T2. Un test t de Student pour échantillons dépendants met en évidence que la différence entre T1 et T2 est significative à la fois pour les activités (t(38) = 3.93, p < 0.001) et pour les détails (t(38) = 5.57, p < 0.001). Temps. Le temps moyen mis pour la tâche est de 38 minutes (ET = 5) au total (incluant les consignes, le temps d’encodage et la phase d’interférence) à T1 et de 12 minutes (ET = 3) à T2. Concernant l’encodage, il a duré entre 9 et 21 minutes (M = 17, ET = 2). À noter que la durée de l’encodage ne corrèle avec aucun des quatre scores au TMI (voir Tableau 3 au paragraphe suivant). Questions de contrôle. Sur l’échantillon total, une seule personne s’est doutée qu’il lui serait demandé de rappeler les photos à T1 (voir Tableau 2: Douté T1) et neuf se sont doutées qu’il leur serait à nouveau demandé de rappeler les photos à T2 (voir Tableau 2: Douté T2). Quasiment la moitié des participants ont discuté des photos avec leur entourage entre les deux sessions (voir Tableau 2: Discuté T2) et deux tiers des participants ont indiqué avoir repensé aux photos à T2 (voir Tableau 2: Repensé T2). 34 Tableau 2 Effectif observé par réponse à chacune des quatre questions de contrôle (N = 39). Douté T1 Douté T2 Discuté T2 Repensé T2 Oui 1 9 Non 38 30 Pas du tout 20 13 Un peu 17 23 Beaucoup 0 1 Presque tous les jours 2 2 À T2, le fait de s’être douté qu’il s’agissait d’un test de mémoire (Douté T2) ou d’avoir discuté des photos entre les deux sessions (Discuté T2) ne corrèle pas avec les scores T2 au TMI (ni le score d’activités ni le score de détails). Toutefois, on observe que le fait d’avoir repensé aux photos entre les deux sessions (Repensé T2) corrèle positivement (r = 0.35, p = 0.031) avec le score d’activités à T2. La corrélation de .31 entre Repensé T2 et le score de détails à T2 est tendanciellement significative (p = 0.059) (voir Tableau 3). Tableau 3 Matrice de corrélations entre les quatre scores au TMI et la durée de l’encodage des stimuli, ainsi que les quatre questions de contrôle. Scores TMI Durée encodage Douté T1 Douté T2 Discuté T2 Repensé T2 Activités T1 0.08 0.10 -0.13 0.08 0.12 Activités T2 -0.03 -0.01 0.20 -0.04 0.35* Détails T1 0.13 -0.06 -0.14 0.05 0.19 Détails T2 0.04 -0.11 0.18 -0.11 0.31 Note. *p < 0.05. Analyses par photo. Fréquence de rappel d’une photo. La Figure 4 montre que les photos n°2 (« Trier les déchets ») et n°13 (« Acheter des habits ») sont moins souvent rappelées que les autres, aussi bien à T1 qu’à T2 (la photo n°2 est rappelée six fois à T1 et huit fois à T2 ; la photo n°13 est rappelée 14 fois à T1 et 8 fois à T2). Les autres photos sont au moins rappelées 10 fois à T1 ou à T2 (c’est-à-dire qu’elles sont rappelées à au moins une des deux sessions par au moins un quart de l’échantillon). 35 Figure 4. Double diagramme à bâtons de l’effectif ayant rappelé chaque photo en fonction du rappel. Rappel des détails d’une photo. À T1, les participants rapportent entre -1 et 24 détails par photo (M = 9.30, ET = 3.58) ; et entre -1 et 20 détails par photo à T2 (M = 7.69, ET = 3.42). Dans la Figure 5, on observe que chaque photo permet de rappeler en moyenne entre 6.76 (photo n°1) et 12.08 (photo n°14) détails à T1 et entre 5.63 (photo n°3) et 10.72 (photo n°14) détails par photo à T2. En moyenne, aucune photo ne se situe à plus d’un ou moins d’un écart-type de la moyenne. Figure 5. Double diagramme à bâtons du nombre moyen de détails rappelés par photo en fonction du rappel. 36 4.2. Liens entre les scores au TMI et les variables sociodémographiques Afin de rendre compte du fait qu’une personne est encore active, que ce soit professionnellement ou grâce à un investissement significatif dans une activité bénévole, nous avons créé une nouvelle variable qui résume ces deux informations. En effet, la nouvelle variable « actif » considère les personnes qui ont encore une activité professionnelle, et/ou une activité bénévole significative. Quatre régressions linéaires multiples ont été effectuées avec comme variable dépendante chaque score au TMI et comme prédicteurs l’âge, le genre, le nombre d’années d’étude et le fait d’être actif. Le Tableau 4 résume les résultats de ces régressions. Il en ressort que le genre est un prédicteur significatif des quatre scores du TMI. Le nombre d’années d’étude est tendanciellement significatif pour le nombre d’activités rappelées à T1 (p = 0.063). L’âge est un prédicteur tendanciellement significatif des scores à T2 (les p-valeurs associées sont de 0.051 pour les activités et de 0.090 pour les détails). Le fait d’être actif n’est pas un prédicteur significatif des scores. Ces quatre prédicteurs considérés ensemble permettent d’expliquer 40% de la variance dans les scores (d’activité et de détails) à T2. Tableau 4 Coefficients standardisés (b*) de régressions linéaires multiples entre chaque score au TMI et les 2 variables sociodémographiques et coefficients de détermination (R ) ajustés. 2 Score TMI N b* âge b* genre b* années d’étude b* actif R ajusté Activité T1 40 -0.19 0.39** 0.29 0.10 0.26 Activité T2 39 -0.26 0.50*** 0.11 0.22 0.40 Détails T1 39 -0.09 0.39* 0.26 0.15 0.21 Détails T2 38 -0.23 0.51*** 0.12 0.24 0.40 Note. *p < 0.05, **p < 0.01, ***p < 0.001. Les F associés aux coefficients b* sont tous supérieurs à 1. 4.3. Liens entre les scores au TMI et les questionnaires d’insomnie, d’autoefficacité, d’inquiétude et de dépression Le Tableau 5 montre que la sévérité de l’insomnie est négativement corrélée aux performances au TMI (cette corrélation n’étant toutefois pas significative pour le score d’activité à T2). Aucune des corrélations entre les scores au TMI et le sentiment d’autoefficacité, le niveau d’inquiétude et de dépression ne s’approche du seuil de significativité. 37 Tableau 5 Matrice de corrélations entre les quatre scores au TMI et les scores aux questionnaires d’insomnie, d’auto-efficacité, d’inquiétude et de dépression. Scores TMI ISI GSES PennState CES-D Activité T1 -0.42** 0.21 -0.19 -0.21 Activité T2 -0.15 -0.12 -0.16 -0.05 Détails T1 -0.53*** 0.31 -0.27 -0.19 Détails T2 -0.34* -0.02 -0.26 -0.23 Note. *p < 0.05, **p <= 0.01, ***p <= 0.001. ISI : Index de sévérité de l’insomnie ; GSES : General Self-Efficacy Scale ; PennState : Questionnaire sur les inquiétudes du Penn State ; CES-D : échelle CES-D. 4.4. Liens entre les scores au TMI et les autres mesures de mémoire et mesure globale du fonctionnement cognitif Nous observons dans le Tableau 6 qu’il n’existe pas de corrélation entre les scores au TMI et le score au questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire. La corrélation avec le nombre d’activités rappelées à T2 est la seule qui atteigne le seuil de significativité pour le sous-score mémoire de la Mattis. Cette corrélation est positive (r = 0.34), indiquant que ces deux scores vont dans le même sens. Le score total à la Mattis est positivement corrélé avec les quatre scores du TMI, cette corrélation s’approchant du seuil de significativité pour le score de détails à T1 (r = 0.28, p = 0.095). Tableau 6 Matrice de corrélations entre les quatre scores au TMI et deux autres mesures de la mémoire et un score global de fonctionnement cognitif. Scores TMI QAM Mémoire Total Mattis Activité T1 -0.09 0.03 0.36* Activité T2 0.10 0.34* 0.51*** Détails T1 -0.21 -0.05 0.28 Détails T2 0.06 0.24 0.43** Note. *p < 0.05, **p <= 0.01, ***p <= 0.001. QAM : Questionnaire d’auto-évaluation de la mémoire ; Mémoire : sous-score de l’échelle d’évaluation de la démence de Mattis ; Total Mattis : score total de l’échelle d’évaluation de la démence de Mattis. 