La prise en charge globale du patient diabétique d www.diabeteetobesite.org épidémiologie Un outil pour orienter les stratégies de prise en charge des diabétiques p. 35 Pr Patrick Ritz Découvrir Les maisons de l’Aide aux Jeunes p. 65 Diabétiques Michel Cahané, Carine Choleau Nutrition Malaises après by-pass : quels conseils alimentaires ? p. 63 Pascale Martini, Sophie Rampin Psychologie Bipolarité et troubles des conduites alimentaires : quelles relations ?p. 42 Laurianne Schreck DOSSIER La vitamine A : biochimie, sémiologie en cas de carence, implication en cas p. 49 de grossesse après by-pass mise au point Diabète et rein : quels risques ? Article rédigé par le Pr Ronan Roussel (Paris) Albuminurie, clairance rénale : ce qu’il faut en savoir, ce qu’il faut en attendre... Février 2012 • Volume 7 • n° 56 • 8 E sommaire La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e • Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Directrice du développement : Valérie Belbenoît • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Violaine Colmet Daâge • Secrétaire de rédaction : Céline Poiteaux • Chef de Fabrication et de Production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de studio : Laurent Flin • Maquette et illustrations : Elodie Lecomte, Antoine Orry • Chefs de publicité : Catherine Colsenet, Raphaële Hery • Service abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne Comité de lecture Rédacteur en chef “Obésité” : Pr Patrick Ritz (Toulouse) Rédacteur en chef “Diabète” : Dr Saïd Bekka (Chartres) Pr Yves Boirie (Clermont-Ferrand) Pr Régis Coutant (Angers) Pr Jean Doucet (Rouen) Pr Pierre Gourdy (Toulouse) Pr Véronique Kerlan (Brest) Dr Sylvie Picard (Dijon) Dr Helen Mosnier Pudar (Paris) Dr Caroline Sanz (Toulouse) Dr Anne Vambergue (Lille) Comité Scientifique Pr Bernard Bauduceau (Paris) Pr Rémy Burcelin (Toulouse) Pr Bertrand Cariou (Nantes) Pr François Carré (Rennes) Pr Bernard Charbonnel (Nantes) Dr Xavier Debussche (Saint-Denis, Réunion) Pr Jean Girard (Paris) Pr Alain Golay (Genève) Pr Hélène Hanaire (Toulouse) Dr Michel Krempf (Nantes) Pr Michel Pinget (Strasbourg) Pr Paul Valensi (Bondy) Diabète & Obésité est une publication © Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai • 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] RCS Paris B 394 829 543 ISSN : 1957-5238 N° de Commission paritaire : 1013 T 88454 Prix au numéro : 8 F. Mensuel : 10 numéros par an. Les articles de “Diabète & Obésité” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. Février 2012 • Vol. 7 • N° 56 www.diabeteetobesite.org n Actualités de la profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 34 n Épidémiologie Epidémiologie régionale : un outil pour orienter les stratégies de prise en charge des patients diabétiques de type 2. p. 35 Pr Patrick Ritz (Toulouse) n Interspécialités Diabète, rein et risques : l’albumine et au-delà . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 37 Pr Ronan Roussel (Paris) n Psychologie Bipolarité et troubles des conduites alimentaires : quelles relations ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 42 Laurianne Schreck (Toulouse) n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 49 tout savoir sur la vitamine A Dossier coordonné par le Pr Patrick Ritz (Toulouse) 1 n Biochimie de la vitamine A : besoins, sources, toxicité, rôle et conséquences physiologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 50 Brigitte Periquet (Toulouse) 2 n Grossesse après chirurgie de l’obésité : l’implication de la vitamine A. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 55 Dr Philippe Topart (Angers) 3 n Carences en vitamine A : quelle sémiologie ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 60 Pr Patrick Ritz (Toulouse) n Nutrition Malaises après une chirurgie par by-pass : quels conseils alimentaires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 63 Pascale Martini, Sophie Rampin (Toulouse) n Découvrir Les maisons de l’Aide aux Jeunes Diabétiques : de la prise en charge de l’enfant à la recherche clinique. . . . . . . . . . . p. 65 Michel Cahané, Carine Choleau (Paris) n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 59 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62 Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Excart bandeau Roche autour de la revue Photos de couverture : © Karl Dolenc - iStockphoto actualités de la profession Le chiffre du mois 1 885 382 personnes du Régime général bénéficiaient, au 31 décembre 2010, de l’exonération du ticket modérateur au titre d’un diabète de type 1 ou 2 (ALD n°8). Ce sont les chiffres fournis par la CNAM, fin 2011. Concernant les diabètes de types 1 et 2, le taux de prévalence était de 3 258/100 000, l’âge moyen était de 65,1 ans, le taux de décès de 2,7 %. AGENDA SFD 2012 Nice, 20-23 mars 2012 Congrès de la Société Francophone du Diabète Renseignements et inscription : Site : www.congres-sfd.com/ EN BREF Sécurité du médicament La loi “relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé” est parue au JO le 30 décembre, avec ces objectifs : contrôle des conflits d’intérêt, transparence des décisions, renforcement de la pharmacovigilance, bénéfice systématique du patient, meilleure formation et information des professionnels de santé et patients. L’Afssaps voit ses missions renforcées et devient l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). Pour en savoir plus : http://www.vie-publique.fr/ (rubrique Panorama des lois) 34 Thérapeutique Retard de l’initiation à l’insuline dans le DT2 : pourquoi ? Q uand le contrôle glycémique n’est pas atteint malgré une bonne adhérance au traitement hypoglycémique oral, une alimentation et mode de vie sains, l’insuline doit être instaurée. Cependant, cette étape du traitement est souvent retardée pour diverses raisons. Le but de l’étude de Tan et al. était d’étudier les différentes questions ayant trait à la mise sous insuline de patients atteints de diabète de type 2 en soins primaires dans une clinique de Singapour. Les données qualitatives ont été obtenues au sein de quatre groupes de discussions, incluant des professionnels de santé (médecins et infirmières) ainsi que des patients diabétiques de type 2. La discussion et la qualité de la communication médecin-patient étaient retenues comme des clés essentielles de l’initiation d’une insulinothérapie. Les raisons des réticences du patient lors de l’instauration de l’insuline étaient : • le refus de reconnaître la nécessité d’une insulinothérapie, • la stigmatisation sociale perçue face à l’insulinothérapie, • le mode de traitement incommodant ou encore la sensation d’être puni de l’échec de la thérapie orale, • la peur des aiguilles. L’attitude des professionnels de santé et leur expérience de l’insulinothérapie pouvaient également être considérées comme des barrières à la mise sous insuline. Les résultats de cette étude mettent en évidence que l’initiation de l’insulinothérapie est influencée par l’interaction complexe entre les patients, les professionnels de santé et d’autres facteurs du système de soins. Les patients peuvent se faire des idées erronées de la réalité du traitement en raison d’une mauvaise communication du médecin et de l’introduction tardive de l’insulinothérapie. L’étude conclut donc que les questions clés à aborder avec le patient sont sa perception du contrôle glycémique et de l’insulinothérapie en expliquant si besoin les raisons pour lesquelles l’insuline doit être instaurée. ß Pour en savoir plus : Tan AM, Muthusamy L, Ng CC et al. Initiaiton of insulin for type 2 diabetes mellitus: what are the issues? A quality study. Singapore Med J 2011 ; 52 : 801-9. Solidarité Les Parcours du cœur 2012 : rendez-vous le 31 mars et le 1er avril L a Fédération Française de Cardiologie (FFC) lance les Parcours du Cœur 2012, une manifestation nationale de prévention-santé qui se tiendra cette année les 31 mars et 1er avril dans toute la France. Pour cette 37e édition, les mots d’ordre sont : 0 cigarette, 5 fruits et légumes et 30 minutes d’activité physique par jour. Au programme de ces journées : des conseils de prévention délivrés par les cardiologues bénévoles de la Fédération, mais aussi des animations sportives et un coaching personnalisé avec des champions du monde du sport sur www.fedecardio. com. En effet, cette année, la FFC proposera au public de tester son cœur sur le module « J’aime mon cœur ». Une façon simple pour chacun de vérifier les bonnes habitudes d’hygiène de vie et de découvrir son profil cardiaque. Les internautes pourront alors comparer leurs résultats avec ceux de grands sportifs comme Stéphane Diagana, Florian Rousseau, Thomas Voeckler… Rendez-vous sur www. fedecardio.com à partir du 15 mars. L’année dernière, 965 villes se sont mobilisées pour les Parcours du cœur et plus de 119 000 personnes y avaient participé. Pour connaître le Parcours du Cœur le plus proche de votre domicile, rendez-vous sur www.fedecardio.com/parcoursducoeur ß Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 épidémiologie Epidémiologie régionale Un outil pour orienter les stratégies de prise en charge des diabétiques de type 2 Pr Patrick Ritz* Introduction Le laboratoire Bristol-Myers Squibb a établi des diagnostics régionaux au sujet de la prévalence, des présentations cliniques, des modalités de traitement et de la densité des ressources en soins dans les régions. Ces diagnostics sont fondés sur des publications très officielles (ENTRED, INVs… (1-19)) disposant de données en région. A partir de l’exemple en Midi-Pyrénées, cela permet de positionner la stratégie de soins au niveau personnel (Qui sont les patients ? Comment dois-je me former ?), mais aussi au niveau collectif. Quelles sont les ressources utilisées ? Ces diagnostics régionaux sont issus de bases de données nationales généralistes (Insee, Données démographiques par sexe, région et tranche d’âge, ou Institut National de Veille Sanitaire) et spécifiques du diabète (comme celles issues des données Entred, Ancred) ou celles de l’incidence des ALD, voire des causes de décès ou de prévalence des addictions (1-19). Elles sont croisées avec des données internes du laboratoire et permettent une perspective. La limite de cette présentation est * CHU de Toulouse Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 cette perspective. Par exemple, dans les décès, l’HTA apparaît comme une cause souvent retenue, et ce plus en région qu’au niveau national. Cela ne veut pas dire que les patients diabétiques meurent plus d’HTA mais que, dans la population générale dont 3,9 % sont diabétiques, l’HTA est une cause fréquente de décès. Quelques exemples de données épidémiologiques En Midi-Pyrénées, la prévalence moyenne est de 3,9 %, soit 112 000 patients diabétiques de type 2. Cette prévalence est inférieure à la prévalence nationale (4,3 %) et varie peu entre les 8 départements, de 3,7 à 4,3 %. Trois facteurs de prédisposition au diabète de type 2 sont identifiés dans la région : âge, pauvreté et part des personnes nées à l’étranger. Ainsi, et comme au niveau national, l’âge supérieur à 65 ans multiplie par 7 la prévalence du diabète, l’obésité multiplie par 4 et un lieu de naissance hors de France multiplie par 3. Un revenu inférieur à 1 200 euros par mois est associé à une prévalence plus élevée, et le niveau de “pauvreté” régional (évalué sur les revenus) est supérieur à ce qu’il est au niveau moyen national. Certains facteurs de risque sont plus présents au niveau régional qu’au niveau national. Ainsi, parmi les causes de décès de toute la population, l’HTA est plus fréquente (17 vs 15,5 pour 100 000). Les décès de cause cardiovasculaire ont la même prévalence (66 et 67 pour 100 000). A l’opposé, la consommation tabagique est moindre (estimée à partir des ventes de cigarettes). A l’exception des coronaropathies, la région présente des taux de mortalité et de complications inférieurs à la moyenne nationale. Ainsi, les amputations ne concernent que 1,4 % de la population (1,9 au niveau national), le nombre de décès liés au diabète de type 2 des personnes < 65 ans est de 1,7 pour 100 000 personnes contre 2,36 au niveau national. A l’inverse, 20 % des diabétiques de la région souffrent d’angor ou ont fait un infarctus, alors que cela ne concerne que 16,8 % des personnes au niveau national. Quelques exemples de couverture en soins La région dispose d’un réseau de professionnels de santé de densité supérieure ou équivalente (pour les endocrinologues) à la moyenne nationale (Fig. 1). La présentation de la figure 1 est intéressante car elle est exprimée pour 100 000 personnes. Cela permet de gommer l’effet de capitale régionale de la ville de Toulouse et lisse les données entre des zones peu peuplées (par exemple l’Aveyron) et d’autres où la population est beaucoup plus dense (Haute-Garonne). Le diabète de type 2 est la 2e maladie chronique en termes de fré35 épidémiologie quence des affections longue durée (ALD) dans la région avec des taux standardisés de 2 513 pour 100 000 personnes alors que la moyenne nationale est de 2 818. De même qu’au niveau national, le dépistage des complications n’est pas optimal. Trente-neuf pour cent (42 au niveau national) des patients bénéficient d’un fond d’œil, 31 % (28 au niveau national) ont un examen podologique et 38 % (37 au niveau national) ont un ECG. Comment utiliser cet outil ? 142 119 131 2 166 65 HautesPyrénées 12 4 142 6 12 Aveyron 130 9 82 Tarn-etGaronne 32 Gers 5 12 3 14 2 46 Lot MOYENNE RÉGIONALE 2 141 11 81 tarn 140 4 10 31 HauteGaronne 13 3 Moy. Nat. 09 163 Ariège 133 3 10 6 2 Médecins ■ Généralistes ■ Diabétologues & Endocrinologues ■ Cardiologues Figure 1 - Densité en professionnels de santé. Choix des formations Les facteurs de risque en Midi-Pyrénées sont donc l’âge, la naissance à l’étranger et la pauvreté. Dans la stratégie de formations pour répondre de façon pertinente à la demande, un choix peut être orienté vers les offres proposant une plus grande déclinaison du diabète de la personne âgée par exemple. Au niveau collectif Dans les régions (comme MidiPyrénées) où l’agence régionale de santé a fait du diabète une priorité de santé, les praticiens peuvent participer à l’élaboration du schéma régional d’orientation des soins. La connaissance des données épidémiologiques régionales permet de proposer des orientations plus pertinentes, car prenant en compte les caractéristiques locales. Cet outil peut d’ailleurs servir de comparateur aux données fournies par les agences, et en vérifier la pertinence. Par exemple, quand des équipes territoriales sont sollicitées par l’agence, la connaissance des zones les moins couvertes par les professionnels spécialistes permet de proposer des stratégies adaptées. Ainsi, des consultations avancées sont envisagées et permettent aux spécialistes de s’investir utilement à distance de leur lieu de travail habituel. De même, quand la densité en ophtalmologie ou autre spécialiste est faible en regard de la demande, cela permet de proposer des moyens ambulants de dépistage des complications dans n les zones les plus adaptées. Mots-clés : Diabète de type 2, Epidémiologie, Prise en charge, Région Bibliographie 1. INVS. Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) n°42-43. Novembre 2010. http://www.invs.sante.fr/beh/2010/42_43/ 2. AMELI. Données sur l’incidence des ALD de 2003 à 2008. 2008. http:// www.ameli.fr/l-assurance-maladie/statistiques-et-publications/donneesstatistiques/affection-de-longue-duree-ald/incidence/nouveaux-cas-dald-1990-2008.php 3. InVS. Etude ENTRED 2007/2010. 