4.5. Liens entre rappel des détails et qualité de l’imagerie Une régression linéaire simple met en évidence que la qualité de l’imagerie mentale d’une photo est un prédicteur significatif du nombre de détails donnés par photo ( = 0.29, 38 t(699) = 7.99, p < 0.001). Ce prédicteur explique 8.23% de la variance du nombre de détails rappelés par photo à T1 et à T2 (R2 ajusté, F(1,699) = 63.80, p < 0.001). À noter que l’effet est présent si on considère T1 et T2 individuellement. 4.6. Liens entre le rappel des détails et le fait d’être imageur ou verbalisateur Le fait de se considérer comme étant un imageur est corrélé avec le nombre de détails rappelés par photo (r = 0.13, p = 0.001). Le fait de se considérer comme un verbalisateur est également positivement corrélé avec le nombre de détails rappelés par photo (r = 0.26, p < 0.001). À noter que la corrélation entre imageur et le nombre de détails n’est plus significative si on considère uniquement T2. Toutes les autres corrélations restent positives et significatives si on considère T1 et T2 individuellement. 4.7. Comparaison de profils En fonction des performances au TMI, des profils distincts peuvent être mis en évidence. Pour établir la comparaison de certains profils, nous avons essayé de sélectionner des paires de sujets qui soient comparables sur différentes variables qui peuvent influencer la mémoire. Les variables qui ont pu être appariées pour chaque paire de sujets sont présentées au début de chaque comparaison de profil. Sujets 11 et 26. Comparons les sujets 11 et 26. Tous les deux sont des hommes, âgés de 62 et 65 ans respectivement, de niveau socioculturel 3, et toujours actifs professionnellement. Ces deux sujets se sont doutés qu’ils seraient à nouveau interrogés sur les photos à T2 et ont un peu repensé aux photos entre les deux entretiens. Ils présentent également des scores d’imageur (9 et 11) / verbalisateur (12 et 12) comparables. En terme de nombre d’activités rappelées, la Figure 6 montre que le sujet 11 maintient sa performance à T2 alors que le sujet 26 oublie quatre activités de plus qu’à T1. 39 16 14 12 10 8 Sujet 11 6 Sujet 26 4 2 0 Activités T1 Activités T2 Figure 6. Comparaison des scores d’activités à T1 et T2 des sujets 11 et 26. Toutefois, en terme de nombre de détails rappelés par photo, ces deux sujets sont tout à fait équivalents, comme le montre la Figure 7. Tous les deux expérimentent une légère dégradation de la qualité de leur souvenir épisodique, qui se traduit par une diminution des détails rappelés par photo (passe de 6.18 détails moyens par photo à 5.17 pour le sujet 11 ; et de 7 à 5.25 détails pour le sujet 26). 14 12 10 8 Sujet 11 6 Sujet 26 4 2 0 Détails moyens T1 Détails moyens T2 Figure 7. Comparaison du nombre de détails moyen donnés par photo à T1 et T2 des sujets 11 et 26. Il est intéressant de noter qu’au moment de l’encodage, le sujet 11 a établi des liens profonds avec son self, alors que le sujet 26 avait plutôt tendance à donner des réponses générales. Par exemple, le sujet 11 a fait des liens avec sa base de connaissances autobiographiques en évoquant des périodes de vie (« j’ai vécu avec d’autres enfants avant d’avoir mes enfants »), des événements généraux (« je peux m’y promener [dans la nature] tout seul », et avec son self conceptuel en évoquant certaines de ses croyances (« j’ai l’impression d’être un contemplatif »), de ses attitudes (« le monde marcherait mieux si les 40 gens jetaient leur télévision par la fenêtre » et de ses valeurs (« je pense que c’est important de préserver l’espace dans lequel on vit et surtout dans lequel on élève nos enfants »). Il a également fait des liens avec ses émotions (« ça me pèse », « ça ne me réjouit pas forcément », « c’est un plaisir »). Le sujet 26 a fait des liens avec son self conceptuel uniquement en évoquant des croyances (« les amis c’est précieux ») et des valeurs (« très important par rapport à l’aspect écologique »). Il a également évoqué certaines de ses émotions (« c’est une source de plaisir et de joie »). Malgré mes nombreuses incitations, les réponses du sujet 26 restaient souvent assez superficielles et générales (« c’est très important pour prendre les informations sur le monde »). Notons également que les deux sujets ont fait des descriptions très générales et succinctes des photos, assez équivalentes (sujet 11 / sujet 26) : « un père de famille avec ses enfants » / « un jeu avec des enfants d’un parent » ; « des jeunes qui jouent aux cartes » / «des joueurs de cartes ». Sujets 2 et 14. La comparaison des sujets 2 et 14 met également en évidence des profils différents. Ces deux sujets sont des femmes, de 68 et 62 ans respectivement, qui n’ont actuellement ni activité professionnelle ni activité bénévole. Aucun de ces deux sujets ne s’était douté qu’il s’agissait d’un test de mémoire à T1, le sujet 14 s’était douté qu’il serait à nouveau interrogé sur les photos à T2, et tous deux avaient un peu repensé aux photos entre les deux entretiens. Ils présentent un score d’imageur de 12 tous les deux. La Figure 8 illustre le fait que ces deux sujets ont rapporté exactement le même nombre d’activités à T1 (9 activités) et T2 (8 activités). Cette performance est d’ailleurs plutôt stable puisque les deux sujets oublient seulement une activité de plus à T2 qu’à T1. 16 14 12 10 8 Sujet 2 6 Sujet 14 4 2 0 Activités T1 Activités T2 Figure 8. Comparaison des scores d’activités à T1 et T2 des sujets 2 et 14. 41 Néanmoins, les sujets 2 et 14 présentent des différences dans le nombre moyen de détails qu’ils sont capables de rappeler par photo. En effet, dès le premier rappel, le sujet 14 rapporte plus de détails par photo que le sujet 2 (10.78 détails versus 7.78 détails en moyenne). À T2, le sujet 14 maintient sa performance (11.75 détails) alors que la performance du sujet 2 diminue (4 détails en moyenne par photo). 14 12 10 8 Sujet 2 6 Sujet 14 4 2 0 Détails moyens T1 Détails moyens T2 Figure 9. Comparaison du nombre de détails moyen donnés par photo à T1 et T2 des sujets 2 et 14. Il est intéressant de souligner que les réponses du sujet 2 étaient de manière générale beaucoup plus succinctes que celles du sujet 14. La durée de l’encodage a d’ailleurs été de 6 minutes plus courte pour le sujet 2. Sa description des photos était moins précise que celle du sujet 14 (sujet 2 / sujet 14) : « une dame qui fait du tri » / « elle est bien disciplinée, jeter le plastique, les verres dans le verre, l’alu dans l’alu et le papier dans le papier » ; « un repas en famille » / « un repas familial, ils en sont à l’entrée ». Lors de l’encodage, le sujet 2 a fait des liens avec sa base de connaissances autobiographiques, en évoquant des périodes de vie (« à l’époque, c’était important, les enfants demandaient beaucoup ma présence »). Il a également fait des liens avec son self conceptuel, en mentionnant des croyances (« on sait déjà tous que si on est un peu moins commode, avec des petits gestes on peut aider ») et des valeurs (« c’est important de rester en contact »). Quant au sujet 14, il a créé des liens durant l’encodage avec sa base de connaissances autobiographiques en évoquant des événements généraux (« j’aime bien regarder un petit moment la télé le matin, télé-matin, pour avoir un aperçu des infos »). Il a également fait des liens avec son self conceptuel en évoquant des croyances (« je suis pas sûre que derrière il y a beaucoup de suivi dans toutes ces belles paroles ») et des valeurs (« C’est 42 très important parce que dans ce monde dans lequel on vit actuellement, personne a le temps, c’est un moment où on peut inviter ses enfants, savoir ce qui va, ce qui va pas, leurs projets, pour communiquer »). Le sujet 14 a également fait des liens avec son système de mémoire épisodique (« tiens, ils ont parlé de plastique dernièrement, par rapport à la mer, ça tuait les tortues parce qu’elles étaient prises dans des sacs plastiques »). Relevons enfin que l’attitude des deux participants était très différente lors de la passation. Le sujet 2 semblait assez pressé que la passation se termine, j’ai dû intervenir plusieurs fois pour essayer de le cadrer, il essayait par exemple de tourner les feuilles du livret de stimuli pour passer à la photo suivante. Le sujet 14 semblait vouloir bien faire, prenant son temps, j’avais d’ailleurs noté qu’il hésitait souvent entre deux réponses concernant la question de l’importance des activités. 5. Discussion L’objectif du présent travail était (1) d’élaborer un nouveau test de mémoire épisodique qui soit basé sur des conceptions théoriques actuelles et qui réponde aux nouveaux critères relevés dans la littérature scientifique, (2) d’explorer les qualités de cette tâche en la testant sur un échantillon de personnes âgées et (3) de vérifier les liens entre les scores obtenus à ce nouveau test et d’autres variables connues pour influencer la mémoire épisodique. Le premier objectif a été atteint suite à un long travail d’élaboration de la tâche et du matériel, ainsi que de nombreux prétests qui nous ont permis d’adapter la procédure, les consignes et les stimuli en conséquence. Ainsi notre test de laboratoire propose d’évaluer la mémoire épisodique grâce à des situations plus proches de la vie quotidienne. En effet, l’encodage des stimuli est incident, les personnes testées ne sont soumises qu’à un seul essai d’apprentissage et la récupération de l’épisode est non attendue. Notre test est également basé sur le Self-Memory System de Conway (2005) puisque nous testons la récupération à la fois de l’information cible, mais aussi des détails contextuels ; en rappel immédiat et en rappel différé à sept jours. Ainsi, la qualité du rappel immédiat nous permet de faire des hypothèses spécifiques sur le fonctionnement du système de mémoire épisodique. De même, une semaine après l’encodage, nous sommes en mesure d’évaluer si les stimuli, que le sujet est enjoint de mettre en relation avec son self au moment de l’encodage, sont toujours accessibles. 43 Nous avons également atteint notre second objectif en faisant passer ce nouveau test à 40 personnes âgées. Les résultats montrent que notre tâche est suffisamment sensible, nous n’observons ni d’effet plafond ni d’effet plancher, ainsi qu’une bonne variabilité dans les scores. Elle permet de mettre en évidence les fonctions de correspondance et de cohérence. En effet, de manière générale, les personnes se souviennent de moins d’activités et de détails après sept jours, ce qui est en accord avec la conception de Conway, puisque seuls les épisodes qui sont intégrés au self sont maintenus à long terme. Nous constatons que les scores ne sont pas liés au temps alloué à la phase d'encodage, ce qui nous rassure quant aux potentielles conclusions à tirer sur la base du TMI. Le fait d'avoir repensé aux photos entre les deux rappels est par contre lié aux scores observés lors du rappel différé. Il est donc important de continuer de poser cette question lors du second entretien. Le fait d'avoir repensé aux photos peut être considéré comme un indice de pertinence pour l'individu, facilitant l'intégration des souvenirs au self à long terme. L’analyse de sujets particuliers permet également de mettre en évidence des profils différents. En effet, on observe des dissociations entre des personnes qui sont capables de rappeler en moyenne autant de détails par photo aux deux entretiens et maintiennent le nombre d’activités qu’elles sont capables de rappeler ou au contraire oublient des activités au rappel différé (comparaison des sujets 11 et 26). Concernant ces deux sujets, nous faisons l’hypothèse que la description verbale peu détaillée qu’ils ont fournie au moment de l’encodage est en lien avec le fait qu’ils rappellent tous deux peu de détails par rapport à la moyenne de l’échantillon. Les liens plus profonds que le sujet 11 a établis avec son self lors de l’encodage des photos pourraient expliquer qu’il se souvienne de plus d’activités au moment du rappel différé que le sujet 26. Il faut également noter que le sujet 26 présentait un niveau de dépression significatif, ce qui pourrait être en lien avec sa diminution de performance. En effet, la dépression est connue pour affecter les capacités de la mémoire épisodique. Plus particulièrement, les personnes qui présentent une dépression ont des souvenirs moins spécifiques, et ont plus tendance à adopter un point de vue d’observateur (Lemogne et al., 2006). Ainsi, nous faisons l’hypothèse que la dépression du sujet 26 affecte son self à long terme, rendant plus difficile pour lui de faire des liens au moment de l’encodage avec sa base de connaissances autobiographiques et son self conceptuel. Ses performances en sont d’autant plus perturbées au rappel différé. D’autres personnes au contraire peuvent maintenir le nombre d’activités rappelées sur les deux séances, mais avoir des profils de rappel des détails différents, avec des 44 performances qui se maintiennent ou qui chutent. Cette observation émane des profils de scores des sujets 2 et 14. Nous postulons que les descriptions plus détaillées du sujet 