2010. http://www.invs.sante.fr/surveillance/diabete/entred_2007_2010/diaporamas_2007_2010/diapo_caracteristiques_entred_invs.ppt 4. INSEE. Données démographiques par sexe, région et tranche d’âge. 2009. http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=estimpop 5. INSEE. Données sur la nationalité des résidents Français. 2007. http:// www.recensement.insee.fr/accesTableauxDetailles.action 6. Roche. Etude Obepi sur l’obésité. 2009. http://www.roche.fr/fmfiles/ re7199006/cms2_cahiers_obesite/AttachedFile_10160.pdf 7. INSEE. Niveaux de vie médians selon la région. 2008. http://www.insee. fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=99&ref_id=NATnon04248 8. INSEE. Taux de pauvreté selon la région, l’âge et le type de ménage. 2008. http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?reg_id=99&ref_id=taux_ pauvrete_2008 9. INSERM. Base de données sur les causes de décès. 2008. http://www. cepidc.vesinet.inserm.fr/ 36 10. OFDT. Indicateurs locaux sur les addictions. 2009. http://www.ofdt.fr/ BDD_len/iliad/menu_indic_region.xhtml 11. AMELI. Fréquence des affections de longue durée (ALD). Décembre 2009. http://www.ameli.fr/l-assurance-maladie/statistiques-et-publications/donnees-statistiques/affection-de-longue-duree-ald/prevalence/ frequence-des-ald-au-31-12-2009.php 12. TEAMS. Données internes BMS 2010. Consulté le 15 Février 2011. 13. CNAM. Point d’information du 16 Septembre 2010 sur les CAPI: Une dynamique au service des patients. Septembre 2010. 14. AMELI. Cartographie des départements d’expérimentation du réseau Sophia. 2010 http://www.sophia-infoservice.fr/fr/a-qui-sadresse-sophia. html 15. ANCRED. Programme SUDD. 2011 http://www.ancred.fr/programmesudd.html 16. ATIH. Données PMSI et Tableaux MAHOS nationaux et régionaux. 2010. http://www.atih.sante.fr/index.php?id=00045002B4FF 17. InVS. Etude ENTRED 2001/2003. 2003 http://www.invs.sante.fr/surveillance/diabete/entred_2001_2003/index.html 18. GERS. Cumul Annuel Mobile (CAM) Décembre 2010. Consulté via BMS le 15 Février 2011 19. INSERM. Dossier d’information sur le diabète de type 2. 2009. http:// www.inserm.fr/thematiques/circulation-metabolisme-nutrition/dossiersd-information/diabete-de-type-2-dnid Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Interspécialités Diabète, rein et risques L’albumine et au-delà Pr Ronan Roussel* aussi pronostique. Autrement dit, il est possible de se faire une idée de la protection que l’on a éventuellement conférée à notre patient en introduisant un bloqueur du système rénine-angiotensine en mesurant la protéinurie avant et 6 mois après le début du traitement. Selon les résultats de RENAAL, une réduction de 50 % de la protéinurie est associée à une réduction de 50 % de l’incidence de l’insuffisance rénale chronique sur les 5 ans suivants. Inversement, si la protéinurie est stable ou augmente, il faut changer de stratégie (association à d’autres traitements, revoir les apports sodés alimentaires du patient en mesurant sa natriurèse des 24 heures, s’assurer de la prise du traitement !). Au passage, rappelons que le blocage du système rénine-angiotensine se réalise avec un IEC ou un sartan à pleines doses : les essais conduits avec des doses faibles ont montré la vanité de cette stratégie. Introduction L’histoire naturelle de la néphropathie diabétique est connue de tous, depuis les travaux de Mogensen dans les années 1970 et 1980 : après la phase initiale d’hyperfiltration qui peut durer une dizaine d’années, voire indéfiniment, certains patients vont développer une microalbuminurie, alors que leur filtration paraît se normaliser (Fig. 1). Ultérieurement, la microalbuminurie progresse, la protéinurie s’installe, et la fonction rénale décline. L’élévation de la pression au sein du glomérule, conséquence de la vasodilatation de l’artériole afférente, elle-même induite par l’hyperglycémie chronique, est le primum movens de la sclérose glomérulaire. De nombreux travaux ont montré que le risque de dégradation de la fonction rénale est lié à la présence d’albumine en excès dans les urines. Cette relation est même quantitative : le risque de dégradation dans les 10 ans qui suivent est plus élevé pour les pa- Taux de filtration glomérulaire Pre 1 Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Néphropathie diabétique déclarée Pathologie rénale au stade terminal 3 4 5 5 000 150 1 000 100 200 50 20 0 0 * Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Bichat, Service de Diabétologie, Endocrinologie et Nutrition, Paris ; University Denis Diderot, Paris 7 ; Inserm, U 695, Genetic determinants for type 2 diabetes and its vascular complications, Xavier Bichat School of Medicine, Paris 2 Albuminurie Néphropathie diabétique naissante Albuminurie (mg/24h) L’albuminurie : déterminant majeur du risque rénal, et de sa réponse au traitement tients protéinuriques que pour les microalbuminuriques, et au sein des protéinuriques, le niveau de la protéinurie est pronostique (Fig. 3). Le rôle de la protéinurie sous traitement est moins connu : l’analyse des recueils urinaires réalisés 6 mois après le début de l’intervention dans l’étude RENAAL (losartan chez des diabétiques de type 2 protéinuriques) montre que la protéinurie sous traitement est Taux de filtration glomérulaire (TFG) (mL/min) L’ histoire de la néphropathie naturelle est la même chez les diabétiques de types 1 ou 2, sous réserve que l’on soit à même de dater avec précision le début du diabète de type 2 et que la survie du patient permette le déroulement de l’histoire rénale (Fig. 2) (1). 5 10 15 Années 20 25 Figure 1 - Histoire naturelle de la néphropathie diabétique selon Mogensen : l’élévation de la filtration initiale s’inverse quand la microalbuminurie apparaît, puis la protéinurie progresse et le débit de filtration glomérulaire décline. 37 De façon similaire à ce que nous rapportions ci-dessus pour le risque d’insuffisance rénale dans l’étude RENAAL, la mise en relation de la protéinurie et du risque cardiovasculaire (le risque de pathologies ischémiques type infarctus du myocarde, mais aussi l’insuffisance cardiaque par exemple) dans l’étude RENAAL, nous apprend, d’une part, que la protéinurie à l’inclusion est un facteur pronostique indépendant et, d’autre part, que la réponse au traitement (jugée sur le niveau de protéinurie à 6 mois) a aussi une valeur pronostique indépendante. La relation est un peu moins étroite cependant pour le risque cardiovasculaire, une réduction de 50 % de la protéinurie se traduisant par une diminution d’environ de 20 % du risque d’évènements cardiovasculaires. La situation est donc très parallèle entre risque rénal et cardiovasculaire, suggérant que « les racines du mal » sont communes. 100 80 60 Type II Type I 40 20 15 5 10 20 Années après le diagnostic du diabète 25 Figure 2 - La prévalence de la protéinurie survient dans les mêmes proportions et sous les mêmes délais, quel que soit le type de diabète. HR relatif par rapport au taux le plus bas de protéinurie dans le gourpe placebo L’albuminurie : déterminant majeur du risque cardiovasculaire, et de sa réponse au traitement Prévalence de la protéinurie (%) Interspécialités 30 25 ESRD 20 15 15 10 10 5 5 < 0,5 0,5-1,5 Losartan Placebo 25 20 0 ESRD 30 Losartan Placebo 1,5-3,5 ≥ 3,5 0 < 0,5 0,5-1,5 Albuminurie au départ (g/g) 1,5-3,5 ≥ 3,5 Albuminurie à 6 mois (g/g) Figure 3 - A gauche : le risque de survenue d’une insuffisance rénale terminale (ESRD, End-Stage Renal Disease) est croissant avec la protéinurie à l’inclusion dans l’essai de prévention secondaire de la néphropathie diabétique dans le diabète de type 2 RENAAL. A droite : le risque de survenue d’une insuffisance rénale terminale dans RENAAL est également directement proportionnel à l’albuminurie à 6 mois. Autrement La protéinurie n’est pas tout Le débit de filtration glomérulaire est un facteur indépendant de risque rénal, mais aussi du risque cardiovasculaire. Il y a deux ans, Perkins a collecté les données individuelles de patients diabétiques de type 1 de la Joslin Clinic, à Boston, à partir de la mise en évidence de la microalbuminurie (2), afin de valider l’histoire naturelle décrite par Mogensen. Si certains sujets suivaient en effet la séquence installation de la protéinurie/déclin progressif de la fonction rénale, ce n’était pas du tout systématique (Fig. 4). En faisant la revue de la littérature, on réalise que 38 dit, la réponse au traitement, jugée sur la protéinurie à 6 mois de l’initiation du traitement, nous prédit le niveau de la protection conférée. la probabilité pour un patient microalbuminurique de le rester ou de régresser vers la normoalbuminurie est même deux fois plus élevée que le risque de devenir protéinurique. Mais ceci ne protège pas complètement sa fonction rénale : en colligeant de nombreuses études, de type 1 comme de type 2, il apparaît que la proportion des patients avec une fonction rénale modérément altérée (débit de filtration estimé < 60 ml/min/1,73 m2) sans être protéinurique est considérable, de l’ordre de la moitié des patients ! Il faut donc nous habituer à ce nou- veau (au moins dans sa reconnaissance) diabétique néphropathe : l’insuffisant rénal pauci-albuminurique. Dire que les insuffisants rénaux modérés risquent plus de devenir des insuffisants rénaux sévères relève de la lapalissade. En revanche, et l’on retrouve que les facteurs de risque sont décidément communs, on a moins conscience que le débit de filtration est aussi un facteur de risque cardiovasculaire. Certes, mais via l’hypertension artérielle ? Pas seulement, sa valeur pronostique est indépendante des facteurs de risque classique, et sa vaDiabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Diabète, rein et risques On se souvient de l’hypothèse dite de la Steno (en référence à la clinique Steno au Danemark, centre de recherche très actif en diabétologie), formulant cette idée ainsi : « le glomérule est une fenêtre sur l’endothélium de tout l’arbre vasculaire ». Parmi les déterminants qui fondent à la fois les risques vasculaire et rénal, certains sont évidents, comme l’hypertension artérielle, le tabac, l’âge, le diabète, d’autres moins comme les lipides, et enfin, certains restent à découvrir. Une autre hypothèse est, qu’au-delà des racines communes, les maladies rénales et cardiovasculaires établies s’entretiennent l’une et l’autre mutuellement par leur physiopathologie : hypertension artérielle exagérée par la rétention hydrosodée qui augmente la souffrance vasculaire, réciproquement hypoperfusion rénale d’origine vasculaire qui aggrave le déclin de la fonction rénale, etc. (Fig. 6). De telles interactions délétères ont été mises en évidence de façon extrême en 2000 dans une étude de la coronaropathie latente (score de calcification coronaire) chez de jeunes insuffisants rénaux en dialyse (enfants et très jeunes adultes, peu suspects d’avoir accumulé les facteurs de risque classiques de longues années) : après quelques années de dialyse, le risque coronarien augmentait considérablement, atteignant des valeurs qui indiquent formellement la réalisation d’une coronarographie ; de Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 210 10 000 180 Prot TFG MDRD ( ) 150 1 000 300 120 TFG MDRD Microalb 90 100 30 60 10 Normoalb 30 0 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 Temps (calendrier d’années) Figure 4 - Exemple d’évolution “atypique”, mais en fait relativement fréquente de l’albuminurie et de la filtration glomérulaire d’un diabétique de type 1 de la cohorte de la Joslin Clinic. Décès cardiovasculaire 5,9** 6 Hasard ratio Quelle est la base de l’augmentation du risque cardiovasculaire ? c Taux d’excrétion d’albumine (µg/min) leur pronostique complète à un niveau voisin celle de la protéinurie : si les deux se combinent, protéinurie et insuffisance rénale, le risque de dialyse explose, mais aussi le risque cardiovasculaire (Fig. 5). 5 3,6** 4 2,9* 3 2 3,4** 2,5** 1,9* 2,0* 1,2 1 0 1,0 (Ref) Macro TFG < 60 TFG 60-89 Micro Albuminurie de départ Normo TFG ≥ 90 TFG au départ Figure 5 - Risque de mort cardiovasculaire des patients diabétiques de type 2 de l’essai ADVANCE en fonction du débit de filtration glomérulaire estimée et de l’albuminurie : valeur indépendante de ces deux facteurs pronostiques. fait, à l’issue de cette étude, certains de ces jeunes patients ont dû être revascu­larisés. Quelles conséquences pratiques ? Le paradigme du patient diabétique néphropathe forcément protéinurique, et éventuellement insuffisant rénal doit évoluer : ce patient est en fait soit protéinurique, soit insuffisant rénal, ce qui peut se combiner sans que cela soit systématique. Ces deux caractéristiques ajoutent indépendamment au risque rénal et au risque cardiovasculaire. Une conséquence pratique est qu’il est d’autant plus 39 Interspécialités pertinent de mettre en place les mesures préventives (en particulier le contrôle glycémique et tensionnel, et le recours aux statines) que le patient soit protéinurique, ou insuffisant rénal, ou les deux : le risque cardiovasculaire absolu est très élevé, le nombre de sujets à traiter pour éviter un évènement sera faible. Que font les médecins en pratique ? Le registre REACH a collecté, au milieu des années 2000, les traitements et les niveaux de facteurs de risque de plus de 65 000 patients à haut risque cardiovasculaire, et les a classés par stades de fonction rénale (3). Le taux de couverture par statine (tous ces patients étaient à haut risque et relevaient d’une telle indication) était respectivement de 75, 72, 67 et 61 % dans les groupes Age, tabac, HTA, Diabète, lipides Bas débit, syndrome cardiorénal, iatrogénie,... Atteinte rénale Atteinte vasculaire Rétention hydrosodée, HTA, modifications lipidiques, Altérations du métabolisme phosphocalcique, calcifications vasculaires, carence en vit D Anémie par carence en EPO, hyperhomocystéinémie, Difficultés de prise en charge des évènements, clairance défaillante de facteurs humoraux ? Figure 6 - Les maladies rénale et cardiovasculaire chez le diabétique : des racines communes et des interactions délétères qui entretiennent un cercle vicieux d’aggravation mutuelle. de sujets ayant une filtration glomérulaire estimée supérieure à 90 ml/ min, 60-90, 30-60 ou < 30… n Mots-clés : Diabète, Rein, Cœur, Risque, Albuminurie Retrouvez la bibliographie complète sur www.diabeteetobesite.org 40 Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Psychologie Bipolarité et troubles des conduites alimentaires Quelles relations ? Laurianne Schreck* Introduction Le trouble bipolaire La prévalence du trouble bipolaire en population générale est de 1 %. Cependant, cette prévalence calculée, bien que haute, est probablement sous-estimée du fait de la difficulté à poser un diagnostic, devant la pluralité des tableaux cliniques et le délai d’évolution nécessaire au préalable. Le trouble bipolaire, anciennement appelé “psychose maniacodépressive”, appartient à la catégorie “trouble de l’humeur” du * Interne au CH G. Marchant, Toulouse 42 © designpics - 123rf.com Le trouble bipolaire est fréquemment associé à d’autres pathologies psychiatriques, telles que les troubles anxieux, les addictions, mais aussi certains troubles de la personnalité (axe II du DSM 4). Aussi, ces comorbidités peuvent représenter une barrière au diagnostic, voire au traitement, et devront donc être systématiquement recherchées. Dans la pratique clinique quotidienne, il n’est pas rare d’observer, chez les patients bipolaires, une association avec des troubles des conduites alimentaires (TCA). DSM 4 (axe I). Il s’agit d’un trouble psychiatrique, caractérisé par la survenue d’accès maniaques ou hypomaniaques, et d’épisodes dépressifs. Les différents types de troubles bipolaires On distingue plusieurs