14 et son implication dans la tâche lui ont permis d’obtenir de bonnes performances en terme de scores de détails au TMI. En comparaison, le sujet 2 a donné des descriptions moins détaillées et semblait moins investi dans la tâche, ce qui peut expliquer que son score de détails au rappel immédiat soit plus faible que celui du sujet 14. Nous avons vu que le fait de s’être douté que le second entretien porterait également sur le rappel des activités et des détails des photos du TMI n’était pas en lien avec les scores véritablement obtenus au rappel différé. Toutefois, nous pouvons faire l’hypothèse que dans le cas du sujet 14, le fait de se douter qu’il serait à nouveau interrogé sur les stimuli du TMI est intervenu comme un facteur de pertinence pour se souvenir des détails des photos. En effet, à la fin de la première séance, le sujet 14 a demandé de revoir les photos. Devant mon refus, il en a conclu que ces mêmes photos feraient à nouveau l’objet d’un rappel à la seconde séance. Ceci a pu constituer une motivation pour le sujet 14, qui a probablement intégré le souvenir des photos à son self à long terme. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les activités qu’a rappelées le sujet 14 au rappel différé avaient toutes été rappelées au rappel immédiat, indiquant que les souvenirs issus de la première séance ont été consolidés. Le profil du sujet 2 est plus aléatoire : ce ne sont pas toujours les activités rappelées au rappel immédiat qui ont été rappelées au rappel différé. Son attitude globale lors du premier entretien semblait indiquer que la tâche n’était pas pertinente pour lui, pouvant justifier que les souvenirs des photos n’aient pas été beaucoup consolidés dans le self à long terme et expliquant ainsi une diminution du nombre de détails moyen rapporté par photo. Concernant le troisième objectif de la présente étude ayant trait aux liens entre les scores au TMI et d’autres variables connues pour influencer la mémoire épisodique, nous observons des résultats mitigés par rapport à la littérature. En effet, les scores au TMI sont bien prédits par le genre, et il est établi dans la littérature que les femmes ont de meilleures performances aux tests de mémoire épisodique que les hommes. Toutefois, nos scores ne sont prédits ni par l’âge ni par le nombre d’années d’étude des participants. Il existe toutefois une tendance de l’âge à prédire les scores au rappel différé, indiquant que les processus liés à un rappel sur le long terme sont plus dépendants de l’âge que les processus liés au rappel immédiat. Nous pouvons faire l’hypothèse que cet effet aurait atteint le seuil de significativité si nous n’avions pas sélectionné uniquement des personnes sans troubles cognitifs objectivés ou plaintes de mémoire épisodique pour constituer notre échantillon. 45 Comme prédit, la qualité du sommeil des participants apparaît être en lien avec leurs scores au TMI. Ce lien est matérialisé par une corrélation négative, indiquant que les difficultés de sommeil sont en lien avec de moins bonnes performances au TMI. Le niveau de dépression et les inquiétudes, contrairement à nos prédictions, n’apparaissent pas être en lien avec les scores au TMI. En particulier, nous nous attendions à ce que les inquiétudes soient d’autant plus en lien avec les scores du rappel différé, ce qui ne se vérifie pas non plus, même en terme de tendances, dans notre échantillon. Encore une fois, étant donné que nous n’avons recruté que des personnes qui n’avaient pas de plaintes particulières, nous pouvons faire l’hypothèse que ce résultat incongruent avec la littérature est dû à un manque de variabilité dans les scores de dépression et d’inquiétudes observés dans notre échantillon. Ni le sentiment d’auto-efficacité généralisée ni l’auto-efficacité de la mémoire ne semblent être ici en lien avec nos mesures de mémoire épisodique. Ainsi, le fait d’avoir le sentiment de pouvoir faire face et d’avoir des ressources personnelles n’est pas en lien avec les performances en mémoire épisodique que nous avons mesurées. Dans la littérature, les croyances quant à ses propres capacités sont surtout en lien avec le fait de se fixer des objectifs plus hauts et de les atteindre grâce à une certaine persévérance (Schunk & Pajares, 2010). Il n’est donc pas trop étonnant de ne pas avoir trouvé de lien significatif avec notre tâche. Il ne semble pas non plus que l’évaluation qu’une personne fait de sa mémoire soit en lien avec ses performances objectivées par notre test. Rappelons ici que la littérature scientifique portant sur ce sujet souligne que la manière d’évaluer le sentiment d’autoefficacité de la mémoire modère le lien entre auto-efficacité de la mémoire et performance à un test de mémoire. En effet, lorsque l’auto-efficacité de la mémoire est évaluée en référence à la vie quotidienne, comme nous l’avons fait, le lien avec les performances véritablement mesurées est moins fort que si l’auto-efficacité était évaluée en référence au sentiment d’être capable de réussir un test de mémoire. Dans ce contexte, nos résultats sont moins étonnants. La seule mesure effective que nous ayons réalisée de la mémoire épisodique (à savoir le sous-score mémoire de l’échelle de Mattis) semble bien être en lien avec les scores au TMI, mais uniquement au moment du rappel différé. Nous nous attendions plutôt à ce que ce soit le cas avec les scores du rappel immédiat. En effet, l’évaluation de la mémoire selon l’échelle de Mattis implique uniquement des rappels différés à quelques minutes. Nous interprétons donc ce résultat comme le reflet du manque de sensibilité du sous-score mémoire de l’échelle de Mattis, qui ne met en évidence que les personnes qui ont d’importantes difficultés, et qui sont également en difficulté au rappel différé du TMI. 46 Relevons aussi que les scores au TMI sont en lien avec une mesure du fonctionnement cognitif global. Ainsi les personnes qui présentent globalement un bon fonctionnement cognitif ont tendance à avoir de bonnes performances au test de mémoire épisodique. Ce lien est d’ailleurs plus important pour les performances au rappel différé, indiquant que les processus mnésiques impliqués à long terme sont d’autant plus liés au fonctionnement cognitif global. En accord avec nos hypothèses, la qualité des images visuelles mentales des photos prédit le nombre de détails qui peuvent être rapportés pour une photo. Ceci n’est pas étonnant puisque plus une image est claire, plus il sera facile de la décrire avec précision et de rapporter des détails. Rappelons que pour Conway (2009), la capacité à former des images mentales est en lien avec la mémoire, ce qui se retrouve dans nos données. Dans la même idée, nous avons observé que le fait d’avoir l’habitude de se représenter les pensées sous forme d’images est en lien avec le nombre de détails rappelés par photo, de sorte que plus on a l’habitude