types de troubles bipolaires. ❚❚Type 1 Le trouble bipolaire de type 1 est caractérisé par la survenue d’un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes, en alternance avec des épisodes dépressifs qui, à l’inverse des épisodes maniaques, ne sont pas indispensables au diagnostic. ❚❚Type 2 Le trouble bipolaire de type 2 est défini par l’existence d’un ou plusieurs épisodes hypomaniaques associés à un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs. ❚❚Variantes D’autres variantes de troubles bipolaires ont été décrites telles que le type 3, caractérisé par la présence d’une hypomanie pharmacoinduite ou bien la cyclothymie, définie par le DSM 4 comme l’existence durant au moins 2 ans de nombreuses périodes pendant lesquelles des symptômes hypomaniaques et dépressifs sont présents, sans que soient réunis les criDiabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Bipolarité et troubles des conduites alimentaires tères d’épisode dépressif majeur, ni d’épisode maniaque ou mixte. Le trouble schizo-affectif En marge des troubles bipolaires, le trouble schizo-affectif, classé dans les troubles psychotiques selon le DSM 4, est décrit comme un trouble caractérisé par des épisodes thymiques (maniaque, mixte ou dépressif ) marqués par la présence simultanée, au cours d’un même épisode, d’éléments psychotiques caractéristiques de la schizophrénie tels que des idées délirantes, des hallucinations, ou bien encore une désorganisation. Dans tous les cas, une perturbation des affects Quelle que soit la forme clinique qu’il revêt, le trouble bipolaire représente une perturbation des affects. Les patients présentant ce type de trouble présentent des difficultés dans la gestion de leurs émotions, ainsi que dans la régulation de leur humeur, en alternant des phases de tristesse et d’exaltation. Troubles des conduites alimentaires Les troubles des conduites alimentaires sont représentés dans le DSM 4 par deux grandes entités nosographiques : l’anorexie mentale et la boulimie. Cependant, d’autres formes de TCA existent, moins spécifiques et aux symptômes parfois moins francs. Elles n’en demeurent pas moins fréquentes dans les populations générale et psychiatrique. Parmi ces troubles des conduites alimentaires “non spécifiés” figure le “binge eating disorder” ou hyperphagie boulimique, qui devrait devenir une entité nosologique à part entière dans le DSM 5 en Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 2013, au même titre que l’anorexie ou la boulimie, selon l’APA (American Psychiatric Association). Qu’ils se manifestent avant toute décompensation thymique, ou qu’ils en soient concomitants, voire faisant suite aux troubles de l’humeur, les troubles alimentaires jalonnent le parcours des patients bipolaires. relation bibolarité/ TCA : un lien connu ? La réflexion autour d’un lien entre ces deux troubles n’est pas récente. En effet, si l’on cite Kretschmer, l’anorexie mentale est perçue comme une version modifiée d’un trouble affectif primaire. Cantwell, en 1977, suggère également que l’anorexie mentale pourrait être une variante des troubles de l’humeur. La littérature scientifique actuelle s’interroge sur l’association du trouble bipolaire et des TCA, tant d’un point de vue épidémiologique, que d’un point de vue physiopathologique, proposant alors de nouvelles élaborations conceptuelles. Une revue de la littérature scientifique sur le sujet permet de mettre en évidence de nombreux points de similitudes entre les troubles de l’humeur et les troubles des conduites alimentaires. On retrouve des points communs concernant la phénoménologie de chaque trouble, mais aussi les données neurobiologiques et pharmacologiques des deux types de troubles. Des similarités phénoménologiques La dérégulation de l’alimentation et du poids Les troubles de l’alimentation et du poids sont considérés comme des critères fondamentaux des TCA. • Dans l’anorexie, on retrouve une restriction alimentaire, avec ou sans boulimie, vomissement ou purge, et le poids, par définition est maintenu inférieur au poids minimum considéré comme normal. • Dans la boulimie, il existe une alimentation particulière, sous forme de crise de “binge eating”, avec des comportements compensatoires inappropriés. • Dans le binge eating disorder (BED), on retrouve des crises boulimiques, avec une tendance à l’hyperphagie, sans comportement compensatoire inapproprié et donc un poids fréquemment trop élevé. En parallèle, on retrouve des perturbations de l’alimentation et du poids dans les caractéristiques du trouble bipolaire (symptômes végétatifs des épisodes de décompensation thymique). L’hypomanie, la manie et la mélancolie sont souvent associées à une anorexie, une hypophagie et une perte de poids, alors que la dépression est fréquemment associée à une prise de poids et une hyperphagie. Les patients bipolaires sont, en outre, fréquemment en surpoids, voire obèses, comparés aux populations contrôles (1, 2). La dérégulation de l’humeur : labilité, cyclicité et mixité ❚❚Une humeur liée à la crise… De nombreuses études retrouvent des symptômes dépressifs chez les patients boulimiques ou anorexiques (3-5). De nombreux patients souffrant d’un BED rapportent une humeur triste, une anxiété ou d’autres 43 Psychologie affects négatifs précédant une crise de boulimie, puis des affects agréables pendant la crise et, enfin, des affects dépressifs, de la culpabilité et de l’autodépréciation après celle-ci. Ce constat met en évidence le lien entre affects et alimentation. ❚❚Les antécédents De plus, on retrouve dans la littérature la présence de symptômes thymiques et d’antécédents de trouble de l’humeur chez des patients souffrants de TCA : • les boulimiques ayant des antécédents d’épisodes dépressifs majeurs montrent des taux significativement plus élevés de décompensation maniaque (6) ; • les patients obèses atteints de BED présentent une symptomatologie maniaque plus marquée que ceux qui ne souffrent pas de TCA (7), en dehors de tout trouble bipolaire diagnostiqué ; • des symptômes maniaques ont aussi été décrits chez des anorexiques, comme l’élation de l’humeur, l’irritabilité, l’hyperactivité, l’insomnie, etc. (8, 9). L’impulsivité et la compulsion : caractéristiques communes aux deux troubles ❚❚Un lien avéré • La manie, l’hypomanie et les états mixtes sont caractérisés par une impulsivité et une desinhibition. Les patients bipolaires ont des scores d’impulsivité élevés, même en période de rémission (10). Les troubles bipolaires ont de fortes comorbidités avec d’autres troubles psychiatriques marqués par l’impulsivité, comme la dépendance à l’alcool, l’abus de substance, ou bien le trouble hyperactivité/déficit de l’attention (11). • De plus, le trouble bipolaire est 44 souvent associé au trouble obsessionnel compulsif, lui-même fréquemment retrouvé dans l’anorexie et la boulimie (12). Aussi, plusieurs auteurs proposent l’hypothèse que l’anorexie et la boulimie pourraient être considérés comme un TOC, assimilant parfois le rituel de la crise de boulimie et des vomissements à des obsessions-compulsions (13, 14). ❚❚Boulimie et impulsivité vs anorexie et obsessions Les patients souffrant de boulimie et d’hyperphagie boulimique présentent de forts scores d’impulsivité, mais aussi de fréquents à l’adolescence ou chez l’adulte jeune. L’évolution se fait, pour chaque trouble, de manière épisodique ou chronique, avec une avancée par phase ou par cycle. Le plus souvent, le trouble bipolaire apparaît en premier, dans 56 % des cas selon Mc Elroy (2011) (18). Cependant, la sévérité de certains symptômes thymiques peut se manifester au premier plan d’un tableau clinique, masquant parfois les troubles alimentaires. L’étude des antécédents familiaux de patients bipolaires ou présentant des TCA montre des Les TCA et les troubles bipolaires semblent donc partager certaines dimensions cliniques. comportements impulsifs comme les gestes auto-agressifs, les abus de substances, etc. A l’inverse, les anorexiques présentent des scores plus élevés en termes d’obsessions (15-17). Par ailleurs, certains auteurs font l’hypothèse que la crise boulimique (perçue comme comportement compulsif ), pourrait avoir un effet stabilisateur de l’humeur, en réponse aux émotions négatives (modulation des émotions par la prise de nourriture). Les TCA et les troubles bipolaires semblent donc partager certaines dimensions cliniques comme les perturbations de l’humeur, de l’appétit, du poids, mais aussi les dimensions impulsives et compulsives. évolution, chronologie Dans les deux troubles, on retrouve un début relativement précoce : antécédents familiaux croisés (19), avec notamment des antécédents de troubles bipolaires chez les patients anorexiques ou boulimiques. En outre, il est important de signaler un fort taux de mortalité par suicide dans les deux troubles étudiés (20, 21). Approches neurobiologiques L’étude des deux troubles, selon une approche neurobiologique, permet de mettre en évidence de nombreuses similarités. Le système sérotoninergique L’implication du système sérotoninergique dans l’épisode dépressif majeur a largement été démontrée dans les travaux de recherche neurobiologiques (22). Peu d’études émettent des hypothèses quant au rôle du système sérotoninergique dans la physioDiabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Bipolarité et troubles des conduites alimentaires pathologie du trouble bipolaire. Cependant, quelques auteurs ont constaté une diminution des taux de sérotonine et de 5 HIAA dans le tissu cérébral des patients bipolaires en post-mortem (23). Certaines études suggèrent un lien entre les TCA et la sérotonine, montrant une diminution de concentration de 5HIAA dans le LCR chez des sujets boulimiques (24). L’acide gamma aminobutyrique (GABA) Impliqué dans le trouble bipolaire, le GABA n’a pas montré de différence significative en termes de concentration dans le LCR entre patients maniaques, anorexiques et témoins (25). De nouveaux concepts L’ensemble de ces points de similitudes entre troubles bipolaires et troubles des conduites alimentaires amène certains auteurs à élaborer de nouveaux concepts. Mc Elroy, en 2005, s’interroge sur les implications théoriques du lien mis en évidence entre ces deux troubles. Elle envisage plusieurs modèles théoriques, de la simple co-occurrence “par hasard” à la base physiopathologique identique. La plupart des auteurs évoquent des mécanismes physiopathologiques communs, impliquant une dérégulation partagée de l’humeur, de l’alimentation et de l’impulsivité, tout en préservant deux entités cliniques distinctes. tèmes neuronaux qui sous-tendent la régulation de l’humeur et les comportements alimentaires est bien documenté (30). Imagerie fonctionnelle Le cortisol Le taux de cortisol dans le LCR semble être élevé chez les patients maniaques, anorexiques, ou déprimés, en comparaison aux témoins (26). Neurotrophines Certaines anomalies des neurotrophines, comme la protéine BDNF (Brain Derived Neurotrophic Factor), qui semble être impliquée dans la régulation de l’humeur et de l’appétit, ont été retrouvées chez des patients souffrant de troubles bipolaires et de TCA (27). Les données récentes d’imagerie fonctionnelle ont mis en évidence une augmentation anormale de l’activité du striatum au cours du processus de récompense chez les patients présentant un TCA, comme dans les modèles d’augmentation d’activité du striatum ventral et de l’amygdale, observés chez les bipolaires adultes (31). Réponse / efficacité de la pharmacothérapie Le lithium Modifications génétiques En outre, on retrouve, au cours de recherches fondamentales, certaines modifications génétiques communes aux deux troubles, comme la variation d’un gène “neuroptrophic tyrosine kinase receptor 3” qui semble associé aux TCA et au début précoce du trouble bipolaire (28, 29). Systèmes neuronaux Le chevauchement entre les sysDiabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Le lithium est utilisé dans le trouble bipolaire pour son action antimaniaque, mais aussi comme régulateur de l’humeur et en prévention des rechutes thymiques. Le seul essai contrôlé du lithium versus placebo chez des anorexiques a montré une prise de poids chez ces dernières (32). Chez les patientes boulimiques, le lithium a montré une efficacité dans la diminution de la fréquence des crises (33). Les autres thymo-régulateurs • Le valproate semble aggraver les crises de boulimie chez les bipolaires (34), tout comme les antipsychotiques atypiques. • Le topiramate (anticonvulsivant) est supérieur au placebo dans la boulimie et l’hyperphagie boulimique, montrant, de plus, un effet sur les cognitions (35, 36). • Les antidépresseurs sont rarement utilisés dans les épisodes dépressifs s’intégrant dans un trouble bipolaire devant le risque de virage maniaque (37, 38). Ils semblent efficaces dans la boulimie et l’hyperphagie boulimique selon certains essais contrôlés (39-41) . Cependant, des accès maniaques ont été décrits chez certains patients présentant des TCA, traités par antidépresseurs, et en l’absence d’antécédent d’épisode thymique (42, 43). Données épidémiologiques De nombreuses études cliniques ont tenté de montrer un lien entre les troubles bipolaires et les TCA. Comorbidités associées aux troubles bipolaires Les premières études, datant des 45 Psychologie années 1990, recherchent les comorbidités fréquemment associées aux troubles bipolaires. Elles retrouvent une forte prévalence des TCA chez ces patients, largement supérieure à la prévalence des TCA en population générale, de l’ordre de 3 à 5 %. Selon les études, la prévalence de tout type de TCA chez les patients bipolaires de type I va de 9 à 27 % (44, 45). La prévalence des TCA dans des populations de patients bipolaires de types I et II se situe entre 6 et 18 % (46, 47). Fornaro et al. retrouvent même, en 2010 (48), une prévalence de Les études portant sur des échantillons de patients bipolaires exclusivement féminins retrouvent des prévalences hautes, entre 15 et 31 % de TCA de tout type (49, 50). boulimie, anorexie : même résultat ? De nombreuses études évaluent la prévalence des TCA chez les bipolaires dans leur globalité, sans différencier les sous-types de TCA pourtant cliniquement distincts. De récentes études tentent de mettre en évidence cependant la spécificité des TCA chez les bipolaires. Le trouble BED semble être le plus fréquent chez ces patients, La prévalence des TCA dans des populations de patients bipolaires de types I et II va de 6 à 18 %. l’ordre de 31 % de TCA dans une population de 148 femmes bipolaires, incluant les types I, II et les cyclothymiques. En effet, la comorbidité TCA semble plus marquée encore si on élargit le spectre bipolaire en incluant les patients ayant un diagnostic de cyclothymie et de troubles schizo-affectifs. Impact du genre En outre, cette augmentation de la prévalence des TCA chez les bipolaires apparaît comme plus forte chez les femmes. Selon Wildes et al., en 2008, on retrouve 25 % de TCA chez les femmes bipolaires, contre seulement 14 % chez les hommes. Cette différence reste marquée si l’on observe spécifiquement l’anorexie mentale (11 % chez les femmes contre 0 % chez les hommes), la boulimie (10 % chez les femmes contre 7 % chez les hommes) et le BED (13 % chez les femmes contre 7 % chez les hommes). 46 avec des prévalences allant de 9 à 29 % (51, 52). D’autre part, certaines études mettent en évidence des fréquences très élevées de crise de “binge eating”, n’entrant pas toujours dans les critères du Binge Eating Disorder (notamment du fait des critères de fréquence et de durée des crises). Kruger et al. (53) en 1996, rapportent 13 % de BED, et près de 38 % de “crises de boulimie récurrentes” chez des patients bipolaires I et II. Wildes et al., évaluent en 2008 (54), à 44 % la prévalence d’antécédents d’épisodes de crise de boulimie subjective (incluant une perte de contrôle, sans consommation de nourriture excessive objectivée) dans une population présentant un trouble du spectre bipolaire (types I, II et troubles schizo-affectifs). Existe-t-il un lien chronologique ? Certaines études cherchent à mettre en évidence un lien chronologique entre les deux troubles. Mc Elroy et al., retrouvent, en 2011, dans une population de 875 patients, que le trouble bipolaire débute avant le TCA dans 56 % des cas, contre 34 % où le TCA inaugure la maladie, et 10 % où les deux troubles débutent la même année. Sévérité du trouble BED Aussi, Schoofs et al., en 2011, ont tenté d’évaluer la sévérité du trouble BED chez des bipolaires en fonction de leur humeur. Les résultats montrent que ce trouble s’aggrave : • lors des phases dépressives pour 86 % ; • lors des phases maniaques ou hypomaniaques pour 29 % ; • lors des périodes d’euthymie pour 7 % des patients bipolaires. D’autre part, certaines équipes ont récemment mis en évidence une corrélation entre la gravité du trouble bipolaire et la présence ou non d’une comorbidité TCA. Brietzke et al., en 2011 (49), évaluent les critères de sévérité du trouble bipolaire chez 137 patients, selon qu’ils ont ou non un TCA associé. Les critères de sévérité étant un âge de début de la maladie bipolaire précoce, un nombre élevé d’épisodes thymiques, une comorbidité d’abus de substances ou troubles anxieux, et enfin, une fréquence élevée de tentatives de suicide. Il en résulte que la comorbidité TCA est nettement corrélée à la sévérité du trouble bipolaire. De plus, Wildes et al., en 2007 (55), examinent la relation entre la comorbidité TCA et les différents indices de gravité de la maladie bipolaire chez deux groupes de patients bipolaires : 26 ayant un antécédent de TCA et 46 sans antécédent de TCA. Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Bipolarité et troubles des conduites alimentaires Il en résulte une augmentation du score de sévérité de la bipolarité sur la CGI SBP (Clinical Global Impression Scale Bipolar Disorder), un plus grand nombre d’épisodes dépressifs majeurs, et une plus forte prévalence des comorbidités, notamment anxieuses, chez les patients du groupe TCA. Perspectives Au vu des données récentes de la littérature, il apparaît que les troubles des conduites alimentaires présentent des spécificités chez les patients bipolaires. Quel lien entre les deux pathologies ? Plusieurs avis divergent cependant dans la façon de concevoir leur lien avec la bipolarité. De nombreuses interprétations des données scientifiques peuvent être faites, allant de la simple cooccurence des deux troubles, liée “au hasard”, à une physiopathologie identique, voire à la conception d’un même trouble, impliquant de fait une nouvelle lecture des concepts nosographiques. Dans ce contexte, de nouvelles études pourraient être intéressantes afin de mieux documenter les liens cliniques et physiopathologiques entre ces deux types de troubles. Rechercher systématiquement les comorbidités alimentaires Ces données mettent l’accent sur la nécessité, pour les praticiens, de rechercher systématiquement des comorbidités alimentaires chez les patients bipolaires et, à l’inverse, de rechercher des troubles de l’humeur chez les patients présentant des TCA. Le dépistage d’un type de trouble chez les patients présentant l’autre semble essentiel grâce à Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 la meilleure compréhension du tableau clinique qu’il peut engendrer, mais aussi dans une optique thérapeutique. En effet, dans le cas de patients présentant les deux types de troubles, il serait recommandé de proposer une prise en charge adaptée, spécifique et prenant en considération les possibles résistances aux traitements classiques de la bipolarité induites par les comorbidités alimentaires. Sur le plan médicamenteux, il est nécessaire de mettre en place un quent de constater un surpoids, voire une obésité, chez les patients bipolaires, avec une fréquence largement supérieure à la population générale. La prévalence du surpoids/obésité étant retrouvée à 40 % chez les patients bipolaires, contre 13 % en population générale (56, 57). Ce surpoids, chez les patients bipolaires, peut être attribué à plusieurs étiologies, et notamment la prise de psychotropes. Cependant, certaines études tendent à montrer que la prise de Ces données mettent l’accent sur la nécessité, pour les praticiens, de rechercher systématiquement des comorbidités alimentaires chez les patients bipolaires, et inversement. traitement si possible efficace sur les deux troubles, mais au minimum d’éviter un traitement pouvant avoir des effets nocifs sur l’un des deux. Méthodes de prévention Par ailleurs, il semble important que les praticiens gardent à l’esprit les liens entre les deux troubles afin de mettre en place avec leurs patients des méthode de prévention, voire de psycho-éducation permettant de réduire le risque de développer des pathologies associées à leur problématique principale. Et le surpoids et l’obésité ? La grande fréquence des TCA chez les patients bipolaires peut faire évoquer la problématique du surpoids et de l’obésité dans cette population de patients. Certains troubles des conduites alimentaires peuvent entraîner une prise de poids. Aussi, il est fré- poids de ces patients bipolaires est souvent antérieure à tout traitement (58) et qu’elle pourrait être attribuée à un “style de vie” caractérisé par une sédentarité, mais aussi des comportements alimentaires perturbés, pouvant être qualifiés de troubles alimentaires, selon le DSM 4. Il faut dépister Dans ce contexte, le dépistage de troubles alimentaires chez les patients bipolaires semble être un enjeu de santé publique au regard des complications somatiques de l’obésité comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires, majorant les facteurs de risque cardiovasculaire, pourtant déjà élevés chez ces patients. Des outils sous-utilisés dans la recherche Les liens mis en évidence entre les troubles des conduites alimentaires et les troubles bipolaires 47 Psychologie peuvent donc avoir des implications théoriques, cliniques et thérapeutiques. Le dépistage des TCA chez les bipolaires, et vice-versa, devrait être précoce et réalisé à l’aide d’outils simples et adaptés, en termes de validité, d’acceptabilité, de faisabilité, de fiabilité et de reproductibilité. A ce jour, des outils de dépistage des troubles des conduites alimentaires existent, sous forme de questionnaires ou d’entretiens semi-dirigés. Pourtant, ils n’ont été que très récemment utilisés dans les protocoles de recherche visant à évaluer la prévalence des TCA chez les bipolaires, dans l’ensemble des publications étudiées. La plupart des études utilisent un entretien semistructuré fondé sur le DSM 4. Plusieurs remarques peuvent être formulées concernant les outils d’évaluation des TCA disponibles. ❚❚Des échelles peu adaptées à la pratique Premièrement, le fait que certains outils très spécifiques comme l’EDE ou l’EDEQ (eating disorder examination/eating disorder examination questionnaire) ne sont guerre adaptés à la pratique clinique quotidienne, de par leur temps de passation, ou de par leur spécificité d’un sous-type de TCA comme le BES (Binge Eating Scale), exigeant alors d’utiliser un test pour chaque type de trouble. ❚❚Les critères du DSM4 La grande majorité des études citées dans les données de prévalence utilise seulement les critères du DSM4, pour dépister un TCA chez les patients. Cependant, ces critères peuvent apparaître comme limités et souvent peu spécifiques, d’autant plus dans une population de patients présentant déjà un trouble grave de l’axe I. ❚❚Certaines dimensions occultées Enfin, ces outils de dépistage des TCA ne prennent que peu ou pas en considération certaines des dimensions qu’ont en commun les troubles bipolaires et les TCA, précédemment citées. En effet, les échelles d’évaluation des TCA ne considèrent que rarement chacune de ces dimensions, comme la désinhibition, l’impulsivité ou les fluctuations nycthémérales, pourtant au cœur de la problématique commune aux deux troubles. A notre connaissance, une seule équipe (59) a tenté de mettre en place un outil permettant d’évaluer la présence et la sévérité de troubles des conduites alimentaires spécifiquement chez les patients bipolaires, en élaborant un auto-questionnaire en 10 items, à ce jour, non validés en français. n Mots-clés : Bipolarité, Schizophrénie, Troubles des conduites alimentaires Bibliographie 1. McElroy SL, Frye MA, Suppes T et al. Correlates of overweight and obesity in 644 patients with bipolar disorder. J Clin Psychiatry 2002 ; 63 : 207-13. 2. McElroy SL, Kotwal R, Malhotra S et al. Are mood disorders and obesity related? A review for the mental health professional. J Clin Psychiatry 2004 ; 65 : 634-51, quiz 730. Review. 3. Rothenberg A. Differential diagnosis of anorexia nervosa and dépressive illness: a review of 11 studies. Compr Psychiatry 1988 ; 29 : 427-32. 4. Pope HGJr, Hudson JI, Yurgelun-Todd D. Depressive symptoms in bulimic, depressed, and non-psychiatric control subjects. 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Dans l’organisme, le rétinal et l’acide tout-transrétinoïque accomplissent les principales fonctions de la vitamine A, composé indispensable à tous les âges de la vie. Le rétinal a un rôle primordial dans le mécanisme de la vision crépusculaire. Les connaissances sur le mode d’action cellulaire de la vitamine A ont été fondamentalement marquées par la découverte des récepteurs nucléaires (RAR, RXR), de ses métabolites actifs, l’acide tout-transrétinoïque et son isomère 9-cis acide. Ces métabolites ont un mode d’action comparable à celui des hormones stéroïdiennes : ils régulent (activent ou répriment) l’expression de plus de 300 gènes et jouent ainsi un rôle important dans de nombreuses fonctions de l’organisme : développement de l’embryon, croissance des cellules, renouvellement des tissus (peau, muqueuse), système immunitaire. Besoins Les besoins en vitamine A sont donnés en équivalents rétinol (ER). En France, selon les tranches d’âge, les ANC (apports nutritionnels conseillés) sont compris entre 350 et 950 ER par jour, dont au moins 50 % devraient être apportés sous forme de β-carotène. Ces * MCU-PH, Laboratoire de Biochimie de la Nutrition, CHU Rangueil, Toulouse 50 Brigitte Periquet* Sources alimentaires en vitamine A • Sources animales principales en vitamine A, par ordre décroissant (µg/100 g) : l’huile de foie de morue (20 000 à 25 000), les foies de poissons, les foies des animaux terrestres (10 000 à 15 000), le beurre (1 000), les œufs (500 à 600), les fromages et le lait (50). • Sources végétales principales en vitamine A, par ordre décroissant (µg/100 g) : carottes (12 000), persil, pissenlit (8 000 à 9 000), abricot sec, épinard, mâche, poivron rouge (4 000 à 5 000), melon, laitue (1 000 à 2 000). recommandations nutritionnelles encouragent la consommation de plus de 5 fruits et légumes par jour, principales sources de β-carotène (1, 2). L’équivalent rétinol est considéré comme l’unité de base, ce qui permet de comparer l’activité vitaminique des différents dérivés de la vitamine A. Ainsi, 1 µg de rétinol tout-trans = 1 ER = 3,33 UI = 6 µg de β-carotène. Sources La vitamine A peut provenir de deux sources : • une source animale (essentiellement foies d’animaux) dans laquelle la vitamine A se présente sous forme estérifiée ; • et une source végétale (carottes, épinards, choux, pigments de certains fruits, oranges, abricots) dans laquelle elle se trouve sous forme de provitamine A (caroténoïdes). Ces caroténoïdes sont transformés au niveau de l’intestin en vitamine A ; parmi eux, il semblerait que le β-carotène soit le plus efficace des précurseurs, car pourvu d’activités biologiques étendues. Place et importance des principaux acteurs du métabolisme de la vitamine A Absorption/distribution La vitamine A alimentaire, après passage de la barrière intestinale, Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Tout savoir sur la Vitamine A Mécanisme d’action Dans les cellules des tissus cibles, le rétinol et ses dérivés se fixent sur des transporteurs cellulaires qui assurent notamment la pénétration du principal métabolite actif de la vitamine A : l’acide rétinoïque (AR) dans le noyau de la cellule. L’acide rétinoïque se lie aux récepteurs nucléaires (RAR, RXR) qui agissent comme facteur de transcription au niveau du génome. Le flux de rétinol libéré par le foie est très finement régulé de manière à maintenir une concentration constante de rétinol dans le plasma (0,50 mg/l). Au-delà des Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Evaluation biologique du statut en vitamine A DOSSIER est incorporée dans les chylomicrons sous forme d’esters de rétinol (principalement palmitate de rétinol). Les remnants de chylomicrons, issus de l’action de la lipoprotéine lipase sont captés par le foie dans lequel les esters de rétinol (ER) sont stockés. En fonction des besoins de l’organisme, les esters de rétinol seront hydrolysés en rétinol libre qui sera sécrété dans le plasma et véhiculé par un complexe protéique composé de la Retinol Binding Protein (RBP) et de la préalbumine ou transthyrétine (TTR), jusqu’aux tissus cibles. Le rétinol, la RBP et la TTR existent dans le plasma dans un rapport molaire de 1-1-1. Ce complexe moléculaire a un encombrement spatial important, qui lui évite d’être éliminé par filtration glomérulaire et oriente le rétinol vers les tissus utilisateurs. Après libération du rétinol aux tissus cibles, la RBP libre est éliminée par le rein. La synthèse de la RBP est hépatique et nécessite la présence de zinc. Sa demi-vie est brève (12 h) et sa synthèse réagit rapidement à une modification nutritionnelle, ce qui en fait un bon marqueur de l’état nutritionnel. Au niveau sérique : Le prélèvement doit être effectué à jeun • Rétinol Adultes et enfants de plus de 1 an : 0,50 ± 0,2 mg/l Enfants à la naissance, nés à terme : 0,27 mg/l (Valeurs extrêmes : 0,1-0,33) Enfants prématurés : 0,16 mg/L (valeurs extrêmes : 0,06-0,26) Rétinal.................................. Normalement absent Acide rétinoïque ................ < 5 µg/l Palmitate de rétinol............ < 10 % de la vitamine A totale Caroténoïdes...................... 0,10-0,50 mg/l RBP...................................... 0,02-0,04 g/l TTR....................................... 0,20- 0,35 g/l Au niveau hépatique (valeurs de références adultes) : Rétinol.................................. 0-4 µg/g Esters de Rétinol................ 