de se représenter les pensées sous forme d’images, plus on est capable de rappeler précisément les photos. Néanmoins, le fait de se considérer comme un imageur n’est en lien avec le nombre de détails qu’une personne est capable de rappeler qu’au moment du rappel immédiat, ce n’est plus le cas si on considère uniquement le rappel différé. Ce résultat pourrait signifier que les souvenirs épisodiques s’expriment sous forme d’images surtout sur le court terme. Un résultat qui ne faisait pas partie de nos hypothèses est le lien (d’ailleurs deux fois plus important) qui existe entre le fait de se représenter habituellement les pensées sous forme de mots et le nombre de détails rappelés par photo. Ce résultat est intéressant, car il souligne le caractère verbal de notre tâche. Nous montrons bien des photos aux personnes, néanmoins, nous évaluons le souvenir de ces photos par la modalité verbale. Une personne qui a l’habitude de verbaliser et de se représenter le contenu de ses pensées sous forme de mots sera peut-être ainsi favorisée pour rappeler verbalement les détails. 5.1. Limites et perspectives futures Il est important de mentionner certaines limites de notre outil, et de discuter certains éléments à envisager avant de pouvoir proposer le TMI comme outil d’évaluation aux psychologues cliniciens. Notons tout d’abord les limites du TMI que nous avons pu observer dans le cadre de ce mémoire. Pour commencer, soulignons que nos observations portent sur un nombre restreint de sujets (40 personnes). Ceci peut limiter la puissance de nos résultats 47 statistiques et expliquer que certains résultats attendus n'atteignent pas le seuil de significativité. Concernant le test en lui-même, nous avons remarqué que 2 des 16 stimuli étaient particulièrement moins souvent rappelés que les autres. En effet, les activités « Trier les déchets » et « Acheter des habits » ont été rappelées au rappel immédiat et/ou au rappel différé par moins d’un quart de l’échantillon. Cette observation est d’autant plus étonnante que ces stimuli auraient pu bénéficier d’un effet de primauté ou de récence puisque « Trier les déchets » fait partie des deux premiers stimuli et « Acheter des habits » des quatre derniers. Néanmoins, lorsque ces activités sont rappelées, elles font l’objet de descriptions aussi détaillées que les autres. Nous pourrions envisager de les remplacer par d’autres activités, et de reconduire ce type d’analyse sur un nouvel échantillon afin de s’assurer que les 16 stimuli ont la même probabilité d’être rappelés. Mais ceci semble moins dérangeant que si une photo ne permettait pas de rappeler autant de détails que les autres. Ensuite, nous observons que notre tâche est relativement longue, puisqu’elle demande une quarantaine de minutes à la première séance et une quinzaine de minutes à la seconde séance. Ceci peut constituer une limite, puisqu’il peut être relativement délicat d’allouer autant de temps à une tâche dans un bilan. Toutefois, la tâche peut être adaptée pour les personnes qui présentent véritablement des troubles de mémoire épisodique, en diminuant le nombre de stimuli par exemple, ce qui devrait permettre de limiter le temps de la passation. Une autre limite du TMI est son système de cotation. Comme nous l’avons vu, les scores d’activités sont obtenus très facilement et directement pendant la passation. Les scores de détails nous ont pris beaucoup plus de temps à établir. Une des prochaines étapes dans la suite de l’élaboration du TMI sera de réfléchir à un système de cotation qui soit à la fois facile à utiliser pour les cliniciens, et à la fois qui permette d’être suffisamment souple pour s’adapter à chaque patient. Cette tâche s’annonce toutefois subtile, puisque les solutions auxquelles nous avons déjà pu penser sont toutes très limitées. Utiliser une grille avec des réponses préétablies ne permet pas de couvrir toute la richesse des réponses différentes que peuvent donner les individus. Cocher un point chaque fois que le patient donne un détail serait une possibilité, mais certaines personnes parlent vite et peuvent se répéter. Il devient dès lors difficile de savoir ce qui a déjà fait l’objet d’une attribution de point de ce qui ne l’a pas encore été. Élaborer un système de cotation sera donc un défi important pour l’avenir du TMI. Abordons maintenant d’autres limites du TMI, qui ne sont pas des limites que nous avons pu directement observer dans le cadre des passations, mais qui sont plutôt liées au fait 48 que le TMI est un tout nouveau test. Tout d’abord, nous partons du principe que le TMI mesure la mémoire épisodique, et plus particulièrement l’intégrité de la fonction de correspondance au moment du rappel immédiat, et l’intégrité de la fonction de cohérence au moment du rappel différé. Mais le TMI devra encore faire l’objet d’études de validation dans le futur, afin de s’assurer qu’il mesure bien ce qu’il est censé mesurer. Une des études qu’il faudra mettre en place concerne la validité convergente du TMI, en vérifiant que les personnes présentant des performances déficitaires au TMI (en particulier au rappel immédiat) sont également déficitaires dans d’autres tâches connues pour évaluer la mémoire épisodique. Nous faisons surtout des hypothèses de validité convergente entre le rappel immédiat du TMI et d’autres tâches puisque nous ne connaissons pas d’autres tâches de mémoire épisodique qui impliquent un rappel différé à sept jours. Une autre limite du TMI est qu’il ne nous permet pas encore actuellement de situer les performances d’un individu par rapport à son groupe de référence. Il sera donc intéressant de proposer un étalonnage du TMI dans le futur afin d’établir des normes, c’est-à-dire de connaître la performance attendue pour un individu de tel sexe, de tel âge et de tel niveau socioculturel. En effet, l’intérêt d’un test est de mettre en avant des déficits s’ils existent, or, ce genre de raisonnement n’est possible que si des normes sont disponibles. Nous tenons enfin à noter que beaucoup de données ont été récoltées dans le cadre de ce travail. Nous n’avons pas pu toutes les exploiter. De futures investigations pourront porter plus particulièrement sur la profondeur du lien que le participant crée entre son identité et les stimuli au moment de l’encodage. En effet, il serait intéressant de faire des analyses plus poussées entre les réponses du participant à l’encodage (est-ce qu’il fait référence à son self conceptuel, à sa base de connaissances autobiographiques, à des souvenirs épisodiques discrets, à des émotions, etc.), la facilité avec laquelle il fournit ses réponses (est-ce qu’il faut beaucoup l’inciter à donner des réponses personnelles ou au contraire l’interrompre) et la qualité du rappel ultérieur. Nous avons effectué nos analyses en partant du principe que les participants avaient activé leur Self-Memory System durant l’encodage, ce que nous avons essayé de contrôler au mieux, mais qui ne peut toutefois pas être garanti dans la même mesure pour tous nos participants. 