250-600 µg/g besoins immédiats, la vitamine A alimentaire sert à constituer des réserves hépatiques qui seront utilisées par la suite au cours des périodes d’apports insuffisants (3). On retiendra que des apports suffisants en protéines et en zinc sont essentiels au métabolisme de la vitamine A, ainsi qu’un bon fonctionnement rénal et hépatique. un état infectieux peuvent affecter les concentrations du rétinol dans le sang. De plus, il n’est pas le reflet strict du statut en vitamine A et des réserves hépatiques. En effet, en cas de carence, la rétinolémie reste longtemps normale et ne chute que lorsque les réserves hépatiques sont complètement déplétées. Après l’âge de 12 mois, une rétinolémie inférieure à 0,10 mg/l traduit un stock hépatique bas, La concentration isolée de vitamine A sérique est un mauvais indicateur de déficit, de carence ou d’intoxication en vitamine A. Interprétation du statut en vitamine A Rétinol sérique C’est actuellement le paramètre biochimique le plus utilisé pour apprécier le statut vitaminique A d’un individu. Cependant une malnutrition protéino-énergétique, une atteinte hépatique ou voire inexistant. De même, en cas de surdosage ou d’intoxication à la vitamine A, le rétinol sérique n’est pas modifié, mais il y a apparition et augmentation des taux de palmitate de rétinol. On retiendra que la concentration isolée de vitamine A sérique est un mauvais indica51 Tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER teur de déficit, de carence ou d’intoxication en vitamine A. La RBP sérique La RBP est facilement dosée par immunonéphélémétrie, son dosage est utilisé en routine pour évaluer le statut nutritionnel, en raison de sa demi-vie brève. Le taux de RBP plasmatique peut être affecté par un mauvais état nutritionnel, une insuffisance hépatocellulaire et une carence en zinc. On retiendra que les résultats de vitamine A sont toujours à interpréter en fonction du dosage de la RBP effectué simultanément ; le rapport molaire rétinol/RBP est un indicateur de déficit en vitamine A lorsqu’il est < 0,6 et indique un risque de surdosage s’il est > 1,3. Les caroténoïdes sériques Ils reflètent directement la quantité ingérée et sont donc un bon marqueur de l’absorption intestinale des composés liposolubles. En pratique courante, le β-carotène est le paramètre le plus souvent dosé. Le palmitate de rétinol sérique Sa présence chez un sujet à jeun traduit une saturation hépatique de stockage et il est un signe d’hypervitaminose A lorsqu’il est supérieur à 10 % de la vitamine A totale circulante. Ce paramètre est intéressant à doser car il permet de pallier le manque de sensibilité du dosage du rétinol sérique en cas de suspicion d’hypervitaminose A (4). L’acide rétinoïque sérique Puissant régulateur de l’expression du génome, son dosage sérique peut être intéressant chez les patients traités par les rétinoïdes. 52 Calcul du RDR Le RDR est calculé selon la formule suivante : (Rétinol T5- Rétinol T0) x 100 = X % Rétinol T5 En pratique : évaluation du statut en vitamine A On retiendra qu’une bonne et rapide évaluation du statut en vitamine A se fera en associant le dosage sérique du rétinol, du palmitate de rétinol, et de la RBP. Le biologiste signalera dans son compte rendu le pourcentage de palmitate de rétinol circulant et le rapport rétinol/ RBP. L’interaction de la vitamine A et du zinc doit être prise en compte par le clinicien qui s’occupe de patient alcoolique ou ayant une atteinte hépatique. Le suivi du taux de zinc sérique et globulaire devra alors être concomitant au dosage de la vitamine A. La vitamine A hépatique Elle reste le meilleur reflet du statut vitaminique A. Afin d’éviter une biopsie hépatique, un test de dosage indirect a été développé : le « Relative Dose Response test » (RDR test) (5). Ce test est fondé sur la vitesse de disparition sérique de la vitamine A après une dose de surcharge (450 µg à 1 000 µg de palmitate de rétinol) par voie orale On retiendra que le test est un moyen assez précis d’évaluation des réserves vitaminiques A. Interactions entre zinc et vitamine A Il existe un lien étroit entre le métabolisme du zinc et celui de la vitamine A (6). Ainsi, de nombreuses pathologies associent une zincémie basse et un taux de RBP L’épreuve de charge (test du RDR) est un moyen assez précis d’évaluation des réserves vitaminiques A. ou par voie intraveineuse en cas de malabsorption. Le taux sérique de vitamine A est mesuré au temps 0, avant administration, d’une solution de palmitate de rétinol (T0), et 5 heures après (T5). Lors d’une carence en vitamine A, le rétinol plasmatique augmente au temps T5 car la vitamine apportée court-circuite le foie pour atteindre directement les tissus. Le seuil de déficit est atteint pour un RDR > 20 %. et rétinol circulant bas (hépatite virale, mucoviscidose, patients alcooliques, arthrite rhumatoïde). La supplémentation en vitamine A chez ces patients ne rétablit ni les taux de vitamine A circulants ni les symptômes associés à une carence en vitamine A comme la vision crépusculaire altérée. En revanche, des supplémentations en zinc se sont avérées efficaces et ont entraîné dans certains cas, non seulement une normalisation des taux sériques en zinc, mais aussi Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 celles des taux de RBP et de vitamine A (7, 8). La carence, comme la surdose, en vitamine A peuvent, si elles sont prolongées, être mortelles. À retenir Attention aux surdosages ! • Les patients qui suivent un traitement à base de vitamine A devront veiller à ne pas consommer trop d’aliments très riches en vitamine A : 100 g de foie d’animaux contiennent 10 à 20 fois la dose journalière conseillée. Les fruits et les légumes peuvent être consommés librement, en évitant Carences toutefois une consommation exagérée de carottes, de poivrons rouges et d’épinards qui sont très riches en β-carotène. Prématurés Les prématurés naissent avec un taux de vitamine A sérique et hépatique bas. Il est indispensable de leur fournir de la vitamine A puisque celle-ci participe entre autres au développement et à la maturation du tissu pulmonaire. Une carence en vitamine A favorise le développement de bronchodysplasie (9). n Avant tout traitement à base de vitamine A et tout au long du traitement, on doit contrôler : les fonctions hépatique et rénale. En cas de dommages hépatiques ou rénaux, il faut renoncer à commencer ou à continuer le traitement. n Pendant le traitement, on doit éviter : - l’alcool, dont l’abus détériore le foie et interfère dans le métabolisme de la vitamine A ; - les œstrogènes et contraceptifs oraux qui diminuent les réserves et augmentent la rétinolémie ; - les antiacides, ils diminuent l’absorption de la vitamine A. Carence d’apport Elle concerne les nourrissons soumis à un régime sans lait, et les adultes avec certains régimes éliminant laitages, graisses, légumes verts. Mais la carence d’apport est souvent aggravée par une malnutrition protéino-énergétique. Contre-indications Enfin, tout traitement à base de vitamine A est formellement contre-indiqué pendant la grossesse et l’allaitement. De fortes doses de vitamine A, au moment de l’organogenèse, peuvent conduire à des malformations fœtales graves. En conclusion, on soulignera que la vitamine A fonctionne comme une hormone, que son seuil de stockage varie en fonction des individus, traduisant un “potentiel vitamine A” au même titre que nous avons un “potentiel soleil”, et que les apports alimentaires doivent être contrôlés au cours d’un traite- Défauts d’absorption ou de malabsorption Les défauts d’absorption ou de malabsorption des graisses sont des causes d’hypovitaminoses A. On rencontre des carences en vitamine liposoluble (A, E, D, K) dans le cas de la mucoviscidose, la pancréatite chronique, l’atrésie des voies biliaires, la maladie cœliaque, et l’abetalipoprotéinémie. Hépatopathies Les hépatopathies, telles que la cirrhose alcoolique et l’hépatite chronique, entraînent très souvent des syndromes carentiels par défaut de stockage ou par déficit de synthèse de la RBP ou de relargage de celle-ci. Le zinc intervient au niveau de la mobilisation de la vitamine A. La Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 ment à base de vitamine A. déficience en zinc est souvent associée à des teneurs basses en rétinol sérique malgré des réserves hépatiques normales. • diarrhées, • caries dentaires, • troubles de la reproduction (infertilité, croissance embryonnaire anormale, avortement spontané). Signes oculaires La carence en vitamine A se manifeste précocement par des signes oculaires ; par ordre d’apparition : • baisse de la vision nocturne, • conjonctivite, • xérophtalmie, • hyperkératose de la peau, • dessèchement des glandes sébacées, • hypersensibilité aux infections (poumons), • ralentissement de la croissance (taille et poids), Surdose Dans les pays industrialisés, des hypervitaminoses A sont observées en raison de l’utilisation de plus en plus répandue de la vitamine A : • en thérapeutique (dermatologie, cancérologie, etc.) ; • en complément alimentaire (lait, céréales..) ; • et comme supplément vitaminique en vente libre. 53 DOSSIER Tout savoir sur la Vitamine A Tout savoir sur la Vitamine A Intoxication aiguë DOSSIER L’intoxication aiguë survient après l’ingestion ponctuelle de doses de 30 000 à 150 000 ER. Très rapidement, en moins de 8 heures, elle provoque une hypertension intracrânienne entraînant des vertiges, des nausées et des vomissements, une desquamation éventuelle de la peau et des muqueuses, et une fontanelle bombée chez le nourrisson. Coût de la prescription pour une évaluation du statut en vitamine A Vitamine A (rétinol et palmitate de rétinol (B100)) RBP (B35) Valeur du B : 0,27 € Total : B135 = 36,45 €, remboursés par la Sécurité Sociale. Devant une suspicion de dénutrition, on ajoutera le dosage de la TTR (B 20) et du Zn (B 30) : remboursés. Au cours d’intoxication ou de traitement aux rétinoïdes, on évaluera le taux d’acide rétinoïque circulant (BHN 200, soit 54 €), non remboursé. L’intoxication chronique Plus insidieuse, elle fait suite à la consommation de 10 fois les apports quotidiens conseillés sur de longues périodes (des mois, voire des années). Elle se manifeste par des maux de tête, des chutes de cheveux, des troubles cutanés, des atteintes des muqueuses (conjonctivite), des troubles hépatiques (cirrhose), des douleurs osseuses et articulaires. Au niveau du foie, on observe une hyperplasie avec hypertrophie des cellules de Ito, conduisant à une hypertension portale, à une fibrose et parfois à une cirrhose (10, 11). La toxicité des doses élevées de rétinol a été décrite à tous les âges de la vie. Le seuil de toxicité est très variable d’un individu à l’autre et les effets néfastes sont différents (12, 13). Elle est plus fréquente chez les nouveaux-nés pour des apports quotidiens égaux à 1 300-2 000 ER/ kg de poids et pendant plusieurs semaines. Les intoxications par la vitamine A et les rétinoïdes montrent des atteintes osseuses et des hypercalcifications pouvant entraîner la mort (14-18). n Mots-clés : Vitamine A, Rétinol, Zinc, Surdose Carence, Bêta-carotène Bibliographie 1. Martin A. 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Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER 2 Grossesse après chirurgie de l’obésité L’implication de la vitamine A n L’implication de la vitamine A, non seulement dans la vision et dans la qualité du revêtement cutané, mais également dans le développement fœtal et dans beaucoup d’autres processus métaboliques ont attiré l’attention des spécialistes sur les effets potentiellement délétères des carences, en particulier au cours de la grossesse après chirurgie de l’obésité. L e métabolisme de la vitamine A implique la transformation des caroténoïdes et des provitamines A de l’alimentation en micelles lipidiques. Ce processus se déroule au niveau du duodénum sous l’action principalement des sels biliaires, permettant ainsi leur absorption intestinale et leur métabolisme en β-carotène et vitamine A (1). Parmi les interventions de chirurgie bariatrique, les procédures faisant intervenir un court-circuit intestinal plus ou moins important sont donc susceptibles de perturber l’absorption de la vitamine A. Les causes des carences en vitamine A De multiples facteurs ont été évoqués pour expliquer les carences en vitamine A dans la population obèse avant et après chirurgie. Plus fréquente chez la personne obèse Plusieurs publications, notamment brésiliennes, soulignent la fréquence de la carence de la vita* Société de chirurgie viscérale, clinique de l’Anjou, Angers Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 mine A chez la personne obèse en dehors de toute chirurgie (2-7). En revanche, cette constatation n’est pas partagée par deux études européennes récentes (8, 9) qui ne retrouvent pas de carence en vitamines A, E, K chez 115 et 110 patients candidats à une chirurgie bariatrique comparés à des individus non obèses alors que 22 % de ces patients présentaient une carence sévère en vitamine D et que d’autres carences en zinc et en cuivre étaient présentes. Davantage que l’origine ethnique, il faut sans doute évoquer l’influence de la réduction des apports alimentaires riches en précurseurs de la vitamine A (fruits et légumes de couleur foncée, fruits oléagineux, aliments d’origine animale) relativement fréquente dans la population obèse (5). D’autre part, la carence en vitamine A semble affecter plus particulièrement les pays en voie de développement (7). Après chirurgie, la réduction des apports du fait d’aliments plus difficiles à consommer a également été évoquée (3, 10). Le métabolisme de la vitamine A en cause La maladie obésité elle-même, au Dr Philippe Topart* travers du syndrome métabolique, semble jouer un rôle déterminant dans la carence en vitamine A. Le stress oxydatif, la résistance à l’insuline ainsi que la perturbation du métabolisme lipidique ont été évoqués notamment du fait de leur implication dans le métabolisme de la vitamine A (6, 11). On relèvera en particulier la fréquence élevée de la stéatose hépatique non alcoolique dans ces études (2, 12). Des relations bilatérales ont été mises en évidence entre la vitamine A et d’autres oligo-éléments, en particulier le zinc et le fer (12). Il s’agit de relations complexes qui interviennent dans le transport de la vitamine A et dont le médiateur est essentiellement la retinol binding protein (RBP4). De la même manière, l’état nutritionnel protéique est susceptible d’influencer le métabolisme de la vitamine A du fait de la liaison de l’acide rétinoïque avec l’albumine sérique (13-15). Plusieurs publications établissent ainsi une relation entre IMC et une tendance à la carence en vitamine (2, 4, 6, 10, 16). Il est néanmoins probable que ces différents éléments jouent surtout en association avec les chirurgies de l’obésité pour entraîner une di55 tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER minution du taux sérique de vitamine A car, dans notre expérience de la dérivation bilio-pancréatique, nous n’avions pas noté de carence pré-opératoire (17). Chirurgie de l’obésité La chirurgie de l’obésité semble intervenir à de nombreux niveaux tense, il est notoire que la dérivation bilio-pancréatique affecte de façon majeure les vitamines liposolubles A, D, E, K et sur le long terme (19). Cette constatation est apparue encore plus évidente après le by-pass jéjuno-iléal qui n’est désormais plus pratiqué à cause de l’importance des effets secondaires (20). Des relations bilatérales ont été mises en évidence entre la vitamine A et d’autres oligo-éléments. dans la complexité du métabolisme de la vitamine A et de ses précurseurs. Les procédures comportant une exclusion duodénale et la diminution plus ou moins importante de l’action des sécrétions bilio-pancréatiques sont particulièrement susceptibles de perturber l’absorption intestinale de la vitamine A et de ses précurseurs. C’est pourquoi, le by-pass gastrique et la dérivation bilio-pancréatique ont été pratiquement les seuls à être étudiés dans la littérature. Dans cette dernière étude portant sur 40 patients suivis entre 1 mois et 6 ans (9 avec un recul ≥ 18 mois), 76 % des patients présentaient des valeurs inférieures à la normale pour les vitamines A, E. Il ne semblait toutefois pas exister de corrélation entre la carence en vitamine A et les anomalies portant sur les vitamines D et E soulignant un impact différent sur le métabolisme respectif des vitamines liposolubles. Taux de carence variable L’impact de la chirurgie bariatrique Précurseurs… Il est probable que de très nombreux facteurs s’associent dans la genèse de la carence en vitamine A après chirurgie de l’obésité. La dénutrition protéique, la fréquente carence en fer et en zinc (18) et, plus généralement, la modification profonde de la composition alimentaire post-opératoire sont, au-delà du court-circuit intestinal, autant de raisons d’observer une diminution du taux sérique de la vitamine A. Malabsoption intense des vitamines Du fait d’une malabsorption in56 Le taux exact de carence en vitamine A après chirurgie malabsorptive demeure difficile à déterminer en raison notamment de la variabilité dans l’observance de la prise des vitamines par les patients. Ainsi, dans 3 publications différentes, Marceau (21-23) rapporte une fréquence de 5 à 21 % ! Il semble toutefois que la longueur de l’anse commune, et donc que l’intensité de la malabsorption peuvent avoir un impact négatif supplémentaire avec des taux de carence en vitamine A passant à 61 et 69 % (24, 25) lorsque l’anse commune est de 50 au lieu de 100 cm. Marceau (23), en comparant les 2 types de dérivation bilio-pancréatiques (Scopinaro-anse commune de 50 cm et DS-anse commune de 100 cm), retrouvait pratiquement 2 fois plus de carences en vitamine A après l’opération de Scopinaro. Chute post-opératoire du taux sérique Si la dérivation bilio-pancréatique (quelle que soit sa variante) s’avère responsable d’une plus grande fréquence et d’une plus forte diminution du taux sérique de vitamine A (26, 27) (notamment à supplémentation équivalente), une chute post-opératoire du taux sérique est également retrouvée après bypass gastrique (26-31) avec une fréquence d’hypovitaminose A de l’ordre de 10 à 20 % à un an. Dans la plupart de ces études, l’hypovitaminose A n’est pas isolée mais associée à des carences en vitamine A, en fer, en sélénium et en zinc notamment. Conséquences de l’hypovitaminose A Lésions ophtalmiques La carence sévère en vitamine A peut entraîner des lésions rétiniennes, éventuellement définitives qui, chez l’adulte, se manifestent essentiellement par une xérophtalmie, une cécité nocturne (diurne également à l’extrême) ou, pour le moins, une baisse significative de l’acuité visuelle vespérale et de l’adaptation à l’obscurité (20) et, beaucoup plus rarement, également sous forme de dermite et d’arthrite (32). La littérature ne comporte pratiquement que des rapports sur des cas isolés (3136). A l’exception d’une seule (35), toutes ces publications concernaient des patients ayant eu une dérivation bilio-pancréatique ou un by-pass jéjuno-iléal. Dans cette dernière procédure, désormais abandonnée, le taux de cécité nocturne avait atteint jusqu’à 44 % des patients (20). Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Ces rapports présentent tous des caractéristiques communes : • l’hypovitaminose A est sévère (< 0,4 μml/l), • elle survient en moyenne 3 ans après la chirurgie, au terme de plusieurs mois sans prise vitaminique. Par ailleurs, les manifestations cliniques sont réversibles sous vitaminothérapie (si nécessaire par voie veineuse) et la carence en vitamine A n’est jamais isolée et s’intègre dans un contexte multi­ carentiel chez des patients non compliants. Smets (41) où une femme avec carence documentée en vitamine A avait donné naissance à un enfant avec microphtalmie bilatérale, il n’existe pas de relation formellement établie entre carence en vitamine A pendant la grossesse et malformations fœtales. Surtout, il n’existe pas de seuil de dangerosité établi par rapport au taux sérique en cas d’hypovitaminose A (36). anomalies congénitales, faible poids de naissance et mort-nés par rapport au by-pass gastrique. Toutefois, le taux de mort-nés demeurait dans la limite de ce qui est observé dans la population générale. Aucune anomalie du tube neural n’avait été retrouvée dans la littérature récente en dehors de 2 publications concernant le by-pass gastrique (44, 45). Enfin, Une étude espagnole a révélé des carences multiples et fréquentes (vitamines A, D, E, B12, fer) au cours de 15 grossesses chez 10 femmes opérées. Au cours de la grossesse Le risque est d’avoir des conséquences beaucoup plus dommageables et potentiellement irréversibles pour le fœtus : • retard de croissance du squelette (faible poids de naissance) ; • malformations du tractus urogénital et digestif ; • microphtalmie ; • lésions rétiniennes définitives et même mort in utero (29, 37, 38). ❚❚Mort-nés, prématurité et malformations Il est néanmoins envisageable de relier les 3 enfants mort-nés et la prématurité sur 15 grossesses après dérivation bilio-pancréatique (39), ainsi que les 2 mort-nés et 3 malformés sur les 239 grossesses rapportées par Friedman (42) aux conséquences de la malabsorption intense, même si les carences ne sont pas clairement exprimées (pour Gonzalez-Navarro (39), 20 % des grossesses étudiées présentaient un taux de vitamine A < 30 μg/dl). ❚❚Carences multiples Une étude espagnole (39) a révélé des carences multiples et fréquentes (vitamines A : 20 %, D : 46,7 %, E : 13,3 %, B12 : 26,7 %, fer : 80 %) au cours de 15 grossesses chez 10 femmes opérées (essentiellement dérivation biliopancréatique mais aussi by-pass gastrique). En dehors des deux cas rapportés par Gilchrist (40) et Le tableau 1 reprend les données d’une revue récente de la littérature (43) : la dérivation bilio-pancréatique semblait responsable de davantage de fausses couches, aucune relation n’a pu être établie de façon formelle entre carence en vitamines (et certaines vitamines en particulier) et ces évolutions défavorables de la grossesse après chirurgie de l’obésité. ❚❚Les autres vitamines concernées De plus, la vitamine A est, d’autre part, loin d’être la seule concernée par les carences nutritionnelles fréquentes au cours de la grossesse. Des déficits en vitamines B9-B12, D et K ainsi qu’en protéines, fer et calcium ont été rapportés dans la littérature (46). A l’instar de la vitamine A, un certain nombre d’entre elles sont susceptibles de provoquer retards de croissance in utéro ou anomalies congénitales telles que microphtalmie bilatérale. Il est de plus fort Tableau 1- Fréquence des grossesses compliquées après chirurgie bariatrique. D’après Abodeely (43). Complications DBP BPG Population générale Fausses couches 130/506 (25,7) 17/182 (9,3) (10-12) Mort-nés 3/303 (1,0) 1/164 (0,6) (1-2) Malformations congénitales 9/303 (3,0) 1/123 (0,8) (0,7) Faibles poids de naissance 55/303 (18,2) 10/123 (8,1) (5-10) DBP : dérivation bilio-pancréatique ; BPG : by-pass gastrique Pourcentages entre parenthèses Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 57 DOSSIER tout savoir sur la Vitamine A tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER probable et sans en avoir clairement démontré le mécanisme, que ces différentes carences interagissent entre elles. Conclusion L’hypovitaminose A est fréquente après chirurgie bariatrique, en particulier la dérivation bilio-pancréatique. La diminution rapide et intense du taux sérique de la vitamine A indique impérativement la supplémentation orale (50 000 UI/jour), susceptible dans la majorité des cas de stabiliser le taux sérique au long cours (17). Après by-pass gastrique, cette supplémentation n’apparaît pas systématique du fait d’une fréquence moindre de la survenue d’une carence. La genèse de l’hypovitaminose A fait très probablement appel à des carences croisées en vitamines, oligo-éléments et protéines, très couramment observées après chirurgie bariatrique majeure. Les conséquences graves de la carence en vitamine A chez l’adulte demeurent rares et réversibles ; elles sont le fait d’une noncompliance prolongée et très souvent non spécifique. Chez la femme enceinte, la carence est fréquente, la plupart du En pratique La grossesse après chirurgie bariatrique Bien qu’il n’existe pas de preuve formelle, un faisceau d’arguments converge vers un plus grand risque de retard de croissance in utero et d’accouchement prématuré dans les suites d’une chirurgie bariatrique, principalement à type de dérivation bilio-pancréatique en lien avec des carences nutritionnelles mal équilibrées. • Le respect d’un délai minimum de 12 mois après chirurgie bariatrique et la réalisation d’un bilan nutritionnel complet préconception constituent des précautions minimales. • Au cours de la grossesse, un suivi plus régulier (au moins tous les 2 mois) et l’adaptation des posologies de la supplémentation vitaminique, sans compter les apports protéiques, s’avèrent essentiels. Dans le cas précis de la vitamine A, en plus de l’apport oral (seulement disponible sous forme de A 313® à 50 000 UI par capsule) qui peut être augmenté à 150 000 UI/jour, la vitamine A peut être administrée en injection intramusculaire en complément (vitamine A NEPALM® 200 000 UI par ampoule). Dans les situations aiguës, des formes intraveineuses sont utilisables mais seulement en perfusion (Cernevit®, solution multivitaminique à 3 500 UI de vitamine A par flacon). temps non limitée à la seule vitamine A et doit faire l’objet de mesures énergiques. Des dommages graves et possiblement irréversibles sur la vision du nouveau-né sont à redouter même si ces situations demeurent rares et sont essentiellement le fait de grossesses débutées dans un contexte d’hypovitaminose sévère. Malgré les réserves que l’on peut avoir vis-à-vis de la dérivation bilio-pancréatique en général, et chez la femme en âge de procréer en particulier, les données actuelles ne permettent sans doute pas de contre-indiquer cette procédure chez des jeunes femmes (41, 46). n Mots-clés : Vitamine A, Chirurgie bariatrique, Grossesse, By-pass, Dériviation biliopancréatique, Prématurité, Malformations Bibliographie 1. Parker RS. Absorption, metabolism, and ytransport of carotenoids. FASEB J 1996 ;10 :542-51. 2. Botella-Carretero JI, Balsa JA, Vázquez C et al. Retinol and α-Tocopherol in Morbid Obesity and Nonalcoholic Fatty Liver Disease. Obes Surg 2010 ; 20 : 69–76. 3. Chaves GV, Pereira SE, Saboya CJ, Ramalho A. Nutritional status of vitamin A in morbid obesity before and after roux-en-Y gastric bypass. Obes Surg 2007 ; 17 : 970-6. 4. Kimmons JE, Michels Blanck H, Carlton Tohill B et al. Associations Between Body Mass Index and the Prevalence of Low Micronutrient Levels Among US Adults. 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Gastric by-pass surgery in morbidly obese pa- Bulletin d’abonnement à Diabète & Obésité • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 75 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) Diabète 56 Frais de port (étranger et DOM TOM) q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 http://www.diabeteetobesite.org/ q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... Prénom : . .............................................................................................................. Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. Code postal : . .........................Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ; Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ...................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le : Cryptogramme : *(bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) Signature obligatoire e 59 tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER 3 Carences en vitamine A Quelle sémiologie ? n Les Egyptiens et les Grecs anciens traitent l’héméralopie (perte de vision crépusculaire) entre 460 et 325 avant JC avec le foie rôti du bœuf. De nombreux manuels de médecine préconisaient le foie animal à travers le monde, bien avant de connaître la vitamine A… Pr Patrick Ritz Histoire Les premières descriptions de sécheresse cornéenne datent du 18e siècle en Angleterre avec une croissance retardée et des infections plus fréquentes. Les lésions cornéennes sont décrites comme les taches de Bitot, d’après le nom du Français qui les a décrit, et qui correspondent à l’accumulation de cellules kératinisées et de bacilles. Au début du 20e siècle, des chercheurs montrent que la croissance de jeunes rats est améliorée, avec réduction des maladies et augmentation de la survie, si un extrait de beurre, de jaune d’œuf ou de lait est ajouté à l’alimentation. Ils nomment alors cet extrait « facteur liposoluble A » puis « vitamine A ». Dans le même temps, des pédiatres danois montrent que pendant la première guerre mondiale, les orphelins élevés avec du lait écrémé, de l’orge et de l’avoine étaient sujets à une croissance faible, une kératomalacie et des infections fréquentes. Dans les années 1930, la relation entre infection et concentration plasmatique ou urinaire de vitamine A est suggérée alors qu’un traitement par vitamine A est * Service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, CHU de Toulouse 60 proposé pour réduire les conséquences de la rougeole des enfants et de la fièvre puerpérale des femmes. Georges Wald obtient le prix Nobel pour avoir élucidé en 1967 le cycle visuel, impliquant la vitamine A. L’OMS, la FAO et les organisations humanitaires ont proposé de nombreux manuels pour le diagnostic et le traitement de la vitamine A, chez les enfants et dans les pays pauvres. Figure 1 – Signes cliniques de la xérose conjonctivale. les bâtonnets de la rétine. C’est un bon signe clinique de carence, régressif avec le traitement. Xérose conjonctivale Les signes cliniques de la carence en vitamine A Les signes oculaires de la carence en vitamine A sont les plus spécifiques. L’héméralopie L’héméralopie est souvent le premier signe de carence en vitamine A : elle se traduit par une difficulté à voir en lumière réduite. Dans de nombreux pays où la carence en vitamine A est endémique, la langue locale comporte un mot spécifique pour désigner ce trouble. Les parents constatent parfois que leur enfant est maladroit dans le noir ou ne reconnaît pas les gens dans une pièce mal éclairée. Ce trouble est dû à une diminution de la rhodopsine dans Le signe suivant est l’assèchement de la conjonctive ou xérose conjonctivale. Les taches de xérose ressemblent à des bancs de sable à marée descendante. La conjonctive perd son brillant, s’épaissit, se ride et parfois se pigmente (Fig. 1). Elle s’accompagne parfois de taches de Bitot (X1B) (Fig. 2), plaques triangulaires et blanchâtres qui parsèment les conjonctives. A l’examen de près, elles ressemblent à de la mousse avec des tas de bulles minuscules. On peut les enlever. Si l’on observe des taches de Bitot sans xérose, elles sont dues à une autre cause. Xérose cornéenne Le stade suivant est la xérose cornéenne, assèchement de la cornée qui a d’abord un aspect brumeux Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER puis granulaire à l’examen simple. Il est suivi d’un ramollissement avec fréquemment des ulcérations et des zones de nécrose. Ulcères cornéens Les ulcères cornéens sont habituellement ronds et ont l’air découpés à l’emporte-pièce. Ils peuvent être petits au début, puis s’étendre vers le centre et occuper la majeure partie de la cornée. L’ulcération peut aboutir à une perforation de la cornée, à un prolapsus de l’iris, à une perte du contenu de l’œil et à un état appelé kératomalacie (Fig. 3). Ces lésions touchent les deux yeux mais sont souvent décalées dans le temps. A ce stade, l’enfant est souvent très malade avec parfois une forte fièvre. Si le traitement intervient alors que l’ulcère cornéen est de petite taille, il va guérir en laissant une taie dont la taille et la localisation vont déterminer l’impact sur la vision. Xérophtalmie La xérophtalmie du fond d’œil apparaît parfois à un stade précoce à l’examen à l’ophtalmoscope sous forme de points blancs parsemant la périphérie du fond d’œil. Ils disparaissent avec le traitement. Figure 2 – Taches de Bitot. Figure 3 - Kératomalacie. ralopie en zone d’endémie est très en faveur du diagnostic. Les autres effets de la carence en vitamine A ont surtout été décrits chez l’animal. Chez un jeune ani- Chez un jeune animal carencé, le retard de croissance est net et, bien que cela ne soit pas prouvé, il en est probablement de même chez l’enfant. Diagnostic Ces signes oculaires permettent le diagnostic clinique, surtout à partir d’un certain stade. La xérose et les ulcères sont faciles à voir et ne peuvent être confondus avec le trachome qui touche plutôt la conjonctive de la paupière supérieure. Une notion d’héméDiabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 mal, le retard de croissance est net et, bien que cela ne soit pas prouvé, il en est probablement de même chez l’enfant. Bien que le déficit en vitamine A déprime l’immunité, des études récentes au Ghana, en Inde, en Indonésie, au Népal, au Soudan et en République-Unie de Tanzanie n’ont pas démontré que l’incidence des maladies infectieuses communes était plus faible chez les enfants qui avaient reçu des doses régulières de vitamine A. La fréquence des infections Les patients carencés en vitamine A sont plus fréquemment sujets aux infections sans qu’elles aient un caractère spécifique. C’est particulièrement le cas chez les femmes enceintes et allaitantes. Il est estimé que la carence en vitamine A est responsable d’une surmortalité de 20 % au cours de la rougeole des enfants, de 24 % en cas de diarrhée, de 20 % en cas de paludisme et de 3 % dans les autres pathologies infectieuses. 