49 5.2. Implications cliniques Le but du TMI est d’évaluer la mémoire épisodique dans des conditions plus proches de la vie de tous les jours. Nous pensons que cette évaluation permettra ainsi au clinicien d’avoir une meilleure mesure du fonctionnement du patient dans la vie quotidienne. Un test est utile pour un psychologue clinicien dans la mesure où il le renseigne sur les capacités de la personne. Trop souvent, les tâches de laboratoire ne reflètent pas le fonctionnement de la personne, mais seulement sa capacité à effectuer une tâche en particulier, sans généralisation possible à la vie quotidienne. Nous pensons que le TMI permettra d’appréhender le fonctionnement des personnes au-delà de la situation de test. Un autre but du TMI est de pouvoir évaluer des processus mnésiques particuliers afin de mieux comprendre le tableau clinique d’un patient. En effet, comprendre quels sont les mécanismes mnésiques qui sont déficitaires ou préservés est une étape cruciale dans l’élaboration d’une intervention adaptée au patient. Ainsi, le TMI permet d’évaluer l’intégrité de la correspondance et de la cohérence. En fonction des déficits observés au TMI, une prise en charge individualisée peut être proposée. A ce propos, Grilli et Glisky (2010) ont proposé une revalidation de la mémoire utilisant le self de l’individu. Cette méthode requiert également l’imagerie mentale, puisque les patients cérébro-lésés devaient encoder des phrases en imaginant une scène générée par la phrase dans laquelle ils étaient physiquement présents. Les résultats de cette étude objectivent de meilleures performances pour les sujets soumis à cette modalité d’encodage comparativement aux autres modalités. Les auteurs montrent également que le bénéfice apporté par cette technique d’imagerie en référence à soi durant l’encodage est faiblement lié à la charge émotionnelle que le sujet attribue à la phrase. On peut ainsi imaginer une prise en charge qui utilise cette technique pour un patient dont le TMI révèlerait des scores déficitaires. Nous avons élaboré le TMI dans une perspective clinique, à savoir de permettre aux psychologues cliniciens d’utiliser un nouvel outil d’évaluation de la mémoire épisodique qui soit plus adapté que ceux actuellement disponibles. Dans le cadre de ce mémoire, nous l’avons testé sur une population de personnes âgées qui ne présente pas de difficultés observables ou de plaintes particulières. Toutefois, le TMI devra être adapté afin de convenir à une population qui souffre de problèmes de mémoire épisodique. Nous proposons donc de diminuer le nombre de stimuli et d’envisager la possibilité d’introduire une phase de rappel indicé. L’avantage du rappel indicé est de mettre en évidence dans quelle mesure le participant est aidé par un indice de récupération. Ainsi, la comparaison des performances 50 entre le rappel libre et le rappel indicé permet de faire des hypothèses sur l’intégrité des processus d’encodage et de récupération. Nous avons donc fait en sorte de pouvoir indicer avec un thème la plupart des activités que nous avons choisies pour constituer les stimuli du TMI, comme le thème « Activité ludique » pour l’activité « Jouer aux cartes » ou encore le thème « Activité de célébration » pour l’activité « Fêter un anniversaire » par exemple. 5.3. Conclusion Ce travail de mémoire est parti du constat d’un manque de conformité des outils d’évaluation de la mémoire épisodique actuellement disponibles. Il a permis d’élaborer un nouvel outil d’évaluation de la mémoire épisodique, et une première exploration de cet outil dans une population de personnes âgées. Ce nouvel outil, appelé le TMI, se base sur une conception théorique actuelle de la mémoire épisodique ainsi que sur des critères méthodologiques relevés dans la littérature. Les premières analyses mettent en évidence qu’il est suffisamment sensible, et permet de mettre en évidence des liens entre mémoire épisodique et d’autres variables influençant la mémoire. A terme, l’objectif est de pouvoir rendre le TMI disponible à l’utilisation des psychologues cliniciens. Pour ce faire, il devra encore subir des adaptations, et faire l’objet d’études de validation ainsi que d’un étalonnage. 51 Bibliographie Astin, C., Simon, J., Kurth, S., Collette, F., & Salmon, E. (2013). Variabilité individuelle dans le fonctionnement de la mémoire épisodique au cours du vieillissement normal et pathologique: Le rôle de la réserve cognitive. Revue De Neuropsychologie, Neurosciences Cognitives Et Cliniques, 5(4), 235-242. Baddeley, A. D., & Logie, R. H. (1999). Working memory: The multiple-component model. 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Section B, Aging, Neuropsychology And Cognition, 15(3), 302-329. 56 57 Annexes Annexe I : Les 16 stimuli du TMI en taille réduite ..................................................... 58 Annexe II : Echelle d’importance et échelle d’imagerie mentale ............................... 61 Annexe III : Consignes de la phase d’encodage....................................................... 62 Annexe IV : Consignes de rappel immédiat .............................................................. 64 Annexe V : Consignes de rappel différé ................................................................... 66 Annexe VI : Protocole à disposition du clinicien pour la séance 1 ............................ 68 Annexe VII : Protocole à disposition du clinicien pour la séance 2 ........................... 70 Annexe VIII : Questionnaire portant sur l’activité physique ....................................... 71 Annexe IX : Formulaire de consentement ................................................................ 72 58 Annexe I : Les 16 stimuli du TMI en taille réduite 59 60 61 Annexe II : Echelle d’importance et échelle d’imagerie mentale 62 Annexe III : Consignes de la phase d’encodage Cover Story : Ce qui m’intéresse, c’est de mieux connaître vos habitudes et l’importance que vous accordez à certaines activités dans votre vie quotidienne. Je vais vous montrer différentes photos d’activités et vous devrez m’expliquer quelle est l’importance que ces activités ont dans votre vie actuelle ou ont eu dans votre vie passée. C’est vraiment votre avis personnel qui m’intéresse, c’est pourquoi il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Explication de l’échelle : Vous devrez répondre en me montrant sur cette feuille (montrer l’échelle) parmi les 5 possibilités quelle est l’importance de l’activité pour vous dans votre vie actuelle ou dans votre vie passée. Par exemple, si je vous montre une photo de l’activité aller au cinéma, vous devez me dire si cette activité est « extrêmement importante » pour vous, « très importante », « moyennement importante », « peu importante » ou « pas du tout importante » pour vous (pointer chaque item). Après avoir fait votre choix, vous devrez m’expliquez en quelques mots pour quelle raison vous avez choisi telle ou telle réponse. Essai : On va faire un essai. Indiquez d’abord à quel point « aller au cinéma » est une activité importante pour vous (attendre la réponse). Et dites-moi pourquoi en quelques mots. (Interrompre au-delà d’une ou deux phrases ~15s) D’accord, c’est suffisant). Si la réponse est élaborée, avec un lien quant à son identité (par ex., « c’est très important pour moi, parce regarder des films sur un grand écran me donne souvent des frissons ») : Oui, c’est bien ça qu’il faut faire. Avez-vous des questions avant de commencer ? (si nécessaire, répéter/faire répéter la consigne ou donner un exemple) Si la réponse est… o trop générale ou peu claire (par ex., « c’est peu important, car que je n’y vais pas souvent ») ou o non reliée à son identité (par ex., « c’est très important, car le cinéma est un art »), … alors poser la question suivante : Pouvez-vous être plus précis/e ? M’expliquer ce qui fait que cette activité est importante/n’est pas importante pour vous ? Donnez-moi votre avis personnel. Si la réponse n’est toujours pas élaborée, répéter/faire répéter la consigne ou donner un exemple, puis ré-administrer l’essai. Oui, c’est bien ça qu’il faut faire. Avez-vous des questions avant de commencer ? 63 Consignes d’encodage : Voici la première/une autre photo. 1. Description : o Décrivez-moi d’abord ce que vous observez (10s, puis interrompre. Si le sujet s’interrompt avant la fin du temps, demander : Quoi d’autre ?). (Découvrir le titre) C’est l’activité « (dire le titre) ». 2. Importance : Indiquez d’abord à quel point « (dire le titre) » est une activité importante pour vous (attendre la réponse). Et dites-moi pourquoi en quelques mots (~15s). (Si la réponse est trop générale, peu claire ou non reliée à son identité, demander de préciser la réponse, inciter à donner un avis personnel, ce qu’il/elle en pense,…). 64 Annexe IV : Consignes de rappel immédiat RAPPEL LIBRE (2 min): Maintenant, nous allons faire autre chose, je vous demande d’essayer de me rappeler le plus grand nombre d’activités que vous avez vues sur les photos que je vous ai présentées tout à l’heure, dans l’ordre que vous voulez. Pour m’indiquer les activités dont vous vous souvenez, vous pouvez vous servir du titre qui était inscrit au-dessus des photos, mais ce n’est pas obligatoire. Vous pouvez aussi formuler le nom des activités à votre manière. Allez-y. Laisser 2 minutes, puis interrompre le rappel libre (si le sujet s’interrompt avant la fin du temps, l’inciter à récupérer plus d’activités jusqu’à la fin du temps). RAPPEL DES DÉTAILS : Maintenant, pour chaque activité dont vous vous êtes souvenu/e, je vais vous rappeler le titre et puis vous allez essayer de revoir la photo dans votre tête, en essayant vraiment de vous la représenter avec le plus de détails possible. Explication de l’échelle d’imagerie mentale. L’image que vous faites dans votre tête, elle peut être plus ou moins claire et détaillée, ou alors vous n’avez pas d’image du tout. Vous devez m’indiquer la qualité de votre image sur cette feuille (montrer l’échelle). Si l’image dans votre tête est extrêmement claire, avec pleins de détails, vous indiquez « extrêmement claire et détaillée » (pointer). Si votre image est moins précise, vous pouvez indiquer « très claire et détaillée » ou « moyennement claire de détaillée » ou encore « peu claire et détaillée » (pointer chaque item). Et si vous n’avez pas d’image dans votre tête, vous indiquez « aucune image » (pointer). Pensez vraiment à être aussi précis que possible en utilisant les 5 niveaux pour m’indiquer la qualité de votre image. Est-ce que vous avez bien compris ce que vous devez faire ? Après avoir fait votre choix, je vais vous demander de me rappeler le plus grand nombre de détails qui figuraient sur la photo, comme par exemple le nombre de personnes, leur sexe, leur âge, ce qu’elles font, les objets présents dans la scène, où ils se trouvaient, les couleurs, etc. Est-ce que vous avez des questions ? Reprendre les activités rappelées, une par une, dans l’ordre du protocole. 65 o Pour l’activité « (dire le titre) », essayez d’abord de voir la photo dans votre tête (3 sec) et indiquez ensuite à quel point votre image est claire et détaillée. o Essayez de me rappeler le plus de détails possible qui figuraient sur cette photo ? (Laisser 30s par photo. Si le sujet s’interrompt ou donne très peu de détails, l’inciter à en récupérer plus jusqu’à la fin du temps : Pouvez-vous m’en dire un peu plus, comme par exemple le nombre de personnes, leur sexe, leur âge, ce qu’elles font, les objets présents dans la scène, où ils se trouvaient, les couleurs, etc). 66 Annexe V : Consignes de rappel différé RAPPEL IBRE (2 minutes) : Il y a quelques jours, je vous ai présenté des photos mettant en scène différentes activités. Je vous ai posé des questions concernant vos préférences personnelles, puis je vous ai demandé de rappeler les activités et les détails des photos. Aujourd’hui, je vous propose de faire la même tâche et d’essayer de me rappeler le plus grand nombre d’activités que nous avions vu sur les photos, dans l’ordre que vous voulez. Pour m’indiquer les activités dont vous vous souvenez, vous pouvez vous servir du titre qui était inscrit au-dessus des photos, mais ce n’est pas obligatoire. Vous pouvez aussi formuler le nom des activités à votre manière. Allez-y. Laisser 2 minutes, puis interrompre le rappel libre (si le sujet s’interrompt avant la fin du temps, l’inciter à récupérer plus d’activités jusqu’à la fin du temps). RAPPEL DES DÉTAILS : Maintenant nous allons faire comme la dernière fois, pour chaque activité dont vous vous êtes souvenu/e, je vais vous rappeler le titre et puis vous allez essayer de revoir la photo dans votre tête, en essayant vraiment de vous la représenter avec le plus de détails possible. Explication de l’échelle d’imagerie mentale. L’image que vous faites dans votre tête, elle peut être plus ou moins claire et détaillée, ou alors vous n’avez pas d’image du tout. Vous devez m’indiquer la qualité de votre image sur cette feuille (montrer l’échelle). Si l’image dans votre tête est extrêmement claire, avec pleins de détails, vous indiquez « extrêmement claire et détaillée » (pointer). Si votre image est moins précise, vous pouvez indiquer « très claire et détaillée » ou « moyennement claire de détaillée » ou encore « peu claire et détaillée » (pointer chaque item). Et si vous n’avez pas d’image dans votre tête, vous indiquez « aucune image » (pointer). Pensez vraiment à être aussi précis que possible en utilisant les 5 niveaux pour m’indiquer la qualité de votre image. Est-ce que vous avez bien compris ce que vous devez faire ? Après avoir fait votre choix, je vais vous demander de me rappeler le plus grand nombre de détails qui figuraient sur la photo, comme par exemple le nombre de personnes, leur sexe, leur âge, ce qu’elles font, les objets présents dans la scène, où ils se trouvaient, les couleurs, etc. Est-ce que vous avez des questions ? 