61 tout savoir sur la Vitamine A DOSSIER Anémie et métabolisme du fer En 1978, Hodges et al. ont montré que des volontaires sains nourris avec une alimentation pauvre en vitamine A développaient une anémie d’autant plus marquée que les concentrations plasmatiques étaient plus basses. Il fallait 1 à 2 ans de cette alimentation pour que les taux plasmatiques de vitamine A baissent. La supplémentation en le fer au niveau hépatique et splénique et en ne le rendant pas disponible pour l’hématopoïèse. Signes cutanés La carence en vitamine A induit une phrynodermie ou “peau de crapaud”. Ce terme a été utilisé par Nicholls en 1933 pour décrire les modifications cutanées d’ouvriers indiens carencés. La phrynodermie La carence en vitamine A induit une phrynodermie ou “peau de crapaud”. vitamine A faisait augmenter les concentrations en hémoglobine. Les données épidémiologiques confirment cela. L’anémie peut être hypochrome ou hypochrome et microcytaire. La contribution des infections (donc d’une anémie infectieuse ou inflammatoire) est discutée. La vitamine A perturbe le métabolisme du fer en captant n’est pas spécifique d’une carence en vitamine A. Elle a aussi été décrite lors de carences en acides gras essentiels, en vitamines B, C et E. Il s’agit de papules kératosiques folliculaires, distribuées de manière symétrique sur les coudes et les genoux. La face dorsale et latérale des avant-bras, les cuisses et les jambes peuvent parfois être touchées. Les plis sont rarement atteints. Chaque papule comporte un bouchon kératosique central, filiforme ou conique, centré ou non par un poil coupé. Une squame ferme l’ostium folliculaire. Ces lésions donnent à la peau un toucher râpeux. Les lésions peuvent parfois être plus grandes, formant des cratères mesurant entre 2 et 6 mm et remplis de kératine. D’autres anomalies cutanées peuvent être observées telles qu’une hyperpigmentation diffuse ou une xérose qui est en partie liée à l’atrophie des glandes sudorales et sébacées. Sur le plan muqueux, on peut observer une langue dépapillée, une chéilite angulaire, une inflammation de la muqueuse jugale. n Mots-clés : Vitamine A, Carence, Héméralopie, Xérose, Kératomalacie, Xérophtalmie, Fer rendez-vous de l’industrie Contrôle glycémique Roche : pour une prise en charge structurée du diabète L es divisions Diabetes Care et Professional Diagnostics de Roche Diagnostics France ont proposé fin 2011 dans toute la France, en partenariat avec les laboratoires de biologie médicale un cycle de conférences pluridisciplinaires à destination des professionnels de santé consacré à la santé de la femme pendant la grossesse. Ces sessions étaient l’occasion d’échanger autour des dernières recommandations de prise en charge et de partager les actualités en la matière. Trois thématiques y étaient abordées : • le diabète gestationnel : un an après l’élaboration du 1er consensus, comment ces recommandations sont-elles suivies ? Quelles sont les répercussions sur la prise en charge des patientes ? • Grossesse, diabète, thyroïde et biologie : quels sont les enjeux de la visite préconceptionnelle ? Comment se prépare une grossesse, notamment en cas de diabète ? Que faire lors d’antécédent de pathologie thyroïdienne ? Faut-il évaluer systématiquement la fonction biologique thyroïdienne avant ou en début de grossesse ? •62 Les infections transmissibles de la mère à l’enfant pendant la grossesse : quelle prévention et quelle prise en charge aujourd’hui ? Quels sont les outils diagnostiques disponibles ? Le cycle devrait reprendre en 2012 dans plusieurs villes françaises. n Association médicamenteuse AMM américaine pour l’association linagliptine/metformine B oehringer Ingelheim Pharmaceuticals, Inc. et Eli Lilly and Company ont annoncé le 1er février dernier, que la Food and Drug Administration (FDA) avait autorisé la mise sur le marché de Jentadueto™ (linagliptine/chlorhydrate de metformine) comprimés, association de l’inhibiteur de la dipeptidylpeptidase 4 (DPP-4), la linagliptine et de la metformine. L’association linagliptine/chlorhydrate de metformine, comprimé unique en deux prises par jour, est une nouvelle option thérapeutique, réservée aux patients diabétiques de type 2 qui ont besoin de contrôler leur glycémie. La linagliptine (5 mg, une fois par jour) est commercialisée sous le nom de marque de Tradjenta™ (linagliptine) comprimés aux Etats-Unis, de Trajenta™ en Europe et au Canada et de Trazenta™ au Japon, ainsi que sur d’autres marchés. n Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 NUTRITION Malaises après une chirurgie par by-pass Quels conseils alimentaires ? n Le by-pass est une technique de chirurgie bariatrique qui consiste à réduire le volume de l’estomac et de modifier le circuit alimentaire. Elle a 3 effets principaux : la restriction alimentaire par le volume, la satiété rapide et la malabsorption Pascale Martini*, Sophie Rampin* D eux types de malaises peuvent survenir après un by-pass gastrique : le dumping syndrome et les malaises hypoglycémiques. Le dumping syndrome Le dumping syndrome est un malaise général qui survient rapidement après une prise alimentaire, entre 15 et 30 minutes. Il résulte de l’arrivée brutale dans l’intestin grêle des aliments. Il survient souvent après une chirurgie de l’estomac, conséquence d’une vidange trop rapide : les aliments passent trop vite dans l’intestin. Les principaux symptômes sont : • adrénergiques (palpitation, sensation de chaleur, sueurs, pâleur, peau moite) ; • digestifs (nausées, douleurs abdominales, diarrhées, borborygmes) ; • vasomoteurs (fatigue intense, besoin de se coucher ou de s’as*Diététiciennes, Toulouse Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 seoir, somnolence, cela peut aller jusqu’à la syncope). La plupart du temps, il se produit dans les deux premières années après le by-pass. Sa prévalence est d’au moins la moitié des patients opérés. Les malaises hypoglycémiques Les malaises hypoglycémiques sont plus rares, ils sont dus à une sécrétion d’insuline trop importante. Ils arrivent entre 1 et 3 heures après une prise alimentaire. Ils apparaissent en général 1 an après la chirurgie. La prévalence est de 0,2 à 1 % des patients opérés (2, 3). La glycémie descend en dessous de 0,50 g/l en postprandial. Ce sont des hypoglycémies qui pourraient être apparentées réactionnelles (4). Les symptômes peuvent être : • adrénergiques (tremblements, iSt oc kp et - © jamesben inconvénient la possible apparition de malaises. ho to (suivant la partie de l’intestin dérivée) (1). Elle a pour principal faim) ; • neuroglucopéniques (difficulté à parler, difficulté à la concentration, troubles de la vision, fourmillements, diminution de la force, troubles de l’équilibre, changement de comportement, troubles de l’humeur, ils peuvent aller jusqu’à la syncope). Alimentation de prévention L’alimentation de prévention de ces deux types de malaises est similaire, mais elle doit être plus stricte avec les hypoglycémies. Elle se compose de plusieurs principes. Suppression totale des glucides ajoutés En effet, pour le dumping syndrome, l’arrivée massive d’aliments hyperosmolaires dans la lumière intestinale crée le malaise. Pour l’hypoglycémie, c’est une réponse insulinique forte qui crée l’hypoglycémie. Les glucides ajoutés à suppri63 NUTRITION Tableau 1 - Index glycémiques (5). Index glycémique élevé (supérieur à 70) À ÉVITER Index glycémique moyen (entre 55 et 70) SELON TOLÉRANCE Index glycémique bas (inférieur à 55) À CONSOMMER Sodas (80-100) Baguette (95) Carottes cuites (90) Bonbons (80) Cracottes (80) Purée de pomme de terre (80) Céréales au blé soufflé (80) Frites (75) Biscottes (70) Pain blanc (70) Pomme de terre bouillie (70) Pain d’épices (70) Croissant (67) Mars® (65) Confiture (65) Pâtisserie (65) Crème glacée (61) Riz blanc (60) Pizzas (60) Pain de seigle (50) Muesli nature (50) Chocolat (50) Pain aux céréales (45) Pâtes (45) Céréales All Bran® (51) Carottes crues (40) Légumes secs (30-40) Compote sans sucre ajouté (35) Yaourt parfumé (35) Yaourt 0 % édulcoré (15) mer sont : • le sucre (saccharose) ; • les boissons sucrées (sodas, sirop, jus de fruits…) ; • les confitures, biscuits, bonbons, miel, glaces, pâtisseries, pains sucrés. Limitation des lipides Une consommation excessive de lipides peut aussi créer une sensation de malaises proche du dumping syndrome, et elle est quantité dépendante. Fractionnement de l’alimentation La répartition de principe dans le cadre des malaises post by-pass • Au petit déjeuner : une prise de glucides complexes sous forme de pain complet ou de céréales complètes sans sucre ajouté, associée à de la matière grasse et à un laitage ou d’aliments source de protéines. • Aux repas : l’association viande ou équivalent avec féculents et légumes est indispensable, les desserts ne seront plus pris lors des repas car le volume de l’estomac ne permet pas une prise alimentaire supérieure à 300 ml. • Les collations sont indispensables pour couvrir les besoins en protéines, fibres, calcium et vitamines du patient. Elles peuvent être composées de fruits, de céréales, de produits laitiers mais de préférence en mixant glucides, protéines, lipides et fibres. Les collations devront être prises même sans sensation de faim en évitant les prises alimentaires trop rapprochées (grignotages). L’alimentation doit être réalisée en 5 à 7 prises. Ne pas boire pendant les repas Il ne faut pas boire pendant les repas pour deux raisons : • la boisson prend la place de l’alimentation ; • et dans le cadre des malaises, elle accélère la vidange gastrique. Préférer systématiquement les glucides complexes associés aux fibres Le fait d’ajouter des fibres permet de ralentir l’absorption des glucides. • Pour le dumping syndrome : féculents et légumes. 64 • Pour les hypoglycémies : féculents non raffinés et légumes. Associer les glucides aux protéines et aux lipides Cela ralentit l’absorption des glucides. téines ou lipides), du traitement de l’aliment (cuisson, traitement industriel, surgélation) et de la maturation de l’aliment (fruits) (Tab. 1). n Mots-clés : Chirurgie bariatrique, Malaise, By-pass, Alimentation, Repas Limitez les aliments à index glycémique élevé en prise isolée L’index glycémique varie en fonction de la qualité de glucides, de l’état de l’aliment (solide ou liquide), de la quantité de fibres présentes dans l’aliment, de la richesse en autres nutriments (pro- Bibliographie 1. Obesity-diet.com 2. Ritz P, Hanaire H. Hypoglycémies après chirurgie de l’obésité. Diabète & Obésité 2010 ; 5 : 83-8. 3. Poitou C. Connaître les pièges du suivi après by pass gastrique pour obésité. Cahier de Nutrition et de Diététique sept 2011. 4. Slama G. Hypoglycémies réactionnelles ou fonctionnelles. Medecine des maladies métaboliques, sept 2011. 5. Brand-Miller J. L’index glycémique. Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Découvrir Les maisons de l’Aide aux Jeunes Diabétiques De la prise en charge de l’enfant à la recherche clinique Michel Cahané*, Carine Choleau** Introduction 1 921, F.G. Banting et C.H. Best découvrent l’insuline. 1922, les premiers extraits de pancréas (l’insuline) sauve le jeune Léonard Thompson atteint de diabète insulinoprive. En ce quatre-vingtdixième anniversaire, il est intéressant de faire la rétrospective d’une aventure humaine hors du commun. © DR L’association Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD), reconnue d’utilité publique, repose sur la volonté d’accompagner l’enfant et sa famille dans la gestion quotidienne de son traitement du diabète et la certitude que le partage du savoir médical et scientifique contribue à l’autonomie des jeunes et de leur famille. L’organisation des maisons de l’AJD a contribué à améliorer la vie des jeunes et à formaliser les valeurs fondatrices de l’éducation thérapeutique. Assurer la vie Si l’année 1921 est un tournant majeur dans la prise en charge du diabète (on pouvait ne plus en mourir !), il n’en reste pas moins que la prise en charge est restée exclusivement médicamenteuse assortie de prescriptions restrictives tant sur le plan alimentaire que sur le plan physique. Assurer le vivre mieux l’AJD, son Histoire Les besoins fondamentaux évoluent avec les cultures, les connaissances et le temps. * Endocrinologue, Directeur général AJD, Paris ** Chargée des missions scientifiques de l’AJD, Paris Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Une dizaine d’années plus tard, LCF Neud de Détroit fait sortir les enfants de l’hôpital en créant un mini centre d’été (Summer camp) pour quatre jeunes enfants, dans un cottage appartenant à un patient diabétique. En 1951, 17 centres d’été recevaient 2 000 enfants diabétiques aux USA (1). Là, naissaient les premiers essais de formation et d’éducation au traitement du diabète. A cette même période, Henry Lestradet, jeune interne français, part aux EtatsUnis où il rencontre Bill Talbert, plusieurs fois champion de la coupe Davis de tennis et patient diabétique insulinotraité. Cette rencontre permet de formaliser une avancée thérapeutique majeure en montrant l’intérêt d’adapter les apports glucidiques et les doses d’insuline aux besoins changeants de l’organisme. Là, naissait pour certains la reconnaissance de l’expertise patient. Comprenant mieux la physiologie de la maladie, les équipes françaises dont les initiateurs principaux étaient H. Lestradet (Paris), J. Besse 65 Découvrir (Paris), R. François (Lyon), Ch. H. De Menibus (Rouen) ont permis d’imaginer une sortie rapide des enfants hospitalisés. Vivre comme les autres ou presque Comme tout un chacun, enfants, adolescents, parents, avec ou sans diabète, expriment des besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime, d’épanouissement. L’expression de ces besoins et leur hiérarchie sont parfois contrariées par le diabète qui, à l’expression aiguë et à la prise en charge chronique, favorise l’organisation et le développement de comportements de soins plus ou moins adaptés. Les premières expériences réussies Les premières expériences réussies d’éducation médicale des jeunes dans un environnement ludique avec mise en situations (2) ont incité patients et soignants, parmi lesquels on citera H. Lestradet et J. Besse, avec l’appui du Pr R. Debré, à créer l’AJD en 1956. Les buts de l’AJD De la culture de Santé Publique au développement de la Démocratie sanitaire et de la loi Hôpital Patient Santé Territoire, l’AJD rassemble pour : • défendre les intérêts collectifs et particuliers, • partager les valeurs de respect, de solidarité et de progrès, • mettre en œuvre et rendre plus efficientes les stratégies d’éducation, d’acquisition des compétences de soins et des compétences psycho-sociales, • favoriser une prise en charge et un traitement plus performants. Cet esprit et cette prise en charge ont permis à l’association d’être 66 Une action originale au triple défi 1. L e défi de l’enfant pour acquérir l’autonomie en apprenant à gérer ensemble d’abord puis seul son diabète 2. L e défi des équipes soignantes et d’animation pour réussir une éducation thérapeutique originale 3. C elui d’adapter les programmes d’éducation, d’évaluer les progrès, d’assurer une dynamique de groupe, d’assurer les relations enfantsadultes en collectivité et d’assurer les apprentissages tout en organisant de nouvelles scènes et de nouveaux rôles. pionnière dans l’éducation thérapeutique des jeunes patients et de leurs familles en les reconnaissant comme expert : capacité d’acquérir et de mettre en œuvre des compétences de soins et des compétences psycho-sociales d’adaptation (3). Les maisons de l’AJD ou Soins de Suite et de réadaptation (SSR) pédiatriques Les maisons de l’AJD ne sont ni des écoles, ni des colos. Les soignants hors de l’hôpital au cœur du jeu et des soins deviennent naturellement plus empathiques. des compétences de relations interpersonnelles, développer un raisonnement créatif, gérer ses émotions, se connaitre soi-même. La valorisation de soi devient un outil pédagogique et thérapeutique intéressant alors que les études ont montré que le poids des problématiques sociales impactaient plus le traitement que le choix du traitement en lui-même(4). L’activité SSR saisonnière Cette activité prise en charge par l’Assurance Maladie depuis 1956, a permis l’accueil de plus de 20 000 enfants, correspondant à environ 50 000 séjours. Aujourd’hui, les enfants sont ac- L’activité SSR saisonnière prise en charge par l’assurance maladie depuis 1956 a permis l’accueil sur cette période à nos jours de plus de 20 000 enfants. Ces postures et clefs sont utiles à la compliance et à l’observance du traitement par les jeunes pour le “faire vraiment”. L’apprentissage des compétences d’auto-soins et d’adaptation et de stratégie facilite pour les adolescents la transition au passage adulte. Les temps collectifs et individuels aident les jeunes dans leurs réalisations : s’évaluer, se renforcer, se fixer des buts, résoudre les problèmes, développer cueillis sur 9 centres répartis sur 7 régions dont un centre à l’île de la Réunion. Vingt-deux sessions enfants seuls et 4 sessions parentsenfants organisées exclusivement pendant les vacances scolaires ont permis de réaliser en 2011, 1 101 séjours enfants et 68 séjours parents et fratries, correspondant à 19 891 journées éducation pour un budget global annuel de 1 500 000 euros. Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Les maisons de l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD) © DR de six ans devrait avoir la possibilité de participer à un séjour d’éducation médicale Parent-Enfant s’il le souhaite » (extrait des travaux et des conclusions du Haut Comité de Santé Publique et de la troisième Conférence Nationale de Santé, année 1998 - Recommandations du parcours de soins de l’enfant diabétique Haute Autorité de Santé 2006 et 2007 (5)). Les objectifs bio-psycho-sociaux représentent l’essentiel des indications. Encadrement Les séjours sont encadrés par un médecin directeur, pédiatre ou diabéto-endocrinologue ou un médecin ayant acquis une expérience “maison” reconnue et incontestable. Le médecin directeur est aidé par un médecin adjoint qui assure entre autres la continuité des soins. Les étudiants en médecine (1 pour 15 enfants), les infirmières diplômées (1 pour 20) complètent l’équipe soignante. Nous regrettons depuis 2011 l’absence d’élèves infirmiers(ères) qui, depuis l’évolution universitaire des écoles, ne peuvent plus faire leur stage pendant les vacances scolaires. Du côté éducatif et vie quotidienne, la direction, sous le contrôle de la jeunesse et des sports, est confiée à un directeur éducatif diplômé BAFD et à des animateurs (1 pour 8 enfants voir 1 pour 6 pour les plus petits) diplômés BAFA ou en stage pratique. Tout est mis en œuvre pour préparer les équipes pluridisciplinaires aux organisations collectives et aux prises en charges individuelles. Du reste, encadrés par les “seniors” les jeunes soignants trouvent dans les séjours SSR-AJD une formation incomparable. 14 Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 facultés ont reconnu l’AJD comme terrain de stage validant. 72 % des externes sont venus dans le cadre de ces stages. En 2011, du côté de la filière soignante, 183 personnes ont participé à l’encadrement des séjours ; pour la filière animation, ce sont 181 personnes. Quand un séjour de l’AJD estil indiqué ? Un séjour AJD s’avère très utile et est indiqué : • pour les enfants qui ont un diabète récent, nécessitant une première expérience de formation médicale extra-hospitalière (nécessité d’acquérir le savoir, le savoir-faire, tout en s’assurant du bon épanouissement de l’enfant), • pour les enfants qui ont un dia- Le médecin, l’enfant et sa famille évaluent ensemble l’intérêt et l’opportunité d’un séjour AJD. Prescription et contre-indication d’un séjour Comme pour une prescription médicale, le médecin, l’enfant et sa famille évaluent ensemble l’intérêt et l’opportunité d’un séjour AJD. Le bénéfice de celui-ci dépend de la bonne connaissance des effets attendus et des éventuels “effets secondaires”. Le ministère de la santé recommande (conférence nationale de santé) « Tout enfant diabétique de plus de six ans devrait participer à un séjour d’éducation médicale. Tout parent d’enfant diabétique de moins bète plus ancien, nécessitant une remise à niveau des connaissances (rappel des acquis), • pour tous les enfants qui ont un diabète, momentanément en “crise de confiance” et en perte d’autonomie (nécessité d’améliorer l’adhésion au traitement), • pour les enfants qui possèdent les connaissances théoriques, mais qui éprouvent des difficultés de mise en œuvre (nécessité d’acquérir le savoir-faire dans les techniques d’injections, les conduites alimentaires, l’adaptation des doses d’insuline) (6), • pour les enfants et les adolescents qui se sentent seuls avec leur diabète. 67 Découvrir Effets secondaires Ils sont d’autant plus rares que l’indication a été bien posée. L’analyse régulière des nombreux paramètres définissant l’intérêt des séjours le montre régulièrement, même si ce que l’on attendait en priorité (l’équilibre glycémique du moment) n’est pas toujours au rendez-vous ! Les différents types de séjours Contre-indications • Séjour Enfant seul De 6 à 8 ans Les nouveaux apprentissages sont liés au développement et à l’acquisition de la lecture. Au moment des repas, l’enfant expérimente ses connaissances (reconnaissance des familles d’aliments, classement des aliments dans leur famille…) et développe l’apprentissage des goûts. Pour l’adaptation de son traitement, il lit et dit le chiffre de la glycémie, explique le carnet de traitement, reconnaît ses insulines. Elles sont exceptionnelles et sont liées essentiellement à l’inaptitude physique (les activités physiques sont les outils essentiels de la prise en charge), aux comportements dangereux pour l’enfant lui-même ou pour la collectivité ou aux pathologies associées qui nécessitent des compétences que l’équipe n’aurait pas ou un plateau technique spécifique. Objectifs d’éducation L’objectif premier n’est pas seulement de soigner l’enfant, mais de lui apprendre à se prendre en charge. Les erreurs aussi lui permettent de progresser. L’éducation en séjour AJD a pour buts de développer l’autonomie à chaque instant de la vie quotidienne (loisirs et soins), de l’aider à changer le regard des autres et de se faire des amis. Chacun prend en charge son diabète petit à petit, à son rythme, dans un climat de détente et de confiance, en présence d’une équipe médicale et d’animation. L’éducation thérapeutique est organisée à partir de programmes validés et autorisés par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Au-delà du renforcement des apprentissages de “savoirs techniques” tels que surveiller la glycémie, reconnaître les signes d’une hypoglycémie, identifier les aliments qui contiennent des glucides…, les séjours SSR-AJD sont un moment privilégié pour qu’enfants et parents 68 • Séjour Parents-Enfants Les rencontres permettent de rompre l’isolement des parents et de l’enfant, de partager avec d’autres parents qui vivent avec le diabète, mais ont des expériences et un recul différents, d’apprendre aux familles à partager les tâches et soins en respectant les besoins et souhaits de l’enfant et de sa famille, de faire reconnaître aux parents les compétences de leur enfant face au diabète et les aider à développer son autonomie. De 9 à 10 ans En plus des objectifs précédents, le jeune reconnaît un menu équilibré, cite les aliments qui contiennent des glucides, dit que les glucides font monter la glycémie. En terme de surveillance, il recherche l’acétone quand nécessaire et interprète le résultat, il situe le résultat d’une glycémie sur une échelle, il se repère et utilise son carnet. Les nombreuses activités physiques lui permettent d’apprendre à interpréter sa glycémie avant le sport, de savoir quand prendre une collation et quand ne pas pratiquer l’activité. De 11 à 14 ans L’accueil des enfants de 11 à 14 ans, permet de répondre à leurs besoins : comprendre le fonctionnement de son corps et les mécanismes du diabète pour mieux interpréter les résultats et adapter les conduites à tenir, comprendre et interpréter les résultats des analyses quotidiennes, comprendre les différents éléments influençant l’équilibre glycémique, profiter des différentes activités pour réfléchir sur les possibilités d’anticipation ou de correction des variations de l’équilibre glycémique et expérimenter des conduites à tenir. De 15 à 17 ans L’année prochaine, je pars seul : les objectifs des 11-14 ans sont renforcés. Mais aussi : l’adolescent utilise ses expériences pour décider d’une adaptation de son traitement et de son alimentation, il apprend à gérer les situations de vie dans lesquels le diabète a une influence (maladie, soirées, grasse matinée…). développent des actions adaptatives et pro-actives en situation, tout en étant accompagnés de soignants. On retiendra plus spécifiquement les compétences d’adaptation du cadre et du mode de vie à la maladie. Les études cliniques dans les centres Parmi les différentes études réalisées régulièrement dans les séjours SSR-AJD, nous avons retenu celles qui ont particulièrement Diabète & Obésité • Février 2012 • vol. 7 • numéro 56 Les maisons de l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD) influencé la prise en charge du diabète de ces jeunes et la formation des cadres de nos séjours. à la recherche des facteurs ayant un impact sur l’équilibre du diabète Dès les années 1980, l’analyse des dossiers de 456 jeunes de 7 à 18 ans participant à un séjour AJD montrait que l’HbA1c était corrélée au sexe, aux performances scolaires, au temps passé devant la TV, aux activités sportives et au comportement alimentaire (7). Au début des années 1990, il est mis en évidence dans une cohorte de jeunes l’impact des lipodystrophies sur l’équilibre du diabète et cela dès les premières années de la maladie (8). La qualité de vie : un lien avec l’HbA1c plus fort que le traitement Plus récemment, l’étude rétrospective des dossiers de plus de 8 000 jeunes a montré d’importants changements des schémas thérapeutiques au cours des dix dernières années, mais peu de changement de l’HbA1c (amélioration de 0,2 % en dix ans) (9). De ce constat, est née une étude réalisée en 2009 pour réévaluer la corrélation entre schémas thérapeutiques et HbA1c, niveau de connaissance et qualité de vie. L’HbA1c moyenne des 446 jeunes âgés de 12,5 ans (± 2,4) était de 8,07 ± 1,06 %. Elle était significativement plus basse avec la pompe (7,88 ± 0,88 %) qu’avec le basal bolus (8,12 ± 1,14 %) ou les autres schémas (8,21 ± 1,11 %). Malgré ces différences, une analyse multivariée a montré que l’HbA1c était bien plus fortement corrélée à la qualité de vie qu’aux schémas thérapeutiques (10). Des questionnaires pour évaluer En parallèle, un projet impliquant les participants des séjours SSRAJD, la Commission Pédagogique de l’AJD, 2 900 enfants de plus de 10 ans et 3 050 parents de 33 services hospitaliers pédiatriques, a permis d’évaluer, à l’échelle nationale, les connaissances chez les adolescents ayant un diabète de type 1 et leurs parents. Dans cette large cohorte, il a été montré que les scores de connaissances des enfants étaient corrélés à ceux des parents, et que l’HbA1c était faiblement corrélée aux scores des enfants mais fortement corrélée aux scores des parents (11). Ce questionnaire de connaissance composé de 50 questions est maintenant utilisé dans tous les séjours, et permet à titre individuel et collectif d’évaluer l’état des connaissances à un moment donné, et son évolution dans le temps. Enfin, en 2010, les techniques d’injection d’insuline et les ressentis des jeunes participant aux séjours SSR-AJD, ainsi que leur corrélation avec l’équilibre glycémique et la qualité de vie, ont été analysés chez 400 jeunes de 10 à 18 ans. Outre la description des gestes techniques et leur concordance avec les recommandations, il a été montré que la peur de se piquer était corrélée significativement à la qualité de vie et à l’HbA1c, indépendamment de l’âge (12). Ces résultats nous incitent à encourager l’autoévaluation de ces paramètres et à prendre en compte la douleur et la peur des injections dans le suivi n des jeunes. Bibliographie 1. Sweeny JS. The South’s first full summer camp for diabetic children and observations on use of NPH insulin. South Med J 1951 ; 44 : 115760. 2. Lestradet H, Seynaeve A, Delage D, Noel R. The first French summer camp for diabetic children. Rev Prat 1953 ; 3 : 2149-52. 3. Cahane M, Vias M. L’Aide aux jeunes Diabétiques (AJD). 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Diabete Metab 1993 ; 19 : 195-201. 9. Robert JJ, Redon I, Taupin P, Cahané M. Intensifying insulin treatment in type 1 diabetes: evaluation over 10 years in 8176 children and adolescents attending diabetes camps. 35th Annual Meeting of the International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD), Ljubljana, Slovenia, september 2009 10. Robert JJ, Choleau C, Attia R et al. Therapeutic regimens, diabetes knowledge, quality of life and HbA1c in children and adolescents with diabetes attending summer camps. Pediatr Diabetes 2011 ; 12 (Suppl 15) : 85 (Abstract). 11. Martin D, Taupin P, Bouchetata M et al. ; AJD Educative Committee. Validation of a questionnaire of knowledge for type 1 diabetes children and adolescents and their parents. 34th Annual Meeting of ISPAD, Durban, august 2008 12. Choleau C, Kakou B, Aubert C et al. Study of insulin injection technique in type 1 diabetes children and adolescents. Pediatr Diabetes 2011 ; 12 (Suppl 15) : 97 (Abtract). 69