67 Reprendre les activités rappelées, une par une, dans l’ordre du protocole. o Pour l’activité « (dire le titre) », essayez d’abord de voir la photo dans votre tête (3 sec) et indiquez ensuite à quel point votre image est claire et détaillée. o Essayez de me rappeler le plus de détails possible qui figuraient sur cette photo ? (Laisser 30s par photo. Si le sujet s’interrompt ou donne très peu de détails, l’inciter à en récupérer plus jusqu’à la fin du temps : Pouvez-vous m’en dire un peu plus, comme par exemple le nombre de personnes, leur sexe, leur âge, ce qu’elles font, les objets présents dans la scène, où ils se trouvaient, les couleurs, etc). 68 Annexe VI : Protocole à disposition du clinicien pour la séance 1 69 70 Annexe VII : Protocole à disposition du clinicien pour la séance 2 71 Annexe VIII : Questionnaire portant sur l’activité physique Questionnaire d’activité physique Score total : Pendant vos activités durant la journée : - vous êtes debout ❶ jamais ❷ rarement ❸ parfois ❹ souvent ❺ toujours ❷ rarement ❸ parfois ❹ souvent ❺ toujours ❷ rarement ❸ parfois ❹ souvent ❺ très souvent ❷ rarement ❸ parfois ❹ souvent ❺ toujours - vous marchez ❶ jamais - vous portez des charges lourdes ❶ jamais - vous transpirez ❶ jamais Après ces activités, vous êtes fatigué(e) physiquement ❶ jamais ❷ rarement ❸ parfois ❹ souvent ❺ toujours À quel point vous considérez-vous comme quelqu’un d’actif en ce qui concerne vos activités quotidiennes et vos loisirs ? ❶ pas du tout actif ❷ peu actif ❹ très actif ❺ extrêmement actif ❸ moyennement actif Combien de temps par jour passez-vous à vous déplacer quotidiennement (marche, escalier, vélo, …, hors véhicules motorisés) ? ❶ moins de 5 min ❷ 5 à 15 min ❹ 30 à 45 min ❺ plus de 45 min ❸ 15 à 30 min Si vous vous comparez à l’ensemble des personnes de votre âge, vous pensez que vos activités quotidiennes sont physiquement : ❶ beaucoup moins importantes ❷ moins importantes ❹ plus importantes ❺ beaucoup plus importantes ❸ aussi importantes 72 Annexe IX : Formulaire de consentement RECHERCHE Exploration de l’importance des activités dans la vie quotidienne Responsables du projet de recherche : Martial Van der Linden, Professeur ordinaire Caroline Bendahan, Doctorante en psychologie (Dans ce texte, le masculin est utilisé au sens générique ; il comprend aussi bien les femmes que les hommes.) INFORMATION AUX PARTICIPANTS ET CONSENTEMENT DE PARTICIPATION À LA RECHERCHE Information aux participants Objectifs généraux de la recherche: Cette étude a pour objectif l’exploration d’un nouvel outil d’investigation portant sur les activités de la vie quotidienne et l’importance que les gens y accordent. Procédure: Il s’agira pour vous de répondre à une série de questions concernant l’importance que vous accordez à certaines activités courantes. Il s’agira également d’effectuer de courtes tâches évaluant les fonctions cognitives générales (par exemple : les capacités attentionnelles, langagières ou d’apprentissage), ainsi que de répondre à des questionnaires portant sur votre quotidien et sur votre fonctionnement psychologique. Deux séances d’une durée d’environ 60 min chacune sont prévues à une semaine d’intervalle. Il vous sera demandé si vous acceptez que les deux séances soient enregistrées (avec un enregistreur vocal). Ces enregistrements serviront uniquement à faciliter la passation des tâches et la retranscription exacte de vos réponses. Ils seront traités de manière anonyme et seront détruits aussitôt que la retranscription sera effectuée. Protection des données : Conformément à la loi sur la sauvegarde des données, l'ensemble des données recueillies seront, dans un premier temps, gardées sous clef à l’Unité de Psychopathologie et Neuropsychologie Cognitive de l’Université de Genève. Elles seront ensuite archivées, et gardées durant 10 ans à compter de la fin de la récolte des données (hormis les enregistrements vocaux qui seront détruits au maximum un mois après la deuxième séance). L’anonymat est aussi bien garanti pendant la durée de l'étude qu’après. Les résultats seront utilisés à des fins scientifiques et seront publiés dans des revues ou des livres scientifiques. Avantages et bénéfices pour les participants: En acceptant de participer à cette étude, vous contribuez à la recherche scientifique en psychologie. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous faire parvenir par mail les résultats issus de l’étude dès que celle-ci sera publiée. Pour toute question, veuillez contacter Caroline Bendahan (par tél. : 0041 (0)22 379 93 52 ou par e-mail : [email protected]). Inconvénients et risques éventuels pour les participants: aucun Durée de l’expérience: environ 2 x 60 min 73 Sur la base des informations qui précèdent, je confirme mon accord pour participer à la recherche « Exploration de l’importance des activités dans la vie quotidienne», et j’autorise : l’utilisation des données à des fins scientifiques et cliniques et la publication des résultats de la recherche dans des revues ou livres scientifiques, étant entendu que les données resteront anonymes et qu’aucune information ne sera donnée sur mon identité ; OUI NON l’utilisation des données à des fins pédagogiques (cours et séminaires de formation d’étudiants ou de professionnels soumis au secret professionnel). OUI NON J’ai choisi volontairement de participer à cette recherche. J’ai été informé-e du fait que je peux me retirer en tout temps sans fournir de justifications et que je peux, le cas échéant, demander la destruction des données me concernant. Ce consentement ne décharge pas les organisateurs de la recherche de leurs responsabilités. Je conserve tous mes droits garantis par la loi. Prénom Nom Date Signature ENGAGEMENT DU CHERCHEUR L’information qui figure sur ce formulaire de consentement et les réponses que j’ai données au participant décrivent le projet dans sa globalité. À la fin de la deuxième séance, je m’engage à fournir au participant les détails décrivant avec exactitude le projet. Je m'engage par ailleurs à procéder à cette étude conformément aux normes éthiques concernant les projets de recherche impliquant des participants humains, en application du Code d’éthique concernant la recherche au sein de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation et des Directives relatives à l’intégrité dans le domaine de la recherche scientifique et à la procédure à suivre en cas de manquement à l’intégrité de l’Université de Genève. Je m’engage à ce que le participant à la recherche reçoive un exemplaire de ce formulaire de consentement. Prénom Nom Date Signature